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« le: mardi 30 septembre 2014, 12:22:45 »
Le Sangrelame ne releva pas la petite remarque de la princesse, mais s'en amusa d'un sourire explicite. Il ignora ce dont il retournait avec les autres aventures de Rhian, mais il était certain qu'eux deux ne dormaient jamais beaucoup quand ils partageaient leurs nuits. Les amants se reposaient en discutant dès lors que leur capital endurance était bien entamé, avant de finalement s'ébattre de nouveau. Rares étaient les nuits reposantes quand Ashaard retrouvait son Altesse, ou quand elle décidait d'un petit caprice coquin en sa compagnie.
L'albinos, bien qu'ashnardien de souche, savait qu'il trouvait grâce aux yeux de Rhian. Et ce malgré la foule de prétendants qui déferlait sur elle depuis le siège impérial dans l'espoir de recevoir ses faveurs. Que la princesse papuanne veuille rester libre était une chose, qu'elle aille contre les arrangements politiques en était une autre. Un jour ou l'autre, Tomeyrus se déciderait à la marier. Et si influente que Khaora pouvait être sur son époux, Ashaard doutait qu'elle fasse le poids face à la légitime raison d'état. Rhian, un jour ou l'autre, devrait bien s'y plier... Et ce jour là, Ashaard se proposerait comme époux. Rhian n'y verrait toujours qu'un calvaire probable, mais l'Albinos estimait non sans une pointe de prétention que ce serait un marchandage plus acceptable pour elle. Politiquement moins profitable, en revanche.
Les mauvais rêves à propos d'Herebos et du Warlock inquiétaient de plus en plus Ashaard. Récurrents comme ils l'étaient, ces songes ne pouvaient être anodins. La simple inquiétude d'une soeur aimante pour son frère parti à la guerre ? Possible. Cependant, Ashaard n'y croyait plus. Les cauchemards étaient violents et réalistes et lui y voyait davantage un mauvais présage que l'expression du subconscient de la belle princesse, dont il regardait la croupe tandis qu'elle lui tournait le dos. De quoi éveiller certains instincts, cette insolente chute de reins, même dissimulée derrière une cape.
- Tous ceux qui partent au combat risquent quelque chose, Rhian. C'est une vérité que tu connais, d'autant que ton frère combat aux côtés de ses soldats et ne se cache pas derrière leurs lignes. Il marqua un petit temps avant de reprendre. Tes inquiétudes pour lui sont justifiées mais il est effectivement fort et valeureux. Je l'ai vu se tirer de forts mauvais pas. Ses adversaires auraient tout intérêt à se méfier.
Ils se regardèrent. Ashaard n'avait pas pour habitude de mâcher ses mots et considérait que dire la vérité était plus profitable que le mensonge. Bien sûr, qu'Herebos était en danger. Dès lors qu'il quittait le palais, le prince l'était forcément. Il fallait simplement relativiser : il était dur au mal et avait de la ressource. Combien de fois ses talents de stratège les avaient-ils sauvés ? Combien de fois avait-il ravagé les rangs adverses, l'épée à la main ? Il ne se laisserait pas facilement surprendre ni submerger. Et cela rassurait Ashaard, qui guettait pourtant les nouvelles de l'expédition avec autant d'impatience que Rhian.
- Pardonne mes mots, Altesse, mais ma place est à ses côtés et pas aux tiens. Les troupes du palais sauraient te protéger de mille dangers aussi bien que je le ferais moi-même. Je voudrais livrer bataille avec ton frère et mourir pour lui. C'est là mon devoir sacré envers lui et Papua. Ne t'y trompe toutefois pas, c'est un honneur immense pour moi de devoir veiller sur toi et ta famille. De cela, tu peux être aussi assurée que de ma fidélité envers ton aîné. Seulement... Et bien, disons que le sang ne se répand jamais mieux que sur le front.
Comme il l'avait souvent expliqué par le passé, les Sangrelames comme lui étaient tournées principalement vers le combat. Leurs lames maudites ne calmaient leur fureur qu'une fois gorgées de sang et de violence et renforçaient ainsi les pouvoirs de leur possesseurs. Lors des périodes de paix, les Sangrelames s'affaiblissaient un peu -bien qu'ils restaient entraînés à combattre à l'épée, et redoutable dans ce domaine. Ainsi Ashaard tournait-il désespérément en rond dans le palais, confondant son affaiblissement dans de longs échanges amicaux et entraînements, parfois en compagnie de Rhian. Cela, toutefois, ne valait pas la guerre.
Il referma son livre à la couverture usée.
- Je ne doute pas qu'il enverra un faucon-messager dans les prochains jours. Le connaissant, je dirais qu'il a profité de son arrivée à Solku pour mieux s'informer et préparer sa stratégie. Je gage que les missions de reconnaissance qu'il fait mener dans les environs le tiennent très occupé. Le plus souvent, c'est moi qui faisait parvenir les messagers à Papua pour ne pas que tu t'inquiètes outre mesure. Ni ta mère, d'ailleurs.
Il sourit, pour détendre un peu la situation. Rhian n'était pas la seule à s'inquiéter et la Reine, toute en finesse, était venue le consulter une fois ou deux pour avoir son avis sans avoir l'air d'y toucher. Le manque de nouvelles la rongeait également mais elle ne faisait montre de rien, bien qu'elle ait besoin qu'on la rassure un peu. Et qui mieux qu'Ashaard pour cela ? Il avait espéré une fois ou deux que cela dérape et finisse en lèse-majesté, mais le sort n'avait pas joué en cette faveur. Tant pis.
- En parlant d'elle, elle m'a raconté que tu as évincé le comte Vladimir de Terreterreur. Les servantes gloussent en disant que tu as été très...hm...imaginative pour le repousser. Je n'étais pas là. Raconte moi donc cet exploit qui a tant amusé le palais ?
Terreterreur était un crétin d'ashnardien, un comte bouffi de suffisance. Comme d'autres, il avait tenté de marier la jolie Rhian et, comme d'autres, avait fait chou-blanc. Ashaard, occupé à gérer quelques problèmes d'organisation au sein de la garde de la cité, n'avait pas assisté à la rencontre et ce contrairement à son habitude. Les rumeurs qui courraient là-dessus faisaient beaucoup rire quant au destin du triste Vladimir. Ashaard, au demeurant, s'en moquait. Il espérait surtout que le changement de sujet puisse changer les idées noires de Rhian en quelque chose de plus jovial, même pour quelques courtes minutes.
Attentif à sa belle princesse, il tapota le sol face à lui et l'invita à s'asseoir.