Au sein de la Clairière des Muses, les journées se ressemblent, tout comme elle peuvent être extraordinaires. Rares sont les fois où il y a des complications. Dans une journée type dans la maison de courtisanes, l'aube était loin de signifier son début. Duncan restait souvent à errer dans la demeure la nuit, à surveiller les couloirs et les jardins, afin qu'aucun intrus ne vienne troubler le repos et la sécurité des Muses ou le bien-être des clients restés pour la nuitée. Edmund, quant à lui, s'activait bien avant les premières lueurs du jour. Il se pressait au marché pour récupérer les meilleurs ingrédients, souvent seul ou avec un des autres hommes peuplant la bâtisse. Ensuite, il revenait plein de vivres dans sa cuisine pour préparer les déjeuners des Muses, comme de la patronne, ainsi que des clients. Ces papillons de nuit aimaient à travailler quand tout était calme, l'un avec la sérénité de la nuit, l'autre avec la solitude de ses marmites et autres couverts.
Lorsque l'aube éclairaient enfin les murs et fenêtres de la Clairière, les Muses se levaient en majorité, tandis que d'autres scellaient leurs paupières pour faire leur nuit en décalé. Petit-déjeuner entre employés ou avec des clients, en général, il s'agissait d'un moment de tranquillité, de sérénité même. Ce matin, Ilyana s'était retournée dans son grand lit, seule. Dans son plus simple appareil, elle se leva pour admirer les premières lueurs de l'aube. C'était un moment privilégié pour elle, étirant son corps et priant pour se reconnecter avec la nature. Une fois cette chose faite, l'elfe se préparait un bain au parfum floral pour retirer toute la sueur et les mauvaises ondes de la nuitée. Il s'agissait là d'une certaine hygiène, plus dans le sens ''préparation méticuleuse'', ayant une attention particulière pour son apparence. Non pas qu'elle était égocentrique ou vaniteuse, mais elle savait bien que la première chose que les clients voyaient était son physique, sa beauté elfique. Elle brossa sa longue chevelure de perle avec délicatesse. La ''jeune femme'' prit soin de choisir une
tenue sombre la mettant particulièrement en valeur, révélant son aura mystique et toute sa grâce, ainsi que ses magnifiques formes. Elle finit sa mise en beauté par du khôl noir pour ses yeux, ses ongles n'ayant besoin d'une autre couche de vernis, toujours si parfaits.
Ilyana alla rejoindre ses consœurs et confrères dans la grande salle à manger, prenant les bons petits plats qu'Edmund avait pris soin de préparer à leurs attentions. L'elfe n'était pas une grosse mangeuse, alors elle eut fini vite de se repaître, saluant les autres pour parfaire à ses activités, avant de prendre son rôle réelle en tant que Muse. L'elfe, durant son temps libre, s'adonnait aux arts, que ce soit le chant elfique, la danse ou la peinture encore.
Aujourd'hui, elle s'était installée dans la petite salle de balle, précisant aux autres ainsi qu'à Céleste qu'elle y serait pendant quelques temps. Elle s'étira longuement, chauffant ses articulations avant d'entamer des mouvements gracieux, se déplaçant avec une élégance naturelle. Ses mouvements sont fluides, synchronisés au rythme de la musique qu'elle se chantonne dans son esprit. Ses pieds, nus, glissent avec légèreté sur le plancher, esquissant des arabesques dans l'air. Chaque geste est empreint d'intention et de passion, reflétant l'envie de bien faire de la part de la Muse elfique. Ses muscles se contractent et se relâchant dans un ballet harmonieux, exprimant une gamme d'émotions, allant de la joie à la mélancolie, de l'euphorie à la solitude. Son visage concentré, bien que doux, était un peu déconcertant. Il lui rayonnait d'une énergie contagieuse. Chaque saut, chaque tour ou ondulation est exécuté avec détermination et fraîcheur, parfaitement en symbiose avec l'espace qui l'entourait. Cette séance d'entraînement était une occasion nouvelle de se reconnecter avec son corps, son esprit mais surtout ses émotions, autant bonnes que mauvaises et de les accepter telles quelles.
Ilyana ne se rendit pas compte du temps qu'elle avait pris pour s'adonner à sa danse interminable. Son seul indicateur est qu'elle était couverte d'une légère sueur, quelques cheveux venant se coller à la mâchoire et sur le haut de son front. Pour sûr, elle allait devoir accueillir des clients, ou tout du moins être présente dans le grand salon, au cas où on la choisirait. Il lui fallait une nouvelle toilette, pour se débarrasser de toutes ces traces de son exercice physique.
En sortant de la salle de bain, dont elle referma la porte après son passage, l'elfe émit un son de surprise réelle. Dans le couloir, un homme d'un certain âge semblait perdu. Rassurée, elle s'approcha de celui-ci, le visage calme et le sourire doux. Elle s'inclina simplement, avec élégance.
" Bonjour messire. Puis-je vous être utile ? Vous êtes-vous perdu sur le chemin d'une chambre ? À moins que vous ne soyez en train de jouer à cache-cache avec une des Muses ? "Toujours avec bienveillance, Ilyana posa l'une de ses mains au dessus de sa poitrine pour se désigner, se pinçant les lèvres d'excuses.
" Où sont mes bonnes manières ? Je vous prie d'excuser mon impolitesse. Je suis L'Aimante. "Même si l'homme semblait perdu et bien qu'il soit aussi pas très bien habillé, quelque chose fit tiquer l'elfe. Il avait encore son épée à sa disposition, chose qui n'était pas normal s'il était réellement client de la Clairière. Céleste n'aurait jamais laissé passer cela. Il restait suspect, mais plutôt que de l'agresser, la demoiselle préférait jouer la carte de la jeune femme accueillante qu'elle était, après tout.