Le quartier de la Toussaint / Re : Tu verras, tu verras [Rachele Florenza]
« le: vendredi 15 février 2019, 00:55:23 »— Mh. Oh.
Un peu gênée, et surtout pas sûre de comprendre la remarque de Rachele concernant son frère, Emily jeta un regard à son amie, et constata qu'elle piquait du nez. Pour l'avoir côtoyée longtemps, elle était au courant de ses besoins en sommeil particuliers. Ce n'était pas la première fois que Tina s'épuisait après une sortie alcoolisé. Elle savait comment gérer.
— Ça va aller ? P'tite crise de fatigue ?
— Ouais, violente... Désolée, on va vous laisser.
Le commentaire de leur hôte avait vraiment jeté un froid. Même si elles n'avaient pas eu beaucoup de temps pour discuter, c'était l'excuse parfaite pour s'éclipser en vitesse. Bip Bip se leva maladroitement. Emily l'imita avec un sourire poli pour Rachele. La letonne manqua immédiatement de chuter néanmoins, ce qui l'alerta. Elle lui attrapa le bras.
— Hey, tu nous fais quoi ?
— Ça va ma vieille. Ça va.
— T'as même pas pris deux verres pourtant ? lui chuchota-t-elle.
— Mmhm.
L'australienne passa son bras par-dessus les épaules de Tina pour la soutenir, et lui permettre de marcher.
— Merci pour tout Dona ! ajouta quand même Emily, pour faire bonne figure. Où sont les toilettes les plus proches ? Je crois qu'on va en avoir besoin...
* *
La compagnie de Curie enchantait Prince, qui affichait un grand sourire. Il n'était pas complètement dupe, car il savait qu'être gentille avec le client faisait partie du travail de l'hôtesse. Mais il ne pouvait se retirer de la tête que, tout de même, il devait lui plaire un peu. Aurait-elle été si avenante avec lui sinon ? Un orgueil tout naturel lui donnait une réponse tranchée. Il suivit la jeune femme sans se faire prier, contemplant avec curiosité l'écran de l'ascenseur leur indiquer qu'ils descendaient.
Bien sûr, il fut surpris par le changement soudain d'ambiance, et ne manqua pas de commenter :
— « L'Asylum » ? C'est original ça !
Le garçon était très loin de se douter de ce qu'il trouva derrière les portes de la salle portant son nom. À la vue du corps nu et attaché de Dee, il eut un net mouvement de recul. La vision était trop soudaine, trop inattendue pour lui, et il sentit sa tête tourner un instant.
— Qu'est-ce... bégaya-t-il.
Complètement confus, il ne parvint d'abord même pas à formuler d'hypothèse pour expliquer qu'ils se trouvent tous les deux dans une situation en apparence aussi improbable. Son regard passa alternativement sur Curie, sur l'autre femme qu'il ne connaissait pas, et puis s'arrêta sur Dee. Si tout ça n'avait pas été si étrange, bien sûr, il aurait pu être intéressée par l'anatomie offerte. Elle était athlétique, élancée, exactement comme il l'imaginait ; ou peut-être même que les piercings, qu'il n'aurait pas imaginés seul, la rendaient encore plus désirable. Mais ce n'était pas sa préoccupation pour le moment.
Il revint sur l'hôtesse, fronçant les sourcils :
— Euh, c'est une blague ? Elle a pas l'air d'accord avec ce que vous lui faites.
Le ton n'était pas encore franchement agressif, mais s'il le fallait, il était prêt à défendre physiquement son amie d'un soir. Il grimaça lorsque Sonia menaça d'utiliser son rasoir sur Dee.
— Mais sérieux ? Vous êtes tarées vous ? C'est quoi votre problème ?
Frottant sa nuque en signe de malaise, il hésita sur la marche à suivre.
* *
La psyché de Sonia avait glacé Dee pour un bon moment. Il était rarissime pour elle d'approcher autant de l'espace mental d'une autre personne. La communication était presque toujours unilatérale. Elle ne savait pas si c'était à cause de la drogue, ou si sa tortionnaire s'était volontairement rendue disponible. En tout cas, le choc fut comparable à celui d'être déshabillée. Déstabilisée, elle en oublia même un instant sa colère, et réalisa à peine qu'on était en train de lui raser le pubis.
— Pu'ain de faf de merde... fit-elle faiblement dès qu'elle reprit conscience. Va 'e faire cuire le cul...
Les références racistes de Sonia avaient tout pour la dégoûter. Même en temps normal, un quart de ses propos aurait été amplement suffisant pour qu'elle décide de la cogner. Maintenant Dee avait tout simplement des envies de meurtre. C'est alors que Prince rentra dans la pièce. La pudeur, la sud-africaine n'en avait pas beaucoup, mais être exposée ainsi restait gênant.
Dégage d'ici, tenta-t-elle de transmettre télépathiquement au garçon.
Mais l'esprit paniqué du surfeur était difficile à atteindre : ses signaux étaient noyés dans le flux de pensées qui se bousculaient à l'intérieur de son crâne. Habituée à la violence et surtout enragée, le péril du rasoir contre sa jambe ne lui inspirait pas la moindre peur. Hélas, ce n'était pas le cas de l'adolescent. Avec consternation, elle le vit retirer sa chemise pour découvrir son torse à la peau bronzée, puis tendre les bras pour qu'on les attache.
— Crétin, articula-t-elle, d'un voix presque inaudible.