La zone industrielle / "Appelle-moi Dolly" {PV Sonya}
« le: samedi 30 janvier 2021, 00:27:50 »Ma notoriété montante est effrayante. Je ne sais pas quoi faire de tout ça. A l’annonce que « Charlie » est en réalité une femme, la communauté de mes fans a pris feu. Une petite guerre a éclaté sur internet. Il y avait celles et ceux qui ne voulaient pas y croire (certains n’y croient toujours pas). Eux, ils y allaient de leur théories fumeuses.
« Une manière de se faire de la pub. » « Ils pensent que ça passera pour plus scandaleux. » « Vous avez vu le physique de cette Mona ? Celle qui dit être Charlie ? Une petite actrice porno au rabais qu’ils ont payés pour les apparitions publiques ! »
Il y avait celles et ceux qui y ont cru, mais ne l’ont pas accepté.
« Une femme ne peut pas écrire des trucs pareils ! C’est dégueulasse ! On nous a menti ! » « C’était quoi son problème ? Elle n’assumait pas ?! » « Comment peut-on laisser une jeune femme écrire de telles choses ! »
Il y avait celles et ceux qui trouvaient ça cool. Avant-gardiste.
« C’est une artiste. » « Elle est douée, alors qu’est-ce qu’on s’en fou ?! »
J’ai toujours lu et je lis toujours les commentaires avec beaucoup d’attention. Ils me font rire. Les haters me permettent d’avancer, les passionnés, me donnent envie de continuer et de m’améliorer. Ce n’est pas tous les jours facile d’écrire. Rendre mes textes dans les temps, ce n’est pas ce en quoi j’excelle et ma bipolarité n’aide pas. Pourtant, je suis devenue célèbre. Ma notoriété reste à l’échelle de l’univers alternatif du porno, mais elle n’en reste pas moins présente. Depuis plusieurs mois, mon visage, mes courbes, sont partout. Surtout dans les tabloïds. Car je suis Mona Duval, jeune et scandaleuse.
Et j’aime ça.
« C’est ce soir, la vente aux enchères. »
« Oui. Ce soir… »
« Tu te sens comment Mona ? »
« Excitée comme une puce ! »
Et c’est vrai ! Je n’arrive à réaliser que dans quelques heures, je vais être vendue au plus offrant et l’acheteur ou l’acheteuse car nous n’avons pas mis de règle, aura le droit de faire de moi ce qu’elle désire pendant un week-end complet.
« Mona… »
« Hhhh. Bien. Très bien même. Ne t’en fais pas.
« Tu sais que si… »
« Jona ! Je t’en prie. Nous en avons discuté et…ne t’en fais pas. Si ça ne va pas, je peux toujours le dire et nous repousserons simplement ou rembourserons la personne. »
« Tu es sûre que ça va te permettre d’écrire plus ? »
« Il le faut Jona ! la dernière fois que j’ai suivi mon instinct, tu as vu ce que ça a donné ? »
C’était mon idée, d’avouer au public que les bouquins sur lesquels ils se masturbent sont écrit par une femme. Et d’autres lubies, comme cette vente aux enchères, m’ont permis d’écrire des livres qui se vendent plutôt bien. Après, je vous avoue que de savoir si les gens les lisent ou les brûlent, ça, je m’en contre fou. J’écris et ça se vend.
« Arrête de me regarder comme ça Jona et va te préparer pour ce soir. »
« Tu ne crois pas que la tenue, la cage, tout ça, c’est un peu… »
« Too much ? Mais c’est tout moi ça ! Tu vas finir par le comprendre à force ?! »
Jona est devenu mon assistant il y a un an, quand je suis entrée dans la maison d’édition. Il rêve de devenir éditeur, mais manque beaucoup de confiance en ses talents. Nous nous sommes rencontrés dans un bar il y a quatre ans et ne nous sommes plus quittés depuis. Je me suis toujours dit que travailler avec des amis, ce n’était pas une bonne idée, mais je retire. Si votre ami est quelqu’un de bien, comme Jona, alors même si vous devenez son boss, votre amitié ne risque rien.
La vente aux enchères est une vente privée. Les amis, d’amis, de Danny, mon agent, nous ont enregistré, moi comme objet et Tamiko comme propriétaire, auprès du commissaire. Ils n’ont posé aucune question quand ma jeune amie leur à dit sur ce ton si ferme, qui la défini :
« Je viens vendre ceci. Elle me fatigue. »
Jona s'est désisté au dernier moment. "Je ne peux pas faire ça."
Pour ce soir, j’ai été habillée par des costumiers. Une robe chinoise, appelée « Qi Pao », je ne suis pas certaine de la prononciation, de couleur noire. Finement brodée, elle épouse parfaitement mes formes et l’on ne distingue rien de la petite robe que je porte en-dessous.
Les maquilleurs également ont su faire un beau travail. Je ressemble à s’y méprendre à une poupée de porcelaine. Je ne parle pas si on ne m’adresse pas la parole et je me laisse docilement conduire, gracieuse et délicate. Derrière les rideaux de la petite scène, j’entends les gens s’installer. L’excitation monte.
Nous avons mis beaucoup de temps et d’énergie dans cette mascarade. Les avis étaient partagés sur le bien fondé de cette expérience. Je ne sais pas pourquoi, mais moi, ça me paraissait et me paraît d’ailleurs toujours, une expérience très excitante. Il nous fallu plus de temps cependant pour trouver une vente aux enchères assez folle pour permettre la vente d’un être humain, qu’il ne nous en fallu pour créer la trame derrière mon histoire. Il m’a fallu signer des tas de papiers, pour assurer nos arrières, au cas où quelqu’un, n’importe qui, surtout aujourd’hui, ne porte plainte pour traite de blanche.
Je m’étire doucement, m’installe dans la petite cage dorée. Dans les coulisses, il y a une petite valise, avec quelques accessoires de jeu entre adulte. Entre autres chose, mon acheteur pourra choisir parmi les quelques tenues que la maison d’édition a sélectionnées.
Les personnes présentes ont reçu en arrivant un dépliant avec les objets mis en vente. J’ai été ajoutée à la fin, histoire de ne pas faire fuir les plus réticents trop rapidement.
« Dolly ; Poupée vivante qui sera à votre service un week-end. Vous la possèderez corps et bien durant exactement 48h à compter de votre signature au bas du contrat. Contrat, qui vous sera donné en même temps que l’objet et ses quelques accessoires, lors du règlement de votre achat. »
Suivait quelques renseignements sur mon âge, mes mensurations et mes préférences. Certains vont être choqués, je suppose, mais j’ai envie de voir qui sera assez pervers pour surenchérir devant tout le monde. Quelle que soit l’issue de ces enchères, j’aurai de quoi m’inspirer pour mes futurs écrits.
« Mona, c’est bientôt à nous. Les gens sont chauds ! Cependant, j’en ai vu quelques-uns s’en aller et je ne serais pas étonnée que ce soit pour ne pas assister à ta vente. »
Tamiko a revêtu un tailleur qui lui va à merveille. Sa perruque de cheveux sombres et longs lui donne un air sévère que j’adore et qui m’excite. Elle chasse la main que je passe à travers les barreaux de ma prison.
« Arrête ça ! On entre en scène dans dix minutes. Tu as peur ? »
« Et toi ? »
« Que tu te retrouves avec un vieux dégueulasse… »
« Tami…je suis prête à prendre ce risque. »
« Berk. »
Je fais la fière, mais j’ai peur, moi aussi. De me retrouver avec quelqu’un qui…non pas « ne me plait pas », mais qui me dégoûte. Ce serait le pire qui puisse arriver, car je n’arrive pas à faire semblant, tout en n’ayant pas envie de vexer qui que ce soit.
« Respire Mona. RESPIRE. Tu verras, ce seras bien. »
Je joue avec la tresse qui retombe sur ma poitrine, voyant le rideau se lever après la courte annonce du commissaire-priseur.
« Et notre dernier lot, une poupée vivante qui vous sera confiée durant 48h. N’oubliez pas que l’argent que vous offrez ce soir sera entièrement reversé à une œuvre caritative, parmi celles que vous aurez choisie sur la petite fiche que vous avez remplie en début de soirée. »
Tamiko se tient dans la salle, au fond. Appuyée contre le mur, elle observe les gens, dévisage, comme si elle tente de percer quelque secret bien enfoui. En réalité, elle essaie de deviner qui est susceptible de m’acheter.
« Nous commençons les enchères à… »
Et c’est parti.
Les chiffres grimpèrent peu au départ. Tamiko fini par monter sur scène pour faire grimper tout ça. Sa fermeté et sa beauté froid possèdent ce pouvoir sur les gens, que l’on ne soupçonnerait pas du tout en la croisant dans la rue. Elle prend le micro et me demande de me lever, me sortant ensuite de ma cage. Lentement, tout en ventant mes talents, ma conversation, ma souplesse, elle me fait me pavaner. J’ai la sensation d’être une sorte de…vache à un concours bovin. On me regarde. Des tas d’yeux qui me déshabillent de ma tête, tressée et ornée de bijoux argentés aux pierres sombres, à mes orteils, chaussés de petits souliers chinois sans talon. Je me sens minuscule à côté de Tamiko et ses talons de quinze centimètres.
« Adjugé à la dame au fond ! »
J’entends les mots, mais n’ai pas le temps de voir qui a remporté la partie. Tout ce que je sais, c’est que c’est une femme et je prie pour que ce ne soit pas la septuagénaire aux cheveux mauves de devant. Son rouge à lèvres criard va me filer des cauchemars jusqu’à la fin des temps.
« Tami…c’est qui ? »
Je chuchote tandis qu’elle me conduit à ma cage. Je ne parviens pas à voir le publique. Les spots sont aveuglants et les rideaux se ferment déjà. Et pendant que l’on conduit ceux qui ont achetés quelque chose, vers une autre salle, les autres, qui partent bredouille, se dirigent vers la sortie. Il est tard. Je devrais être fatiguée, mais je suis bien trop excitée.
« Alors ? »
« Sonya quelque chose. Je suis désolé Mona, je n’ai pas vraiment eu le temps de lire son nom avant que le commissaire machin et ton manager là…Danny, ne se tire avec le contrat et la fiche remplie par la femme. »
« Ok… »
« Mais elle n’a pas l’air vieille…c’est tout ce que je peux dire. »
« Super. »
Tamiko m’accompagne jusqu’à Danny et m’abandonne à ses soin avec un baiser sur le front.
« J’aurais voulu rester un peu, par curiosité malsaine, mais je dois vraiment filer. »
Elle embrasse Danny sur la joue et file vers la sortie. Nous restons un instant à la regarder et Danny saisit la petite valise contenant mes affaires et me prend la main.
« C’est fou. Tu es folle. »
« Elle est belle ? »
« Je ne sais pas Mona. Ce n’est pas mon genre. »
« Elle est moche ? »
« …Non. Non je ne dirais pas ça. »
« Mais ? »
« Rien. Je trouve ça stupide, mais si ça te permet de nous pondre un nouveau bon bouquin, alors je ne vais pas…et puis c’est trop tard. »
« Tu aurais pu participer… »
« …Mona. »
« La ferme ? »
Il me fait pénétrer une petite pièce. Me fait asseoir dans un canapé rouge et s’installe en face, dans un fauteuil. Bientôt, la porte s’ouvre. Le commissaire-priseur, un homme de cinquante, peut-être moins, entre et s’installe dans le second fauteuil, aux côtés de Danny. Je les regarde me dévisager. Aucun de nous ne parle, lorsque l’on entend des pas dans les couloirs. La porte est restée grande ouverte. Les oreilles aux aguets, le cœur battant vite et fort, je regarde la silhouette qui se présente. Une grande blonde charismatique.
« Bonsoir, entrez seulement. Nous allons essayer de faire au plus vite. »
Danny ne parle pas. Il juge. Non pas le physique de Sonya, mais ce qu’elle a fait. Acheter un être humain. Le commissaire reprend.
« Installez-vous auprès de Dolly, après tout, elle et vous allez passer le week-end ensemble ! »
On dirait que cet homme prend plaisir à la situation. Ses yeux passent de la cicatrice de Sonya, à mes cuisses dénudées par la robe fendue. Je croise les jambes. Je regarde mes chaussures, puis Danny. Lui, fixe toujours Sonya. Il fini par s’en détourner en se raclant la gorge.
« Il y a un contrat ici, qu’il vous faudra signer. Ce sont les interdictions, les limites de Mo…Dolly. Il y en a peu, mais quand même. En signant, vous vous engagez à nous délivrer la somme prévue et à ne pas réclamer l’argent en cas de…si vous êtes déçue. »
Malgré l’aisance avec laquelle il parle, je sens la nervosité dans le ton de Danny. Il semble répéter ce qu’on lui a dit de dire, sans vraiment y croire. Un véritable mauvais acteur. Au bout d’un moment, il soupire et masse l’arrête de son long nez.
« Désolé madame. Je suis un peu dépassé par tout ça. Je vais me reprendre. Dolly vous est louée pour 48h. Dimanche, à » Il regarde sa montre. Une Swatch discrète. « 22h30. » Il le note de son écriture en pattes de mouche appliquée. « Le mieux…c’est que Dolly vous l’explique. La salle est à vous encore une heure avant la fermeture des locaux. »
Les deux hommes nous saluèrent après les quelques mots échangés avec Sonya et ils nous laissèrent seules, dans cette petite salle, quelque part, dans une usine désaffectée, qui ne sert désormais qu’à ce genre de vente aux enchères, qui allait de l’arme d’un crime à la culotte d’une célébrité et aux rave party.
La porte se ferme et je souris, douce. Tendre.
Cette femme dégage un charisme que je lui envie.
Heureuse. Soulagée.
« Vous voulez boire quelque chose avant que nous ne commencions ? »
Le stylo sur la table, sur les quelques feuilles tapées par mes soins. Je me lève pour ouvrir une fenêtre et laisser le son de la ville venir jusqu’à nous. Puis me dirige vers un petit meuble où ont été disposés des verres. J’en rempli deux avec un peu d’alcool et le dépose devant Sonya.
« A partir du moment où vous signez…vous pouvez me demander tout ce que vous voulez. Il est mis dans le contrat… » Je me penche vers la table, tout en me rapprochant d’elle. « Juste là… » Je lui montre du bout de l’ongle. « Que je suis en mesure de ne rien refuser. Sauf si ça entre dans une des catégories juste ici. » Je fais glisser mon doigt sur le papier blanc. « Scatophilie, violence telle que coups de poing, de pieds, avec objet etc… Je n’accepte pas non plus ce qui n’est pas…hygiénique. » Il y avait une courte liste, telle que la fellation après une sodomie, etc…cela laisse surtout bien voir que je n’ai que peu, voir pas de limite, ou presque.
Je pousse le contrat et le stylo devant Sonya et m’enfonce dans le canapé, incapable de la quitter des yeux. Mais ce n’est pas tant sa cicatrice que j’observe, que ses gestes. Ses mains, ses vêtements, ses cheveux.