Ce cauchemar semblait enfin approcher de sa fin. Sarah et Garo se retrouvèrent sur la berge, surplombant l’eau. Tekhos Metropolis avait été conçue le long d’un large fleuve, et la ville elle-même était séparée par plusieurs affluents. D’ailleurs, le fleuve était si grand par endroit que GWC avait installé ses usines en plein milieu, fabriquant une grande île artificielle pour implanter le GéôDome. Il n’était pas visible depuis leur position, et elle se demandait si Garo ne venait pas de là à la base. Elle quittait l’île avec beaucoup de questions, peu de réponses, et une ville entière à leurs trousses.
*
Encore un peu, et on dirait le scénario d’un mauvais film d’espionnage...*
Elle regarda une dernière fois Garo, et ouvrit la bouche pour s’assurer qu’il était prêt à y aller :
«
Tu... » entama-t-elle.
Puis Garo bondit brusquement. Un superbe plongeon de cinq ou six mètres, avant de disparaître dans l’eau. Sarah pesta sur place.
*
Les hommes !*
Elle inspira ensuite, puis sauta à son tour. Quand son, corps disparut dans l’eau, le
Witchblade réagit en conséquence. Avec une telle armure, aussi lourde, elle aurait normalement dû couler à pic. Après tout, quand un chevalier en armure de plates sautait dans l’eau avec son armure, il ne pouvait que se noyer. Mais le
Witchbladeavait déjà prouvé être en mesurer de défier les lois de la physique. L’armure le fit encore. Le heaume recouvrit la tête de Sarah, et elle constata qu’elle pouvait respirer, tout en pouvant voir assez clairement, ce qui était d’autant plus impressionnant que l’eau du fleuve était assez polluée. Les firmes comme GWC ou BIOGENIX rejetaient après tout leurs saloperies dans l’eau, et les stations d’épuration des eaux ne suffisaient pas à nettoyer les eaux usées rejaillissant dans le fleuve.
*
Comment est-ce possible ?*
Des branchies artificielles étaient apparues sur l’armure, témoignant encore une fois des capacités phénoménales d’adaptation de l’artefact, pour n’importe quel environnement. Sarah avait perdu Garo de vue dans cette purée de pois, et nagea rapidement. Elle restait sous l’eau, et, dans l’obscurité, vit à un moment un halo blanc en hauteur, signe d’un hélicoptère survolant les environs. Elle continua ensuite à nager, le courant la faisant elle aussi dévier. Il y avait une bonne vingtaine de mètres à faire pour rejoindre l’autre côté du cour d’eau, et elle vit le mur de soutènement, puis remonta à la surface.
Le heaume se retira quand sa tête émergea de l’eau, et nagea sur le côté, lentement, cherchant un moyen de grimper. Elle avisa finalement une berge, et grimpa à son tour. Pas de trace de Garo autour d’elle, ce qui l’amena à monter les marches. Elle rejoignit ainsi un parking situé à l’arrière de plusieurs entrepôts, éclairé par quelques lampadaires. Au-delà des entrepôts, il y avait d’énormes gratte-ciel, témoignant du fait qu’ils étaient bien revenus au centre-ville. Sarah soupira doucement, et commença à marcher lentement, avant d’entendre la voix de Garo.
Elle s’approcha du rebord surplombant une autre berge, et s’appuya sur la rambarde.
«
Je suis là-haut, Garo ! »
Le temps qu’il la rejoigne, Sarah s’approcha des voitures. Difficile pour elle d’aller récupérer sa voiture de service, et elle ne comptait pas se promener dans les rues de la ville avec un fugitif recherché. Avisant
une élégante voiture aux vitres fumées, elle s’en approcha, et posa sa main sur la poignée de la porte. Encore une fois, le
Witchblade agit pour elle, se faufilant à travers la portière, repérant les circuits électroniques du véhicule, et les déverrouilla. Un signal sonore se fit entendre, et Sarah ouvrit la porte.
«
Montez » ordonna-t-elle à Garo.
Elle se faufila à l’intérieur de la voiture, et nota la présence d’un tableau de bord, comprenant un système téléphonique intégré. Le
Witchblade disparaissait déjà du corps de Sarah,
lui deeppinkonnant une apparence plus commune. Elle écarta la liste de contacts du possesseur du véhicule, tout en sachant que celui-ci pourrait la retrouver ensuite. Ces voitures disposaient d’une balise de géolocalisation, et elle ne comptait pas la désactiver.
Sarah composa un numéro pendant que Garo se sanglait, puis démarra ensuite. Le moteur électrique marchait bien, et, sans un bruit, mais avec le ronronnement des pneus sur le bitume, Sarah sortit des entrepôts. Sarah se pinça nerveusement les lèvres, tandis que la sonnerie résonnait dans l’habitacle de la voiture.
*
Ce n’est pas de gaieté de cœur que je l’appelle, mais je n’ai pas le choix...*
La connexion finit par s’établir, et Sarah reconnut la voix sensuelle de l’assistante personnelle de Yulia,
Katherine.
«
Qui êtes-vous ? -
Katherine, c’est Sarah ! »
Il y eut un léger moment de flottement. Du doigt, Sarah demanda à Garo le silence.
«
Ce n’est pas l’un de tes numéros, Sarah... -
J’ai eu quelques soucis... -
Je vois... Des soucis qui sont liés au Deeppink Corner, je suppose ? -
Comment est-ce que... ? -
J’ai une télévision, au cas où tu l’ignorerais. »
Sarah ne trouva rien à ajouter. Katherine était une femme avec qui elle avait déjà fait l’amour, généralement en compagnie de Yulia, qui avait su s’entourer de deeppinkoutables beautés. Il fallait bien admettre que le look de Katherine ne laissait pas Sarah de marbre.
«
J’ai besoin d’une planque sûre, Katherine, est-ce que tu peux en parler à Yulia ? -
Rien que ça ? Dans quel genre d’emmerdes est-ce que tu te trouves actuellement, Sarah ? »
La policière regarda Garo pendant quelques secondes. Elle n’aimait pas ça. Yulia n’était pas une femme désintéressée. Si Sarah lui demandait un service, elle devrait tôt ou tard devoir en payer le prix. Mais, honnêtement, elle avait épuisé toutes ses cartes, et elle était plus ou moins sûre que son appartement devait être surveillé.
«
Passe juste le message à Yulia, Katherine, tu peux faire ça ? -
Oh, je peux faire tout ce qu’on me demande, moi... -
Je te remercie... Et dis à Yulia que je l’appellerai. -
Et, comme je suppose que tu as perdu ton téléphone portable, où est-ce que je t’envoie l’adresse ? -
Euh... »
Elle allait proposer ce numéro, mais la police finirait sûrement par retrouver ce véhicule, et par éplucher l’historique des échanges.
«
Bon, je vois... Écoute, trésor, tu iras à la consigne de la gare centrale d’ici une heure, et tu demanderas le nom de Yulia, ok ? -
Merci, Katherine. -
Tu me remercieras quand tu auras la facture. »
La conversation téléphonique se coupa ensuite. Sarah ferma les yeux pendant quelques secondes, avant de soupirer lourdement, puis regarda à nouveau Garo.
«
Au cas où ça vous aurait échappé, je viens de m’endetter pour vous sauver les miches. »
Qu’on ne vienne pas dire, ensuite, qu’elle n’accomplissait pas dignement son serment !