Liara se recula prudemment, près de Krysh, alors que les bruits de pas et les coups de feu se rapprochaient.
«
Que se passe-t-il ? »
Elle eut d’elle-même la réponse à sa question quand deux colons débarquèrent, en sueur. Kyltharn, qui allait tirer, retint son doigt sur la gâchette, et recommença à respirer. Liara vit alors que l’un des deux hommes était en sang, et que son armure était déchiquetée, comme si d’énormes griffes l’avaient transpercé. Le soldat tomba sur le sol, tandis que l’autre semblait surtout paniqué.
«
Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça veut dire ?! -
Capitaine ! s’exclama l’un des soldats.
Nous... Nous sommes les seuls... -
Quoi ?! Où sont passés les autres ? Que... Mais qu’est-ce qui s’est passé, bordel ?! »
Il se rapprocha de l’homme qui était blessé. Ce dernier n’arrivait pas à parler, et des spasmes douloureux agitaient son visage, alors que ses yeux tremblotants regardaient Kyltharn. Liara commença alors à réaliser que les autres scientifiques étaient morts.
«
Ca... Capitaine... Il faut partir, vite... Ils... Innombrables... »
Kyltharn secoua la tête.
«
Putain, mais c’est quoi ce merdier ? On dirait qu’il a été attaqué par une sorte d’énorme bestiole... »
Le soldat blessé se mit alors à éternuer, et cracha du sang sur la joue de Kyltharn. L’une de ses mains agrippa alors fermement l’épaule de son supérieur, alors qu’on pouvait discerner une franche terreur dans ses yeux.
«
Ne panique pas, soldat, tu vas t’en sortir, tiens bon. »
Kyltharn avait du médi-gel dans une trousse, et entreprit de s’y rendre... Quand l’autre soldat l’agrippa par les épaules.
«
Putain, Capitaine, il faut se BARRER d’ici ! Ils sont derrière nous, merde ! Il faut se TIRER !! »
Ses yeux étaient exorbités, défigurés par la peur. Kyltharn le repoussa vivement, tandis que Liara, indécise, restait dans son coin. Elle ne comprenait rien à ce qui se passait devant elle, comme si elle était dans un film. Tout ça ne pouvait pas vraiment arriver, elle n’était qu’une simple archéologue... Or, elle savait que quelque chose de grave était en train d’avoir lieu. Ce colon avait perdu la raison, regardant frénétiquement autour de lui. C’est ainsi que son regard finit par capter celui de Liara. Surprenant Kyltharn, il s’élança alors vers la femme, et l’empoigna par les épaules. Liara poussa un hurlement de surprise, et se retrouva poussée contre un mur.
«
VOUS ! C’est de VOTRE faute ! C’est VOUS, vous et vos copains DÉGÉNÉRÉS, salopards d’aliens, qui nous avez faits ça ! Vous les avez réveillés ! Vous les avez réveillés, réveillés, RÉVEILLÉS, infâme salope !! »
Le colon gifla alors Liara, qui en tomba à la renverse. Personne n’avait jamais levé la main sur elle, pas même Benezia, sa redoutable mère.
«
WALKER ! WALKER, BORDEL DE MERDE !! »
Furieux, Kyltharn poussa Walker, et lui hurla dessus :
«
Vous risquez la cour martiale ! Arrêtez vos conneries ! »
Walker regarda tour à tour Kyltharn, Liara, avant de rire nerveusement, pleurant à moitié. Il secoua négativement la tête.
«
Vous comprenez pas, Capitaine... On va crever ici... Cet endroit ne devait pas être retrouvé... On les as réveillés... Cet endroit, Capitaine... C’est une foutue prison, rien de plus... Ceux qui se sont enfermés là-dedans sont morts, j’ai vu leurs tombes ! Ils se sont sacrifiés, on peut pas sortir !! »
Kyltharn s’était rapproché de Liara, mais Krysh était déjà là. L’Asari était plus surprise qu’autre chose, mais se massait tout de même la joue. Elle comprenait mieux pourquoi les Asaris se battaient rarement entre elles... Voire même jamais. Ce n’était pas dans le tempérament sage et calme des Asaris. Elles voyaient la violence comme des réactions primitives, suscitées par la peur. Cependant, elle devait bien admettre qu’elle ressentait la peur, jusque dans ses tripes. Kyltharn entendit alors le soldat blessé gémir, émettant des râles. Tyll était près de lui, essayant tant bien que mal de le soigner avec son OmniTech, mais il était en train de tourner de l’œil, de s’agiter convulsivement.
«
Ca... Capitaine... »
L’homme essayait de parler. Kyltharn devait probablement lui dire d’économiser ses forces, mais il savait quand il était inutile d’espérer. Walker avait toujours été quelqu’un avec des nerfs solides. Qu’il craque à ce point signifiait qu’il était psychologiquement à bout.
«
Ca... Ca... Capitaine, aaahh... »
La respiration de l’homme était lourde, et Kyltharn prit sa main, fermement.
«
Ça va aller, mon gars, ça va aller... »
Il se mit à cracher de nouvelles gerbes de sang.
«
Vous... Vous... Fuir... Vi... »
Kyltharn entendit alors un bruit sourd, et se redressa, portant la main à son fusil d’assaut. Il avait entendu un bruit de pierre qui s’égratignait, et enclencha sa lampe-torche, ainsi que les autres soldats.
«
Soldats ! En formation ! »
Ils étaient
là. L’homme le sentait. Silencieusement, il observait autour de lui, le faisceau de sa lampe-torche éclairant les murs. Walker était en train de pleurer lentement. Kyltharn relevait le faisceau, observant le plafond. Il y avait des striures partout, et il continua à l’éclairer, lentement, de gauche à droite. Les hommes qui étaient avec lui n’étaient pas de simples fermiers, mais des soldats expérimentés. Il avait confiance en eux. Un silence pesant s’installa, alors que les soldats se déplaçaient lentement. Walker se tenait la tête entre les mains.
«
J’veux pas finir comme ça, non, j’veux pas crever, j’veux pas crever, j’veux pas crever... -
Putain, Walker, fermez-là ! -
Non, non, j’avais ma permission dans une semaine... Ma copine... Je devais voir notre enfant... -
Mais fermez votre gueule ! »
Kyltharn avait besoin de se concentrer. Il crut capter brièvement une silhouette sombre dans le faisceau de sa lampe-torche, et remua cette dernière. Rien. Est-ce qu’il était en train d’halluciner ? Le colon blessé se mit à éternuer à nouveau, crachant du sang, vomissant ses tripes en se tortillant sur le sol. Kyltharn serrait les dents, restant près des scientifiques. Il n’oubliait pas ses ordres de mission : surveiller les scientifiques, les secourir. Dans de telles circonstances, un militaire se raccrochait à ses exercices, comme un naufragé à sa bouée de sauvetage.
Walker secoua la tête, et se mit alors à courir vers la sortie.
«
Walker ! Walker ! »
Kyltharn vit Walker rejoindre la sortie... Avant de pousser un hurlement en disparaissant subitement. Kyltharn dut cligner des yeux, pour se persuader de n’avoir pas entendu une illusion d’optique. Il entendit alors un hurlement déchirant, qui suivait un bruit de déchirement, et vit du sang s’épaissir devant la porte, formant une flaque écarlate qui se répandait sur les pierres.
*
Si rapide... Je n’ai rien vu...* songea alors Kyltharn.
Liara était près de Krysh, et retint un cri. Ils n’étaient effectivement pas seuls, et Kyltharn regarda autour de lui, soupirant plus nerveusement. Ils étaient là, ils les narguaient.
«
Ca... Au... Au secours, aaahh... »
Liara écarquilla des yeux, comprenant que le soldat Walker n’était toujours pas mort. Elle sentit des larmes monter vers ses yeux, devant l’horreur d’une telle scène.
«
Il faut l’aider ! -
C’est un piège, rétorqua Kyltharn.
Si nous allons l’aider, on mourra. »
Comment diable pouvait-on avoir un esprit aussi vicieux ? Liara ne le comprenait, et regarda nerveusement autour d’elle. Dans l’obscurité ambiante, elle ne voyait rien. L’écran vert éclairait faiblement la pièce. Où étaient ces monstres ? La situation était de plus en plus tendue pour elle, et elle commençait à comprendre la réaction paniquée de Walker. Ce dernier gémissait faiblement, et Liara crut l’entendre essayer de ramper, car elle discernait des bruits de mouvements. Réalisant probablement que les proies ne tomberaient pas dans ce piège, Liara entendit des bruits de pas plus sourds, comme des cliquètements. La respiration de Walker devenait lourde et haletante, alors qu’on pouvait l’entendre ramper... Avant qu’il ne pousse un bref soupir, tranchant, et que Liara entende le bruit de la chair qu’on éclatait. Elle ferma les yeux, comprenant que la proie était morte.
L’Asari sentait la peur s’envahir dans son cœur, alors que Kyltharn continuait à observer le plafond. On pouvait entendre des bruits venant du plafond, comme si quelque chose marchait, mais Liara n’arrivait pas à les voir. D’où venaient ces bruits ? Elle ne comprenait pas ce qui se passait, et restait près de Krysh, sans sentir la présence qui descendait lentement le long du mur, derrière eux. La créature hésita entre les deux proies, et opta pour celle qui semblait être la plus corpulente, soit la plus dangereuse. Le long de son dos, un long appendice caudal se dressa, formant une longue queue couverte d’épines mortelles, dont l’extrémité était une pointe acérée. Le coup partit rapidement.
Liara entendit Krysh gémir à côté d’elle, et sentit surtout sa main se raffermir sur son épaule. Sursautant, Liara tourna la tête vers elle, et vit que ses yeux ne la fixaient pas, et qu’il avait les dents serrés. En baissant la tête, elle écarquilla alors les yeux, sous l’effet de la stupeur, en voyant que quelque chose de noir ressortait du corps du Turien. Une espèce de longue pointe qui se mit à tournoyer. Liara entendit alors des grondements derrière elle, et se retourna subitement, alors que la queue se retirait. Liara se retourna.
«
ICI ! » hurla-t-elle.
Le Marine proche d’elle orienta son fusil d’assaut, et capta une silhouette noire contre le mur. Une sorte d’
abominable monstre. Le Marine se mit à hurler en faisant feu. Les détonations déchirèrent l’air, et le monstre, immense, se déploya alors en bondissant vers le Marine, s’écrasant sur lui. L’homme hurla quelques secondes, avant que la gueule du monstre ne se plante dans le cou de l’homme, et ne lui arrache sa peau, faisant jaillir le sang.
«
On fout le camp !! »
Liara était comme incapable de bouger, avant que la main de Kyltharn ne l’attrapa à hauteur de l’épaule. Un autre Marine avait été tué, une queue le décapitant, transformant soin cou en une éruption de sang. Kyltharn courut vers le couloir, et Liara eut un bref regard vers une traînée de sang... Walker. Elle ferma les yeux, et se mit à courir, en compagnie de Tyll et de Kyltharn. Ce dernier tirait derrière lui lorsqu’une forme jaillit d’un mur, fauchant Tyll. Elle poussa un hurlement de douleur.
«
Ici le Commandant Shepard, est-ce que quelqu'un me reçoit sur cette fréquence ? Répondez ! »
Kyltharn ne réfléchit pas en entendant l’appel radio, et répondit instinctivement :
«
Le site est compromis !! Le site est compromis !! Ne... »
Sa radio se mit alors à crépiter, et Kyltharn pesta. Il avait voulu leur dire de ne pas rentrer, de les attendre à l’extérieur. Pour l’heure, le Marine n’en était pas au stade de se demander comment, comme par magie, des individus avaient réussi à lui parler, ni pourquoi celle qui avait parlé était son héroïne. Il ne pensait qu’à une chose : survivre, et sauver Liara.