Les alentours de la ville / Re : Choc social [Les Soeurs Yume]
« le: mercredi 09 juillet 2014, 19:38:06 »Prendre soin de ses clients était une régle de base, chez Noriko. Elle veillait scrupuleusement à se faire une bonne publicité, puisque les affaires marchaient ainsi. Keiko donnait une image de la drogue très propre, très bien gérée, une image très plaisante qui séduisait une certaine cible. Noriko, c'était l'explosion, l'effusion, c'était la drogue bouillonnante qui brise les frontières et la bienséance. A elle deux, elles touchaient donc une majorité de cibles. Il restait ceux qui fabriquaient eux-même leur came, et ceux-ci, elles les gardaient comme bons potes mais se donnait comme règle de ne jamais rien leur acheter. Un dealer qui confectionne lui-même ses paradis chimique ne peut acheter les clés d'un autre paradis. Et puis, elles estimaient avoir la meilleure marchandise du marché, chose qui se vérifia au moment où Noriko sentit son palais s'anesthésier après un rail.
Haaa, putain, quel bonheur.
Dans les films, on voyait souvent les gens se frotter de la cocaïne sur les gencives afin de « goûter » de la coke. La cocaïne n'est pas réputée pour ses saveurs. En vérité, de cette façon, ils testaient la qualité de ce qu'ils allaient acheter : plus la blanche était bonne, plus les muqueuses étaient anesthésiées. Autant vous dire que celle de Noriko et Keiko valait le détour.
Noriko joua pendant un moment à passer sa langue sur son palais, enjouée. Cette sensation l'émerveillerait toujours, ainsi que ce goût amer et médicamenteux qui coulait dans sa gorge. Elle ne s'interrompit que pour répondre à Amélie.
Keiko ne te déteste pas, voyons.
La nippone fixa l'adolescente un moment. Les souris, réveillées, faisaient un tapage abominable. Elle se leva brusquement, leur distribuant de la nourriture. En dix secondes, elles se turent. On n'entendait plus que les claquements de leurs dents sur les bâtonnets de nourriture industrielle.
En plus, elle raffole des bonnes manières françaises, de Paris, du vin, tu sais … C'est très exotique. Elle aime les façons des françaises, ah, et leur élégance, putain. Non, non, elle n'a rien contre toi. Elle est très froide, c'est sa nature. La première fois qu'on s'est parlés, elle m'a engueulée parce que je l'avais tutoyé, tu sais.
La japonaise débitait des phrases les unes après les autres, très vite. Elle sentait que son cœur venait de se réveiller, et tout son corps avec. C'était comme si elle sortait d'une longue léthargie.
Après, c'est vrai que tu corresponds plus à mon milieu qu'au sien, si tu vois ce que je veux dire. Keiko aime les gens élégants, propres sur eux, qui savent se tenir. T'as pas vraiment donné cette impression, ma grande !
Tout en parlant, elle se dirigeait vers le frigo. Elle buvait essentiellement du jus de litchi, depuis quelques temps. Noriko fonctionnait comme ça : elle faisait une fixette sur quelque chose pendant un temps, avant de changer complètement. Ainsi, à tour de rôle, elle s'était limitée à la vodka, puis au café, puis au jus de litchi.
Elle extirpa vivement une canette de jus de litchi, l'ouvrit, avala une grosse gorgée, poussa un soupir de plaisir. Elle ne buvait pas pour effacer ce goût, au fond de sa gorge – ce serait en vain – mais pour tuer dans l’œuf une autre sensation qui montait : sa langue devenait un peu pâteuse, et réclamait à boire sous peine de devenir gênante.
Si tu veux qu'elle arrête d'être méprisante, rentre dans son jeu, suis ses régles, mets-lui en plein la vue. Elle aime jouer.
Un conseil très peu sage, mais que Noriko trouvait juste. Face à Keiko, il ne fallait ni être hautain, ni se montrer inférieur. Il fallait clairement jouer dans sa cour, avec ses régles, la surprendre.
Et toi, alors, raconte-moi ? Toujours libre ? Sans attaches ? Des projets, mis à part te défoncer la gueule à coup de Yume ?
Noriko disait cela en souriant, et non pas avec cet habituel ton réprobateur que l'on prête aux adultes.