L'Enfer / Re : La mère noire [Kelen]
« le: dimanche 05 novembre 2017, 17:35:00 »Après une fraction de seconde de chute libre, elle toucha un sol plutôt tendre. Lorsque celui-ci se déroba et surtout que le sol commença à jurer, elle comprit que sa piste d’atterrissage était en réalité une personne. Encore aveugle, Renard roula sur deux bons mètres avant de se relever. Parmi tous ses talents d'acrobate, celui de retomber sur ses jambes était incontestablement l'un des plus développés. Du reste, la hauteur n'était pas aussi létale quand on était aussi légère qu'elle. Là où un humain se serait brisé une cheville, le choc ne lui brusqua que légèrement le dos.
La rousse passa sa main sur ses yeux. Enfin, elle voyait… et ce qu'elle vit d'abord la dégoûta. Elle était apparue au milieu d'un répugnant charnier, où une sorte de gros animal avait été étripé avec sauvagerie. La vue était difficile à soutenir, et si par chance elle ne s'en était pas déjà éloignée, elle aurait peut-être eu envie de vomir. En tout cas, elle n'aurait certainement pas aimé être à la place de l'homme qui semblait y patauger.
– Ew. Écœurant, fit-elle avec une grimace, en contemplant l'horreur du sort de l'individu.
Elle le regarda de plus près. Son physique était plutôt impressionnant. Ses cornes, sa queue lui donnaient incontestablement un air dangereux. Le fait qu'il soit couvert de tripes n'arrangeait rien. Mais il en fallait plus pour effrayer Renard. Surtout qu'elle savait – ou pensait savoir – où elle mettait les pieds. Se tenant toujours à une distance respectable, elle commenta son pénible combat contre les entrailles d'un ton désinvolte.
– En vrai, je m'attendais à quelque-chose de plus raffiné en arrivant ici. Mais au moins, il fait plus chaud que ce qu'on m'avait dit… Puis tu as l'air de parler le commun, c'est inattendu, mais ça va faciliter les choses…
La halfeline baissa les yeux sur son propre corps. Comme elle l'avait deviné, elle avait perdu ses vêtements lors du changement de dimension. Miracle, cependant, elle avait évité le bain d'immondices. Sa peau était immaculée, constellée de ses habituelles tâches de rousseur. Seule de la poussière rouge s'était collée sur son dos, lorsqu'elle avait roulé. La voleuse, avec une certaine habitude, régla le problème de pudeur qui se posait : son ombre quitta le sol en silence pour venir se plaquer et s'étendre sur son épiderme. Ainsi, sa silhouette perdit visuellement sa couleur et une bonne partie de ses reliefs. À moyenne distance, elle était une ombre chinoise dont la chevelure rousse était l'unique volume, et dont les yeux verts brillaient au milieu de la masse noire. Il fallait être proche pour repérer le subterfuge.
– Hey, tu as un… tendon ?… coincé sur la corne… ouais…
Elle passa la langue sur ses lèvres. Les menaces prononcées par l'homme monstrueux ne lui faisaient pas peur. Il lui semblait être un peu trop lourd et maladroit pour lui courir après, si il choisissait réellement de s'énerver. Mais elle s'attendait surtout à ce qu'il se montre coopératif, en fin de compte.
– Dis-moi, je suis un peu perdue… sur quelle partie de ton monde je suis arrivée ? demanda-t-elle posément, se tenant quand même prête à se dérober à la moindre tentative d'agression.