Place publique / Non madame, il n'est pas dressé (Mélinda Warren)
« le: dimanche 06 janvier 2013, 03:18:51 »Et c'était d'ailleurs un peu près ainsi qu'on l'avait traité. Après qu'il se soit libéré, en brisant les barreaux en bois d'une cellule rustique, on lui avait trouvé une prison plus solide. Le problème, qui n'en était pas un pour ses geôliers, était qu'elle n'était pas prévue pour transporter un humain, ni même un humanoïde. La cage, intégralement de métal, ne présentant qu'une seule face ouverte, grillagée, plus longue que haute, était davantage pensée pour contenir un fauve. Ludowic était obligé d'y demeurer allongé, ou au mieux assis, et ses mouvements étaient très restreints. Il souffrait de tellement de courbatures qu'il n'y faisait même plus attention. On l'avait nourri, comme on l'aurait fait pour un animal carnivore, avec quelques carcasses de poulet crues, ce qui, malgré la médiocre qualité de la viande, ne lui déplut pas vraiment. Il n'avait par contre pas d'autres endroit où faire ses besoins, et ses déjections n'étaient évacuées qu'une seule fois par jour, à heure irrégulière, ce qui le laissait parfois patauger dans sa fange pendant de longues périodes.
Plus que tout, en ce moment, il avait soif. Les quantités d'eau qu'on lui donnait étaient insuffisantes, ceux qui l'avaient transportés avaient vraisemblablement abusé de son endurance qui réduisaient largement les chances qu'il décède des mauvais traitements. L'homme, le marchand à qui il avait été ensuite cédé n'avait pas paru très satisfait de son état, mais il n'avait rien tenté. C'était un revendeur, pas un combattant, et il n'avait aucune envie de prendre des risques à nettoyer une bête dangereuse, certainement capable de l'égorger. Et embaucher un homme de main pour le faire aurait été trop coûteux. De ce qu'il savait, ce n'était de toute façon pas l'intérêt de sa marchandise. L'objet dont il se servait pour détecter la magie, sans y connaître grand-chose par ailleurs, lui avait indiqué un taux exceptionnellement haut, et il avait négocié le prix sur celui-ci.
Ludowic ignorait ce qu'était l'endroit où on avait transporté sa cage. Il voyait une foule, qui passait, légèrement en contrebas : il devait être sur une sorte de petite estrade. Terré en avant, passant les doigts, puis le museau à travers le grillage, il allait réclamer à boire, lorsque la voix du marchand retentit avec force derrière lui. Celui-ci s'écriait des phrases courtes, dans le but d'amener le plus d'intéressés possible, avant de lancer les enchères.
« Créature magique de grand pouvoir ! Jeune vampire Terranide ! Source de magie ! D'une Force exceptionnelle ! D'une vigueur à toute épreuve ! Pièce extrêmement rare, peut-être unique ! Directement arrivé d'une noire forteresse des terres sauvages ! Neuf et en bonne santé ! » Puis il se baissa pour répondre plus confidentiellement à quelques clients potentiels. « Non madame, il n'est pas dressé. Oui, sa fourrure et sa peau sont bien noires, c'est sa couleur d'origine, pas uniquement la poussière, héhé. Non, ses yeux sont rouges mais il n'est pas aveugle, regardez, il vous voit. »
Le jeune terranide lançait un regard mi-courroucée, mi-curieux, à l'homme au crâne tatoué qui avait posé la question, mais se détourna aussitôt qu'il entendit la remarque. Il ne comprenait pas ce qui se passait autour de lui, n'ayant aucune notion d'achat et de vente. Sa mère, souveraine incontestée, n'avait jamais monnayé quoi que ce soit avec ses sujets. Quant à Ludowic lui-même, son service était obligatoire, et il avait toujours pris ce que bon lui semblait, sans se soucier d'un quelconque prix, ou même que l'objet appartienne à quiconque. Les seules fois où il avait vu autant de monde autour de lui, c'était lors de grandes cérémonies où on le présentait au peuple. Mais il n'était pas assez stupide pour croire à un nouvel événement de ce genre. Avalant comme il le pouvait sa salive, qui vint disparaître dans sa gorge sèche et douloureuse, il cherchait à comprendre.
« Bon, on va commencer les enchères, il va être temps » pensa à voix haute l'esclavagiste, tapotant avec une certaine satisfaction sur le haut de la cage.