Centre-ville de Seikusu / Quand Camille rencontre Camille
« le: samedi 20 avril 2024, 06:36:32 »Loin des poncifs du japon printanier recouvert de fleurs de cerisiers, l'automne étale ses couleurs de façon plus subtile sur Seikusu en ce début de septembre.
Les érables se sont parés de rouges, oranges et jaunes et c'est sous l'un de ceux ci que nous retrouvons Camille, assise dans le parc du temple Kanzenji en fin d'après midi. L'air est frais, les chaleurs de l'été sont passées depuis deux semaines, aussi celle-ci remonte sa pèlerine rouge sur ses épaules avec un léger frisson. Autour d'elle, son sac à dos ouvert comme une corne d'abondance dévoile une partie de sa vie: son petit smartphone dans sa coque à oreilles de chat, quelques livres et cahiers de cours, une trousse gribouillée de messages et un roman de Fritz Leiber. Son casque bluetooth diffuse un morceau de Trip-Hop dans ses oreilles, probablement du Portishead, et le reste de son attention est accaparé par son journal intime.
Camille arbore un petit sourire ravi, témoin d'une journée qui s'est passé aussi bien qu' elle l'aurait pu. Alors certes, il en faut peu à Camille pour s'enchanter des petits plaisirs de la vie, car si l'on met de côté la sévérité de son père, il faut quand même avouer que sa vie est particulièrement facile à vivre. Ses résultats scolaires sont excellents, ses amies sont loyales, elle ne subit pas de harcèlement. Bien que sa famille ne roule pas sur l'or, la petite maison ou elle habite reste confortable et elle n'a jamais connu la faim.
Si Camille est heureuse aujourd'hui cependant, elle le doit à un événement qui n'arrive qu'une fois par an: la photo de classe.
Elle avait spécifiquement choisi ses vêtements pour l'occasion: un petit chemisier blanc a long col, une jupe plissée noire pas trop courte et des longues chaussettes montantes blanches par dessus ses souliers vernis noirs. L'alternance de tons collait à merveille avec la teinte sombre de sa peau délicate bien que sans s'en rendre compte, l'ensemble paraissait annoncer à qui la regardait: "je suis une jeune fille modèle". Elle avait brossé ses cheveux de manière à ce que ses boucles prennent un volume conséquent et un petit noeud rouge venait parfaire le tableau.
Elle avait opté pour le strict minimum de maquillage et le seul bijou qu'elle portait était la petite croix en argent qui avait appartenu à sa mère qu'elle portait plus en souvenir que par conviction.
Si la journée était déjà enchanteresse pour Camille, c'est pourtant un très bref instant qui avait rendu cette séance photo si particulière.
Un regard et un sourire au moment de la photo individuelle. Elle n'était pas tout à fait sûre de la signification de ce sourire d’ailleurs, mais elle se plaisait à penser que c'était plus que de la simple politesse.
Car elle avait flashé sur le photographe. Elle n'était pas non plus très sûre que ce soit un photographe, et ses amies étaient même persuadées que c'était une femme.
Mais cela n'avait pas d'importance pour Camille, de toute façon il y avait peu de chance qu'elle le revoie et la différence d'age rendait toute relation peu probable.
Avec un petit soupir de satisfaction, elle referma son journal, réunit ses affaires en ajusta son sac à dos sur une épaule.
Elle préférait rentrer avant que le soleil ne soit trop bas sur l'horizon.