Messages

1

One Shot / Re : C'est meilleur quand c'est court [Jack Taylor]

« le: mardi 27 septembre 2022, 23:08:08 »

Il se peut qu'Hiromi ait reçu le mail de menaces. Dans ce cas, elle transpire une sueur froide, assise sur son canapé, les coudes sur les genoux et le front sur les mains. Sa jambe droite tressaute nerveusement. Écouter ses propres dirty talks hors contexte a quelque chose de particulièrement gênant ; imaginer d'autres personnes les écouter est proprement angoissant.

"Han-haAaAAan... vas-y défonce moi... fais moi couiner plus foooooOOO-oo-OO--rrrt... AAaa... mmm................oh. Oh... AaaH.... ah ouaaais.... haaan.... oh oui j'suis ta petite chieeeeEEeeEenne, hm-hMMMM ??!.... ooOOaaAAa.... ah oui putain !! Ghhhh.... ghhaaah.... Gnnaaaaa ...."

Elle se concentre à nouveau sur le mail : "Hiromi. Tu es une chienne." On se connait, on dirait ? Oui, probablement. Qui d'autre que l'homme dont elle entend les coups de bassin l'aurait enregistrée ? Un espion à la solde d'un adversaire politique ? Sûrement pas. Elle n'a pas demandé à ce qu'on la fasse couiner (du moins, pas en ces termes exacts) depuis... un certain temps, si sa mémoire est bonne (et sa mémoire est bonne). L'enregistrement date très certainement d'une époque où elle n'avait pas d'importance politique. C'est donc bien son amant qui l'a enregistrée. Elle ferme les yeux et se ré-inflige l'écoute pour la troisième fois.

"Ghhhh.... ghhaaah.... Gnnaaaaa ...."

Elle en est quasiment certaine : on l'étranglait quand elle a produit ce son. Pas mal d'écho sur l'enregistrement : une petite chambre avec peu de meubles ? Son amant avait le coup de rein brutal et sec. Elle fronce les sourcils. Ces petits indices font remonter de vieux souvenirs. Les pièces du puzzle tombent d'elles même en place : le tableau s'éclaircit et révèle le visage trop bien connu du coupable. L'approche la plus rationnelle aurait été d'établir méthodiquement la liste des suspects et de les évaluer un à un, sauf que... la conclusion est trop évidente.

Quel taré. Putain de dealer de merde. Salopard de traître. La colère monte progressivement à mesure que sa certitude se solidifie. Hiromi se redresse et attrape son ordinateur sur la table basse pour le poser sur ses genoux. Elle étire ses doigts, avec l'expression impassible du bourreau qui va mettre à mort. Des réponses cinglantes éclosent en bouquets désorganisés dans son esprit focalisé sur la riposte. Elle va lui répondre, elle va lui faire comprendre ce qu'il est : rien du tout. Putain de traitre. V comme vautour.

Les dents serrées, elle tapote les touches sans rien écrire, hésitant sur la forme de sa réponse. Et alors qu'elle cherche consciencieusement l'angle d'attaque le plus blessant possible, elle prend peu à peu du recul sur la situation. Attends un peu... Quel était l'objectif de ces menaces ? Le mail qu'elle a reçu ne demandait rien. Il ne visait qu'à lui faire peur. Si elle répond, qu'est-ce que cela implique ? Ne risque-t-elle pas d'aggraver son cas, pour le cas où la situation prendrait réellement une dimension médiatique ? Ne soyons pas stupide. Quel est le meilleur coup à jouer ? Cela devrait être la seule question. Ce mail ne contenait aucun chantage. Son seul but était de la déstabiliser, peut-être de la faire réagir. Si j'ignore ce message, il est sans effet.

Son prochain coup est donc décidé : silence radio.


C'est peut être ainsi que les choses ce sont passées. Mais pour autant que le maître chanteur sache, peut-être que le mail a fini dans les spams.

2

One Shot / C'est meilleur quand c'est court [Jack Taylor]

« le: jeudi 15 septembre 2022, 01:14:30 »

Un grand salon dépouillé, murs beiges et carrelage blanc ; de grandes fenêtres qui laissent entrer la lumière orange du soir. Sur les murs des tableaux abstraits qui ne représentent rien, qu'Hiromi n'a pas choisis : ils étaient déjà là quand elle a loué l'appartement deux mois plus tôt. Au centre de la pièce deux imposants canapés disposés en L et une table basse. Sur l'un des canapés, en position latérale de mélancolie, repose une Hiromi molle, qui scroll machinalement dans l'appli twitter de son téléphone, sans vraiment lire.

Daiju était parfait, à supposer que cela soit possible. Il avait le physique idéal d'un bucheron fantasmé, sans cals sur les mains. Il conversait avec un air tranquille et faisait surgir des traits d'humour inattendus avec un sourire retenu qui dessinait une fossette sur sa joue, juste au dessus de sa barbe négligée. Il savait où et quand mettre ses doigts, et il avait un sacré coup de rein. Penser qu'elle ne le verra pas samedi prochain -ni jamais, lui fiche un sale cafard. La rupture est tombée sans prévenir, tôt le matin, par SMS. "Je souhaite changer définitivement de vie. C'est pourquoi je coupe les ponts totalement." Merde.

Rétrospectivement, elle avait été idiote de prendre la relation pour acquise, mais Hiromi ne s'attendait tout simplement pas à être larguée par son gigolo.

Elle soupire. Il faudrait peut être trouver quelque chose à faire, pour sortir de cet état de rumination. Après tout, elle a déjà passé presque toute la journée à ressasser, dans son bureau au local du parti, sans accomplir le moindre travail effectif. Malheureusement, à cet instant rien ne lui parait valoir une dépense d'énergie. Et après tout, rien ne l'empêche de rester amer et de pianoter sur son téléphone, comme un zombie, jusqu'à tomber de fatigue. A pire, elle s'endormira à 2h du matin en ayant gâchée sa soirée. Et demain sera un jour comme les autres.

3

Prélude / Re : You're gonna go far, kid. [Vanéalidée !]

« le: jeudi 25 août 2022, 21:43:04 »

Bon ça fait au moins une personne qui a eu la ref

Merciii !

4

Prélude / Re : You're gonna go far, kid. [Anéa]

« le: mercredi 24 août 2022, 23:53:05 »

En effet je n'ai pas expliqué toutes les abréviations ^^ ; PDC PLD etc, c'est des partis politiques japonais. Et Hiromi est au PDC (Parti Démocrate Constitutionnel https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_d%C3%A9mocrate_constitutionnel_(Japon) ) un parti de centre-gauche. Après t'inquiètes, moi non plus je ne connais pas du tout le système politique du Japon 

5

Prélude / You're gonna go far, kid. [Vanéalidée !]

« le: mercredi 24 août 2022, 01:46:32 »

Nom : Hiromi Makuda
Age : 28 ans
Sexe : Féminin
Race : Humaine
Sexualité : Hétérosexuelle

Quotidien Asahi Shinbun du 10 juin 2020:

Qui est Hiromi Makuda, la militante qui a déstabilisé Toshimitsu Motegi ?

La joute verbale n'a échappée ni aux observateurs politiques ni aux réseaux sociaux. Le 4 juin 2020, une jeune femme de l'opposition destabilisait l'ancien ministre et secrétaire général du LDP. En raison de son jeune age, elle tend à être perçue par le grand public comme une simple militante. Hiromi Makuda est pourtant une politicienne de métier, déjà bien installée au sein du parti d'opposition PDC. En effet, elle y fait son entrée dès 2015, à l'age de 21 ans, un master de l'université d'Oxford en poche [...] Elle est depuis 2018 directrice de cabinet du président du parti Kenta Izumi [...] père immigré des états unis, directeur de recherche en robotique à l'université de [...] mère procureur [...] porte le nom de sa mère depuis 2013 [...] souhaitons lui bonne chance.

12 juin 2020, 15h30:

Les secousses du train font vibrer le MacBook d'Hiromi sur la tablette dépliée devant son siège. L'écran est en mode veille: Hiromi regarde d'un air absent le paysage qui défile derrière la vitre de son wagon de première classe, son esprit optimiste tanguant d'une pensée à l'autre. Elle anticipe son arrivée à Seikusu avec la satisfaction du stratège qui voit ses plans se dérouler mieux que prévu. Les réseaux sociaux parlent d'elle, apparemment; 200k vues en 3 jours pour la vidéo "une militante du PDC HUMILIE Toshimitsu Motegi". L'Asahi Shinbun a publié un article plutôt positif à son égard, ce qui devrait participer à construire son image auprès de son électorat cible. Les chroniqueurs de droite n'ont pas encore commencé à la caricaturer. Probablement que ces demi-habiles cherchent encore quel adjectif pourrait discréditer une femme qui n'est de toute évidence pas hystérique.

Ce pauvre Motegi, quand même. Depuis le temps qu'elle se rêvait écrasant publiquement un de ces vieux conservateurs débiles... on aurait pu croire qu'elle en jouirait le moment venu. En réalité, elle avait surtout dû faire taire son empathie afin de mener son entreprise d'humiliation jusqu'au bout. Elle se rassure en se disant que la leçon était méritée : le vieux Motegi aurait dû réviser ses fiches. Mais pour sa défense, il ne s'attendait sans doute pas à une vraie confrontation ce soir là. La rencontre tenait plus de l'embuscade que de la bataille. Elle connaissait les moindres détails du sujet du jour (les émission de GES du Japon et le réchauffement climatique). Elle le connaissait lui, et toutes ses esquives rhétoriques. Elle avait préparé la rencontre de fond en comble. Si l'aplomb et la rhétorique ne jouaient pas un si grand rôle, on aurait pu dire que l'issue était jouée d'avance. Et pourtant elle était elle-même surprise de la tournure impeccablement cruelle que le débat avec pris, tandis qu'elle recadrait calmement, avec un pointe de sévérité, son adversaire qui tentait en vain de décider la conversation vers des sujets plus familiers pour lui.

Cinq jours. C'est le temps qu'elle avait passé à se préparer; dès que la rencontre lui avait été proposée, en fait. L'équivalent de 10 ou 15 jours pour une personne d'intelligence moyenne, donc. L'estimation est au doigt mouillé, mais n'est probablement pas loin de la réalité. Hiromi a eu tout le temps de se comparer à ses camarades de classes jusqu'à la fin du lycée, à l'age de 15 ans. Puis, à Oxford, les choses sont devenues un peu différentes, elle a-

"Café mademoiselle ?
- ... euh non merci."

...

C'est amusant, lorsque les gens parlent de l'intelligence, la capacité de mémorisation à long terme est rarement la capacité cognitive qui leur vient en premier à l'esprit. Ce n'est pas ce genre d'intelligence qui les fait rêver. Et pourtant, si le commun des mortels avait la mémoire d'Hiromi, il se rendrait compte de la valeur inestimable de cette capacité, et de l'avantage qu'ils peuvent en tirer en ingurgitant jour après jour des informations utiles. Pour trouver des solutions brillante à des problèmes complexes, nul besoin d'être un esprit génial: il vous suffit d'avoir lu la solution de quelqu'un d'autre, quelque part, un jour. Hiromi l'a constaté (avec une certaine amertume) en passant des tests de QI : elle ne possède aucune autre capacité cognitive exceptionnelle. Son seul super-pouvoir est de se souvenir de (presque) tout ce qui lui importe : les lieux qu'elle a visité, les années et les mois ; le nom de chaque visage croisé à l'occasion de... ; ses numéros d'identifications auprès de multiples instances administratives ; des vêtements de ses parents à l'aéroport, le jour de son départ pour Oxford (son père portait une chemise qu'il n'aimait pas car la lessive avait pris du retard, maman sortant tout juste d'une grosse grippe) ; de la plupart des contenus scolaires ingurgités avec persistence ; de la carte schématique d'Oxford ; du plan des métros de Tokyo et de Seikusu. Elle se souvient des questions qu'on lui a posées pendant son entretient d'admission à l'université de Oxford. Elle ne se souvient pas exactement des réponse qu'elle a données, mais elle se souvient que cela a positivement impressioné.

Un pas lourd attire le regard d'Hiromi. Un contrôleur à la silhouette imposante traverse le wagon. Hiromi le suit du coin de l'oeil. Sa charpente est imposante, ses bras apparemment puissants. Une pensée passe devant les yeux d'Hiromi, une envie serpente ses entrailles et lui chatouille le ventre. Accoudée à la fenêtre, la bouche dans sa main, elle sourit. Pourrait-elle lui plaire ? Sans doute. Serait-il satisfaisant ? Sans doute pas. Et puis, elle devrait faire plus attention à son comportement en publique. Elle commence à être connue. Elle a surpris plusieurs personnes à la dévisager (et pas seulement des hommes). Ce n'est pas le moment de draguer un contrôleur de train.

12 juin 2020, 23h45:

Son profil sur le site de rencontre est assez lapidaire. RavenPussy: 26 ans, 1m69, 50kg, 70B. Cheveux noirs, yeux marrons. Tabac: non, alcool: oui. Quelques photos, des pieds aux épaules, qui montrent sous de multiples coutures son corps mince et glabre (maigre, diront les jalouses). Ne pas montrer son visage, c'est la norme sur ce site, et c'est tant mieux. Il eût été assez embarassant que quelqu'un l'eût reconnue. Mais même sans visage, dans sa situation, ces photos sont une épée de Damocles au dessus de sa carrière. Encore que. There's no such thing as bad publicity, right? Malgré tout, après un soupire amer, elle retire les photos une par une. Le risque zéro n'existe pas, mais ne soyons pas bêtement négligeant tout de même. Peu de chance d'attraper de gros poissons désormais, avec ce profil sans images. Mais dans le pire des cas, elle pourra toujours faire appel à un escort. C'est beaucoup moins excitant qu'une vraie rencontre, mais c'est plus facile, et ça coupe temporairement la faim.

20 juin 2020, 22h15:

Un vieux bureau, dernière pièce éclairée du local du PDC, dans lequel Hiromi a installé ses affaires il y a une semaine. Le soir est tombé et ses collègues sont partis. La voilà maintenant à déambuler dans son bureau en regardant son téléphone. Le manque de connexion avec ses amis de Tokyo commence déjà à lui peser. Là bas au moins, on l'invitait à sortir. A quoi bon se tuer à la tâche toute la journée et rentrer seule chez soi pour attendre le lendemain ? Et puis elle a envie de baiser. D'un torse bien épais, qui pèse sur elle et la comprime, d'un bassin qui fait : clac, clac, clac. Il y a tout juste deux mois, les choses n'auraient pas été si compliquées. Elle n'était pas une personnalité publique, elle n'avait pas besoin de faire attention. La porte de verre de son bureau, qui donne sur le hall obscure, reflète maintenant comme un miroir, et Hiromi s'y regarde. 26 ans, 1m69, 50kg, 70B. Son nouveau costume sur mesure masque un peu la féminité de sa silhouette et lui font des épaules carrées. Ses cheveux noirs coupés à hauteur de nuquent participent à lui donner un air terriblement sérieux. Elle approche d'un pas lent la surface de verre, arborant l'expression neutre qui lui donne sa contenance en publique. Une vraie castratrice, avec un visage de poupée de cire.

Bon, il est vraiment temps de contacter un escort.

14 juin 2021, 10h:

"... en tout cas, Hiromi, tout le monde est impressionné par ton travail ici, et tu as vraiment un potentiel pour les confrontations publiques."
Le vieux politicien, candidat PDC à la mairie de Seikusu, fait une pose, et Hiromi hoche la tête en souriant poliment.
"Merci, j'ai vraiment fait de mon mieux.
- En plus, le district de Seikusu est... particulier. Beaucoup plus multiculturel que le reste du Japon. Il y a un genre de micro-climat politique ici. Le fait d'être une femme aussi jeune est probablement moins handicapant qu'ailleurs."
Elle continue d'hôcher la tête d'un air attentif, mais en apnée, tendue d'anticipation.
"Et donc si tu veux être la représentante du parti ici, pour les éléctions parlementaire, je te soutiendrais."
- ... oh merci, c'est ... merci de la confiance que vous m'accordez. Je dois réfléchir."
Le sourire d'Hiromi atteindrait ses oreilles s'il n'était pas retenu. Humble, elle hoche la tête, et sert chaleureusement la main du vieux mentor. Dans sa poitrine, le dragon de l'ambition rugit: YES. YEEEEEESSSS.

1er septembre 2022, 22h:

Hiromi se laisse tomber comme une masse sur l'imposant canapé qui trône dans son salon. Elle a rarement été aussi fatiguée et tendue de son existence. Le stress ou la peur ne sont pourtant pas des émotions qui ont une grande prise sur elle. Jamais, durant ses études à Oxford, elle ne s'était sentie sous pression. Ses seules nuits blanches, elle les avait passées alcoolisée. Elle n'en était pas sortie tête de sa promotion mais... pas loin. Tout ça par la force de sa discipline régulière dans le travail et de sa mémoire hors du commun. Mais la campagne politique, c'est autre chose : des sollicitations incessantes, auxquelles il faut répondre, des déplacements. Malgré tous ses efforts, elle a surtout subi les dernières semaines. Quand je serais directrice générale du PDC c'est moi qui donnerais le rythme... pense-t-elle (presque) ironiquement.

3 septembre 2022:

Résultat des élection parlementaire, district de Seikusu:

52% - Abstention, blancs, nuls
21% - Hiromi Makuda (PDC & PSD)
18% - Hichiro Sodezu (PLD)
06% - Ike Ayako (Ishin)
03% - Autres candidats

Dans le local du PDC, toute l'équipe pousse une exclamation de victoire et applaudit bruyament. Hiromi reçoit des tapes dans le dos de ses nouveaux frères d'arme et répond à leurs félicitations par des "Merci ! Merci !". La tension et l'incertitude des derniers jours retombent, laissant place à une satisfaction euphorique. La chambre des représentants du parlement du Japon. A 28 ans. Si facilement. Le dragon de l'ambition pousse un rire dément, escalade un gratte-ciel en arrachant sur son passage acier, verre et travailleurs de la finance. Il déploie ses ailes au sommet, majestueux, avant de hurler face à la pleine lune, bien trop grosse pour être vraie.

VICTOIRE. VICTOIRE TOTALE.