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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: dimanche 30 décembre 2012, 15:06:12 »
Si cela n'était pas déjà clair, il sera bon de préciser que du fait de nombreuses, très nombreuses années d'existence, ainsi que d'un caractère à l'origine plutôt volatile, la mentalité d'Hypocras n'était pas des plus stable : changeant d'orientation au gré des humeurs et des envies du vieux satyre, son état d'esprit pouvait varier littéralement d'un instant à l'autre, l'être bachique n'étant nullement dénué de caprices. Mêmement, son sens des réalités, des convenances et de la bienséance, si aiguisé qu'il fût chez un roublard tel que lui, se voyait souvent mis à mal par ses tendances fort fantasques, et le faisait parfois agir de façon incongrue, quelquefois à la limite d'entrer en conflit avec son instinct de survie pourtant bien affermi. Avec cela en tête, il sera aisé (ou tout du moins possible) de comprendre que tout à coup, sur une simple préférence du moment et une intuition soudaine, il s'était décidé à opérer un voyage aussi extravagant aux frais de sa bienfaitrice, apparemment sans égards pour ce que cela pourrait lui coûter. S'il faut être franc, il faudra ajouter qu'hormis la versatilité du faune, une certaine dose d'agacement et d'exaspération entrait en compte dans cette décision : la petite déesse n'était pas capable de se débrouiller ? Et bien soit, autant sortir le grand jeu dans ce cas !

Par conséquent, à moitié parce qu'il en avait déjà vu d'autres, et à moitié parce qu'il se refusait toujours à se départir de sa contenance, il s'affaira à rassembler ses affaires avec autant de soin et de mesure que s'il s'était préparé à simplement prendre l'avion, ne paraissant pas plus bousculé que ça par le fait de voir une créature d'essence divine exécuter Aphrodite savait quel rituel pour voyager à travers le temps et l'espace. Bien entendu, en son for intérieur, l'agitation lui battait aux tempes, et il se demandait sérieusement s'il n'était pas en train de commettre une étourderie de trop, mais il était à présent trop tard pour reculer, aussi, s'offrant une longue gorgée de schnaps pour la route (et quelle route !), il se campa crânement devant la « porte de sortie » que la demoiselle aux cheveux blancs venait d'aménager, lorgnant d'un air appréciateur cette espèce de grande ouverture d'un noir insondable et s'efforçant de faire taire la panique viscérale et sourde qui menaçait de le déstabiliser.

« Non, je suis prêt ! » Répondit-il à la question de son hôtesse de voyage, tapotant sa grande sacoche pour appuyer ses propos. « Ah, quoique... »

S'approchant alors d'elle en deux enjambées gaillardes, il posa doucement une de ses mains épaisses et calleuses sur sa joue droite tandis qu'il embrassait avec cœur la gauche, le baiser cordial se terminant avec un claquement presque retentissant. Prenant alors adroitement et sans chichis le le bras de la déesse dans le sien, il s'apprêta à l'entraîner vers leur destination avec un grand sourire, qui se troubla sensiblement lorsqu'il s'aperçut de quelque chose.

Comme il l'a déjà été dit, en matière d'interaction sociale, Hypocras était tout sauf né de la dernière pluie, et avait raffiné l'art de lire l'état d'esprit, la mentalité et les intentions des gens à un point réellement surhumain. Il était donc capable de discerner et décrypter avec acuité tous ces petits indices qui peuvent fournir des renseignements sur ce qui se trame dans la tête d'une personne : gestuelle, respiration, expression faciale, timbre vocal, altérations oculaires... et même température corporelle. Bien entendu, il aurait été bien infoutu de mettre précisément le doigt sur quels éléments exactement lui mettaient la puce à l'oreille, ou sur la nature exacte de ce qu'il pressentait, mais il était capable par exemple de sentir lorsqu'une personne était mal à l'aise, et soit il se trompait fort, soit c'était le cas pour sa compagne de route. Et une fois de plus, l'humeur volatile du chèvre-pied changea brusquement et presque contre son gré, son engouement se teintant soudainement de sollicitude alors qu'il refermait sa paume autour de celle de la jeune fille, la pressant de façon rassurante :

« Et ben, qu'est-ce qu'il y a ? Y'a un problème ? » Demanda-t-il, les sourcils légèrement écarquillés sous un soupçon de perplexité.

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Le nouveau William Shakespeare ; ben tiens. T'as pas les chevilles qui enflent ?

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« changer d'air », une expression qui pouvait signifier et impliquer bien des choses... et en cacher beaucoup d'autres ! A en juger par les talents peu communs dont Azazel était capable de faire montre, sans compter son apparence pas banale qui laissait entrevoir un caractère bien particulier, les circonstances de son départ n'avaient pas dû être aussi paisibles qu'il l'aurait bien voulu. Quant à savoir leur teneur exacte, Hypocras était bon psychologue, mais pas télépathe pour autant, aussi ne pouvait-il en avoir au mieux qu'une idée bien floue, ce qui titilla vaguement sa curiosité sans qu'il se laissât pour autant aller à pousser la question plus avant. Tout le monde avait ses petits secrets et était en droit de les garder pour lui, lui le premier, aussi aurait-il été mal placé pour exiger de quelqu'un d'autre qu'il ne révélât que le vérité, rien que la vérité.

Le cheminement de ses pensées fut à ce moment interrompu par le son des pas du serveur décidément bien prompt à la tâche, lequel déposa les deux verres des consommations exigées avant de se fendre d'une légère courbette et de repartir comme il était venu. L'instant d'après fut alors l'occasion d'un moment de surprise pour le vieux satyre, qui vit son interlocuteur se jeter sur le champ sur sa consommation avec une promptitude qui n'eut rien à envier à celle d'un ivrogne en phase terminale d'abstinence. Déjà qu'il avait été légèrement étonné que le garçon se laissât tenter par quelque chose d'alcoolisé là où il l'aurait cru nettement plus enfant sage, il était désormais étonnant de le voir écluser avec tant d'ardeur ! Probablement, à en juger par la nervosité dont il faisait plus ou moins consciemment montre, cela avait-il à voir avec l'excitation qu'il avait à être en la présence d'une créature si exceptionnelle pour le commun des mortels.


Et justement, alors même que le rouquin sirotait sa consommation – une simple Hitachino comme on pouvait en trouver couramment dans les bars et supermarché japonais – le petit magicien aux cheveux lilas ne put s'empêcher, manifestement enhardi par l'influence roborative de sa liqueur, de lui demander sans ambages si d'autres êtres du même calibre que lui fréquentaient la bonne ville de Seikusu. Affichant en réponse un sourire matois tout en reposant posément sa boisson, il envisagea une fraction de seconde de le mener en bateau, puis se décida pour le parti contraire ; après tout, quel mal pouvait-il bien y avoir à satisfaire sa curiosité de toute évidence parfaitement innocente ?

« Messire faune ; comme tu y vas  ! » Répondit-il avec un rire franc dénué de méchanceté, n'eusse-été que parce qu'il aurait été bien hypocrite de lui reprocher cette formulation quelque peu grandiloquente après l'avoir lui-même appelé « fils de l'ange ». « Et bien non mon garçon ; pas le premier, loin de là. Seikusu est peuplé d'une faune assez particulière et probablement plus nombreuse que tu te l'imagines. » Répondit-il en ponctuant ses propos d'une expression faciale mêlant confidence, amusement, et emphase.

Et oui, manieurs de pouvoirs en tous genres, créatures de mythes et de légendes, esprits étranges, voire divinités ; beaucoup étaient ceux qui échouaient plus ou moins volontairement à Sekusu, ou y faisaient l'escale, que ce fût depuis la mystique Terra ou depuis des lieux beaucoup plus terrestres... ou carrément bien autres ! Il était sans doute quelque peu imprudent de se laisser aller à des révélations de ce genre devant un gaillard aussi ingénu et qu'il connaissait si peu, mais Hypocras avait toujours été un désastre en matière de responsabilités, se lavant aisément les mains des problèmes des autres et fuyant autant que possible ses propres obligations. Ne se faisant donc guère de mouron quant à ce que son manque de discrétion pourrait entraîner, il demanda à son tour, sur un ton de conversation qui ne départissait pour autant pas d'une intensité marquante dans sa voix autant que dans son regard :

« Et pourquoi donc est-ce que tu me demandes ça au fait ? Mythologue acharné ? Ou est-ce qu'il y a des raisons plus personnelles ? »

Voilà qui aurait facilement pu laisser la place au timbre de l'accusation ou de l'interrogation inquisitrice, mais rien n'en était. Encore une fois, le satyre gaillard s'en tenait à une attitude cordiale, nourrissant un intérêt certes pas ardent mais néanmoins réel envers le jeune sorcier décidément bien mignon, se demandant de façon badine jusqu'à quel point pouvait aller l'ouverture d'esprit d'Azazel et son attraction pour ce qui sortait de l'ordinaire. Quoi qu'il en fût, il conservait une posture relaxée et détendue adaptée au lieu de détente dans lequel ils se trouvaient, ne paraissait nullement agité ou inquiet. Et en ce qui concerna la nouvelle manifestation des pouvoirs de l'angelot, qui se laissa voir dans le contenu de son verre, si le chèvre-pied la remarqua, il n'en laissa rien paraître, maintenant son attention sur son interlocuteur.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: dimanche 23 décembre 2012, 12:52:34 »
Soulagement en voyant que la déesse à laquelle il faisait face ne paraissait décidément pas inclinée à prendre la mouche en se voyant rabrouée par un vulgaire mortel. La situation n'était d'ailleurs pas dénuée de quelque chose de cocasse, à voir Hypocras s'ériger (non sans légitimité, qui plus était) en figure professorale devant l'entité aux allures de jeune fille penaude, cela en dépit du fossé de puissance qui existait entre eux. Le vieux satyre n'était pas sans savourer de pareils moments ; ceux où sa science, son aplomb, ou simplement son caractère culotté lui permettaient de prendre le dessus sur son interlocuteur nonobstant les circonstances.

Tout de même, il était également un brin déçu devant l'indécision et la mollesse toujours présentes chez la Faucheuse féminine, laquelle poussait décidément l'incompétence bien loin pour ne pas savoir par quel bout prendre le problème. Ah, bigre, l'antique faune savait bien qu'il existait des personnes pas aidées au point d'être complètement ignorantes de la simple notion de « s'amuser », mais cela ne le rendait pas moins marri de le constater. Et voilà qu'en prime, tel un génie obstiné sorti d'une lampe magique, elle réitérait son offre de souhait, insistant sur le caractère exceptionnel d'une offre pareille, véritable marchande de brosse vantant ses produits ! La pensée ne fut pas sans susciter un sourire en coin roublard chez le vagabond millénaire, mais ne l'empêcha pas pour autant de réfléchir à ce qu'il convenait de faire...


Bon, allez, il n'y avait qu'à dire que c'était son jour de bonté : introduire cette divinité fantoche aux joies du plaisir était tout à fait dans ses cordes et en accord avec son credo après tout, et de toute manière, changer d'air n'était pas de refus tant, a posteriori, l'idée d'aller courir le guilledou au sein des Landes Dévastées lui apparaissait de plus en plus comme une perspective peu séduisante. Par conséquent, ce fut avec un geste désinvolte de la main, comme pour entériner sa décision et appuyer ses propos, qu'il répondit d'un ton décisif :

« Soit ! J'ai mon souhait alors ! Aller sur Terre, un 2 Novembre – peu importe l'année... mais proche de 2000, quand même – tu peux le faire ? »

Car Hypocras avait bien une idée derrière la tête, et même si elle lui était venue sur le moment, sans vraiment y avoir réfléchi, elle ne lui en paraissait pas moins de fort bon aloi. Bien sûr, restait la potentialité, gênante mais possible, que mademoiselle la déesse de la mort ne fût pas au courant de l'existence de la Terre, parallèle à Terra, mais tout de même, un être aussi supérieur ne pouvait qu'en être averti, n'est-ce pas ?

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: dimanche 09 décembre 2012, 00:34:53 »
Il fallait bien dire quelque chose : Hypocras n'avait guère d'appréciation envers ceux qui se complaisaient à se lamenter sur leur sort, les plaintes lui sonnant désagréablement à l'oreille tels des chouinements puérils, et les élans mélodramatiques lui apparaissant rapidement n'être qu'une resucée maladroite de quelque mauvais monologue tragique tiédasse réalisé par un écrivaillon du dimanche. Un constat bien sévère, certes, mais le vieux chèvre-pied estimait qu'il était tout à fait son droit de ne se préoccuper que des événements et des personnalités qu'il pouvait juger intéressants, et de laisser les autres au rebut. Par conséquent, voir la jeune femme répondre au cliché cent fois vu et revu de l'entité toute-puissante qui ne demander rien tant que de pouvoir accéder à des sentiments bassement humains ; voir cela l'irritait et s'en prenait à sa patience facilement limitée.

Voilà qui était fort bien dit, mais il y avait un hic dans l'affaire : le penser était une chose, le montrer en était une autre lorsque notre ami avait à ses côtés une entité qui, s'il faut le répéter, pouvait d'un moment à l'autre le faire passer ad patres simplement sur un coup de tête. De plus, il pouvait difficilement passer outre la nature surpuissante de cette tête de linotte, celle-ci n'ayant jusqu'à maintenant pas laissé passer cinq minutes sans faire usage de ses pouvoirs d'une façon ou d'une autre, venant en l'occurrence de se faire réapparaître de nouveaux vêtements et d'effacer ses pansements avec une nonchalance frisant la désinvolture. Nom d'un chien, voilà bien quel était le problème des dieux : ils étaient pourris-gâtés ! Qu'importait que l'équilibre du monde ou il ne savait quelle autre préoccupation reposât sur leurs épaules ? Les gens plus humbles doivent, eux, se soucier de la faim, de l'insécurité, de la vieillesse, soucis au moins aussi pesants, et cela ne les empêchait pas d'apprécier le bonheur là où ils pouvaient le trouver !

S'étant déterminé à rester fidèle à lui-même, et à prendre le taureau par les cornes, Hypocras se leva donc d'un bond souple et fit claquer avec emphase ses sabots sur le sol pour ponctuer son discours, déclamant avec aplomb en réponse aux gémissements de la demoiselle :

« A toi de le découvrir ! Rien de plus simple hein ! » Entonna-t-il catégoriquement tandis qu'il se mettait à faire les cent pas devant elle, énumérant. « Tu veux découvrir l'amitié ? Fais-toi des amis ! Tu veux connaître la paix ? Déniche un coin où tu te sens à l'aise ! Tu veux connaître l'amour ? Trouve-toi quelqu'un que tu puisses aimer ! » Et sur ce dernier mot, il arrêta ses déambulations, se campant devant elle pour la fixer avec insistance tout en la pointant d'un doigt de défi. « C'est comme tout : ça tombe pas tout cuit dans la bouche et y'a pas de recette miracle ! Faut simplement expérimenter ! »

La messe était dite, et si cela ne pouvait pas sortir la déesse de son chagrin torpide, alors il ne pouvait définitivement rien pour elle : qu'il l'aidât à « sortir le dimanche », comme le disait l'expression si plaisamment illustrative, d'accord, mais qu'il dût la prendre par la main et la guider jusque dans les étapes les plus évidentes pour lui apprendre à vivre, non merci ! Pour l'heure, restait à voir si elle se secouerait les puces et relèverait le gant, ou si elle continuerait de s'avouer vaincue avant la bataille... notre faune croisait en tout cas les doigts pour qu'une fois de plus, sa chance ne l'abandonnât pas en cet instant critique pour le laisser victime du courroux d'une divinité insultée.

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Et bien, fut-ce une lueur de désapprobation, fugace mais bien présente, qu'il vit flotter dans les yeux de lavande du jeune garçon ? Son comportement dans son ensemble semblait effectivement relever d'une certaine candeur, et cela, bien qu'il s'abstînt de le montrer afin d'éviter de s'attirer la mauvaise humeur du magicien en herbe, n'était pas sans amuser le vieux baroudeur : à l'occasion cynique et souvent je-m'en-foutiste, il ne côtoyait jamais quelqu'un rayonnant d'idéaux sans se sentir intrigué, partagé entre respect et moquerie devant un tel souci moral. La question aurait probablement mérité tout un laïus, mais les circonstances se prêtaient à autre chose qu'un débat à la Cicéron, aussi le satyre ne fit-il aucun cas de ce détail, se contentant de suivre le petit gars avec une nonchalance bonhomme, les mains dans les poches et un fredonnement au bord des lèvres, lequel se mua en un ricanement sous cape goguenard lorsque plusieurs paire d'yeux interloquées se portèrent sur l'étrange duo qu'ils formaient. L'opinion majoritaire était-elle donc que ce couple tout droit sorti d'une manuel de pédérastie traditionnelle avait élu ce coin d'essayage comme lieu d'ébats amoureux ?

Fichtre, c'est qu'Hypocras n'aurait pas été contre, hé hé ! Le gamin n'était pas déplaisant à contempler, avec son minois non dénué de quelque chose de délicat et d'angélique, ses manières un brin fanées mais touchantes, et son physique qui attisait globalement pas mal les envies. Tandis qu'il profitait de sa position derrière Azazel pour détailler sa physionomie juvénile d'un air appréciateur, il se demanda si cet enfant de cœur avait déjà fait profiter de ses charmes à quelqu'un, devant toutefois très vite reprendre une contenance plus neutre lorsque l'éphèbe en question se retourna tout à coup. Un brin surpris, le faune se demanda l'espace d'un instant s'il était plus perceptif qu'il en avait l'air, mais son air soucieux laissait entendre qu'il s'inquiétait simplement de voir la subtilisation de sa nouvelle rencontre éclater au grand jour, et cela s'avéra juste lorsqu'il se détendit perceptiblement une fois les portes du magasin franchies. Ce ne fut ensuite l'affaire que de quelques dizaines de mètres à peine à parcourir à pied avant que son guide improvisé ne pénétrât d'un pas fébrile dans le premier estaminet qui s'offrit à sa vue, allant ensuite s'asseoir avec une hâte perceptible.


Son aîné, pour sa part, prit son temps pour s'installer confortablement dans la chaise en vis à vis de son interlocuteur, prenant place avec un soupir de soulagement sur le coussin déjà quelque peu usé, fourrant machinalement ses mains dans ses poches pour se mettre à y triturer les pièces qui s'y trouvaient, ses doigts ne supportant jamais d'être laissés au repos. Voyant la nervosité du garçon, qu'il ne faisait pourtant rien pour entretenir, la tentation le chatouilla de lui envoyer encore une fois une pique en puisant dans le registre du rendez-vous amoureux, mais, préférant ne pas risquer de déstabiliser encore plus le jeune homme, il n'en fit rien, même si l'adorable timidité qu'il arborait en triturant maladroitement son long appendice capillaire titillait son envie de le voir rougir et s'affoler. Au lieu de cela, il prit le parti de la sagesse et de la patience et le couva passivement d'un regard malicieux en attendant une question qui ne se fit pas attendre... Et qui aurait pu bien plus en révéler sur lui que le post-adolescent ne paraissait en avoir l'avis !

« Quelques jours à peine. » Mentit-il à moitié. « Je voyage pas mal, et je dirais que Seikusu est une halte parmi d'autres. » Là, il s'agissait de la vérité... en quelque sorte.

S'il avait dû tout dire honnêtement (contrainte à laquelle il n'était fort heureusement pas astreint), il aurait dû dire qu'il côtoyait « le coin » depuis près de vingt ans ; plus précisément depuis 1993, lorsqu'il avait été y faire un tour d'horizon pour donner son avis à Aphrodite à la demande de cette dernière... enfin, 1993 si l'on excluait ce bref séjour qu'il y avait fait en 1654, une époque où le patelin avait eu une allure bien différente. Mais bref, ne voulant pas laisser la conversation à peine initiée mourir, il reprit aimablement :

« Et toi, qu'est-ce qui t'amène à Seikusu, fils de l'ange ? » Fit-il d'un air mutin, s'amusant de la signification de son nom tout en étant loin de se douter à quel point il mettait le doigt dans le mille. « Une bière brune, je vous prie. » Ajouta-t-il, non pas à son adresse, mais à celle d'un serveur empressé mais à l'allure désespérément banale qui n'avait pas tardé à venir à leur rencontre pour s'enquérir de leur consommations.

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Les alentours de la ville / Re : Brave Moreau [Lucie Moreau]
« le: mercredi 28 novembre 2012, 18:16:26 »
Attendant les résultats de ses sommaires investigations vocales, le satyre incognito continua de s'avancer sans se presser en direction du territoire fermier qui se présentait à lui, s'apercevant vite que Lucie Moreau, si du moins elle était bien l'heureuse propriétaire de ces quelques hectares, était en tout cas douée d'un trait de caractère qui la mettait en directe opposition avec Hypocras : elle aimait le travail ; et le travail bien fait, qui plus était. Là où le vieux Grec considérait toute possibilité de boulot comme une torture bêtifiante indigne de sa condition d'artiste, la Française avait l'air de considérer au contraire que l'avenir appartenait aux bosseurs, la preuve en étant de l'état de bon entretien qu'arborait le corps de ferme dans son ensemble. De ce qu'il pouvait en voir, rien ne respirait une procrastination coupable qui aurait pu être discernée par des indices de délabrement honteux ou de friche désordonnée ; tout relevait de l'activité d'une âme dévouée à ne rien laisser en plan et à accorder à chaque jour une peine salutaire.

Il contemplait tout cela, partagé entre une considération honnête et une désapprobation un brin moqueuse, lorsque une silhouette très manifestement humaine émergea de la grande qui constituait le bâtiment le plus imposant des alentours ; et en un clin d’œil, il eut l'assurance que ni le Père Moreau ni lui ne s'étaient trompés. C'est que parmi ses multiples qualités, au registre desquelles la modestie ne figurait assurément pas, le baroudeur antique était bon physionomiste, et au fur et à mesure qu'elle s'approcha, il reconnut le visage bonhomme, l'allure gaillarde et le regard pénétrant qui caractérisaient sa famille. De plus, ce physique boulot, qui évitait habilement l'obésité disgracieuse et s'affichait plutôt en des rondeurs des plus appétissantes, ne pouvaient appartenir qu'à ce beau bébé qu'il avait jadis vu s'agiter dans son couffin, de même que la touffe rougeoyante qui s'épanouissant sur son crâne faisait écho aux mèches rousses dont le crâne du nourrisson était alors parsemé. Enfin, tout simplement, il aurait fallu être aveugle ou atteint d'idiotie sévère pour ne pas éliminer aussitôt la possibilité d'une quelconque ascendance nippone, le type caucasien se lisant aussi aisément sur cette femme d'aspect guilleret que le soleil dans le ciel.


L'abord vestimentaire avait, quant à lui, de quoi déstabiliser quelque peu, mais, étant donné les circonstances météorologiques, on pouvait aisément le pardonner, le faune ayant plus d'une fois eu affaire à des gens munis d'un équipage autrement plus incongru ! De surcroît, le peu d'habits qu'elle avait mis lui donnait l'occasion de tâter furtivement du regard, avec une attention subreptice, le corps dodu de la nouvelle arrivante, qui suscitait à l'esprit des idées de caresses à pleines mains et de baisers voraces sans retenue.

Ce n'était toutefois et de toute évidence pas le moment pour de telles familiarités, aussi, ne laissant pas transparaître les pensées libidineuses qu'il entretenait, Hypocras se contenta de la recevoir avec un sourire franc et amical en voyant qu'elle ne se souvenait clairement pas de lui, ce qui n'avait rien d'étonnant puisqu'il l'avait connue à un âge où les bulles de salive sont probablement le plus grand exploit que l'on peut accomplir. Ainsi donc, empoignant avec chaleur la main ponctuée de cals de la fermière, il la secoua avec une adresse et une mesure soigneusement étudiées au fil des âges, répondant avec allant :

« Et bien en fait, rien que ta présence est suffisante, puisque c'est toi que je suis venu voir ! » Fit-il avec une malice non dénuée de galanterie, s'arrogeant le tutoiement en vertu de sa qualité d'ami de la famille. « Je suis Hippolyte. Hippolyte Crasier. Peut-être que tes parents t'ont parlé de moi ? » Poursuivit-il avec une cordialité de bon aloi.

Comme mentionné précédemment, il prenait un risque en lui donnant l'opportunité de remarquer l'incongruité de son apparence par rapport aux années passées ; mais comme il l'a également été mentionné, il ne se faisait pas de soucis, faisant confiance à son bagout et à l'humeur manifestement conciliante de la bonne dame pour ne pas se mettre dans le pétrin.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: mercredi 28 novembre 2012, 17:24:36 »
Hypocras avait beau être pénétré d'une dose d'orgueil conséquente, et avoir une confiance éprouvée en ses capacités d'orateur et d'empathe, il n'était tout de même pas sûr d'obtenir les résultats qu'il escomptait, aussi fut-ce avec un sentiment de soulagement libérateur qu'il vit revenir l'ambiance certes désolée mais plus sereine de la cache souterraine, l'atmosphère reprenant un caractère plus serein au diapason de l'humeur de la déesse. Celle-ci, ajoutée de sanglot et au visage baigné de larmes, n'avait de toute évidence pas cessé pour si peu de broyer du noir, mais au moins, elle s'exprimait désormais de façon plus cohérente, émettant le désir qu'il avait déjà soupçonné chez elle : celui de goûter à des plaisirs simples qui lui feraient oublier ne fût-ce qu'un instant sa condition d'être d'essence divine.

Au moins, en ce qui concernait ce terrain, l'être bachique était dans son cadre de prédilection, son existence entière depuis sa naissance jusqu'à ce jour ayant toujours plus ou moins gravité autour de l'hédonisme ; autant dire que la réjouissance et la jouissance, ça le connaissait ! A ce propos, rappelons tout de même que le bon sire avait en face de lui une jeune femme nubile, au physique loin d'être désagréable (d'un autre côté, il eût été étonnant que celui d'une divinité le fût, à part à dessein), et qui ne portait à cette heure aucun vêtement sur elle puisque son secoureur avait été réduit à devoir en faire de la charpie pour panser les blessures qu'elle avait auparavant arborées. Précisons, enfin, qu'il tenait cette créature tout contre lui, et l'on comprendra que le chèvre-pied n'était pas sans devoir faire certains efforts pour ne pas laisser ses mains s'égarer ou certaines parties de son corps réagir involontairement. Une véritable épreuve pour un satyre !

« Bah, y'a pas eu de mal, alors t'inquiète pas, je t'en tiens pas rancune. » Commença-t-il par répondre aux excuses de la demoiselle aux cheveux blancs.

En fait, ce n'était là qu'à moitié vrai, puisqu'il conservait une pointe de mauvaise humeur assez vivace de cette expérience aussi déplaisante qu'involontaire. Cependant, Hypocras n'était pas un être vindicatif, ayant appris depuis longtemps qu'entretenir les mauvais sentiments ne menait à rien de bon, aussi avait-il pour habitude de mettre autant que possible de ce qui lui déplaisait de côté. Qui plus était, il n'oubliait évidemment pas qu'il était en présence d'une entité capable de le désintégrer en un clignement de paupières si jamais l'envie lui prenait, aussi était-il doublement conciliant et prudent. Ce fut d'ailleurs ce souci qui le poussa à ne pas agir avec trop de lascivité ou de sensualité dans ses gestes lorsqu'il se déplaça pour venir s'asseoir à côté de la jeune fille, passant un bras autour de ses épaules en un geste qui pouvait tout aussi bien être une simple attention chaleureuse qu'une invitation à une proximité plus intime.

« De quel genre de sentiments est-ce que tu parles ? Qu'est-ce que tu aimerais expérimenter ? » Lui demanda-t-il sur un ton mesuré et cordial propre à tout discuteur consommé.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: jeudi 22 novembre 2012, 19:03:23 »
Se rendant compte de l'état d'instabilité alarmée dans lequel la petite boule de puissance divine était en train de s'abîmer plus que jamais, Hypocras présagea le pire quant à ce qui allait se passer, mais, une fois de plus, maintint les rênes de son sang-froid avec fermeté, se défendant une fois de plus de céder à la peur et à l'affolement. Il s'agissait là d'une conduite qui pêchait très probablement par excès d'orgueil, mais on a sa fierté ou on ne l'a pas, et quand on est vieux, artiste, et satyre, on ne manque triplement pas de grands chevaux sur lesquels monter. Attendant par conséquent avec constance et ténacité de voir ce qui allait se passer, il sentit tout son corps se crisper et retint sa respiration lorsque les ondulations d'un noir insondable reparurent sur la peau pâle de la demoiselle. C'est qu'elle avait beau avoir eu l'obligeance de congédier l'arme qu'elle lui avait exposé sous le nez, cela n'avait fait que le rassurer en surface, le baroudeur ancestral s'attendant à de nouvelles manifestations possibles d'une toute autre ampleur... à juste titre.

En effet, à peine eut-il le temps de sentir une sorte de frisson, de vague invisible parcourir tout son être, que le décor, l'ambiance, le lieu, changea du tout au tout, le cadre passant d'une niche dans les Landes Dévastées à un chaleureux intérieur digne des stéréotypes les plus éhontés de famille heureuse. Un changement pour le moins déstabilisant, et qui aurait pu faire perdre ses repères au chèvre-pied si celui-ci n'avait pas déjà bien des fois vécu des expériences de distorsion sensorielle et mémorielle dont certaines confinaient aux plus hauts sommets du délire éveillé. La question restait tout de même de savoir s'il ne s'agissait là que d'une illusion ou si ce qu'il voyait était bel et bien la réalité... ou tout du moins, une réalité. En fait, le faune n'en avait cure : ne serait-ce que parce que le monde de Terra, qu'il avait arpenté bien et bien des fois, n'était somme toute que la projection gargantuesque de l'imagination d'une déesse plénipotentiaire, il avait appris à relativiser tout ce qui pouvait lui arriver et tout ce qu'il pouvait contempler, et à prendre les choses comme elles venaient.


Toutefois, entre être mentalement préparé à une chose et y être confronté, il y a une différence bien visible, et cette différence, Hypocras la sentit bien lorsque des pincements d'horreurs et de dégoût le saisirent devant le spectacle morbide qui s'offrait à lui, tout un catalogue hétéroclite d'être divers se présentant à lui pour périr en une succession de toutes les formes de décès possibles et imaginables. Serrant les poings, grattant le sol (y avait-il d'ailleurs encore un sol?) d'un de ses sabots, et grommelant dans sa barbe, le quadragénaire barbu réfléchit à toute vitesse, parvenant aussi rapidement qu'aisément à la conclusion qui s'imposait : il semblait que la prétendue mort incarnée eût pour de bon perdu les pédales, et à moins de trouver un moyen de lui remettre les idées en place, la situation présente était partie pour durer !

Agissant sans se poser de questions, comme il savait si bien le faire, il s'agenouilla pour se mettre au niveau de la donzelle aux cheveux blancs toujours recroquevillée en position assise et, la prenant sans hésitation dans ses bras, il l'amena contre lui, apposant son visage contre son torse et lui frictionnant le dos en un geste de vigoureux réconfort. Espérant que cette bonne vieille méthode de soutien moral suffirait pour la ramener vers un état d'esprit plus positif et stable, il s'efforça de se concentrer sur le caractère chaleureux de son attitude plutôt que sur les visions cauchemardesques qui ne discontinuaient pas autour de lui. Sur le même ton qu'il avait adopté pour son injonction passée, il parla directement à l'oreille de la jeune femme dans le but de capter son attention :

« Hé allez, du calme. Pense pas à ça voyons. Dis-moi plutôt que tu aurais envie de faire. »

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: jeudi 22 novembre 2012, 01:43:53 »
Hypocras n'était pas quelqu'un de puissant, quel que fût le sens que l'on fît aborder à ce terme : il n'avait ni grands pouvoirs, ni armées dévouées, ni moyens mirobolants, et faisait bien triste figure si on le mettait à l'aune d'un véritable héros. Cependant, ce qu'il possédait, c'était son éternel sens du culot, d'une sorte d'effronterie légèrement matinée de cynisme qui lui faisait voir les choses d'un œil rusé et lui permettait souvent d'arriver à ses fins, ou, tout du moins, d'éviter les pires ennuis. Là où il arrivait à d'autres de se lamenter sur leur sort, le satyre réagissait, rusait, louvoyait, embobinait parfois, et trompait quelquefois, n'étant jamais à court d'idées ou de réflexions sur ce que le présent lui offrait. Un soupçon bien amené de cette chance qui sourit aux audacieux achevait de le rendre apte à tirer son épingle du jeu là où plus d'un n'aurait probablement eu qu'à s'écraser ou à se mettre dans de beaux draps... même si ses méthodes n'étaient pas toujours infaillibles, loin de là.

Pour l'occasion, il voyait bien que, malgré les apparences et le rapport de force, il avait le dessus d'une certaine manière, car le ménestrel ancestral connaissait bien les puissants : si haut qu'ils pussent aller, il leur manquait toujours quelque chose, et ressentaient perpétuellement une sorte d'insatisfaction sourde qui leur faisait à l'occasion envier les plus humbles, et les considérer avec une espèce de jalousie féroce, une curiosité perplexe, voire des égards précautionneux. C'était dans cette dernière catégorie qu'il classait son interaction avec la déesse jouvencelle, étant donné que, ne lui en déplût, elle paraissait l'entourer d'attentions là où la logique aurait dicté qu'elle ne lui prêtât pas plus attention qu'à un cafard. Elle-même l'avouait d'une certaine façon, confessant l'éternelle insatisfaction dans laquelle la plongeait son omnipotence, avouant son envie de plaisirs aussi simples et intemporels que peuvent l'être ceux de boire un verre, se chauffer près d'un feu, ou rire à des plaisanteries...


De toute évidence, les tourments de la jeunette atteignaient des proportions des plus déstabilisantes pour elle, puisqu'elle fut envahie de tremblements et de larmes tandis que le poids des émotions l'écrasait de façon véritablement physique. N'étant pas du genre à courir auprès d'elle pour la rassurer à la manière d'un chevalier servant d'opérette, le faune se contenta de se redresser posément, ignorant placidement sa dernière question et époussetant de façon détachée ses jambes poilues tout en écoutant la fillette renouveler sa suggestion d'un ton qui suggérait l'urgence. Cependant, elle n'y tint rapidement plus, et finit par avouer qu'elle désirait quelque chose, ne pouvant toutefois aller au bout de sa phrase qui fut comme coupée par une réalisation soudaine et terrifiante.

Déstabilisant. Toutefois, une fois de plus, il n'était pas chèvre-pied à paniquer à la moindre alerte (ou tout du moins, à montrer qu'il paniquait), s'agît-il de la détresse d'une entité plénipotentiaire dont l'était de crise aurait potentiellement pu impliquer l'éradication vive et brutale de toute vie dans le secteur, ce qui l'incluait de façon fâcheuse. Se raccrochant donc à son sens aiguisé de la prestance, il se rapprocha de la gamine tout en s'efforçant de faire abstraction de l'immense objet noir et tranchant qu'elle tenait toujours. Agissant presque avec cérémonie, il apposa une paume bienveillante sur son crâne garni de longs cheveux blancs, caressant doucement ce qui avait une texture capillaire diablement ordinaire pour une partie du corps d'une déesse.

« Dis-moi donc. » Énonça-t-il simplement d'une voix grave, soutenue et pénétrante dont la stabilité se voulait rassurante.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: lundi 19 novembre 2012, 00:09:29 »
Où voulait-elle en venir désormais ? Nom d'une pipe, il avait bien compris le topo sur la mort, la collecte des âmes, le travail de fauchage incessant... il connaissait ses classiques, tout de même, et n'avait pas besoin qu'on lui brandisse un instrument de mort (l'expression était d'ailleurs adaptée à un point presque comique, en l'occurrence) pour lui faire un dessein ! Il n'eut cependant pas le temps d'objecter qu'elle parut se concentrer, faisant renaître sur sa peau les mêmes marquages indéchiffrables qu'avant, et semblant tirer à elle quelque chose d'invisible, de lointain et de conséquent ; manifestation dont la présence sinueuse et froide se fit en un instant de plus en plus appuyée, envahissant les lieux d'une espèce d'aura d'entropie à couper le souffle. De fait, le satyre perdit un peu de sa superbe devant cette preuve renouvelée de la puissance mise en avant par la fillette. C'est qu'il avait une répugnance appuyée envers les armes, quelles qu'elles fussent, et même plus de deux millénaires d'existence n'avaient pu le débarrasser de ce dégoût et de cette crainte instinctifs qui s'emparaient de lui chaque fois qu'on lui pointait une épée, un pistolet ou même une bouteille brisée sous le nez.

Cependant, crâneur, baratineur et grand poseur comme toujours, il fit en sorte de ne pas laisser transparaître son malaise, se contentant d'aborder une expression de recul et de dépréciation de bon aloi devant l'espèce de grand pan noir recourbé et d'allure mauvaise qui se dressait devant lui et dont il n'était pas facile de détacher les yeux, serré dans la main de la gamine pâle. D'ailleurs, celle-ci, d'un ton blasé et passant encore une fois du coq à l'âne, lui proposa tout de go de réaliser un souhait de sa part, ce qui le laissa une fraction de seconde interloqué, mais au sujet duquel il ne tarda pas à mettre ses méninges en branle. S'agissait-il donc d'une sorte d'entourloupe, de contrat dont il serait le dindon de la farce ? Il ne semblait pas, l'expression désabusée et formalisée de la petite déesse indiquant de toute évidence qu'il s'agissait d'une sorte de moment de bonté de sa part. Et bien...


Dans un premier temps, il fut tenté de carrément répondre à la manière du célèbre personnage tigresque de Calvin & Hobbes, et de demander un sandwich, mais il ne concrétisa pas cette petite inclinaison. La répartie n'aurait pas manqué d'allure, certes, mais étant donné à quel point elle se montrait pince-sans-rire, l'effet aurait été gâché.... hmm... pas question non plus de demander des choses grandiloquentes ; non pas qu'il n'eût pas quelques idées de grandeur là tout de suite, mais contrairement à ce qu'avance l'adage, abondance de biens peut nuire puisqu'elle peut rendre con. Voyons, voyons... en fin de compte, il sut quoi répondre, et ce fut donc avec un demi-sourire renouvelé plus que jamais matois, et une étincelle de malice pétulante dans le regard qu'il lui retourna :

« Et toi ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Honneur aux dames après tout. »

Restait à espérer en tout cas qu'elle ne lui chanterait pas le même couplet que jusqu'à maintenant, la rengaine de la pauvre déesse condamnée à accomplir son office ancestral étant décidément bien pesante, d'autant plus quand, comme Hypocras, on connaissant deux-trois choses sur les dessous de Terra et de ses résidents... mais chut.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: dimanche 18 novembre 2012, 03:27:52 »
Décidément, les choses ne semblaient pas être disposées à progresser aussi rapidement qu'il l'avait espéré, la fillette (il ne pouvait s'empêcher de la qualifier de la sorte en son for intérieur, malgré les révélations récentes) semblant pénétrée de ce même syndrome qui caractérisait souvent les puissants : ils se sentaient investis d'une sorte de mission de grande ampleur, et si jamais il leur paraissait qu'ils s'en détournaient un tant soit peu, ils ne pouvaient apparemment plus en fermer l’œil de la nuit, éprouvant comme le besoin de se destiner à de grandes choses. Peut-être bien que la personne en surplomb de laquelle était bel et bien une divinité contractuellement obligée de se charger de la moisson des âmes, comme elle l'affirmait, mais cela ne la contraignait nullement à arpenter un chemin aussi noir qu'elle le dessinait. Dame, ce n'était pas à l'époque de sa jeunesse que l'on aurait vu un Zeus ou un Mercure se plaindre de la sorte ; les divins pères savaient s'assumer dans le temps !

Laissant toutefois de côté ces ruminations rétrogrades, il prêta une oreille à moitié distraite à ce qu'elle lui disait, s'étant mise à entonner le même couplet de responsabilité plaintive et, jugeant ses affirmations trop peu convaincantes (comme elles l'étaient à vrai dire effectivement pour Hypocras), se proposa même de faire preuve de davantage d'éloquence en lui donnant un aperçu nettement plus direct de la situation. A cela, le satyre répondit d'instinct par un toussotement en apparence singulier mais qui ne masquait pas tout à fait une nervosité bien réelle. C'était que malgré les siècles passés, le bougre n'était nullement désabusé, et il tenait autant à sa peau que lors de ses plus vertes années. Or, l'idée de se voir infliger les pires images qu'une entité supérieure pouvait conjurer lui évoquait à tout moins une perspective d'aliénation mentale peu engageante. Désireux d'écarter cette éventualité, il répondit sans ambages :

« Sans façons. » Puis, désireux de réorienter la conversation vers un sujet moins sujet à le voir finir comme un légume à l'esprit défoncé par une invasion mentale surpuissante, il renchérit. « Pour en revenir à ce que je voulais dire, je me répète, mais pourquoi tu prends pas des vacances ? Tu dois bien pouvoir t'aménager un moment par-ci par-là pour décompresser. Une pause pour se délasser, se défouler, et repartir du bon pied. »

Conclut-il, se faisant conciliant. Il restait persuadé qu'il aurait tout simplement été possible d'abandonner carrément toute responsabilité, mais puisque la gamine bourreau de travail tenait manifestement mordicus à ne pas se détacher de ce poste qui lui avait été attribué, il était bien obligé de louvoyer pour espérer l'amener à s'orienter vers des envies plus réjouissantes que de se lamenter sur son sort.

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De toute évidence, le jeunot était dans un état que, en concordance avec les vocables modernes anglophiles, on aurait pu qualifier de bug, la preuve en étant de l'immobilité tendue qu'il avait adoptée et de l'air pantois que son visage avait pris, la bouche semi-ouverte en un début de réponse qui ne venait pas, les mots s'entremêlant dans le brouhaha de sa confusion. A le voir du coin de l’œil tandis qu'il continuait de faire mine de s'inspecter dans la glace, il eut un léger sourire en coin qui se mua en sourcil haussé de perplexité lorsque le gamin s'achemina vers lui d'une démarche un brin raide pour venir ensuite s'incliner devant lui d'une façon que n'aurait probablement pas désapprouvé un dignitaire nippon. Diable, en voilà une cérémonie pour son humble personne ! Avait-il donc l'air si vénérable que ça... ou le petit gars avait-il baigné dans il ne savait quel corpus de croyance pour faire ainsi montre d'une telle déférence envers ce qui lui apparaissait comme inhumain, donc surnaturel ?

En tout cas, bien qu'adoptant un registre quelque peu déplaisamment suranné, et faisant montre de bien des égards, il avait l'air d'avoir convenablement révisé ses classiques puisqu'il s'adressa à lui sous le terme de « faune », tapant là dans le mille. Il y avait bien là de quoi se demander qui donc était ce beau minet à l'accoutrement si peu banal, qui venait faire irruption dans l'intimité d'une cabine d'essayage tel un cheveu sur la soupe, et s'empressait ensuite tout de go de se présenter d'une manière si formelle qu'il n'aurait plus manqué que la carte de visite. Quoi qu'il en fût, le chevreuil chevronné rejeta assez rapidement l'hypothèse d'une entité puissante et expérimentée telle qu'il pouvait en rôder à l'improviste sur Terre comme sur Terra, l'allure excitée et scrutatrice du bambin démentant assez clairement une telle possibilité.


Pourtant, bigre, l'expression circonspecte d'Hypocras, qui s'était mâtinée de bonhomie bienveillante alors qu'il s'était tourné vers le garçon d'un air indulgent, se teinta d'une légère surprise en le voyant marmotter quelques paroles sans grand sens, qui avaient tout de même fichtrement l'allure de quelque formule magique, comme l'affirma ensuite tout de go l'ensorceleur assumé. Allons bon ! Réel sorcier, comme il venait de l'avancer, ou jeune godelureau vivant dans le déni, comme il en existant hélas trop ? Difficile à dire pour notre satyre qui avait approximativement l'affinité magique que l'on attribue d'ordinaire au caillou moyen. Il restait en tout cas que cette nouvelle connaissance fortuite faisait montre de manières pas désagréables du tout au fond, sans compter que son joli minois avait de quoi aisément mettre les appréciateurs de beauté juvénile dans de bonnes dispositions.

Par conséquent, tout de désinvolture et d'ouverture d'esprit, le vieux ménestrel se décida à se montrer bien disposé envers cet Azazel, et il s'approcha par conséquent plus près de plus avec un franc sourire, lequel déformait sa toison faciale d'une manière que l'on associait facilement à l'image du bon père bien intentionné... ce qui n'était en l'occurrence pas si loin de sa disposition actuelle, caractère libidineux et je-m'en-foutiste mis à part. Avançant une de ses pognes burinées par le temps, il saisit l'une des menottes du jeune homme avec allant, la secouant ensuite avec une maîtrise du geste issue de l'expertise d'avoir cent et cent fois répété ce geste :

« Hippolyte Crasier. Hypocras pour les amis. Un plaisir ! » Se présenta-t-il tout gaillardement, avant d'enchaîner après un léger sifflotement pensif en faisant le tour de l'habitacle du regard. « Faisons donc pas de manières. Puisque j'ai l'air de t'intéresser, sortons donc et voyons à tailler une bavette... voire même prendre un morceau tiens. Ce sera mieux que de se raconter sa vie dans une cabine d'essayage. »

Voilà qui était bien notre bon ami au naturel dans toute ça splendeur : dénué de complexes comme de complexité, il ne s'embarrassait pas de préambules et allait droit au but, n'hésitant pas à outrepasser franchement les formules de politesse oiseuses et les atermoiements rébarbatifs, passant tout de suite à ce qu'il y avait d'intéressant : une bonne conversation, tudieu ! Décidément, la journée promettant d'être nettement moins monotone qu'elle n'avait menacé de l'être, et ce fut en fredonnant un air indistinct avec enthousiasme qu'il se disposa à se rééquiper pour sortir, engonçant promptement ses sabots dans ses bottes et transvasant le contenu de son ancien pantalon dans le neuf qu'il avait enfilé. En vrac : une liasse de quelques billets de yens chiffonnés, une sucette de couleur rouge dans un emballage transparent, une petite bourse contenant du tabac à priser, une photo de femme de format carte d'identité, une poignée de pièces à la provenance aussi hétéroclite qu'indistincte, et enfin, un petit flûtiau de la longueur de sa main à peine, le faune se sentant toujours étrangement plus à l'aise avec un instrument sur lui. Le tout, comme par un tour de passe-passe de Mary Poppins, s'engouffrant dans les poches un poil rigide de son nouveau vêtement, lesquelles étaient tout simplement d'une profondeur assez particulière comme le satyre avait pris soin de s'en assurer avant de faire son choix.

Pour parachever ses préparatifs, il porta une main vers le bas de son dos et, d'un coup sec, arracha l'étiquette qui y était attachée, et qui, si les choses n'avaient pas trop changé depuis son dernier larcin en la matière, comprenait aussi l'antivol de l'habit. Il fallait dire qu'entre cette nouvelle manière de sécuriser les articles vestimentaires, et le retrait des caméras dans les cabines d'essayage suite à de trop nombreuses plaintes, il y avait là une sacrée aubaine pour les maraudeurs, ce qu'était à l'occasion le voyageur ancestral volontiers peu scrupuleux. Ne faisant en tout cas montre ni de vergogne ni même d'aucune émotion particulière à part un aimable enthousiasme, il redressa rapidement son couvre-chef sur sa tête, et fixa ensuite son regard sur Azazel, l'encourageant à prendre l'initiative pour la suite des évènements.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: jeudi 08 novembre 2012, 01:36:22 »
Posé et attentif, Hypocras attendait et écoutait, dans une posture digne d'une image d’Épinal de vieux sage rompu à l'expérience des réalités de la vie, même s'il manquait probablement quelques années à son physique, une longueur supplémentaire à sa barbe, et un teint plus blanc à sa pilosité pour que le tableau fût complet. Et tandis qu'il prêtait une oreille aimable aux paroles de la convalescente, ses doigts s'activaient à triturer dextrement l'étoffe épaisse de son mouchoir, s'amusant de façon à moitié inconsciente à y tracer de vagues motifs et à lui faire prendre des formes diverses, le satyre supportant la plupart du temps difficilement de ne rien faire. Cela n'empêchait qu'il gardait tout le flegme qui l'avait caractérisé jusqu'alors, et s'il fut déstabilisé par la révélation fracassante de la fillette, il ne le laissa pas voir autrement que par un sourire qui plissa les traits profondément marqués de son visage.

Pensant à la réponse qu'il allait pouvoir donner à une pareille réplique, il se fit la réflexion que les dieux étaient décidément des personnes comme tout le monde, tout autant capables de défauts et d'erreurs de jugement que le commun des mortels. D'ailleurs, encore une fois, rien ne disait que les allégations de la demoiselle reflétaient la vérité, mais de toute manière, si tel était le cas, qu'importait ? Déesses, sorcière, magicienne, druidesse ou quoi qu'elle pût être, cela ne changeait pas grand-chose à l'équation : avec un zigomar tel que lui comme opposant potentiel, elle aurait probablement tôt fait de le mettre sur le carreau du fait des pouvoirs qu'elle possédait manifestement. A partir d'une certaine échelle de puissance, ça ne fait pas une grande différence...


Bref, s'étant définitivement remise à vitesse éclair de ses blessures (ce qui confirmait qu'elle était en tout cas dotée de moyens qui surpassaient de loin ceux d'un humain lambda), et parvenant même désormais à parler et à bouger, elle n'en restait apparemment pas moins pénétrée d'un gros cafard, donc Hypocras avait en réalité bien du mal à voir la raison au fond. Pour lui, la solution était simple et, sans se formaliser de la guérison miraculeuse de la gamine, il la partagea avec elle :

« Dans ce cas, pourquoi tu prends pas simplement des vacances... ou tu dis pas tout bonnement « Je démissionne ! » ? » Voyant venir la réponse qu'elle allait lui retourner, il anticipa avec un geste désinvolte de la main. « Ouais, je sais, tu vas me dire que c'est ton devoir ou je ne sais quoi d'autre, mais au fond, qu'est-ce qui t'empêche de jeter toutes ces préoccupations-là au feu ? Le monde va pas s'écrouler pour ça ; je te parle d'expérience. »

Il aurait pu terminer cette phrase sur un ton mystérieux, ou même dramatique, mais il n'en fit rien, se cantonnant au même bon sens qui avait dicté ses paroles depuis le début. Il ne se sentait pour l'heure pas particulièrement d'humeur à partir dans de grandes manifestations verbales rugissantes de formules bien amenées et de mots bien sentis, trouvant qu'une approche terre-à-terre seyait bien à la situation.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: lundi 05 novembre 2012, 12:26:40 »
Dans l'allure d'Hypocras, il se dégageait bien souvent un étrange mélange d'empathie compréhensive et de détachement, le satyre donnant facilement l'occasion d'en savoir plus qu'il ne le disait, et de garder pour lui les secrets que pouvait receler l'intérieur de son crâne ancestral. Il y avait de cela dans son attitude présente, le gaillard à la tignasse rouille se tenant en surplomb de l'entité à l'allure de fillette en arborant sur son visage une circonspection alerte mâtinée de quelque chose de mutin, comme s'il était au courant de quelque astuce suprême lui donnant modestement la main haute sur la situation, quand bien même il était en présence d'une personne qui était à l'en croire une tueuse sanguinaire... difficile à prendre au sérieux, certes, mais une fois de plus, les apparences étaient souvent trompeuses sur Terra, lui-même cachant bien des choses derrière son air de quadragénaire bonhomme..

Pour l'heure, d'aspect toujours aussi posé et sage, il reposa précautionneusement la tête de la blessées avant de se mettre à plier son mouchoir humidifié avec un soin et une dextérité dignes d'une ménagère attentive, ne semblant nullement inquiété par la possibilité que l'être auquel il tenait compagnie pût le faire passer de vie à trépas aussi aisément qu'elle le revendiquait. Plutôt que de se montrer agité ou même méfiant devant une telle déclaration, il répondit d'une façon non moins péremptoire et assurée que la première fois :

« Et bah dans ce cas, arrête donc si t'en peux plus. Trouve-toi une autre carrière ; c'est pas les opportunités qui manquent après tout. Simple comme bonjour. »

Conclut-il tout bonnement, aussi cordial que s'il s'était agi d'une conversation amicale au beau milieu d'une brasserie, et non d'une discussion assez épineuse avec une gamine qui était soit folle à lier, soit aussi redoutable qu'elle le prétendait. D'ailleurs, à peine eut-il fini sa phrase que, comme en réponse à ses propos, la peau nue de la demoiselle se couvrit d'étranges arabesques dont le sens lui était fondamentalement inconnu, mais dont l'apparition subite lui fit hausser momentanément un sourcil de perplexité. Ce fut cependant là son unique réaction, le faune prenant les choses comme elles venaient et ne s'encombrant pas de réflexions de haute volée, comme il en avait l'habitude. Après tout, si cette nouvelle manifestation avait eu quoi que ce fût d'alarmant, à coup sûr, lui ou la petite l'auraient remarqué, pas vrai ? Certain de ce raisonnement, Hypocras ne releva donc pas particulièrement cette nouvelle étrangeté, gardant sa position en tailleur et laissant la fille méditer ses bonnes paroles.

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Les terres sauvages / Re : Dépression nauséabonde [ Hypocras]
« le: dimanche 04 novembre 2012, 20:09:13 »
De longues minutes de pseudo-silence s'écoulèrent, s'égrenant avec une lenteur presque sordide dans ce cadre désolé, envahi de l'odeur de sang à peine couverte par celle de l'alcool, et rendu d'autant plus angoissant par les sons lointains et diffus qui venaient d'en surplomb, et qui faisaient craindre le pire quant au genre de visiteur qu'un touriste des Landes Dévastées pouvait rencontrer. Le satyre, cependant, ne se montrait pas particulièrement agité ou même inquiet, se contentant de détailler les traits trompeusement juvéniles de l'étrange entité qu'il avait transbahutée jusqu'à cette cachette, se demandant simplement quelles autres surprises cette fillette pouvait bien lui réserver après les circonstances pour le moins frappantes dans lesquelles il l'avait trouvée. Quelques vagues théories lui trottaient en tête,  mais il ne se donna pas la peine de les approfondir, toujours envahi de son optimisme fataliste et un brin paresseux qui lui dictait que se retourner le cerveau ne ferait probablement pas grand-chose pour changer la donne. Il restait toutefois qu'avec sa résilience peu commune, la gamine aux cheveux blancs ne faisait manifestement pas partie du commun des mortels, et Hypocras n'était pas sans éprouver une certaine curiosité à son égard...

Ainsi donc, raisonnablement confortablement installé sur son séant, le visage baissé et pianotant machinalement sur son genou gauche, le faune redressa vivement la tête lorsque subitement, la petite émergea de son inconscience avec un hoquet de douleur. Pour l'occasion un brin attentiste, le vieux Grec ne vint pas directement à son chevet, se contentant de se rapprocher légèrement pour indiquer sa présence à la convalescente, laquelle semblait se rendre compte de son état de faiblesse caractérisée qui l'empêchait apparemment de pouvoir s'exprimer convenablement. Aussi immobile et posé que le Penseur de Rhodes, le baroudeur roux attendit patiemment qu'elle rassemblât ses idées, se demandant de quelle façon il allait pouvoir saluer son réveil, lorsqu'il fut saisi d'un bref sursaut à entendre retentir tout à coup à la lisière de son ouïe une voix désincarnée, dont la provenance ne resta toutefois pas longtemps mystérieuse.


Alors comme ça, la demoiselle possédait également le talent de la télépathie ? Et bien, il y avait des choses plus étranges sur Terra, aussi, une fois la surprise initiale passée, il ne s'en formalisa guère, ayant d'ailleurs déjà eu par le passé l'occasion de communiquer d'une telle façon, même si elle ne lui revenait guère tant il préférait largement entendre la voix de son interlocuteur et faire entendre la sienne. Quelques secondes de latence, et sa patiente poursuivit en le remerciant, suscitant chez le chèvre-pied millénaire la satisfaction de savoir qu'il n'avait au moins pas affaire à une ingrate ou à une impolie. Plutôt ragaillardi par cette première approche favorable, il vint se mettre plus directement à ses côtés, se rendant alors compte de la respiration haletante de la jeune donzelle, ainsi que des larmes qui rigolaient le long de son faciès. Diable, rien d'étonnant pour quelqu'un qui venait d'être tabassé et laissé pour mort !

Mais si Hypocras était loin d'être un parangon de vertu, il lui déplaisait de voir les gens s'abîmer dans le chagrin, aussi alla-t-il avec un soupir conciliant chercher dans sa besace un grand mouchoir en tissu qu'il transportait avec lui pour pratiquement toutes les occasions. S'asseyant ensuite en tailleur auprès de la jeune fille, il passa délicatement son bras gauche sous sa tête pour la faire se redresser légèrement tandis que de la main droite, il essuya adroitement son visage au teint si pâle. Ce faisant, il prit la parole, son ton s'ourlant d'une assurance et d'une bienveillance issues de son expérience des tribulations de l'existence :

« Allez, courage. Je sais que le présent est pas rose, mais je t'assure qu'y'a toujours moyen de remonter la pente, même  quand on est au fond du trou. » Se fendant alors d'un sourire chaleureux pour appuyer la certitude de ses dires, il acheva son nettoyage d'une gentille chiquenaude sur sa joue, concluant avec éclat et gaillardise. « Parole ! »

Voilà qui aurait pu paraître une façon bien condescendante de s'adresser à cet être qui avait certes le physique d'une simple gamine mais n'en était de toute évidence pas une. Cependant, c'était là la façon d'être de l'ancestral satyre : peu importe les circonstances, il ne lui arrivait qu'en cas de force majeure de se départir de son naturel matois et gaulois, faisant toujours preuve de bonne humeur et d'alacrité même en face de la situation la plus désastreuse qui pût être. En l'occurrence, peut-être eût-il été plus adapté de s'adresser à la demoiselle d'une autre manière ou en faisant usage d'un autre registre, surtout si l'on prenait en considération la nature mystérieuse de l'inconnue, mais l'homme-bouc n'avait pas l'intention de déguiser son caractère véritable, s'affichant avec toute la bonhomie et l'entrain qui le caractérisaient.

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