One Shot / Les Chroniques de Mobius, acte 5
« le: mardi 23 octobre 2018, 20:25:30 »Dany éloigna le téléphone de son oreille pour raccrocher. Mais ce fut inutile, car Diane Valentine l'avait fait avant lui. Depuis le temps qu'ils travaillaient ensemble, et malgré les agissements de sa fille, il bénéficiait encore d'une marge de manœuvre importante. Sans faire preuve de trop de naïveté, telle était sa certitude. Même si le show-biz était un monde de requins, et que l'administratrice avait les dents particulièrement longues, elle avait besoin d'hommes de confiance ; une nécessité renforcée par une certaine affinité personnelle. Bref, pour l'instant, le présentateur s'estimait couvert.
Le lémurien rangea son téléphone dans la poche de son veston. Puis il appuya sur le bouton d'un petit dispositif placé sur son bureau. Il y eut un petit clic d'interphone.
– C'est bon, tu me fais entrer le raton prodige. Oui, son assistant aussi, pourquoi pas.
Il relâcha la pression sur l'interrupteur, tapota vigoureusement le rebord de la table. C'était le matin, tôt – mais Dany était déjà levé depuis un bon moment, et ne paraissait pas du tout engourdi par l'heure. Son lieu de travail seulement deux étages en dessous de celui de sa patronne, mais y ressemblait peu. Le revêtement bois des murs et la moquette rouge donnaient une ambiance cabaret, à la fois chaleureuse et ancienne, pour ne pas dire démodée. Les larges vitres teintées ne laissaient passer qu'une lumière tamisée, chaude. Tout était néanmoins impeccable.
Une humaine ouvrit la porte, et laissa pénétrer dans la pièce le chat et le souriceau. Aussitôt, Dany se leva, et contourna son bureau pour les accueillir. Un costume pourpre simple sur les épaules, il avait un grand sourire aux lèvres.
– Bonjour ! Bonjour ! Timothée, quel plaisir de vous rencontrer ! Oh je sais, on s'est déjà vus, à la réception pour l'ouverture du Magic Kingdom. Mais c'était de loin ! Maintenant, on peut passer aux choses sérieuses.
Le lémurien serra la main de l'hybride – ou plutôt l'attrapa avant même que celui-ci puisse la tendre. On vit qu'il eut un instant d'hésitation pour Marty, et puis il le salua de la même manière, avec un regard vaguement interrogateur. Il n'était pas au courant de tout.
– Asseyez-vous, mettez-vous à l'aise.
Il leur montra les deux confortables petits fauteuil en forme d’œuf devant le bureau, et s'installa derrière. Par rapport aux autres son siège était très surélevé, et le faisait paraître plus grand qu'il ne l'était. Il sortit d'un tiroir un boîtier noir qui, une fois ouvert, révéla quelques très beaux cigares à la bague dorée. Lui-même ne consommait pas régulièrement, ce n'était que pour les invités.
– Vous fumez ? Vous devriez essayez ceux-là, ce sont les meilleurs. Un café ? Autre chose ?
Il claqua des doigts pour commander un café pour lui-même, et éventuellement pour ses invités ; son assistante sortit.
– Ah, on ne va pas faire semblant, cher Timothée ! Pas de ça avec moi. Je sais que la Tech-13, et Canal H… t'inspirent des sentiments partagés. Allez, pas d'euphémisme, même : tu ne travailles pas ici de gaîté de cœur. Je le sais, on m'a dit.
Son ton était sérieux, mais il gardait un aspect démonstratif – assez théâtral – qui le rendait un peu curieux. Il parlait quand même très bien. Il hocha la tête d'un air grave et écarta les bras. Il évitait soigneusement de braquer son regard orange sur Marty.
– Hey, sache que je n'ai pas décidé de te forcer la main. Si ça n'avait tenu qu'à moi, on t'aurait laissé faire ce que tu voulais. Mais maintenant qu'on en est là, mon job c'est que tout se passe bien entre Canal H et toi. Si tu as besoin de quoi que ce soit pour te sentir à l'aise, tu m'en parles, compris ? Ah, tu verras, y'a quelques avantages à être une super star.
Dany décocha un clin d’œil, et se remit à sourire. L'assistante revint pour servir le café.