Centre-ville de Seikusu / Faites vos jeux, rien ne va plus ! [June Williams]
« le: dimanche 05 septembre 2021, 00:46:50 »L’atmosphère des casinos était toujours aussi… enivrante. Elle représentait un savant mélange de tout ce qui permettait de garder les clients dans une euphorie constante : des lumières presque aveuglantes, des sons de jackpot presque incessants pour laisser croire qu’il y avait des gagnants à tous les coins de la pièce, d’élégantes hôtesses et d’élégants hôtes pour attirer les regards et déconcentrer les parieurs ou leur servir d’agréables boissons à déguster. Asep’Timusoth comprenait pourquoi Asmodée n’avait jamais eu de mal à titiller la fibre « joueuse » des Mortels. À voir les complexes qu’ils étaient capables de construire pour enfermer les leurs dans un labyrinthe de jeu, muré d’or et d’argent, et pavé des espoirs déçus de tous ceux qui espéraient faire fortune entre ces murs définitivement maudits. Mais ici, le Démon était comme un poisson dans l’eau. Il se nourrissait presque de tout ce qui se passait entre ces murs et il n’avait pas été très difficile d’y trouver un travail comme croupier. L’Incube s’était présenté avec une solide expérience de tous les jeux possibles et imaginables et ses talents naturels avaient suffi à convaincre le responsable des ressources humaines, qui n’avait même pas cherché particulièrement à s’intéresser au passé de son futur employé. Mais à le croire, il y avait suffisamment de turn-over dans les candidatures pour dégager aux premiers soucis les employés qui ne seraient pas au niveau, ce qui convenait à la créature des Enfers, suffisamment pour ne pas se soucier davantage du processus de recrutement. On l’avait installé à de petites tables pour qu’il fasse ses preuves mais, depuis quelques jours, il avait pris possession d’une bonne table de blackjack. Mise minimum suffisamment élevée pour éviter les touristes curieux, il avait le droit à des clients plus chevronnés, et, surtout, avec davantage d’argents à perdre. Le Démon s’était offert le luxe d’une liberté durement arrachée à un invocateur retors. Heureusement, ceux qui se pensaient à l’abri étaient souvent ceux qui étaient, au final, les plus faciles à berner, même si cela demandait un peu de travail de fond. Une fois cette nouvelle âme expédiée aux Enfers, Asep’Timusoth avait pris une apparence plus locale et s’était fondu dans la société. Après quelques jours passés à observer les Mortels, il était temps de s’amuser davantage. Son nouvel emploi en poche, il avait profité de son temps libre pour s’acoquiner avec quelques-unes de ses collègues, sans parler de quelques clients qu’il avait réussi à manipuler, principalement lors de leurs mauvaises séries sur des tirages pourtant imperdables. L’argent était véritablement le nerf de la guerre dans ce monde et l’attachement des Mortels pour cette notion par ailleurs totalement superficielle et artificielle, qu’il était presque trop facile d’obtenir quasiment n’importe quoi d’eux dès que l’on faisait miroiter l’opportunité d’en récupérer. Certains, cependant, accusaient simplement leur malchance pour la nuit et prenait la chose avec beaucoup de sagesse. Ce n’était pas aussi bon pour les affaires pour l’Incube mais ces personnes-là méritaient une once de respect de la part de ce dernier. Après tout, il n’y avait aucun respect à avoir pour ceux qui vendaient une part de leur âme pour quelque chose d’aussi inutile, et il allait y avoir un peu de travail une fois de retour aux Enfers. Peut-être même qu’Asmodée se chargeait déjà d’accueillir ces pauvres hères elle-même, en leur faisant découvrir les charmes d’une existence dans un monde où la souffrance pouvait être poussée à un paroxysme inédit, puisqu’ils ne disposaient plus de leur qualité de Mortels pour sombrer dans les bras de l’inconscience ou de la mort elle-même pour les en délivrer. La soirée venait de commencer. Le casino s’éveillait tranquillement de sa léthargie de l’après-midi et les clients commençaient à remplir l’espace. Asep’Timusoth, ou plus exactement, Zackary venait de prendre son service et s’était installé à sa table. Ses cheveux mi-long châtain avaient toujours un peu de mal à se discipliner mais son employeur ne lui en tenait pas trop rigueur. Après avoir récupéré de quoi alimenter sa banque de jetons, il avait commencé à distribuer les cartes pour entamer les différents paquets présents dans le mélangeur. C’était un peu dommage de ne plus avoir à manipuler les cartes, mais, au moins, on ne pouvait pas accuser le croupier de tricher, même si, bien entendu, personne ne savait qu’il était un Démon et que, notamment, il pouvait s’amuser à utiliser ses dons pour pimenter quelque peu les parties. Toutefois, il n’avait généralement pas besoin d’aider la chance pour faire perdre ceux qui pensaient en avoir une. Peut-être découvrirait-il quelqu’un d’intéressant ce soir ? C’était aussi le charme du croupier : de temps en temps, il y avait la possibilité de discuter entre deux parties, de découvrir des tranches de vie, ou des justifications, parfois minables, qui poussaient les acteurs concernés au vice. Quelles seraient les histoires de ce soir ? |