Les alentours de la ville / Re : L'Illusion de l'Idéal.
« le: vendredi 12 février 2016, 17:42:06 »Quelle surprise quand il la réveille en pleine nuit. Elle sursaute, évidemment, et tente de se relever, appuyant sur ses bras qu’elle plaque au matelas du lit, mais il n’y a rien à faire, sa force est dérisoire, et elle ne fait que se réduire, son souffle se raccourcissant à mesure qu’elle panique, dilapidant le contenu de ses poumons qu’elle ne peut renouveler d’autant plus vite. Sans même avoir le temps de comprendre qui, quoi se passe, les larmes perlent à ses yeux ; Il ne lui en faut pas beaucoup pour comprendre que sa situation est critique, et encore moins pour se rappeler ce à quoi cette invasion de son intimité, là où elle se croyait sûre, fait écho. Pas encore adaptés à l’obscurité, son regard balaye le plafond, seule chose qu’elle peut, ou plutôt qu’on lui laisse regarder, puis finit par tomber sur le visage peu éclairé et déformé par ses ombres de Siegfried.
Elle s’apprête à se débattre, mettant un instant à conjurer ses forces et son courage, mais ce dernier est aussitôt brisé par la déclaration de son agresseur, la menaçant d’un sort bien plus grave si elle ne prend pas le calme qu’on lui avait invectivé une première fois déjà, sans succès, la jeune femme à peine réveillée et surtout paniquée. Ses sens lui revenant lentement, Noriko abandonne sa résistance, autant parce qu’elle est vaine que parce qu’elle risque de la tuer bien plus vite que l’inaction, son souffle commençant cruellement à comprimer sa poitrine, quoi que c’était sans doute aussi le fait de l’allemand. Comme gage de sa soumission à l’ordre, elle laisse calmement reposer ses bras sur le lit, laissant les draps en dessiner leurs contours, tendus par le poids de leur vrai propriétaire, ses mains crispées, mais inertes.
Pendant que Siegfried monologue, comme un villain, cette ironie échappant complètement à la demoiselle en détresse, elle sent ses chaudes larmes couler long de ses joues, pressées par leurs consœurs qui se pressent à ses yeux au fur et à mesure que son agresseur l’humilie avec véhémence ; Des véhémences fausses, pour la plupart, sa famille sachant déjà bien ce qu’elle fait, mais qui restent ce qu’elles sont, avec leur ton répugnant. Elle le laisse faire, avalant sa fierté, faute d’oxygène, espérant qu’il en finisse avant qu’elle ne tourne de l’œil, ceux-ci déjà noyés de larme, ne lui laissant voir que quelques lignes brouillis blanches sur fond noir au lieu du visage de l’allemand. Alors que les poumons de Noriko tentent désespérément de se remplir, tirant sur la peau de la main qui l’étrangle, elle voit sa vision s’inonder du blanc qui ne peut être que celui du visage distordu par sa détresse de Siegfried, et le sent baiser sa joue.
Plus que de la soumettre à sa force, il la soumet à son affection, s’accaparant ce geste qui ne devrait être que celui d’un amoureux, d’un mari aimant. Sauvant le peu d’honneur qu’elle se sent encore avoir en ce moment, elle fait faire à son visage les quelques degrés d’amplitude qu’il a pour se détourner des lèvres de l’allemand, lui exprimant, faute de sa rage, incapable de réellement lui résister, son dégoût. Mais après ça, la délivrance - le fait qu’elle accueille ainsi ce chantage en disant bien long quant au désespoir qui l’avait envahie ; Il lui offrait une « porte de sortie » ; Une petite, il sentit de préciser, comme si plus que ça aurait été abusif.
Pour allier le geste à la parole, il lui permit de respirer, et après ça, quelques secondes de silence, enfin du sien, car la pièce s’emplissait des inspirations courtes et sourdes de Noriko, s’alimentant pour la première fois en de très longues secondes en oxygène, portant par réflexe les mains à son visage, comme pour empêcher que ça ne recommence, mais restant sagement sur le dos, ses jambes seulement très légèrement repliées, ne créant que de petites dunes dans les draps. Après quelques instants, elle arriva à reprendre un semblant de contenance et tenter de sécher ses larmes, ce qui, vu leur quantité, ne revenait qu’à les étaler sur son visage qui se mettait à perler à la moindre source de lumière, dans cette obscurité. Celle-ci s’avèra vite être un téléphone, qu’on braqua vers ses yeux, bien incapable de lire, et que le réveil brutal lui fit détourner, sa radiance encore trop forte.
Elle ne peut le confirmer, mais vu les efforts déployés par Siegfried, ses affirmations sont bien réelles, et même sans connaître l’exact contenu du mail, s’il n’est qu’à moitié aussi menaçant que son écrivain, il ne peut partir. Il veut donc rançonner son silence, et, se croyant peut-être plus malin qu’elle, ou la croyant bête, ce qu’elle se damnait déjà d’être, vu sa réaction au danger, à savoir se précipiter dans l’antre du loup, il se sent obligé de le dire. Il la libère enfin, mais elle n’ose bouger, restant dans cette position étrange à la fois emplie de soumission à sa force mais complètement exempte de celle-ci ; Il semble guetter cette réaction, et sans doute même l’apprécier, ne concluant pas son monologue, préférant voir ce qu’elle compte faire de cette liberté toute relative.
« Faisons un marché. Tu vas me rendre quelques services, ceux qui vont à une bonne petite femme japonaise : Un peu de tâches ménagères, le service, ce genre de choses dont je manque cruellement. Je suis de plus en plus occupé et j'aurais bien besoin d'une auxiliaire. En échange, je t'aide dans ta carrière, et crois-moi, je vais pouvoir t'offrir beaucoup d'opportunités. Je te protégerai et t'assisterai dans tout ce dont tu as besoin. Et évidemment, ton secret restera entre mes mains. Si tu refuses, retourne chez toi maintenant. Je me ferais un petit plaisir de ruiner ta réputation, ta vie, celles de tes parents et de tes amis avec. Ni toi ni moi n'y trouverons profit. Ce serait idiot de ta part de choisir cette alternative. »
Il le confirme, ses menaces ne sont pas exactement, voire pas du tout, que de révéler une vérité que tout le monde connaît déjà. Et, comme Noriko s’y attendait, cela ne la contraint qu’à une chose, l’obéissance. En vérité, même pas - si seulement - plutôt la soumission ; La même chose, à cela près qu’elle devait cacher son dégoût et son mécontentement. Et même dans la soumission, il arrivait à être odieux, la contraignant non pas à être sa victime, mais sa gardienne, prenant soin de lui, au point même d’oser se prétendre son mari, ou plutôt demander qu’elle prétendre être sa femme, car elle n’espérait pas que ce « mariage » soit bien réciproque.
Mais quelle que soit la vérité, ça ne changeait rien ; Noriko avait à être sa « petite femme japonaise », une expression qui aurait pu l’honorer mais l’emplissait présentement de dégoût. Cependant, le visage encore trempé de larmes, et le souffle encore haletant de son manque d’air, elle ne se sentait le courage de répondre, sachant pertinemment que sa voix s’étoufferait dans sa gorge. Hésitant à bouger, elle finit cependant par être sûre que sa réponse devrait être un gage de bonne foi, quelque chose qui symboliserait son acceptante, et lui assurerait surtout que la part du marché de Siegfried serait assurée.
Sans un mot, elle se releva très légèrement sur ses avant-bras, s’arrêtant un instant pour contempler son « mari », qui lui même semblait apprécier la vue de son yukata légèrement défait, aillant pris bien trop d’ampleur au niveau de sa poitrine et la dévoilant, cette impudeur rattrapée par le juban blanc et très légèrement transparent, qui lui continuait de la cacher, épousant mieux sa peau blanche au milieu de l’obscurité, et révélant d’autant plus toute imperfection, aussi bien dans la couleur que les contours. Doucement, elle glissa sur le matelas, vers Siegfried, allant chercher de son bras et entre ses doigts encore engourdis de tout ce remous, le drap qui la couvrait avant qu’on ne l’extirpe de son sommeil, et le ramena par dessus l’allemand, couvrant le « couple » comme s’il allait se coucher.
Pour finir cette vision, elle se pressa vers lui, gardant ses doigts, encore maintenus entre eux de crispation, contre ses pectoraux nus, comme seul rempart entre elle et lui alors qu’elle vint déposer sa tête dans le creux de son cou, y déposant un unique et bref baiser en signe d’acceptation, avant de fermer les yeux et prier pour que son rôle d’épouse ait été rempli.
« J-...J’ai sommeil...S’il vous plaît... »
Sa voix étant suppliante, aillant à peine conjuré le courage suffisant pour l’élever depuis son mutisme, et sa peau était glaciale, légèrement tremblante.