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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: mercredi 03 novembre 2010, 20:00:30 »
D’aucun diront que si la femme est plus difficile à satisfaire que l’homme, son plaisir peut se trouver bien plus dévastateur. En ce soir où Aya aurait pu clairement jurer sur son expérience que ce plaisir, soit disant plus fort, était une rumeur insidieuse pour réconforter les femmes, cette déclaration aurait pu la faire rire. Elle était prêtre à soutenir avec véhémence que cette affirmation n’avait pas de fondement, et que dans un couple quel qu’il soit l’homme atteignait le nirvana seul. De son trou de souris, elle voyait le monde comme un gigantesque stéréotype, personne ne lui ayant permis de changer de point de vue. L’amour, sentiment étrange et inutile était réservé aux romantiques esseulées tentant de se raccrocher à quelque chose. Le plaisir, réalité éphémère mais néanmoins présente, était l’apanage des hommes qui jouissaient de leur facilité à ressentir ces vagues de chaleur indescriptibles. Chacun son rôle, chacun sa place, et si elle-même se prêtait volontiers aux caresses désireuses de ses partenaires, cela n’avait jamais été que pour combler leurs envies pressantes et insatiables. Elle qui tentait pourtant de se positionner quelque part entre les deux, jamais encore elle n’avait réussi à véritablement sentir d’une caresse les portes du paradis s’ouvrir devant ses yeux. Comme si tout ce qu’elle avait toujours ignoré, persuadée de n’y avoir pas droit, se trouvait à présent à portée de main.

Imaginez un peu qu’un rêve, qu’un fantasme s’offre à vous. Pas seulement une idée sensuelle ou qui nécessiterait une proximité superflue, non. Juste un souhait, un mirage qui vous aurait toujours été refusé. Comme ce camion rouge de pompier quand vous étiez enfant, comme cette poupée aux cheveux longs qui coutait trop cher. Trouver ce genre de cadeau au hasard d’un soir de pluie, sans que personne ne vous prévienne, même plus tard … Quoi de plus magnifique ? La concrétisation finale d’un mythe qui aurait pour vous toujours existé uniquement dans l’esprit des autres. C’est à peu près ce qu’Aya ressentit lorsqu’elle sentit avant même qu’il ne le fasse son compagnon se rapprocher. Ses mains sur son corps, délicats artifices qui ornaient sa peau tremblante la rassurait. Son visage serein et désireux à la fois faisant sans aucun doute écho au sien, et les yeux prometteurs de Saïl apaisaient toute l’appréhension de la jeune femme. Aya craignait la déception, de retomber de son nuage de soie. Elle était terrifiée à l’idée que même lui, même cet homme exceptionnel, confirme ses peurs sur ses capacités, ses limites. En entendant parler les filles de sa classe, Aya était presque persuadée de n’avoir aucune disposition à l’amour, qu’il soit physique ou non.

Tout ce qu'elle n'avait jamais ressenti ... Les frissons qui vous prennent à bras le corps, le rouge qui monte aux joues. Le regard qui se voile, comme si des visions plus lointaines le captivait. Les tympans qui sifflent de mots doux susurrés à l’oreille, ou de leurs équivalents soupirés, les mains qui se déplacent seules sous la seule impulsion de l’instinct. Les muscles qui se tendent, la peau qui se hérisse, les articulations qui se figent en une délicieuse crispation.

Tout cela, tout ce que le corps humain est capable d’exprimer dans sa grande communion avec l’esprit, les manifestations qui possédaient le temps d’une caresse une jeune fille qui s’éveille à l’amour, doucement. Tout cela à chaque contact de Saïl. Un ballet impressionnant de diverses réactions charnelles et incontrôlables qui se remarquaient à peine tant elles officiaient à chaque seconde. Lorsque son partenaire la prit contre lui, Aya accepta son baiser avec une délicatesse qui cachait ses tremblements d’impatience. Lorsqu’il la souleva de ses grands bras, elle si menue et ridiculement fragile face à lui, Aya ne quitta pas son regard une seule seconde. Lorsqu’il la fit descendre dans une extrême lenteur, Aya se colla contre lui, passant ses bras autour de son cou et se pressant sur son corps offert, comme si elle avait voulu entrer en lui. Ses mains se crispèrent dans son dos, et elle agrippa le peu de peau disponible alors qu’elle cherchait désespérément un moyen d’accentuer la sensation incroyable qui l’envahissait alors que Saïl pénétrait son corps, son âme, et tout ce qui voulait bien rester. Indescriptible émotion, indescriptible frisson.

Certaines le décrivent comme un feu d’artifice sur un coucher de soleil, avec les petits angelots derrière. La plus belle image qui leur était donnée d’imaginer. Pour Aya, ce fut simplement un regard empli de tant de choses qu’elle y aurait succombé une seconde fois avec plaisir et sans aucune réticence. Le plus beau paysage, c’était cet océan chocolat qui la fixait tandis que leurs corps se retrouvaient plutôt que se découvrir. Elle y vit des vagues de plaisir, sensiblement pareilles à celles qui agitaient légèrement son corps de soubresauts à peine perceptibles. Leurs cœurs battaient à l’unisson, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus l’impression de faire qu’un. Tout le reste n’était que foutaises et détails, seules comptaient les délicieuses sensations qui les habitaient. Aya restait là, ses doigts enserrant la peau du dos de Saïl et ne paraissant pas vouloir se retirer tandis que la respiration de son partenaire laissait l’adolescente dans un autre monde.

Reprenant peu à peu la maitrise de son corps, elle répondit avec ferveur aux énièmes baisers échangés avec l’homme en face d’elle, tentant à chaque instant de lui transmettre un peu d’elle par de simples caresses buccales. Et lorsque ses lèvres se détachaient de celles de son amant, c’était pour vagabonder dans son cou, se nicher sous une oreille, repartir à l’exploration d’un menton, d’une épaule. Inconsciemment, une fois qu’elle eut suffisamment apprécié à sa juste valeur le contact très intime qu’elle venait de partager avec Saïl, Aya remua le bassin lentement d’abord, sentant de délicieux appuis s’écarter pour lui permettre de mieux accueillir Saïl. Sa respiration s’emballa quelque peu, et de petits gémissements commencèrent à s’échapper de sa bouche sans qu’elle ne puisse les retenir, bien que l’envie n’en soit pas présente.

Dans cette position, les deux jeunes gens goûtaient aux joies de la proximité, partageaient alors quelque chose que peu de couples avaient l’occasion de saisir. Leurs mouvements étaient cependant limités, et Aya ne pouvait même pas se laisser aller aux balancements instinctifs de son corps, limitée qu’elle était avec bras et jambes enroulés autour d’un autre corps que le sien, et fermement liés autour de Saïl. Aussi, dans une tentative un peu trop brusque peut être de sentir de nouveau la lente mais profonde communion de leurs mois le plus intimes, Aya appuya trop fortement de son corps et fit tomber Saïl à la renverse. Qu’à cela ne tienne, la jeune femme n’allait pas s’arrêter pour autant. Se collant de plus belle à ce corps qu’elle ne voulait quitter pour rien au monde, l’adolescente reprit ses baisers, qu’elle pouvait alors faire plus audacieux, plus aventureux, tandis que ses hanches se mirent automatiquement en mouvement, lui arrachant un visage crispé par un désir encore inassouvi. Bien qu'elle ait envie de se redresser pour le contempler dans toute sa splendeur, Aya se retenait en restant auprès de lui, ce désir surpassant tous les autres. Avant, une autre excuse aurait sans doute été la honte d'exhiber entièrement son corps à son amant, affirmant ses courbes dans une chevauchée audacieuse. Maintenant, le désir de posséder sa bouche était sa seule barrière. Tout le reste était parti en cendres, fière qu'elle était de ne faire qu'un avec lui.

Qui a dit que le plaisir féminin était bien moindre ou plus compliqué à obtenir ?

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: dimanche 19 septembre 2010, 10:43:14 »
On dit souvent que les femmes, pudiques, préfèrent se livrer à de telles démonstrations d’affection dans une ambiance très intime, sombre et effaçant presque le plaisir des yeux. Aya était d’ordinaire partisane de ce genre de situations, où elle ne pouvait voir distinctement le corps qu’elle offrait aux caresses hardies d’un amant quelconque. Comme toute adolescente, et comme bon nombre de femmes, Aya craignait son corps. Elle s’imaginait toujours que sa finesse la desservait, que ses formes manquant d’ampleur et de maturité, que son ossature cassante et frêle pouvaient en faire fuit plus d’un. Évidemment, cela n’était jamais arrivé. Mais la fantasmagorie féminine est insondable, et la jeune fille redoutait souvent le moment de se mettre à nu. Pire, la plupart du temps elle aurait refusé, de honte, le délicieux traitement que Saïl avait entrepris. Ses pensées anxieuses pouvaient cavaler, imaginant que d’autant pouvaient voir cela comme une obligation, un pré requis. Et cela lui avait souvent fait monter le rouge aux joues, non pas de plaisir mais de gêne. Ses mains cachant son visage au lieu de s’étendre de part et d’autre de son buste, ses cuisses se crispant de malaise. Et tout le bénéfice de cet honneur disparaissait bien vite.

Pourtant, ce soir, Aya se sentait tellement rassurée, entourée et aimée qu’elle en venait à apprécier la clarté impressionnante de lueur de la Lune. Elle pouvait ainsi se voir offrir son corps à l’homme qu’elle voulait plus que tout auprès d’elle, se sentir désirable. Se sentant rayonner de charme, elle était fière d’elle et de ce qu’elle voulait partager avec Saïl. De plus, la luminosité éclatante de cette soirée avait pour second avantage de lui permettre d’apprécier tous les reliefs de la peau de son amant. Les creux, les bosses, chaque ligne de muscle, chaque palpitation de veine, tout ressortait dans un véritable tableau vivant de contrastes, chaque détail dansant sous la lumière feutrée qui rendait tout plus beau. Cet épiderme tour à tour éclairé ou plongé dans l’obscurité la fascinait, et tandis que ses lèvres se soudaient à celles de Saïl, l’adolescente contemplait avec une envie non dissimulée l’anatomie à présent familière de son compagnon. Comme ces œuvres d’art en noir et blanc que l’on projetait parfois, représentant avec goût et sans aucune vulgarité le corps à son origine la plus sommaire, inaltérée. Comme ces courbes qui semblent onduler sous le jeu des lumières, sous les caprices du modèle. Et bien c’est exactement comme cela qu’Aya se représentait la scène. Sans grivoiserie, sans représentation bassement simpliste de la nudité. Un ballet artistique, dont la dimension rêvée est conservée précieusement.

Et, quand le peintre ajouta sa dernière touche de peinture, où quand Aya découvrit entièrement le corps de Saïl, un frisson parcourut les deux jeunes gens. L’un, peut être de surprise. L’autre, d’une impatience raisonnée mêlée à une douce satisfaction. Ils étaient ainsi, totalement offert au regard de l’autre, sans complexe ni gêne, comme si leurs corps se connaissaient déjà depuis des lustres. Comme si, une fois la première découverte passée, plus rien n’avait de secret pour eux. Un jardin secret n’en est un que si la clé de votre âme se dissimule habilement quelque part où personne ne peut l’atteindre … Eh bien Aya venait de perdre cette petite barrière de verdure, qui s’ouvrait non seulement sur son intimité mais également sur ses sentiments, qui se déversaient peu à peu, au contact de Saïl, dans un esprit qui n’en avait pas l’habitude. Comme un preux chevalier vient tirer sa belle d’un danger, celui-ci pouvait également s’avancer prudemment dans le refuge de la donzelle, et lui offrir son cœur en attendant une réponse. C’est à peu près ce genre de tableau illusoire qui prenait place dans cette pièce baignée par la Lune et bercée du vacarme de la pluie. Un échange aussi fragile que résistant, qui se concluait entre deux êtres en parfait accord l’un avec l’autre.

Aya, pendant un instant, ne sut dire quel plus beau cadeau lui avait été donné jusque là de recevoir, durant la soirée. Elle positionnait auparavant en tête les trois mots de Saïl qui avaient touchés son âme et son cœur glacé, volontairement protégé. Mais le simple petit bruit qui émana de ses lèvres fut pour elle une claque de satisfaction. Hasardeuse, elle avait peur de ne pas savoir rendre ce qu’on lui offrait avec tant de diligence. C’était donc un véritable soulagement, doublé d’allégresse que ce simple son, lancé d’une voix grave dans la clameur de leurs existences. D’autant plus que le jeune homme le fit savoir en étreignant de plus belle le petit corps fragile de sa partenaire, qui se laissa couler avec délice dans un baiser effréné qui ne souffrait plus d’aucune retenue, d’aucun souci de bienséance. Et dans cette passion, il y avait une douceur incroyable. Encore un paradoxe propre à Saïl et à la magie de ses embrassades. Aya, sans relâcher l’infime pression que ses doigts exerçaient le long du corps de Saïl, savoura pleinement ce rapprochement, toujours plus conséquent.

Ce fut d’ailleurs l’amorce du point de retour, si on peut l’appeler comme ça, et bien qu’il soit gravi depuis longtemps dans l’esprit d’Aya. La jeune fille se sentit basculer sur le lit, tout en ayant l’immense plaisir de garder son partenaire à portée de mains et de bouche, se sentant totalement protégée par les muscles tendus qui encadraient ses épaules, soutenant Saïl encore trop loin d’elle. Il sembla lire dans ses pensées, et vint lui offrir un énième baiser, bien plus apaisé et modéré que le précédent, mais non moins agréable. Puis il se sépara à nouveau d’elle, pour la fixer avec attention. Aya pouvait deviner dans les iris sombres de Saïl une lueur encore atténuée jusque là. Un mélange d’envie, de questionnement mais surtout un grand respect, une attention que l’on ne pouvait même plus accorder à un prince tant ceux-ci ne pouvaient parfois pas résister à une trop grande tentation. Pas un seul instant Aya ne se demanda si elle était la cause de cette réserve, dans la mesure où elle n’aurait pas suffisamment stimulé le désir de Saïl. La Aya d’avant l’aurait fait, mais dans ses bras elle ne doutait de rien, et savait pertinemment que cette attente, ce répit frustrant et perceptible était pour Saïl une évidence, tant il la préservait de ses pulsions, lui donnant toujours une échappatoire, une solution de repli.

Mais hors de question pour la jeune fille de s’arrêter en si bon chemin. C’eut été un autre, un de ses nombreux autres, sans doute aurait-elle à ce moment là un peu trop réfléchi sur la différence d’âge, sur son statut de lycéenne, sur son désir qui était d’avantage forcé que réel. Et elle aurait fui. Mais pas avec Saïl. Pas pour la première fois où elle aurait donné tout ce qu’elle avait, et même ce qu’elle n’avait pas, pour ne pas se dérober à cet instant, à ce lieu. Ne sachant comment lui faire comprendre que la question muette, si elle était magnifiquement posée, n’était là que pour la forme. Comment lui faire comprendre qu’elle ne désirait plus que lui, qu’elle était prête à s’offrir corps et âme à sa douceur, sa prévenance et son désir. Devenir une partie de lui, toucher son cœur, atteindre le plus profond de son être, voilà ce qu’Aya désirait en cet instant même.

Passant ses paumes de chaque côté de son visage, elle caressa un instant la peau brûlante, les boucles brunes qui s’échappaient. Comme pour apprendre, dans ce silence, le visage tant aimé. Puis elle repassa, comme plus avant dans la soirée, ses jambes autour des siennes, rapprochant leurs bassins et faisant se frôler les parties de leurs corps respectifs qui brûlaient de s’étreindre, de se découvrir. Les seules qui ne connaissaient pas encore la chaleur de l’autre. Enfin, elle redressa un instant son buste, écrasant sa poitrine contre son buste, pour lui offrir un mot un seul, dans lequel elle mit toute la tendresse du monde, l’envie qui l’habitait et le rayonnement d’un sourire bienheureux.

- Viens.

Un seul mot qui répondait à sa question tout en allant bien plus loin, lui exprimant tout ce qui s’était passé dans sa tête auparavant. Le désir, la sensation d’être à sa place, l’envie de n’être qu’ici et maintenant, la passion, l’amour. Elle souhaitait lui laisser l’initiative de pénétrer son âme, lui laisser la possibilité d’avoir une réponse à sa demande formulée par ses yeux, la résolution d’accomplir ce qu’eux deux attendaient trop. Il avait son plein et entier consentement, tout l’arrangement de ses émotions, et il devait maintenant les étreindre, l’enserrer complètement, sans rien omettre. Embrasser ses sentiments en même temps que ses lèvres, posséder son âme dans le même temps que son corps. Venir à elle, littéralement.


[Enfin, enfin enfin ! Pardon du retard, j'espère au moins que la lecture t'aura satisfait]


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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: mardi 14 septembre 2010, 18:08:00 »
Quand on demande à une adolescente de dix sept ans à peine ce qu’elle veut faire plus tard, la plupart des curieux auront droit à une grimace d’excuse à peine polie. Dans le genre, on s’en fiche, la jeunesse est faite pour être vécue et l’avenir attendra. Aya n’était pas de ceux là. Mais elle ne faisait pas non plus partie du groupe restreint et Ô combien chanceux des lycéens à répondre d’un ton assuré, en étalant toute la programmation minutieusement orchestrée de leur vie. Si on lui demandait ce qu’elle comptait faire, la jeune fille n’en savait strictement rien. Après cette démonstration flagrante de son manque de maturité, envers et contre les apparences, il devient évident de conclure que ce qu’elle faisait n’avait pour l’instant qu’une portée à court terme. S’il lui été indispensable de s’arrêter dans l’instant pour y réfléchir plus avant, sans doute aurait-elle émis le souhait de revoir Saïl dans l’avenir, mais il est à peu près certain que ses projections mentales s’arrêteront là. Sauf que dans cette partie reculée de l’esprit que l’on appelle inconscient, parfois autrement, il se passait bien plus de choses que quiconque aurait pu le soupçonner.

Ainsi, Aya était en cet instant précis dans la dynamique de formuler le désir encore inconnu de faire de Saïl la personne la plus importante pour elle. Quelqu’un qui pourrait supplanter la déception de Toya. Quelqu’un capable de la supporter au quotidien, de la choyer, de la réprimander, de l’embrasser chaque minute que Dieu fait … Une personne aussi formidable qu’un prince charmant, dans l’état d’esprit chevaleresque de tout accomplir pour sa promise. Le portrait craché de l’homme qui se tenait tout contre elle. Mais cela, elle n’en avait pour l’instant que vaguement conscience. Car si Aya se rendait compte de la chance qu’elle avait, elle ne réalisait pas encore que la déclaration qu’elle avait reçue n’était que le « il était une fois » de leur histoire, et que de nombreuses autres auraient l’occasion de fleurir sur les lèvres qu’elle n’osait plus quitter. Et même qu’elle les dirait, ces trois mots sacrés si porteurs de sens et de symboles. Tout ça, tout ce processus de pensée obscur restait camouflé dans les affres de son crâne, et seul son désir filtrait, prenant ainsi toute la place qui lui était offerte.

Mon premier c'est désir, mon deuxième du plaisir. Toutes les histoires racontent la même histoire. Il y a toujours une fille, et un garçon. Un garçon, et une fille. Ceux-là même qui pensaient actuellement leur situation comme unique, particulière. Combien d’autres jeunes naïfs avaient pu, avant Aya, voir d’un œil émerveillé leur partenaire se révéler être totalement différent. Combien d’adolescentes avaient également pu se tromper, devant cette constatation teintée d’idéalisme. Mais qu’importe. Il en suffisait d’une, une qui ne se trompe pas. Et pourtant, par le passé elle était souvent tombée dans le piège, croyant toujours à un demeurant différent. Évidemment, elle nourrissait chaque fois l’espoir insensé de tomber juste, et chaque essai s’était soldé par un échec critique. Refusant toutefois de penser de façon pessimiste et rétrograde, la belle s’abandonnait pour l’heure à la vive et intrépide réponse de Saïl quant à sa propre prise d’initiative. Elle rougissait encore intérieurement en repensant aux mots qui venaient de franchir de ses lèvres. S’ignorant séductrice et sensuelle, Aya s’imaginait d’avantage sombrant dans le ridicule et l’autorité. Ah, les femmes !

Mais ce n’était évidemment pas tout. Car bien malin celui qui peut stopper le cours du temps, ou les intentions de deux amants se préparant à consommer leur première nuit d’amour passionnel. Et l’injonction de la demoiselle avait très certainement fait sauter le dernier verrou de monsieur, qui n’avait à présent plus aucune raison de se retenir ou de vouloir la préserver. Étrange contraste alors, que l’impatience d’Aya qui côtoyait non sans mal les délices du temps. Comme si elle avait voulu accélérer les choses et atteindre immédiatement le point de non retour, tout en savourant chaque minute de frustration et d’attente. Et Saïl se plaça à l’exacte réunion de deux impossibles, prenant un temps mesuré pour chaque progression avancée. Respectant tout aussi bien les désirs de sa dame que son besoin constant de réassurance, il l’empêcha tout à coup de toucher ce corps qu’elle aurait aimé étreindre au point de l’assimiler, et se posa en gentleman. Comme le garçon timide qui viendrait chercher sa cavalière avant d’aller au bal, comme l’amant rassurerait une compagne en plein doute, comme un mari dévoué déclarerait pour la centième fois une évidence des plus éclatantes.

Sauf que son compliment ne se situait dans aucune image proposée ci-dessus, aussi ressortait-il avec bien plus de force qu’une banale affirmation. Le regard de Saïl parla avant que ses dires ne viennent appuyer son admiration, et avant que la jeune fille ne puisse dire un mot, leurs lèvres se rejoignirent une fois de plus. Ce n’était pas la première fois qu’on lui disait ce genre de chose. Mais dans un tel contexte, avant de se précipiter sur son corps qu’elle savait suffisamment attirant pour un homme assez peu regardant -selon elle-, la chose était inédite. Déconcertante. Déconcertée, Aya qui ne reprit ses esprits que lorsque son compagnon de soirée reprit ses délicates attention ! Un grand souffle de satisfaction se répandit dans son cœur, tandis que sa peau goûtait la délicieuse empreinte de la bouche de Saïl.

Menton, carotide, poitrine. Premier frisson de la part de la jeune femme. Abdominaux, ventre, nombril. Deuxième frisson. Aya aurait pu à ce jour réciter tous les précis d’anatomie que son amant découvrait en aveugle, sans garantie ni assurance. Du moins pour l’instant. Car, lorsqu’il continua son indolent périple, l’adolescente ne répondait plus de grand-chose. Les parties de jambes en l’air, elle connaissait. Elle avait déjà expérimenté les bases. Mais n’ayant jamais fait l’amour, Aya n’aurait pu imaginer que ce qui était en train de se produire dans la partie inférieure de son corps allait lui procurer autant de plaisir. D’ordinaire, elle le voyait avant tout comme un préliminaire presque obligatoire, prérequis pour que la mécanique de la nature se fasse sans grippage … Mais, sous les délicieuses explorations de Saïl, Aya prenait conscience d’une toute autre dimension. Se laissant tour à tour dénuder puis découvrir, la jeune fille ne pouvait plus faire grand-chose à part faire jouer de ses doigts le drap du lit sur lequel ils étaient allongés. Et c’est sur un sursaut de surprise et de plaisir partagés qu’elle referma sa prise sur le couvre-lit, serrant de ses petits poings le tissu délicat.

Elle ne savait plus bien exactement quelles parties de son corps étaient sollicités par Saïl, tant tout son être se mettait à contribution, se réchauffant puis frissonnant au contact de l’air toujours trop frais, ou sous l’impulsion d’une attention particulièrement bien maitrisée de son compagnon. Il est assez superflu de tenter de décrire le plaisir charnel en mots, aussi me contenterais-je de le suggérer fortement, dans une telle situation. Pendant quelques minutes, le manège s’éternisa. C’est quand Aya ne put retenir un son évocateur, gênant et timidement lancé dans le silence de la pièce que l’on pourra comprendre. Elle n’en ressortit d’ailleurs pas vraiment de honte, désireuse qu’elle était de témoigner son plaisir à son partenaire. Laissant donc sa voix s’exprimer pour elle, Aya relâcha la pression qu’elle apposait sur un drap dès lors froissé pour délier une de ses mains et la faire rejoindre une de celles de Saïl, caressant la peau qui s’occupait déjà d’elle, aux alentours de sa poitrine. Et ce fut à la deuxième expression de son bien être qu’elle vint à la rencontre de l’épaule du jeune homme, exerçant une pression significative sur ses muscles. Ses lèvres s’asséchaient de l’absence de leurs conjointes, tout comme son corps réclamait à grands cris la présence de celui de Saïl.

Plaisir égoïste, non merci. Il était temps pour elle de faire passer ses propres sentiments dans la dévotion qu’elle affichait déjà sur le visage. Obligeant son compagnon à revenir vers elle, Aya l’embrassa avec plus de fougue qu’auparavant, l’haleine un peu saccadée et les joues rouges. Puis elle balada ses mains à l’aveuglette, cherchant sa cible tout en continuant de répandre ses émotions sur sa langue qui caressait celle de Saïl. Enfin, Aya saisit de ses doigts les extrémités d’un sous vêtement récalcitrant, et l’enleva sans autre forme de procès. Encore une fois, ce geste n’avait rien de sensuel, mais le devenait dans un tel contexte. Tout était plus beau, tout allait à présent plus vite. Après tout, le temps ou la quantité ne comptaient pas. Seul comptait l’instant présent, le plaisir qui naissait et s’épanouissait. De ses mains, Aya saisit avec précaution l’objet de son attention et lui rendit toute la douceur que son partenaire avait pu mettre dans chacun de ses gestes depuis le début de la soirée. Elle était là, emplie d’un désir qui s’échappait en diverses manifestations, ses cheveux collants son front transpirant, son corps collé contre celui de Saïl, ses lèvres soudées au siennes. Désireuse, désirante, et totalement attentive au bien être de son partenaire. Amoureuse, oui. Sans le savoir.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: jeudi 09 septembre 2010, 18:34:45 »
Et la jeune fille s’insurgeait. Contre ces méandres qu’empruntait le fleuve de sa petite existence. Contre elle-même. Contre ces étreintes qui pourraient être plus belles. Contre elle-même. Contre cette assurance qu’elle n’avait pas, cette part d’elle qui s’ouvrait sur l’improbable. Contre elle-même. Une fin à cette colère s’imposait, évidemment. Qu’il s’agît d’une solution ou non, ils devaient tous deux aboutir à une conclusion saine et évidente, pour voir ce début de quelque chose d’un œil nouveau. Et s’il fallait que cela passât dans un mensonge, alors le dirait. Ça lui allait. Tant que rien ne se brisait, tout lui allait. Mais ce dénouement là, qu’Aya se proposait à l’instant, elle n’en voulait pas. L’imaginer, oui. Le mettre en œuvre, jamais. Elle le refusa instantanément, presque aussi vite que le cours filandreux que son esprit suivait. Parce qu’elle ne pouvait pas accepter de le voir prendre le large, de le laisser mettre les voiles pour un ailleurs. Et parce qu’elle ne pouvait pas non plus adhérer à ce faux consensus, qu’elle adopterait pourtant très certainement s’il ne comprenait pas. Elle avait besoin de faire partie de ce ici, de ce maintenant, mais en toute connaissance de cause.

Il fallait évidemment être totalement fou ou bien exceptionnel pour entrer dans le partage qu’Aya offrait à Saïl, pour saisir la portée des mots qui ne franchissaient pas ses lèvres, pour les entendre malgré le vacarme de son cœur. Eh bien, minute après minute, la jeune fille se rendait compte dans quelle dimension elle avait eu raison de suivre cet homme hors du bar. Au lieu de lui demander de s’occuper de ses affaires comme elle l’aurait très certainement suggéré en temps normal. Merci l’alcool, merci les idées noires. Sans cela, elle ne serait pas là, à saisir toute la magnificence de ce prince camouflé, de cette révélation occultée derrière une apparence un peu pataude et brave. Qui eut cru que tant de finesse et de délicatesse reposaient dans des yeux sobres, derrière un visage compatissant mais qui restait banal ? A présent, toute la particularité et le rayonnement de son partenaire éblouissaient Aya, qui ne pouvait rêver mieux. Il était là, il venait de lui murmurer religieusement une formule magique que toute petite fille exaltent d’entendre un jour, et comprenait même sa réponse étrange et peu appropriée.

Car, s’il parut légèrement déstabilisé par sa gratitude, il répondit merveilleusement à son baiser, et se laissa fondre sur le lit qui les recevait à présent tout deux, sans se formaliser d’une réponse aussi vague et peu assurée. Le reflet parfait de son propre sourire sur le visage du jeune homme finit de lui confirmer qu’il ne faisait pas semblant d’avoir intégré son message, afin de continuer la soirée en bonne et due forme. Le chevalier servant avait saisi la moindre pensée de sa dame, et s’y pliait sans négocier ou regretter. Malgré les difficultés et les contraignantes « égoïsteries », il était là, fidèle au poste. Ah, Saïl. Si tu savais … Si tu savais combien Aya te sent, te respire, te vit. Si tu savais comme elle t’aime, comme elle appréhende en cette nuit le coup de foudre tant romancé. Si tu savais tout ce qu’elle ne savait pas … Mais l’heure n’est pas aux suppositions, et pour l’instant Aya n’a toujours pas réalisé que cette chaleur inconnue, que cette tension délicieusement palpable était bien ce qu’elle pensait ne pas être. Les étoiles dans les yeux, le souffle court, l’admiration et la volonté d’être toujours plus proche. Mais c’était comme si la jeune fille croyait en une sorte d’état intermédiaire, qui n’aurait d’existence que pour elle, alors qu’elle camouflait le mot amour sous d’autres représentations factices. Naïve jeune fille ignorante.

Seulement, pour sa défense, l’on pourrait lui accorder le peu de possibilités de réflexion dans une telle ordonnance des faits. L’étreinte des bouches débordantes d’empressement ne lui accordaient pas un délai suffisant pour penser à autre chose qu’à une prochaine union. Et la suite ne lui en laissa pas plus le loisir. Saïl s’éloigna, bien que sa compagne ait du mal à le laisser filer entre ses doigts. Il le fit pourtant sans peine, tant leur différence de corpulence était évidente. Se relevant, il la subjugua sans le savoir, se dénudant comme elle l’avait fait auparavant : sans aucune volonté d’être autre chose que ce qu’il était, ce qui n’en était que plus beau. Sans artifice, sans tentative de paraitre aguichant. Nul n’en était besoin ici, puisque la simple présence du jeune homme dans la pièce étayait chaque sens d’Aya, qui ne se serait quant à elle rhabillée pour rien au monde. Elle posa un regard franc sur ce corps qui lui était offert avec tout autant de sobriété que possible, rendant l’instant encore plus apprécié.

Mais l’on est rien sans ce cœur qui vous manque, et Aya ne se sentit bien que lorsque Saïl revint, pour venir se coller à elle dans un ultime baiser, qui se répétait à l’infini. Elle sentait les désirs de deux êtres monter inexorablement, dans une même ascension délicieusement maîtrisée. Une main vint se glisser le long de sa peau, épousant la naissance d’une croupe somme toute suffisamment rebondie pour arrêter la descente du jeune homme, le faisant remonter prestement pour cajoler avec application son dos, totalement offert. Puis, c’est sans étonnement qu’Aya sentit une autre paume, plus délicate mais aussi plus aventureuse, sur sa poitrine. Elle devinait Saïl timide et peu enclin à ce genre de contact, pourtant ils étaient tous deux embarqués dans un tel ballet de simplicité et d’authenticité que la barrière de la gêne n’était plus qu’un lointain souvenir. C’est avec plaisir qu’elle accueilli donc l’aventurière en son sein, tel est le cas de le dire !

Mais ça, elle ne le saisissait toujours pas. Concevoir qu’il veuille d’elle et de la noirceur qu’elle lui avait laissé entrevoir là où lui irradiait de lumière … Aya n’intégrait pas, ne pouvait pas intégrer de telles réalités. Et chaque baiser de sa part était un éveil précoce qui surgissait selon elle sur une autre partie du mythe. Mais il l’embrassa tant de fois que son esprit ne put bien longtemps tenir la barrière la séparant de sa conscience. Tout lui passait tellement au dessus, et pourtant l’adolescente réalisait pas à pas que Saïl n’était pas là par hasard. D’autant plus qu’il était suffisamment posé pour ne pas succomber au simple délice de la chair. Et qu’il était impossible de mentir sur ces trois mots. Trois mots qu’elle ne cessait de ressasser, ce leitmotiv, cette ritournelle aux accents d’espoir. Aussi le répétait-elle encore, tandis qu’elle se plaquait contre lui à l’étouffer, qu’elle vouait à cette étreinte des forces qu’elle ne possédait pas. Il avait prononcé la formule magique pour combattre ce qui rongeait ses nuits et glaçait ses journées. Aya voulait qu’il l’écoutât, si elle avait eu le courage de parler. Entendre ne lui suffisait plus, elle voulait qu’il sache. Elle voulait qu’il lui réponde d’un baiser, encore et toujours. Tant qu’il savait ce qu’elle cachait en son cœur. S’approchant de son oreille, ce fut sur le même ton de confession qu’elle lui dit enfin :

- Fais-moi l’amour.

Un « Faisons » plutôt qu’un « Fais-moi », mais ces termes n’étaient pas impérieusement catégoriques, même s’ils ne souffraient d’aucune répartie. Ils ne revêtaient pas non plus une connotation réductrice, bien au contraire. C’était les plus beaux mots qu’auraient pu prononcer Aya. Et surtout, ils étaient avant tout une réponse à ses mots d’avenir, une promesse. Elle qui n’avait jamais fait l’amour avec un homme, se contentant de partager leur couche. Partager. Un mot qui engageait forcément deux personnes. Or, en cette soirée si particulière, Aya ne se dissociait pas de Saïl. Du moins pas émotionnellement parlant. Et physiquement, elle tentait d’y remédier. Écrasant avec douceur sous l’oreille de son partenaire les lèvres qui venaient de lancer tout son cœur en trois autres mots, bien différents et pourtant si semblables à ceux de Saïl, la jeune fille passa ses bras sous les épaules de son partenaire, pour l’attirer à lui toujours plus. Passant une jambe par-dessus les sienne, venant caresser de sa menue cheville toute la peau qui lui était donné d’atteindre, remontant le long de cette chair enfin mise à nue. Pendant ce temps, ses menottes le découvraient avec une grande application et quelques touches de maladresse, celle-là même qui rime avec passion, lorsqu’elle se fait trop forte. C’est presque en tremblant de retenue qu’elle s’aventura à parcourir toute la face antérieure de ce corps contre le sien, promenant sa paume sans s’arrêter véritablement nulle part, et sans rebrousser chemin au bas du dos. Glissante, insistante, Aya se faisait d’ores et déjà plus impatiente, moins romantique. Que voulez vous, il y a des choses qui n’attendent pas, et comme elles sont tout aussi belles que les sentiments qui les accompagnent, pourquoi s’en cacher ?

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: mercredi 08 septembre 2010, 21:18:07 »
Si Aya, dans un moment comme celui-là, ne perdait pas toute capacité réflexive, elle n’en était pas moins très loin des considérations aussi simples que les réactions physiques dans ce genre de situation. Elle ne remarqua donc même pas les efforts de Saïl pour se contenir. Bien trop prise dans un enchevêtrement de jambes et de lèvres, elle ne prêtait guère attention à son propre désir qui montait pourtant en flèche, incendiant le moindre recoin de son corps lorsque le jeune homme lui rendit son baiser. On ne se rend pas suffisamment compte de la portée de deux bouches qui s’apprivoisent et s’accompagnent, de la sensualité qu’elles dégagent dans un naturel mais pourtant si complexe ballet d’émotions et de réflexes inconditionnés. Il est si facile, et pourtant si dur de s’embrasser. Le moment qui précède l’acte a toujours quelque chose de religieusement sacré, d’angoissant et de frustrant, tandis que la libération est souvent vécue comme un soulagement empli de passion non contrôlée, les pieds perdant quelque peu le contact du sol.

C’est dans ce schéma là que la jeune femme se trouvait à présent, complètement déroutée par la simple chaleur de la langue de Saïl contre la sienne. Sentir ce corps dans sa plus complète intimité -un baiser aussi lourd de sens ayant bien plus d'impact que de nombreux coups d’un soir-, caresser enfin l’objet de sa convoitise, tout en serrant dans ses bras ces épaules, ce cou, tout ce qui lui passait sous les doigts. La peau se rencontrait enfin, les cellules de leurs corps semblaient se fondre les unes dans les autres, recréant ainsi un nouveau eux, un nouveau tableau sensiblement similaire, mais totalement différent à la fois. Aya ressentait avec plus de force que jamais chaque geste de son compagnon, éprouvant une absence ou un rapprochement par un frisson ou un soupir, sentant leurs épidermes se froisser dans un contact impérieux et pressant. Voulant rester dans cette lenteur magique et irréelle, Aya sombrait pourtant de plus en plus vers la passion qui guidait ses gestes, en l’occurrence son baiser qui se faisait plus insistant à chaque seconde. Conserver une part de distance et de patience permettait de prendre du recul sur les évènements et les intellectualiser, afin de ne pas fléchir à la beauté du moment, ressentir la joie procurée par chaque instant passé en compagnie de Saïl. Et surtout, se convaincre de ne pas faire de bêtise, apprécier toujours plus sa présence éclairée en ces murs.

Pourtant, et en dépit de toute la tendresse qui naissait dans le cœur d’Aya, l’adolescente qu’elle était n’aurait jamais pu appréhender la suite, qui s’imposait pourtant de plus en plus dans l’esprit de son partenaire. Elle se contentait de vivre l’instant, le moment, en y mettant autant de vie et de sentiments qu’elle pouvait. Se concentrer sur ses lèvres qui se moulaient dans d’autres, épousant parfaitement les courbes d’un visage fait pour la recevoir. Sublimer la sensation d’une peau contre la sienne, la réchauffant définitivement, jouant avec sa poitrine et les creux qu’elle laissait derrière elle. Puis, se déchirer à la fin du baiser, et renaître sur le coup d’autres assauts tout aussi délicieux, dans un chemin d’ores et déjà connu de Saïl. Sa gorge fut ainsi aussitôt la cible de douces attaques, qui laissaient toutes une délicate marque invisible, qui s’imprimait d’avantage dans le cœur de la jeune fille que sur la peau délicate de son cou. Pour mieux offrir à Saïl le loisir de promener son visage dans les détours de la naissance de son buste, Aya inclina légèrement la tête en arrière, et se figea lorsque son compagnon prit la parole.

Elle crut tout d’abord avoir mal entendu, puis avoir rêvé. Mais toutes les réactions qui s’enchaînèrent sous son crâne le firent si rapidement, que très peu de temps ne s’écoula au final. Aya, encore une fois, eut presque envie de faire répéter à Saïl sa déclaration aussi soudaine qu’inattendue. Il l’avait pourtant apportée avec moult précautions, et l’on sentait bien que ces simples petits mots revêtaient pour lui une signification profonde et sincère. Mais comment exploser de joie quand on doute, à se demander s’il est normal, malgré leur profonde et entière cohésion évidente, d’avouer son amour à une fille trop jeune rencontrée dans un bar. S’il était sérieux, peut être s’attachait-il trop rapidement. S’il ne l’était pas, c’était une diversion bien cruelle. Et, malgré la communion intense et pénétrante qu’il existait entre elle et lui, la jeune fille était bien incapable de réaliser, de se décider pour l’un ou l’autre. Existait-il une troisième solution ? Un échappatoire, qui lui permettrait de ne pas juger Saïl, de ne pas lui coller une étiquette trop réductrice, sans chercher à comprendre ce qu’il avait voulu faire passer …

Elle-même étant sans doute trop perturbée en cet instant pour se rendre compte qu’elle était tombée sur un véritable partenaire particulier, et que le carcan de la norme et des convenances ou autres mauvaises habitudes de soirée s’effaçaient au contact de cet homme, encore imprévisible malgré le début de connaissances qu’Aya engrangeait sur lui. Certes, l’on peut aisément ne faire qu’un avec un inconnu, mais alors l’expression est mal choisie, et c’est d’avantage faire deux en cherchant maladroitement à s’atteindre. L’adolescente avait pourtant pensé ce soir être sur la même longueur d’ondes que Saïl, mais cette soudaine affirmation, qu’il portait comme un truisme aussi simple qu’abscons, atteignait difficilement les affres de son esprit. Comment était-elle supposée réagir ? Lui rendre la pareille ? Bien vaniteux et déplacé, alors qu’elle ne ressentait qu’une angoisse grandissante. Le stopper net, pour lui éviter une désillusion ? Plus sage. Sans doute aurait-elle du l’empêcher d’avoir à regretter ces mots en l’empêchant de s’impliquer plus avant. Aya aurait pu prendre les rênes de ses sentiments pour les brider, se rhabiller et s’excuser. Mais il n’en était pas question. Tout simplement parce qu’elle n’avait pas peur.

On tremble toujours un peu en entendant ces mots tant rêvés pour la première fois. Surtout ici, étant donné que la jeune fille qui reçut ce cadeau surprenant vivait dans un conte de fée où jamais le prince ne prononçait de telles paroles, alambiquant tout pour fuir une réalité qui n’était pas la sienne. N’ayant jamais eu le courage de le dire depuis l’incident de sa jeunesse plus reculée, Aya n’y songeait plus. Trouver quelqu’un qui la respecterait et se contenterait de sa présence voulait déjà signifier beaucoup pour elle. Elle ne demandait pas à ce qu’on l’aime, n’osait pas exiger une passion comme elle la souhaitait, et comme elle était en train de la vivre, peut être même de la gâcher. Cela relevait clairement du fantasme, pas d’une quelconque réalité, même avec un peu de chance pour parsemer le tout. Saïl était soit fou soit trop sensible, aucune autre solution ne venait à l’esprit de la jeune fille, qui n’avait toujours pas réagi, laissant ses émotions se heurter sous sa tignasse chocolat. Comment pouvait-elle répondre sans le froisser et sans employer ce mot aussi fort, qui pour elle était un mythe totalement inaccessible ? C’est avec bien peu d’assurance qu’elle se blottit contre lui, trouvant une place contre son cœur. Posant sa petite tête sur ce large point d’appui, elle y dressa une succession de petits baisers, pour se laisser le temps de remettre en place ce qu’elle ressentait réellement. Dur dur, quand on n’a que dix sept ans et aucune expérience dans le monde de l’amour comme le concevait Saïl.

- Merci.

Pause. Ça n’allait pas. Ce n’était pas ça, ce n’était pas du tout ça. Elle ne voulait pas le remercier, comme aurait pu le faire une fille gênée et embarrassée de ce si lourd fardeau. Elle voulait lui exprimer sa gratitude d’avoir osé, d’avoir prononcé les mots qu’elle avait toute sa vie espéré en secret d’entendre. Le couvrir de remerciements pour son attitude si touchante, pour les sentiments qu’il faisait naitre en elle sans qu’elle parvienne à les mettre en mots, pour les frissons que lui procurait une déclaration si belle et unique. L’ensevelir sous la tendresse qui fleurissait là où il posait le regard, lui faire comprendre. Lui transmettre qu’elle ne lui répondait pas, non pas par manque de sentiments ou par mécontentement. Tout simplement parce que ce genre d’idées ne pouvaient que s’épanouir dans sa tête, et qu’elles se désintégreraient dans sa bouche avant même d’avoir délivré leur message. Comme si la réalité était un puissant corrosif à ses rêves, tel le pesant réveil, au crépuscule d’un songe. Elle n’en était pas capable, mais ne voulait pas qu’il se trompe.

En mettant toute ses inclinations envers lui dans ses yeux brillants, Aya fixa ses prunelles dans les deux océans sombres de Saïl. Longuement, elle le prit en captivité, sans détourner le regard. Il fallait qu’il comprenne que cela n’était pas tout, que son cœur s’exprimait de manière autonome, en totale inadéquation de ses lèvres. Il l’avait jusque là surprise, magnifiée en répondant à ses moindres pensées, aussi devait-il absolument saisir ce soir, maintenant, l’impact de ce regard. Elle n’en pouvait pas plus. Puis, tout en gardant la dose pharamineuse d’émotions dans chacun de ses gestes, elle vint de nouveau placer un baiser sur les lèvres qui venaient de laisser échapper une partie de son cœur, qui avaient percées à jour une attente muette à laquelle Aya ne pouvait même pas se résoudre. Un unique claquement de lèvres, durant lequel la jeune femme positionna ses mains sur les lourdes épaules de son compagnon et, appuyant avec conviction, l’entraina dans une douce chute que le moelleux du lit amortit sans problème. Se penchant sur lui, elle couvrit son visage des plus tendres attentions en picorant chaque recoin de peau qui s’offrait à elle. Puis, affichant enfin ce grand sourire qui se devait d’apparaitre, elle compléta son petit manège d’une simple phrase.

- Tu comprends. Pas une question, une affirmation teintée d’une dose infime d’appréhension. Patience.

Seule recommandation possible, qui justifiait à la fois tout et rien, si Saïl décidait de ne pas comprendre et de s’échapper, blessé avec autant de justesse qu’il pouvait l’être. Un jour, peut être. Quand elle serait guérie de ces mots. Quand elle pourrait les lui dire autrement qu'avec les yeux.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: mardi 07 septembre 2010, 20:32:14 »
Imaginons un seul instant, improbable, qu’Aya ne se soit pas trouvée en présence de Saïl ce soir. Elle ne serait très certainement pas allée dans l’habitat d’un inconnu si celui-ci ne lui avait pas inspiré autant de confiance et de respect. Elle n’aurait jamais embrassé un homme sous la pluie, elle n’aurait pas fait la douce insulte aux clients du bar d’assumer la situation. Elle n’aurait sans doute d’ailleurs même pas accepté le bol de soupe. En remontant un peu en arrière, sur cette étrange soirée totalement hors du temps, on se rend bien compte que si Aya est une grande romantique et s’entiche facilement des hommes qui l’abordent, rien ne se serait passé dans les mêmes circonstances. Cela aurait d’avantage ressemblé à un mauvais conte de fée, où le prince dévisage sa dame, où il disparait au petit matin et ne pense même pas à lui offrir la moindre promesse. A cette heure-ci de la nuit, eh bien qu’Aya et Saïl n’aient pas trainés leurs bottes au bar, la jeune fille serait très certainement seule dans son lit, après être passée entre les mains d’un énième goujat, en pleurant toutes ses larmes de son corps de petite fille.

C’était toujours le même schéma, avec ces pseudos gentlemen qui ne savaient s’y prendre que pour séduire au premier regard. L’adolescente tombait facilement dans leurs filets, en état de faiblesse. Et elle y replongeait juste après leurs bras, juste après avoir espéré en vain, se faisant femme l’espace d’une seconde seulement, redevant bien rapidement la gamine qui serrait son oreiller en geignant de ses malheurs. Alors que là, Aya ne se sentait plus adolescente. Ses dix sept ans semblaient s’être envolés, alors que le livre de sa rencontre avec Saïl s’écrivait au fur et à mesure, sans un « Il était une fois » aussi évident, ni un « et il la quitta, la laissant désespérément seule » de prévu. D’ailleurs, la jeune femme n’avait plus que faire de ses idées enfantines et puériles. Elle se contentait de vivre, au lieu de penser, et c’est très certainement cela qui lui donnait cette assurance, cette confiance et ce charme mature dont elle n’était habituellement pas longtemps dotée. En d’autres circonstances, elle aurait gardé la mutinerie dont elle avait fait la démonstration plus avant dans la soirée, restant taquine et rougissante. Alors que là, elle se sentait sur la même longueur d’ondes que Saïl, ayant l’impression fugace de se fondre dans le décor et de faire partie d’une évidence le concernant.

Qu’il était bon, alors, de se sentir observée avec respect. Aya ne connaissait pas moult jeunes gens capables de la fixer avec honnêteté et assurance dans les yeux, alors que sa poitrine était dans une démonstration flagrante de ses charmes, sans qu’elle y soit pour quelque chose en particulier. Sentir une telle adéquation dans les attitudes sereines d’Aya et de son compagnon rendait tout beaucoup plus beau, sans la gêne de la découverte ou la honte de soi. Tous deux étaient là, postés tel un axiome, une vérité inattaquable et authentique. Après que lui aussi ait eut la bonne idée de se débarrasser des loques dégoulinantes que ne pouvaient qu’être des chaussures après un tel traitement, Aya sentit sa main se faire saisir avec une force comme toujours teintée de dilection. Et, bien que ce soit exactement ce qu’elle espérât, l’adolescente fut fortement surprise de ne pas sentir tout d’un coup l’agression pressante d’un corps contre le sien. Elle osa même se demander si Saïl se retenait ou s’il était naturellement aussi protecteur. Mais cette question qui n’en était pas une s’illustrait comme le comble de l’ineptie, tant le contrecoup de la réponse était manifeste. De même, tandis qu’il l’accompagnait jusqu’à son lit et qu’Aya se demandait ce qui allait suivre, elle le vit s’éloigner avec une petite déchirure au niveau du cœur, même s’il était plus que criant qu’il allait revenir.

S'écoulant une durée qui pourrait s’estimer à un claquement de doigt, la jeune femme alla jusqu'à se demander si leurs intentions étaient les même. Certes, Saïl ne pouvait ignorer l’immense invitation qu’elle lui avait tendue en même temps que sa paume, mais comme elle s’était elle-même laissée dans l’expectative d’une réponse, il était encore possible que son hôte n’ait pas les mêmes desseins. Et qu’elle reste là, penaude et ridicule. Seulement, Aya avait ce soir décidé de confier son cœur à Saïl, et il y résidait également ses doutes et autres angoisses, dont elle se départait volontiers, convaincue que son compagnon saurait les faire disparaitre sans efforts ni difficultés. D’ailleurs, comme il le lui souffla, Saïl revint. Avec entre ses mains deux promesses d’idyllique réconfort, de quoi soulager ses frissons, tout du moins ceux causés par le glacial vent de ce mois d’automne.

Comment exprimer à chaque fois le plaisir qu’avait Aya de voir cet homme répondre à ses espérances, à ses attentes, à ses moindres pensées ? Elle ne voulait en effet pas s’arrêter à ces deux tissus moelleux, la serviette seule ne la réchaufferait pas suffisamment. Car le corps n’était pas tout, l’intérieur de son être avait tout autant besoin d’attention et de proximité. Aussi, quand il parut lui demander l’autorisation de prendre une initiative dont elle n’osait même pas rêver, elle faillit parler. Mais pour ne pas briser l’instant merveilleux d’une parfaite symbiose entre eux, Aya se tut et se contenta d’un faible sourire, laissant plutôt s'exprimer son cœur. Qui fut instantanément rassuré lorsque Saïl s’empara avec détermination de ce tissu verdoyant qui les gênait tant. En d’autres situations, on l’a évoqué plus haut, la donzelle aurait très certainement ressenti une grande honte d’être ainsi mise à nue, dans le sens littéral du terme. Mais là, l’aisance ne quittait pas ses traits apaisés et ravis. Ce simple défeuillage lui fit l’effet d’un feu de cheminée, tant cela la réchauffa rapidement et en profondeur. Le sang s’accéléra sous sa peau diaphane, et la jeune fille en eut presque incliné les paupières pour mieux profiter du glissement du tissu imbibé sur son épiderme hérissé, mais elle ne quittait pas Saïl du regard, le rassurant si besoin était de sa détermination, l’engageant à continuer, ce qu’il fit.

Quoi de plus sensuel que de se voir lentement déshabillée dans un silence religieux et admiratif, quoi de plus sensitif que de sentir l’admirable union d’un homme et d’une femme. Quoi de plus simple, également. Aya ne faisait pour l’instant rien, laissant le temps à son partenaire de s’habituer à elle, à ce corps qui n’aspirait qu’à lui plaire. Trop peu de mots pour décrire le silence, l’intime respect du temps et de la découverte, la lenteur de Saïl qui s’aventurait en terrain inconnu pour la première fois. L’un comme l’autre appréciaient ce laps de temps qui leur était offert pour se familiariser avec l’étranger, l’Autre. La parure émeraude d’Aya finit donc rapidement à côté d’eux, tout comme son premier sous-vêtement qui fut évincé sans mal par des mains manifestement experte -mais qu’importe ! Ce n’était ni le moment ni l’opportunité pour se relancer sur un discours maintes et maintes fois développé.

Une fois partiellement offerte au regard de Saïl, Aya dut retenir le réflexe de toute fille de cacher pudiquement son corps, ce qui ne fut pas bien dur tant le regard du jeune homme n’avait rien d’un inquisiteur ou d’un juge appréciateur. Libérant sa poitrine, qui reprit avec plaisir son galbe naturel, Saïl ne prit même pas le temps de s’attarder, et vint la couvrir avec diligence. La jeune fille laissa un soupir de satisfaction échapper de ses lèvres, tant pour l’attention dont elle était la cible que pour la chaleur du contact d’un tissu rugueux et bienfaiteur sur sa peau nue. Toujours immobile, Aya laissa patiemment son épiderme se réchauffer sous les caresses encore précautionneuses de Saïl. Délicieuse frustration de ne pas recueillir ses mains sur son corps, de ne les sentir que par un intermédiaire prévoyant et soigneux. Tandis qu’il finissait son œuvre, le prince charmant de cette dame se fendit d’un compliment aussi simple qu’il était sincère. Aya le saisit au vol, affichant un grand sourire qui ne souffrait pas de réponse inutile. Puis, se relevant lentement, la jeune fille fixa son regard dans celui de son compagnon et continua le travail qu’il avait entrepris. Déboutonnant son jean souillé de pluie et de boue, elle le fit glisser avec précaution sur ses jambes humides, l’abandonnant par terre tel un fardeau trop lourd à porter.

Gardant pour simple parure que son dernier vêtement, elle récupéra la serviette qui avait si bien accomplie son œuvre pour la passer sur des jambes qu’elle étendit une à une sur le rebord du lit sur lequel Saïl était toujours assis. Cela ne prit pas longtemps et, une fois sûre d’avoir suffisamment bien passé et repassé le morceau de tissu, elle abandonna la serviette sur le lit et répliqua, comme à la suite du compliment du jeune homme :

- Et bien égoïste.

Elle était en effet sèche et débarrassée de ces si embarrassants vêtements détrempés, mais Saïl était encore ruisselant. Revenant vers lui, en gravissant les infimes centimètres qui le séparaient d’elle, Aya se positionna juste devant lui, et lui vola la deuxième serviette, qui trônait encore sur ses genoux. Elle la déplia, et enjamba Saïl. Oui, elle l’enjamba. S’asseyant littéralement sur lui, elle posta ses jambes le long des siennes, les enroulant autour de ses mollets, ses rotules appuyant contre le cadre en bois du meuble sur lequel ils étaient installés. Toujours sans la moindre trace de honte ou de pudeur, alors même que sa poitrine s’étalait sans complexe, Aya reprit la douceur des gestes de son compagnon et la direction que ceux-ci avaient prise quelques instants plus tôt. Évinçant elle aussi ce haut qui l’empêchait de partager la chaleur qu’elle ressentait avec Saïl, Aya reproduit une pâle copie qui avait cependant le même atout de procurer un plaisir qu’elle espérait tout aussi intense. Ses petites mains marquaient la peau dévoilée de Saïl, tantôt effleurant, tantôt insistant, découvrant avec majesté ce corps si rayonnant, si exempt de la déchéance qu’on aurait pu prêter à ce drôle de couple trop vite formé.

Une fois le carcan ôté, Aya posa ses mains sur ce torse offert, pour sentir le contact d’une peau chaude malgré tout, aussi vivante que la sienne. Se saisissant de la serviette restante, elle la passa dans le dos de Saïl, couvrant le début de ses épaules. Résistant à l’envie de s’y blottir instantanément, elle commença par retrouver des lèvres qui lui avaient bien manquées, les cueillant avec un plaisir non dissimulé. Ce même baiser profond et superficiel à la fois se fit cependant plus insistant, et quand la jeune femme passa ses bras autour du cou de son compagnon, elle en profita pour laisser pointer timidement, comme une demande peu assurée, le bout d’une langue, celle-ci venant effleurer les deux minces lignes rosées qui trônaient sur le visage de Saïl. Plus entreprenante, avide de le sentir toujours plus proche, Aya restait néanmoins dans la simplicité et la lenteur, pour savourer chaque instant et apprécier la saveur de toutes ses décisions. Elle ne voulait surtout rien précipiter ni gâcher, vouant un culte au temps qui s’était étalé entre eux, en filant pourtant aussi vite qu’une étoile filante. Les doutes s’envolaient, seuls le plaisir et la tendresse demeuraient. Et bien qu'elle soit courtement vêtue, elle n'en avait que faire, se concentrant sur Saïl et rien que sur lui. Un baiser plein de sentiments et de tendresse, tandis que l'étreinte de ses jambes raffermissait inconsciemment sa prise.

Un soleil miniature avait élu domicile quelque part entre ses côtes, là où son cœur aurait du se trouver. Aya était heureuse, brûlant de ce sentiment exaltant et addictif.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: mardi 07 septembre 2010, 13:47:03 »
Le baiser était déjà loin, alors qu’Aya activait aussi vite que possible ses jambes qui battaient le bitume des rues qu’ils traversaient. Pourtant, si tout son être se glaçait sous l’impact de la pluie battante, un seul endroit restait protégé, comme un sanctuaire inviolable et sacré. Là où Saïl avait posé ses paumes, là où il l’avait enserrée pour répondre à ses attentes, là où elle avait senti toute la concentration de son affection. Ses hanches brûlaient donc d’une impatience difficilement dissimulée, alors que le reste de son corps tremblait, malgré la maigre protection du manteau de son compagnon. Il était impressionnant de voir qu’en aussi peu de temps qu’il n’en faut pour le penser, elle était complètement trempée. En quelques secondes, son pantalon avait absorbé goulument toute l’eau mise à sa disposition, comme s’il n’avait jamais été en contact avec cette étrange substance purificatrice. Pendant ce temps, ses épaules chauffaient du contact froid du manteau, par un bien étrange phénomène du à sa course effrénée en compagnie de Saïl. En temps normal, elle se serait promenée tranquillement, pour apprécier la douce enveloppe que formait la pluie autour d’elle, annihilant ses sens, elle qui adorait le mauvais temps. Plus rien n’existait alors au-delà de ce rideau liquide, qui assombrissait son champ de vision mais aussi l’activité de ses autres sensations.

Seule la main de Saïl dans la sienne réveillait en elle quelque chose de vivant, puisque le temps l’achevait peu à peu, en l’effaçant presque par la force des trombes d’eau qui la clouaient au sol sans autre sommation. Ses muscles se contractaient pour lutter contre ce refroidissement soudain, précaution bien inutile puisque les os d’Aya eux-mêmes protestaient avec véhémence contre ces agressions extérieures. Elle sentait au fur et à mesure de leur progression ses articulations se plaindre du traitement ainsi infligé, son vêtement le plus protégé n’ayant reçu que quelques minutes de répit tant il était trempé maintenant. L’adolescente se voyait en cet instant comme une serpillère géante que l’on pourrait tordre pour résoudre les problèmes de sécheresse de bien des pays … Sans savoir que cette pluie lui donnait un air vulnérable et conquérant particulièrement touchant. Bien sûr, personne n’était là pour le remarquer puisque Saïl se concentrait sur leur route afin de limiter tout risques d’attraper froid, même si cela semblait bien vain … Cependant, les cheveux plaqués contre le crâne, des mèches folles se liant aux relents de son discret maquillage qui coulait un peu sur les côtés de ses yeux et aux gouttes de transpiration nées de cette folle escapade vers la chaleur d’un abri formaient un tout véritablement attirant pour quiconque sait regarder.

Plus d’une fois, Aya faillit engendrer une rencontre précoce avec le sol, mais Saïl la retint à chaque fois, l’empêchant de chuter lamentablement dans une flaque d’eau. C’était sans doute de la faute de ses chaussures en toile, incapables qu’elles étaient à présent de faire la différence entre une flaque et le sol, tant ses pieds étaient gelés. Elle devait alors courir tout en remuant les extrémités de ses membres, pour ne pas risquer de ne plus les sentir, et de les voir abandonner leurs fonctions de façon momentanée. Au bout de quelques minutes de cette affolante fuite vers la chaleur d’une promesse, la jeune femme eut, comme bien d’autres avant elle, l’impression extrêmement désagréable de sentir des milliers d’aiguilles se ficher dans son corps menu, et certainement pas préparé à cela. Certains connaissent ainsi les migraines, d’autre l’extrême inconfort d’une nuit d’hiver trop froide. Ici, la pluie, en plus de la glacer jusqu’au plus profond d’elle-même, imitait avec perfection la force et la précision de ces aiguilles précédemment citées. Un véritable calvaire, donc, dont elle ne tenait pourtant pas compte grâce à la présence rassurante de Saïl à ses côtés. Décidemment, il suffit parfois d’un rien pour changer complètement d’état d’esprit et de dispositions. Seule, elle aurait apprécié l’averse mais se serait très certainement retrouvée à broyer du noir toute la soirée. Accompagnée, elle haïssait ce temps qui l’obligeait à se hâter avec trop de précipitation vers son but, sans profiter de chaque seconde, et pourtant elle était la femme la plus heureuse qui puisse être à cette heure avancée de la soirée. Tout cela bien qu’Aya n’ait strictement plus aucune notion du temps …

Et c’est tout d’un coup, sans réellement prévenir, que la jeune fille dut stopper un élan qui s’était accru au fur et à mesure, au risque de piquer du nez contre la porte d’un immeuble somme toute assez banal, alors qu’elle s’attendait à voir bien plus que cela, dans son esprit débordant d’imagination incongrue. Rapidement, ils passèrent le premier obstacle et se retrouvèrent enfin au sec. Mais l’agression de la météo contrastait auparavant suffisamment bien avec leurs efforts pour lui échapper, et maintenant que leurs jambes avaient cessé leur cavalcade enflammée, seuls les frissons restaient, sans plus ce contraste qui les avait encore protégés de la température. Heureusement, l’ascendeur se profila bien vite et fut pour Aya synonyme de satisfaction, surtout quand elle put retrouver un peu de chaleur perdue dans l’étreinte fugace du jeune homme, qui la fit venir à lui pour embrasser délicatement le haut de son crâne. Elle eut pour occasion de poser ses mains contre le torse de Saïl et se blottir dans cette rapide consolation, et toute aussi prompte promesse. Ce simple contact, toutefois, réussit à la réchauffer un instant, bien vite suivi par un rendement moins agréable mais tout aussi efficace : le chauffage fort apprécié qui tournait dans l’appartement dont elle venait de franchir la porte, lorsque Saïl eut finit de lui monter le chemin.

Une étincelle curieuse se logea dans le regard boisé d’Aya, qui se demanda avant tout si beaucoup de gens avaient eu ce privilège. Mais, ne voulant encore une fois pas piétiner sa bonne humeur ni inquiéter Saïl avec ses questions inutiles et futiles, la jeune fille écarta bien vite cette première interrogation. Ses yeux se promenèrent instantanément dans la pièce, si bien qu’elle en oublia un instant le propriétaire des lieux. Un cadre sobre mais accueillant, une douce chaleur qui ramena immédiatement son corps à une température acceptable, et une décoration épurée. Que de bons aspectes dans cette pièce principale, spacieuse malgré tout, et sans cette marque masculine de négligence et de désordre. Seule la table à travailler était, et cela faisait écho au bureau de sa propre chambre de lycéenne, remplie de papiers disposés dans un ordre qui, s’il relevait d’une certaine logique, ne l’était que pour le maître des lieux. Le reste de la pièce à vivre était celle d’un célibataire plutôt soigneux, avec un fauteuil qui paraissait divinement accueillant, un lit étonnamment bordé et lustré, une armoire et une bibliothèque. Rien de trop peu, rien de trop. La luminosité aurait cependant pu être plus impressionnante que par cette soirée pluvieuse, mais l’on devinait une vue agréable et un réveil accompagné sans aucun doute des rayons du soleil matinal, à travers les grandes vitres translucides. Celles-ci s’ouvraient pour l’heure sur un spectacle impressionnant, reflet exact de la tourmente qui avait cueilli nos deux compères à la sortie du bar.

Musique mélodieuse que le son de la pluie, lorsqu’il ne tambourine pas inlassablement sur vos tempes et à vos oreilles. Là, dans ce décor chaleureux et affable, Aya se délectait de la perfection du tableau. Et, tandis que Saïl refermait la porte sur elle, empêchant ainsi sa raison d’entrer à sa suite pour lui rappeler que cette situation n’avait rien de normal, et encore moins de raisonnable, elle savoura ce simple moment suspendu. Grelottante malgré la température de la pièce, Aya sentait ses vêtements coller sur sa peau nue, formant une coque oppressante et désagréable. Tout en ôtant la veste lourdée de pluie de son hôte, la jeune fille l’écouta avec attention lui souhaiter la bienvenue avec dans la voix une petite pointe d’anxiété, ce à quoi Aya voulait associer le manque d’habitude pour lui de recevoir une femme en ces murs. Se retournant pour déposer le manteau sur l’accroche prévue à cet effet au dos de la porte d’entrée, elle entendit la proposition de Saïl et eut un sourire avant d’exécuter un second demi-tour pour se trouver face à lui et de lui répondre d’un ton sérieux ce qu’elle aurait pu teinter d’ironie et de malice si elle était encore au bar :

- Pour l’instant, j’ai surtout besoin de me réchauffer.

Elle dit cela d’un air posé et détendu, alors que sa peau se hérissait sur ses bras et dans son cou, que ses jambes tremblotaient légèrement et que ses dents s’entrechoquaient par moment. Baissant les yeux, elle lança comme un regard d’accusation à son t-shirt émeraude qui, loin de donner l’effet aérien auquel la jeune fille était habituée, collait son buste exagérément. Aya se sentait tout d’un coup fort indécente, avec cette tenue totalement modifiée par la pluie. Pourtant, elle ne détourna pas les yeux de ceux de Saïl, ne rougit pas ni ne chercha à remettre le manteau pour rester là, avec toute la dignité dont elle était capable malgré les gouttes qui s’enfonçaient dans la moquette à ses pieds, vestiges de l’état d’humidité de son pantalon. Elle ne voyait pas trop quoi ajouter à cela, il n’y avait d’ailleurs sans doute rien à dire. Tout comme il n’existait pas de multiples façons de se réchauffer, si ce n’était en se débarrassant de tout ce qui pouvait l’encombrer. Lentement donc, elle se pencha pour défaire ses lacets et libérer ses pieds menus, qu’elle enfonça après coup dans la moquette moelleuse de l’entrée. Le reste ne dépendait pas uniquement d’elle. Puis, sans pour autant gravir les quelques centimètres qui la séparait de Saïl, elle lui tendit la main avec une question muette sur les lèvres, en profitant pour observer à son tour ce corps qui lui était si cher, également torturé par la dure loi de la pluie, ses vêtements aussi trempés que les siens. Il fallait bien faire quelque chose pour éviter la fièvre et autres complications …

Au diable la politesse des débuts ou la douceur d'une petite fille.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: lundi 06 septembre 2010, 17:37:52 »
Si Aya n’attendait pas particulièrement de réponse à son geste totalement inconsidéré et spontané, pour prouver aux clients présents dans ce bar qu’ils se fourvoyaient tous autant qu’ils étaient, elle fut surprise d’en recevoir une ! Surprise, mais bien évidemment ravie. D’autant plus que Saïl avait des manières moins puériles, et beaucoup plus sensuelles de lui prouver son affection. Quand elle sentit ses lèvres arriver, elle dut se retenir pour ne pas les intercepter en plein vol, et les laissa non sans étonnement glisser plus bas, toujours plus bas. Manquant de peu sa gorge, le compagnon d’un soir de l’adolescente s’empara de la naissance de son cou, avec autant de douceur et de précaution dont il était capable, autant dire une dose infinie. Aya eut la sensation de se faire cueillir par une plume tant le contact fut léger, et pourtant une marque définitive semblait s’être apposée sur sa peau lorsqu’il la quitta. Maitrisant ses ardeurs, de peur de paraitre un peu trop sujette aux rougissements, la jeune femme réussit à faire bonne figure suite à cette caresse qui avait fait chavirer encore un peu plus son cœur.

Et pourtant, qu’il lui était difficile de se contenir de l’embrasser là, maintenant, tout de suite, afin d’exprimer toute la gratitude et l’affection qu’elle éprouvait. C’eut été comme demander à un homme d’arrêter de penser, comme supplier une mésange de stopper son vol ou comme exprimer l’hypothèse que Saïl ne soit pas un prince des temps modernes. Tout bonnement inimaginable et farfelu, sans la moindre base sur laquelle se reposer pour y croire. Douce torture qu’était cette bouche contre son épiderme, ce dernier se battant entre la chaleur du baiser et le frisson du plaisir, sans que l’un des deux ne gagne véritablement. Entre la chair de poule de ses bras et le rouge de ses joues, Aya ne pouvait manifestement plus faire confiance à son corps et à ses réactions, qui devenaient aussi aléatoires et soumises aux actes de son compagnon que ses pensées. Quand votre esprit vous échappe pour vagabonder vers de plus belles contrées et que votre enveloppe charnelle décide de se détraquer en un rien de temps, il n’est évidemment pas facile de se fier à quoi que ce soit. C’est sans doute ce qui justifiera l’attitude inconsciente de la jeune femme, dont il ne faudra pas lui tenir rigueur.

Sur ces entrefaites, Saïl et sa dame se dirigèrent fièrement vers la sortie, et Aya fut rassurée d’avoir été bien inspirée en acceptant le manteau de cet inconnu qui n’en était plus un, tant le vent la cueillit avec force et l’aurait pu faire s’envoler si ce poids sur son dos ne la clouait pas au sol. Toutefois, en sentant la morsure de ce souffle glacé, la jeune fille regretta d’avoir ainsi dépossédé Saïl de toute protection, et se disait qu’il valait peut être mieux qu’il ne la raccompagne pas, au risque d’attraper froid à sa place. Elle n’était pas égoïste au point d’ignorer les risques qu’il prenait en se tenant là, sous le déluge d’un ciel colérique et orageux, alors qu’elle-même restait à l’abri de son vêtement. Toutefois, les deux jeunes gens ne s’étaient pas encore aventurés au cœur de la tempête, et la protection sommaire de l’établissement qui se trouvait à présent dans leur dos les empêchait pour l’instant de recevoir trop d’averses diluviennes sur le crâne. Ce n’est pas pour autant que le visage d’Aya ne se retrouva pas trempé très rapidement, ses cheveux épousant les courbes de son menton pour venir déposer une lourde moiteur humide sur son cou qui gardait encore sur lui la marque de Saïl.

Bien penaude, ainsi représentée sous l’averse, Aya devait avoir l’air plus misérable que jamais, et pourtant elle rayonnait encore, s’abreuvant de la présence de Saïl, envisageant à peine un départ dont elle ne voulait pas être la spectatrice. Levant son regard vers lui, elle cherchait quelque chose à dire pour le retenir, pour le conserver près d’elle comme une reine garderait son bien le plus précieux. Mais rien ne lui venait, et elle se contentait d’admirer ce visage battu par les sautes d’humeurs de la météo. Le tableau à la fois ridicule et romantique se dressait entre eux, alors que le silence s’installait, menaçant de se briser à tout instant. Si seulement elle prenait le courage de lui proposer de l’accompagner, si seulement elle trouvait les mots pour ne pas le voir partir … Mais ce fut, une fois de plus, Saïl qui la sauva d’un bien mauvais pas. Haussant le ton pour surplomber le tambourinement de la pluie et les mugissements du vent, il lui proposa de venir chez lui. A ces mots, son cœur explosa dans sa poitrine, dans un mélange de peur, d’angoisse et d’immense plaisir. Mais c’est à sa seconde phrase qu’elle se sentit la femme la plus heureuse du monde, au moment où il ancra son regard dans le sien et lui avoua sans détours ni hésitation, sans rougissement ou gêne que, si elle acceptait, il en serait très heureux.

Là, définitivement, les petits oiseaux et les angelots pouvaient parfaitement débarquer sans susciter un seul instant la surprise d’Aya. En quelques secondes à peine, elle eut l’impression d’avoir rêvé, de prendre ses désirs pour des réalités, de croire au père Noël et pourquoi pas d’avoir prononcé elle-même ces mots. Si bien que l’adolescente faillit lui demander de répéter, ce qui aurait été fort impoli, d’abord, et qui aurait brisé complètement la magie de l’instant. Ainsi donc, elle resta immobile, pour seule preuve de sa vivacité un raffermissement de sa prise autour du bras de Saïl. Quelques minutes peut-être s’écoulèrent, avant que son air interdit et stupéfait ne se transforme en quelque chose de bien plus complexe, mais éloquent. Et, même si elle était complètement folle d’accepter une proposition aussi inconsidérée de la part de quelqu’un qu’elle connaissait depuis si peu de temps, bien qu’Aya ait l’impression de toujours avoir été à ses côtés, elle ne put s’empêcher d’acquiescer en hochant la tête. Et de répondre, avec chaleur et émotion :

- Et très certainement le mien aussi, Saïl.

Son nom s’échappa des lèvres de la jeune fille, qui ne put le retenir. Elle ne cacha pas non plus toute la tendresse qu’elle y mettait, les espoirs qui s’y trouvaient et l’impatience qui l’habitait en cet instant. Et d’un coup, le jeu innocent de leurs preuves d’affection prit un tout autre sens. Il n’avait existé que pour les mener à ce moment précis de leurs échanges. Au lieu d’en saisir l’occasion dans un endroit confortable mais à l’air vicié de commentaires houleux, Aya préféra ce cadre bien plus glacial, et pourtant en totale adéquation avec son geste. Avec un sérieux qu’elle n’avait que rarement affiché aussi sereinement durant la soirée, Aya dégagea une mèche humide du visage de Saïl, la passant derrière une de ses oreilles. Puis elle laissa sa main dans son cou, caressant tendrement cette peau ruisselante, la couvrant d’attention. Sa deuxième paume vint se loger un peu plus haut, pour enserrer la joue de son compagnon, deux de ses doigts se perdant dans sa chevelure sombre. Et, en gardant cette sérénité imbibée de pluie, la jeune fille eut le premier geste véritablement conscient de la soirée. La première bise était un merci, la seconde un pied de nez. Mais là, ce n’était plus seulement ça. Aya fit mine d’honorer le dicton « jamais deux sans trois », mais elle s’orienta d’avantage vers les deux minces filets de chair vermeille qui l’attendaient. Y posant les siennes, elle créa l’espace d’une fraction de seconde une explosion de satisfaction en son cœur.

Oui, elle l’embrassait. Doucement, très doucement d’abord. A peine le toucher d’une brise de mai, puis un gentil mistral du sud, pour finir sur un baiser qui n’avait pas grand-chose à envier au vent qui dérangeait ses cheveux. Toutefois, elle se contenta d’unir ses lèvres à celles de Saïl, sans en franchir la barrière encore mystérieuse, décidant de garder un peu de surprise et de plaisir pour plus tard. Et après de longues secondes, c’est avec autant de dignité et d’assurance qu’elle s’écarta pour s’exprimer sans bafouiller ni rougir, avec la même prestance que Saïl quelques instants plus tôt.

- Je te suis.

Et sur ces simples trois mots, elle lui empoigna le bras et se jeta avec lui dans la tourmente, splendide union de la terre et du ciel dans un ballet de vent, de pluie et de feuilles mortes virevoltant dans cette froide nuit d’automne. Il fallait se dépêcher, puisque Saïl n’avait plus son manteau et qu’Aya n’avait plus beaucoup de patience en réserve. Et puis, à quoi bon faire attendre une telle situation, quel intérêt aurait-il à faire languir nos deux jeunes gens ? Jeunes gens qui prirent le parti de la rapidité sous l’ouragan naissant, avec comme beau souvenir une étreinte aussi fugace que délicieuse.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: dimanche 05 septembre 2010, 11:42:54 »
Aya se sentait aveugle, totalement dépossédée de ses prunelles émeraude alors qu’elle effleurait chaque parcelle d’épiderme qui courait sous ses doigts. On dit souvent qu’il faut savoir toucher avec les yeux, mais rien n’est plus réel que le contact d’une paume pour appréhender véritablement l’imperfection de la beauté simple et évidente. La douceur ne se décèle pas seulement dans un regard, mais dans la courbe d’une joue, dans le contact lisse des traits du visage, bien trop souvent tirés chez d’autres personnes que Saïl en ce moment. L’émotion s’exprime tout aussi bien par les yeux que par les délicates tensions autour des lèvres, comme si un sourire se retenait de naître, comme si perpétuellement des mots rassurants s’écoulaient en silence de cette bouche si douce que la jeune femme avait à portée de main. Et, si son inspection pouvait paraitre bien impolie, déplacée ou peut être désagréable pour son compagnon, celui-ci s’empressa de lui rendre la pareille. C’est en cet instant qu’Aya savourait le plus le contact de Saïl, imaginant que la propre pulpe de ses doigts lui offrait les mêmes sensations délicieuses. Une moitié de son visage se vit bercée par cette immense paume qui englobait sans trop de difficultés sa joue et la naissance de son menton.

Temps éternel, sablier qui arrête sa course. D’une extrême lenteur, la scène se déroule tandis qu’Aya est persuadée de la rêver, de la vivre dans un autre univers. Ce n’était plus la réalité qu’elle connaissait, à partir du moment où Saïl passa, avec une sensualité exquise, le premier de ses appendices sur des lèvres qu’elle avait mises en mouvement à regret. D’autant diront que ce geste n’a rien d’exceptionnel et se trouve être parfaitement commun et anodin. Ceux là n’auront sans doute pas eu le plaisir de sentir une caresse à la fois fraiche et brûlante les cueillir par surprise, n’auront jamais ressenti l’attente extrême que ce simple geste faisait naître dans le cœur et le corps d’une femme. Bien ignorants alors, ceux qui prétendront ne pas donner autant de sens à cette approche impérieuse, suspendant le temps pour deux personnes uniquement. Aya gardait les yeux grands ouverts, pour ne pas manquer une seconde du merveilleux spectacle dont elle était, sans le savoir, une des actrices. Son cœur battait tout d’un coup à tout rompre, comme si jamais encore elle n’avait eu le loisir de sentir des lèvres sur les siennes avant même que le baiser ait eu lieu. C’est ce qu’il se passa pendant l’infime moment suspendu durant lequel Saïl se rapprochait inexorablement. Aussi long fut-il alors qu’il ne dura qu’une seconde, cet instant permit à la jeune femme de se préparer à répondre, tendant doucement ses lèvres et laissant la musique de fond de toute bonne situation romantique résonner dans son crâne avec une vivacité jusque là inconnue.

Puis plus rien. En un instant, ses attentes furent réduites à néant, son angoisse se mua en frustration et son impatience en regrets. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il s’était passé, encore trop perdue dans un monde si particulier qu’elle était. Une seconde, elle se demanda même si elle n’avait pas rêvé la main contre ses phalanges, la bouche qui désirait rencontrer la sienne dans une union silencieuse. Mais elle n’avait pas pu, imaginer Saïl n’était pas possible. Il était tel, dans son comportement, à un prince maladroit et hésitant, puis aussitôt ferme et assuré. De tels contresens naissaient entre la première impression qu’on pouvait s’en faire, de son physique un peu bourru et imposant. Le cerveau linéaire et trop simple d’Aya n’avait pu tout seul monter de toutes pièces un personnage aussi riche et affectueux. Ni la désillusion qui venait de lui tomber dessus, comme une douche froide en pleine période hivernale. C’est donc un peu abasourdie qu’elle regarda en silence Saïl se lever brutalement. Un instant, encore, le doute s’empara de la demoiselle bien peu sûre d’elle qu’elle était. Avait-elle fait quelque chose qui lui aurait déplu ? Ou pas fait ? Peut être que, soudainement, son bienfaiteur avait réalisé le fossé qui les séparait, lui si rayonnant et doux, elle dérangée et lunatique. Un instant, oui, Aya sentit son cœur se serrer, bien loin des longues palpitations qui l’agitaient quelques secondes plus tôt.

Que la jeune fille s’en était voulue, après coup, de douter de la constance de Saïl. Celui-ci, en effet, ne s’était redressé aussi brutalement, délaissant la main et l’adolescente toute entière, que pour la défendre du regard des badauds et autres habitués. Quand elle l’eut compris, un pétale de joie vint illuminer son visage, lui rendant d’un coup toute sa sérénité et son bien être. Son corps tout entier criait le manque et le besoin de le voir revenir, mais son cœur en était tout autre, chantant les louanges d’un homme si attentionné et prévenant. Rien que par son geste, il effaça tout à coup les reproches et le jugement, allant même jusqu’à gommer l’existence des envieux et outragés, les laissant seuls dans ce bar. Mais la réalité rattrape trop souvent la fiction, et Aya se rendait bien compte qu’il n’était plus question de continuer ici ce qu’ils avaient à peine commencé. Et, même si ses lèvres dépérissaient rapidement de ne pas avoir reçu l’offrande évidente qui allait leur être faite, Aya se réjouissait de savoir que le jeune homme qui à présent réglait ce qu’elle lui avait fait commander était autant à l’écoute des répercussions et des convenances. Elle, si peu habituée, elle si familière des endroits singuliers pour des démonstrations pas toujours très prudes de son affection. Les hommes, en général, ne prêtaient que peu d’attention à l’environnement de la jeune fille qui les courtisait, et répondaient sans doute bien trop rapidement à des avances qui auraient pu souffrir d’un peu plus de dignité et de patience, comme c’était le cas ici, maintenant.

Si Aya comprenait et approuvait, louait même le comportement de Saïl qui l’avait obligé à s’éloigner, elle soupira d’aise lorsqu’il revint, se penchant vers elle alors qu’elle redressait son visage pour recevoir ses douces paroles, teintées de regrets quant aux réactions des autres. Oui, mais les autres ne peuvent pas comprendre. Il est trop dur de saisir avec finesse l’importance de cet échange, le précieux des regards entre une adolescente et son prince. Il est insurmontable d’imaginer que les sentiments et l’attirance n’ont d’autres barrières que leurs propres limites, sans se soucier de la morale ou du qu’en dira-t-on. Eux, si tristes derrières leur éthique bancale, eux qui passaient peut être à côté de la réelle raison d’être des émotions, eux qui se bandaient les yeux pour résister à une tentation qui pourtant, n’a que meilleur goût lorsque l’on y cède. Elle persistait dans leurs esprits depuis des années, et les rongeaient de l’intérieur alors qu’Aya s’apprêtait à l’accueillir en elle, faisant de cette fascination une sympathique compagne et la résolvant en s’y pliant bien volontiers. Alors, quand Saïl lui dit d’un air contrit qu’il valait mieux disparaitre de ce lieu de jugement et d’incompréhension, Aya hocha la tête avec véhémence, avant de s’arrêter brusquement. La main qui reprenait la sienne ne parvint pas à la faire oublier le sérieux de cette perspective.

La raccompagner, cela voulait dire rentrer en un lieu qui lui était connu. Elle n’avait pour attache que le dortoir du lycée, et elle se demandait comment une telle entreprise allait-elle être possible autrement que dans son rêve. Un homme de l’âge de Saïl pouvait difficilement se faire oublier dans un établissement d’adolescents, et même si elle rêvait de le voir l’escorter, la jeune fille commençait à se demander si sa vision des choses rejoignait une quelconque réalité envisageable. Et puis, le dortoir … Elle avait la chance d’être seule dans sa chambre, ayant fait fuir tous ses camarades de chambre précédents, mais elle ne voyait pas rappeler à son compagnon que son âge était si faible, qu’elle était régie par les règles d’un internat, d’une école, comme une enfant. Sa chambre terne, sans décoration ni fioritures reflétait trop sa simplicité, son manque d'originalité et de caractère. Il s'en apercevrait très vide, la fadeur de son lieu de vie ne faisait que refléter celle de sa propriétaire ... C’est donc avec une pointe d’inquiétude dans la voix qu’elle lui répondit, un brouillard au niveau de la poitrine :

- Ce serait avec plaisir mais … Oh et puis oui, allons y.

L’urgence n’était pas à la réflexion mais à l’action. Et si jamais le problème se posait de nouveau plus avant dans leur expédition, eh bien elle aviserait. Rien ne saurait gâcher son plaisir, né d’une déception tout aussi grande qui avait littéralement disparue depuis le début de la soirée. Puis, décidant que cet endroit était véritablement indigne de recevoir la suite de leurs partages émotionnels, Aya se leva à son tour et, passant un bras sous celui de Saïl, elle l’entraîna à sa suite à travers la longue salle. Longeant les tables occupées par diverses figures, aux regards identiques, la jeune fille se retourna une ou deux fois pour tirer la langue avec amusement à ceux là qui ne comprenait rien, et ne comprendraient sans doute jamais le plaisir qu’il y a à être considérée et entourée d’émotion réconfortante. Aya avait oublié sa jalousie, refusant de la laisser gâcher sa soirée. Si elle était une femme fragile entre d’autres, et bien tant pis. Il lui faudrait s’en accommoder et continuer à sourire, toujours. Peu lui importait en cet instant d’être la seule à être spéciale, tant qu’elle l’était un peu. Injonction bien égoïste dont elle se garda bien de faire part à Saïl, ne voulant pas briser l’image qu’il s’était sans doute fait d’elle.

Avant de quitter les lieux, pourtant, un détail s’imposait. Arrêtant soudain son pas téméraire et impulsif, Aya jeta un regard à la ronde et, se hissant encore une fois jusqu’au visage de Saïl, elle déposa une bise claquante sur sa joue. Pas forcément dans un contexte de tendresse extrême et de reconnaissance, comme la première, cette pulsion signifiait pourtant tout autant, mais dans un autre registre. Elle exprimait la fierté d’Aya d’être ici, avec lui. Un baiser qui la rendait heureuse, un simple petit rien qui manifestait sa joie et le peu d’importance qu’elle portait à toutes les idées reçues. D’un coup, l’adolescente se fichait d’être jugée comme une gamine, comme une mauvaise fille ou comme une inconsciente. Plus rien n’avait d’importance que leur départ immédiat, et le feu de joie qui brûlait avec force dans le regard et entre les côtes d’Aya, qui aurait pu crier son impatience et son émotion si on le lui avait demandé … Il était cependant temps de s’en aller vers un autre horizon, qu’eux seuls partageraient. Voyager, se laisser porter par sa seule envie de le connaitre, de se rapprocher de lui, par l’évidence de leur contact. Plus rien d’autre n’avait de sens ce soir, et dans le monde aucune autre vérité n’avait autant d’impact et de force que sa main dans la sienne.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: samedi 04 septembre 2010, 15:05:57 »
On est en droit de se demander, alors que l’on contemple ces deux êtres qui semblent tellement évidents dans leur étreinte, l’une dans les bras de l’autre, la raison de la rupture du cadre idyllique que ce tableau inspirait. Peut être qu’Aya, sentant Saïl se rapprocher, prit peur. Sans doute pas pour sa main qui enrobait son dos d’une longue caresse, peut être pas pour la seconde qui effleurait sa nuque en se positionnant à l’arrière de son crâne. Mais sans doute à cause d’un baiser trop pur et chaste pour qu’elle puisse l’intégrer. Se faire embrasser comme une petite chose fragile n’était pas dans ses habitudes, et elle avait peur que Saïl ne prenne cette étreinte comme elle aurait pu être saisie : un réconfort, de petite fille blessée qui trouvait consolation dans des bras chaleureux. Une situation gouvernée par les affres de la pitié, de la condescendance. Bien sûr, Saïl n’avait pas de telles émotions en lui au moment où il avait répondu à sa demande égoïste de chaleur apaisante. Mais Aya n’en était nullement rassurée pour autant, restant dans une ignorance amère et dérangeante, dans un doute qui formait une boule bien trop grosse pour sa gorge. Elle préférait, comme à l’ordinaire, fuir et comprendre après coup. Se poser des questions, prendre le temps de savoir. Ne pas répéter des erreurs maintes et maintes fois commises par la précipitation de son cœur, avide et rarement satisfait.

Alors qu’il approchait, la couvant du regard, la rendant plus attirante et importante qu’elle ne l’était réellement, Aya ne souffrait pas du même plaisir que son sourire le laissait entendre. Lentement, elle reprenait ses esprits. Elle retrouvait le bon sens qui lui avait tant manqué en ce début de soirée. Ses mauvaises habitudes, ses inquiétudes, ses changements brusques et soudains de tempérament. Toutefois, elle n’en laissa rien paraitre à son charmant partenaire, qui s’installait à présent à côté d’elle, se mettant à l’aise. Le sourire de la jeune femme restait là, figé sur son visage pendant que ses pensées étaient bien loin. Elle réalisait à l’instant que, si elle s’était crue exceptionnelle et particulière, il n’en était rien. C’était stupide de croire qu’elle avait attiré Saïl avec un charme particulier, une douceur qu’elle n’avait pas, un charme qui lui était lointain … Rien de désagréable ne prenait racine chez elle, mais rien de remarquable ou de singulier ne la caractérisait vraiment, à part un caractère quelque peu lunatique et névrosé.

La conclusion logique se faisait donc d’elle-même. Si Saïl s’était intéressée à elle, dans sa grande générosité et avec toute la douceur qu’elle avait lue dans ses yeux, il était bien évidemment certain qu’elle n’était pas la première dans ce cas. Les autres … Aya sentit sa salive se glacer à l’intérieur de son palais. Les autres étaient toujours là. Déglutition difficile. Encore là, toujours toujours toujours là ! Pour lui gâcher son plaisir, pour la rappeler à la réalité. Pour quelqu’un d’aussi prévenant et bon que Saïl, il était impossible de ne pas l’imaginer en train de rassurer d’autres demoiselles. Il était pourtant affreusement difficile de voir ces mains si enveloppantes posées sur d’autres corps, de sentir que la chaleur de son baiser sur le haut de son crâne s’évaporait doucement alors qu’elle prenait conscience que d’autres femmes y avaient eu droit. Et qui était à blâmer ? Elle, certainement. Pas Saïl, qui ne faisait qu’offrir sa nature même, en ouvrant son cœur à celles qui, par leur fragilité et leurs errances, l’attiraient. Peut être par une larme, peut être par un air vide, ou bien une cigarette ridiculement portée à des lèvres vermeilles … Un charme évident, délicat et fragile qui provoquait chez ce prince de gentillesse d’irrésistibles besoins de cajoler, de consoler, de protéger.

Qu’elle avait été bête, qu’elle avait été sûre d’elle ! Aya se mordait violemment l’intérieur de ses joues pour ne pas démordre de son attitude ouverte et avenante. Il ne fallait pas retomber dans ce cercle vicieux, ne pas profiter de cette attention portée sur elle pour se faire câliner et se faire choyer par Saïl. Comment pouvait-elle imaginer profiter de cet homme qui, sans aucune raison, sans aucune promesse, était venu à son aide, elle pauvre âme égarée dans les affres profondes de son esprit ? C’est d’ailleurs les mots de son compagnon de soirée qui la tirèrent momentanément de ses réflexions, pour la questionner sur son comportement étrange, avec une pointe d’ironie noyée dans un océan de bonté. Si bien qu’elle ne pouvait pas lui en vouloir de s’interroger, c’était même plutôt légitime. Et oui, Saïl, tout le temps. Mais Aya ne répondit rien dans l’immédiat, le laissant revenir sur sa question, l’adoucir et l’enrober dans un élan de vigilante préoccupation. C’est ce moment là qu’elle choisit pour lui répondre, sans pour autant le regarder, gardant ses prunelles fixées sur la main qui venait de prendre possession de la sienne avec délicatesse et galanterie. Aya en eut presque pleuré, de tant d’attention et de précautions. Presque.

- Souvent, oui.

Réponse courte, pour une voix où les préoccupations pointaient. Aya se laissa aller contre ce bras, contre cette paume qui enserrait ses doigts fins. Portant sa main libre sur l’avant bras de Saïl, elle inclina légèrement le buste pour venir s’appuyer contre ce soutien inespéré, et permit à sa nuque de couler pour épouser l’épaule de son prince charmant. Ainsi, elle se serrait contre cette source de tant de sentiments contradictoires, parfois mélancoliques, souvent extatiques. La jeune fille se rendait compte qu’elle avait besoin de ce contact, qu’elle souffrait de ne pas sentir ce corps contre elle pour l’envelopper de sa constance, de son assurance. Elle ferma à demi les paupières et abandonna ses sens pour les obliger à lui faire parvenir la rudesse moelleuse de ce simple bras contre elle. Après avoir passé la frontière de la familiarité, et du tutoiement, Aya voulait franchir le cap de la proximité. Ne pas le lâcher. Ne pas fuir. Ne pas prendre peur. Et pourtant, la jeune femme tremblait de savoir qu’elle se comportait comme toutes celles que Saïl devait étreindre en réconfort. Savoir que rien ne la séparait de femmes qu’elle ne connaissait pas rendait l’adolescente malade et ternissait de nouveau son regard.

Mais hors de question de se laisser abattre, hors de question de se la jouer perdante. Ce soir, elle était la seule à avoir le privilège et l’extrême honneur de pouvoir effleurer Saïl à n’importe quel moment. Ce qu’elle fit. Remontant sa main libre le long de la peau de l’homme à ses côtés, à la fois si proche et si lointain. Aya rendait à son visage une certaine assurance, un discret espoir qui naissait délicatement, fruit du besoin incessant qu’elle avait, sans se l’expliquer, de garder son compagnon auprès d’elle. En peu de temps, la tendresse et l’émotion étaient apparues quelque part entre ses côtes, l’affection se répandant dans les moindres recoins de son corps par une circulation qui s’accélérait progressivement alors qu’elle continuait sa progression le long du bras, puis du cou de Saïl. Elle freina son ascension pour apprécier le velouté rugueux d’une peau d’homme, avant de repartir à l’assaut d’un menton, d’une joue pour venir effleurer des lèvres. Du côté de la jeune femme, l’expression qu’elle affichait était un mélange de découverte émerveillée et d’assurance fantasque. Oubliée, la gamine. Tout comme la fille qui broyait du noir avait été chassée par cette même gosse joueuse. C’était à présent presque quelqu’un d’autre qui se tenait là, poussée par un instinct bien plus avisé que celui d’une fille de son âge. D’une voix plus douce et posée qu’auparavant, Aya reprit la parole lentement.

- Cela te gêne, comme changement ? Suis-je trop instable ? Je ne fais que m’écouter, pourtant.

Pour s’écouter, elle s’écoutait ! Ce qu’elle n’aurait peut-être pas fait quelques minutes plus tôt, Aya le réalisait sans problème. Voilà le visage qu’elle montrait le plus souvent aux hommes. Celui qui lui permettait de séduire, de se départager. C’est très certainement son envie explosive et intraitable de ne pas rester en retrait, comme le souvenir d’une énième copie qui agissait. Poupée fragile, non. Et même si la jeune fille angoissait très légèrement à propos de la réaction de Saïl, elle tentait de se rassurer en répétant en silence, comme un vieux tourne disque rouillé, qu’elle n’était pas une autre personne. La même Aya fragile pouvait simplement se targuer de n’être pas aussi plate que certaines, peut être. Changer était le propre de la nature humaine, qui tendait toujours vers plus de réussite et de succès. Aya tentait d’effacer l’image de la petite sœur prête à se casser si on n’y prenait pas garde, et faisait tout son possible pour se hisser vers Saïl. Se faire femme plutôt qu’adolescente, se faire désirable plutôt qu’attendrissante. Pourtant, qu’il était difficile de sortir d’un carcan qu’on a tissé soit même. Surtout quand on ne sait pas si l’extérieur, le monde réel, est aussi indulgent ou au contraire bien trop cruel. En d’autres termes, allait-il rester interdit devant ces variations si déconcertantes, comme n’importe qui ? Ou bien serait-il capable de se plier à ses intraitables sautes de comportement ?

Se faisant un peu plus pressante, Aya s’enfonça d’autant plus dans ce bras auquel elle s’accrochait de toutes ses maigres forces, une interrogation sur les lèvres, un espoir dans ses iris dressées vers Saïl et une grande angoisse au cœur. Même le plus conciliant et prévoyant prince charmant aurait raison de se détacher, quittant cette drôle de princesse, tour à tour timide ou aguicheuse. Parfois innocente, charmeuse d’autres fois. Instable, donc. Mais sincère, toujours. Toutefois, l’âme pure de ce grand protecteur allait-il facilement accepter une femme moins vulnérable, ayant par conséquent -en apparence du moins- moins besoin de réconfort ? Car somme toute, même la plus forte personnalité nécessite quelqu’un à ses côtés. La vie se vit à deux, et chaque instant partagé vaut bien plus, se montre plus riche qu’un long moment passé en solitaire.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: vendredi 03 septembre 2010, 22:36:16 »
Si Aya s’était douté un seul instant de ce qu’il se passait sous la tête de Saïl … Eh bien, quoi ? Cela dépendait beaucoup de comment elle l’apprendrait, mais il y avait somme toute deux options qui se dégageaient de manière majoritaire. La première était de fuir très loin, apeurée par tant de sentiments si vite, si tôt, si enfiévrés. A dix sept ans, même quand on s’amuse à jouer à la femme fatale, on ne mesure pas toutes les conséquences, et même si Saïl, le gentil et attentionné Saïl lui avait révélé ce qu’il pensait à cet instant, la jeune fille aurait pu prendre peur. Ou se pendre à son cou pour le serrer aussi fort que ses petits bras le lui permettaient. Cela dépendait essentiellement de sa capacité à appréhender la véritable rencontre avec son idéal, ce qu’elle imaginait approcher un jour sans réellement y croire. Les pensées de Saïl seraient peut être vécues comme des chimères, attirantes mais irréelles. Ne pas y croire serait sans doute le moyen de défense le plus évident pour une jeune fille allant de déceptions en déceptions, à courir après un concept qu’elle fuyait une fois rencontré. D’ailleurs, si elle n’avait pas eu de réponse concrète à sa question totalement illuminée, elle sentait bien que Saïl conservait assez de sourires muets dans ses grands yeux pétillants pour nier catégoriquement les délires de la demoiselle qu'elle semblait être dans son regard.

Bien habile celui qui un jour cernera l’esprit féminin, sans nul doute. Mais heureusement pour nous, et pour Saïl, Aya n’avait absolument aucune idée de ce qu’il se tramait là bas, en face. Elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’elle savait tangible et perceptible, ce qu’elle connaissait de ses expériences. Et encore, même avec ce maigre bagage en poche, il lui était difficile d’expliquer l’intérêt de son bienfaiteur à son égard. Curieux personnage que celui qui offre un potage et un manteau pour réconforts à une inconnue un peu trop arrosée. Ladite inconnue flottait d’ailleurs dans ce vêtement, bien trop grand pour elle. Le contraste entre ses habits et cette véritable tente qui, si elle s’y capitonnait, enveloppait tout son corps, était saisissant. Elle paraissait encore plus fragile, avec ses mains qui dépassaient à peine des grandes manches, ses cagneuses articulations disparaissant sous un monceau de tissu. Mais étonnamment, Aya se sentait en sécurité et plus forte, ainsi enrobée. Comme un bibelot que l’on protège consciencieusement des coups et des agressions extérieures. Telle une petite vasque de porcelaine précieuse que l’on garderait à l’abri des regards. Voilà à peu près ce que renvoyait ce manteau à Aya. Un cocon, un écrin. Qui la réchauffait autant que le regard de Saïl.

Regard qui d’ailleurs ne la quittait pas. Au même titre qu’elle-même dévisageait avec attention et précaution cet être dont elle commençait à apprendre les aspérités, les asymétries et les petites touches d’incrédule qui rendent quelqu’un beau. Et, Aya le réalisait doucement, beau au sens où elle ne l’avait longtemps pas entendu. D’un charme tout particulier, qui résidait principalement dans les émotions qui se dégageaient de ce corps imposant et rassurant à la fois. Et elle en vint à se demander ce qu’elle-même renvoyait. Sa frêle silhouette la rendait-elle trop jeune pour mériter son attention ? Ses attitudes faisaient-elles d’elle une adolescente écervelée et futile, sans consistance ? Inquiétude fugace, comme un ange survole doucement ces instants de silence qui lui rendent hommage. Ce fut peut être pour sentir des changements dans ce regard, pour étudier l’image que les iris de Saïl lui renvoyaient d’elle-même qu’Aya fit ce qu’il a déjà été mentionné. Ou peut être pas. La pulsion, l’envie soudaine y était forcément pour quelque chose. L’impulsion d’un instant, l’idée stupide qui vous hante jusqu’à sa réalisation.

L’important, le primordial, fut qu’Aya exécuta cette tendre démonstration d’affection sans rougir. Elle se montrait plus forte et assurée qu’elle n’était, alors que ses jambes se faisaient toujours hésitantes au moment d’avancer, alors que son esprit encore assommé des folies de ce début de soirée vacillait, pour lui compliquer la tache. Si elle ne remarqua pas la première gêne de Saïl quand elle effectua son premier pas en sa direction, elle jubilait de la délicate carnation dont ses pommettes se parèrent. Pile, timidité. Face, mutinerie. Aya était ainsi, aussi changeante que le niveau de la mer tumultueuse, au diapason de ses revirements illogiques et imprévisibles. Vouloir désarçonner, puis se montrer réservée. Jouer, fuir. Et tout recommencer. Comme une farandole régie par le hasard, comme un ciel en plein moi d’avril, comme un lancer de fléchettes pratiqué les yeux bandés. Un saut sans parachute, pour un athlète qui malgré son expérience ne savait jamais bien où il allait tomber, ni si ce serait sans mal. Et le plaisir de la chute n’en était que plus exaltant et jouissif. C’est à peu près ce que procurait souvent Aya. Comme là, où elle voyait Saïl rester sans voix, une main délicatement portée à sa joue, comme une vierge effarouchée devant un galant peu gentleman. Allez, Saïl. Rentre dans la danse.

Il ne lui en fallut pas plus pour que son vœu soit exaucé. Il était d’ailleurs rare qu’un homme reste de marbre après une telle démonstration d’affection, une telle invitation qui signifiait à la fois beaucoup et bien peu. Toutefois, Aya ne s’attendait à rien, par principe. Trop peur d’être déçue, toujours. Mais, alors qu’elle changeait d’orientation pour reprendre sa place à quelques centimètres de là, quelque chose l’en empêcha. Un bruissement de tissu, seul témoin au mouvement de Saïl. Puis tout d’un coup, une explosion de chaleur. Un contact présent, délicat mais suffisamment insistant pour s’imposer à la jeune femme, qui n’avait d’autre choix que de se couler dans des bras imposants, qui ne souffraient d’aucune répartie. Contact à la fois sensuel et affectueux, mêlant le délice de l’inconnu et du mystère qui liait deux êtres ne se connaissant pas à la proximité immédiate qui s’était instaurée. Fermant les yeux, Aya se laissa aller à cette douce étreinte, grande source d’émotions et d’apaisement. Dos à dos, les deux jeunes gens semblaient pourtant plus près que les amoureux de la table de tout à l’heure. Et dans ce petit monde où personne ne pénétrait, dans le fond du bar, le silence était brisé uniquement par le vacarme de leurs existences. Les respirations se mêlaient dans une discrète et secrète union. La nuque nue de la jeune fille recueillait le souffle de Saïl, et quand il se détacha d’elle, Aya eut l’impression que c’était d’être à nouveau libre qui l’oppressait.

Et, face à un sourire attachant et une excuse voilée tout aussi appréciable de la part de son interlocuteur, Aya se retourna pour lui faire de nouveau face. Se sentant pour ainsi dire obligée de retrouver cette tendresse, cette promesse d’une éternelle source d’émotion, la jeune femme prit d’elle-même l’initiative de retrouver ces bras. Saisissant ceux de Saïl, elle les passa autour de ses épaules et se blottit contre lui, l’enserrant de ses maigres muscles qui venaient finir leur course dans un large dos accueillant. Étreindre plus étroitement, peut être pas tout à fait comme une femme enlacerait un homme, mais pas non plus comme une sœur le ferait avec son frère. Quelque chose de plus intime qu’un simple couple, de plus partagé et de plus évident. Un visage qui trouve une place parfaite sur la naissance d’un cou, un corps qui trouve de quoi être reçu avec le plus grand confort qu’est celui d’un délicat sentiment naissant. Aya répondit, sa voix hésitant jusqu’à la dernière seconde entre faire écho à la timidité de Saïl ou à libérer un peu de son côté mijaurée et prise de risque. Le dernier l’emporta de très peu, sans doute dans un désir de trancher et de se détacher des réactions identiques qui n’auraient rien apporté à la situation.

- Seulement si vous ne m’en voulez pas non plus de trouver réconfort de cette manière …

Puis, plus rien. Aya, en un instant, s’était déjà dérobée à ce moment pourtant très agréable. Elle se retrouvait joueuse, câline mais spontanément espiègle. Sans savoir ce qu’elle faisait, elle l’exécutait avec plaisir et assurance. Rien à voir avec celle qui, ruminant ses idées noires, se trouvait auparavant à cette table, les yeux ternes. A présent, ses iris brillaient de mille feux, ayant retrouvés joie et sincérité dans la simple présence de son prince charmant un peu atypique. Sur quelques pas de danse feints, sans laisser à Saïl le loisir de lui répondre, elle s’éloigna un peu plus loin et se laissa choir sur une banquette, plus confortable que les chaises de bar, bien trop désagréables à son goût. En lançant un regard à celui dont elle venait de quitter les bras, Aya s’étira, ses poignets se dressant au dessus de sa tête pour former un artistique demi-cercle de chair et de sang. Elle répudiait ainsi sa morosité, ses manières déplorables, les relents d’alcool qui lui embrumaient encore l’esprit, bref, reprenait vie d’une impulsion … pour laisser ses épaules retomber brutalement. Ses paumes s’appuyèrent alors sur le bord de son siège luxueux, et Aya commença à se balancer imperceptiblement d’avant en arrière, comme d’impatience. Son regard vif errait de l’animation lointaine de la salle à Saïl, et la jeune fille attendait la suite de la soirée, attendait que son prince reprenne place près d’elle, qui l’avait quitté pour briser un moment complice, installant la frustration et le manque.

- Plus confortable …

Répondit-elle à une question muette qu’elle se serait posée à la place de Saïl. Et puis, c’était sans doute plus amusant d’observer ses réactions sans lui laisser le plaisir de rester dans ses bras. Il fallait savoir se faire attendre et, de temps à autre, faire languir son interlocuteur. Advienne que pourra.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: vendredi 03 septembre 2010, 17:08:47 »
Demandez à l’une des conquêtes d’Aya, il vous la décrira comme instable. Amoureuse un jour, distante le lendemain, elle provoquait des ruptures qui la rendaient triste comme la pluie. Demandez à l’une de ses anciennes amies, bien lointaines, elle vous la décrira comme blasée. De celles qui regardent sans gouger, qui se créent une carapace. Paradoxal, n’est-il pas ? Difficile alors de se faire une idée précise sur ce petit bout de femme encore aux portes de l’adolescence. A la fois insensible et fragile, Aya passait souvent du rire aux larmes en un clin d’œil. Elle avait rit. Maintenant c’était l’envie de pleurer. La cigarette lui piquait les yeux, son attitude la désolait sans qu’elle puisse lutter une seule seconde contre cette autodestruction stupide et sans le moindre sens. Tabac, alcool, il ne lui manquait plus grand-chose pour se faire cataloguer délinquante. Et alors qu’elle regrettait déjà de l’avoir allumée, la cigarette dans sa main faillit disparaitre dans une autre.

Avec étonnement, la jeune fille eut brièvement conscience d’une paume pleine de doigts qui entrait dans son champ de vision pour lui voler sa bêtise. Aya aurait aimé qu’avec ce geste, tout disparaisse. Le bar, son verre, sa clope. Peut lui importait d’être délicate et poète, peu lui importait d’être présentable et charmante. De toute façon, elle n’y arrivait pas. Mais le geste mourut avant même qu’il ne s’affirme, et un instant, Aya resta là, la bouche ouverte, comme prête à remettre le trophée de sa bêtise dans cette main inconnue qui se remplaça bien vite par des yeux réprobateurs. Encore une fois, surprise. Un inconnu semblait lui faire la leçon en un regard. Paralysée un instant, Aya eut presque envie de lui tendre son erreur d’un air contrit, mais elle se contenta de la noyer négligemment dans son verre, tout aussi nocif. Tout cela alors qu’elle se faisait véritablement sermonner par le premier venu, qui lui intimait de ne pas faire ce genre de choses. Et elle l’écoutait. Première nouvelle.

Dans son état, certes plus clair mais encore un peu brouillé, Aya eut presque regretté son geste, mais dut rapidement admettre que cet homme avait raison. Et, alors qu’elle ignorait encore quelle commande il avait passé pour elle, et jusqu’à l’existence de cet instant, la jeune fille fixait d’un air inquisiteur son interlocuteur. Quiconque aurait pu applaudir en silence, pour ne pas troubler cet instant qui devait avoir l’air particulier et intime, privilégié. Aya ne le vivait pas ainsi, mais peu importait. Seule comptait l’apparence de cet instant où le temps s’arrêta, alors que l’adolescente ne bougeait pas d’un pouce, comme fascinée par ce qu’elle découvrait devant elle. Un visage qui ne ressemblait à rien de connu. Des yeux alertes et mobiles, un regard franc et généreux, désintéressé. Avec peut être une pointe de naïveté, son attitude le confirmait d’ailleurs largement. Car aider une fille comme elle sans aborder une pointe d’intérêt … Anormal. Caustique. Presque amusant.

Presque … Car on ne rigole pas de ces choses là. Même de la simplicité. On ne saurait se gausser de l’honnêteté et de la gentillesse évidentes de ce visage. Curieusement, sur ces constations étranges, Aya ne sentait en aucun cas l’emprise de l’alcool. Aussi curieux que cela puisse paraitre, elle pensait vraiment ce qui lui venait à l’esprit. Et c’est donc avec plaisir qu’elle détaillait pendant un temps interminable et sans aucun doute de manière fort impolie ce décalage, cet assortiment inégal de qualités et de défauts physiques réunis en un assemblage étrange et déroutant. Un air de gosse sur un visage d’homme, alors qu’elle était d’avantage habituée au contraire. Mais son admiration et ses multitudes de questions qui se pressaient au pas de son esprit furent brutalement réduites à néant par … un bol de soupe. Un mélange odorant, dont l’assaisonnement ne gâchait nullement le fumet des ingrédients. Qui eut cru qu’un bar aussi décevant par son éthique parviendrait à faire d’un plat de base quelque chose de subitement merveilleux … D’autant plus que le cerveau d’Aya n’était pas encore en état de se rendre compte que l’apparition miraculeuse relevait simplement d’une commande passée par l’objet de son attention. Lequel adopta le même ton que celui de son grand frère quand il la prenait dans ses bras et lui disait de pleurer pour tout effacer et réinventer le monde. Une voix chaude, une voix pleine de promesses et de valeurs sûres. Boire ça, oui. Excellente idée.

Aya s’exécuta aussi rapidement que possible. Elle saisit la cuillère que le serveur n’avait pas manqué d’amener, la plongea un moment dans le breuvage brûlant et mélangea de longues secondes. Après quoi, elle la porta à ses lèvres, une lueur d’envie dans le regard, souffla dessus et … Flic, flac, floc. Les gouttes du breuvage qu’elle n’avait pas encore bues s’écoulaient de leur perchoir, formant de grosses tranchées en cueillant la surface du mélange, troublant la quiétude de l’ensemble et laissant Aya interdite. Tout d’un coup, quelque chose paraissait bien plus primordial et évident que de goûter à ce doux parfum qui faisait déjà gronder son estomac. Un détail qu’elle parut oublier, avant de se reprendre et de relever un visage illuminé, simplement déjà réchauffé et d’ores et déjà plus éveillé. Un sourire, un murmure.

- Merci.

Un simple petit mot qui voulait dire beaucoup. Un simple remerciement qui signifiait la gratitude, mais pas seulement. Il véhiculait l’intérêt d’Aya pour cet inconnu prévenant et attentionné. Il emportait avec lui son soulagement de ne plus être seule dans cet endroit trop grand et trop froid pour elle. Son plaisir de déguster quelque chose de commandé spécialement pour elle, et toute l’attention qu’elle accordait maintenant -enfin- à cet homme intriguant. Mais ce merci, qui s’échappa avec une facilité déconcertante et nécessitait pourtant un long travail sur soi de la part de la lycéenne, aurait pu survenir un peu plus tard … Mais ne put se réitérer. Ce genre de choses étaient trop précieuses pour les dénaturer, du moins du point de vue d’Aya, qui avait besoin que l’on sente, que l’on comprenne le poids de certaines choses qu’elle ne disait ni ne faisait habituellement et facilement. Ouvrir son cœur, livrer un sentiment était compliqué. C’était se mettre partiellement à nu, de manière bien plus impudique qu’en ôtant ses vêtements. Vêtements qu’elle ne risquait pas de perdre pour l’instant puisque, pour la première fois depuis longtemps, Aya se vit couvrir par un homme.

C’en serait presque été amusant, s’il n’y avait pas eu la tendresse du geste, s’il n’y avait pas eu les paroles non moralistes mais compatissantes. Si ce n’avait pas été lui, maintenant, quelqu’un aurait pu en rire. Un cliché, une image vue et revue à la télévision. Mais rarement vécue. Et c’est à cet instant qu’Aya, automatiquement, se compara à celles qu’elle détestait … et leur fit un pied de nez imaginaire. Qui pouvait se vanter d’attirer une attention aussi délicate et précieuse ? Qui pouvait se targuer de recevoir des mots inquiets de la part d’un inconnu ? Même s’il s’apitoyait sur son sort, Aya ne voulait pas voir sa fragilité et son attitude qui attiraient la pitié. Elle voulait croire que ce n’était pas cela. Les yeux qui lui faisaient face, qu’elle n’avait pas quittés depuis ses premiers mots, ne pouvaient mentir. Et elle, alliant son excentricité à sa raison, répondit de manière toute spontanée et évidente, avec un air un peu ahuri, comme si elle se surprenait à dire ces choses là. Comme si ce n’était pas prévu, et que son corps avait décidé pour elle d’éjecter ces mots de ses pensées.

- Vous êtes ma conscience ? Elle me rattrape ? Ou bien un prince charmant …

C’était sans doute ridicule. Ou pas tant que ça. Car si cet homme était un prince charmant au bien étrange physique, son attitude serait sûrement approuvée par le comité des contes de fée. Au lieu des doigts de pianistes, frêles et cassants on trouvait ici des mains rassurantes et dignes d’une étreinte. Quelque chose de concret et réel, quelque chose de tangible. Et comme pour démentir l’illusion de la jeune fille, ledit prince se présenta après être retourné à sa boisson, dénigrant toute supposition irrationnelle de la part d’Aya. Saïl. Ce n’était ni un nom de conscience, ni un nom de personnage imaginaire. Aya sourit. Puis arrêta son geste spontané, se rendant compte à quel point elle avait été impolie de ne pas répondre à toutes ces attentions, se contentant de le regarder d’un air idiot. Voilà que Saïl devait la prendre pour une imbécile. Retournant à son bol, Aya descendit plusieurs gorgées du liquide chaud et velouté, nourrissant à la fois sa gorge et son cœur, qui se desserra. Après une grande inspiration, comme une renaissance, Aya s’emmitoufla dans le manteau confortable de son compagnon d’un soir.

- Je … Je suis Aya.

Parler peu était une habitude, mais agir accompagnait souvent les chiches phrases prononcées par la jeune femme. Maintenant qu’elle était réchauffée et de nouveau lucide, quoiqu’encore un peu étrange, Aya se présentait. C’était déjà bien, même si elle n’aimait pas ce nom trop court, trop arrêté et sans aucune signification. Un nom d’emprunt, un nom de pâle copie ou tout simplement, un nom sans grande inspiration. Mais c’était encore la moindre des choses. La jeune fille se redressa à moitié, tira sa chaise pour se rapprocher de Saïl, maintenant que la conversation était engagée, et fit enfin preuve de la plus élémentaire politesse.

- Navrée pour mon comportement. Mes idées l’emportent parfois un peu trop …

Tout comme elles lui échappaient maintenant, alors qu’elle se demandait comment remercier Saïl. C’est vrai, une princesse bien élevée se doit de rendre à son partenaire un minimum de considération. C’est sans un mot qu’elle se leva à nouveau et que, du haut de sa taille respectable mais pas comparable à celle de Saïl, elle se hissa jusqu’à sa joue pour y coller une bise tout ce qu’il y avait de plus gratifiant, pour se rasseoir et replonger dans ce qu’elle était, à savoir une gamine ignorante et impulsive. Comportement qui justifiait parfaitement son âge. Mais elle avait retrouvé une certaine dose de chaleur humaine en cette soirée terne et sans nuances. Son sourire renaissait doucement de ses cendres, pour plus tard peut être exploser avec force sur son visage encore fermé et hésitant, peu sûr de lui. La suite ? Bonne question. Aya se suffisait de ça, Aya se suffisait de lui. Il faudrait la guider, au risque qu’elle ne parte voguer sur de lointains futurs saveur lavande, comme elle savait si bien le faire, sans justification ni logique.

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Le quartier de la Toussaint / Re : May be. [Reservé]
« le: vendredi 03 septembre 2010, 10:02:30 »
Bon, mauvais point pour l'endroit. Il faisait froid. Aya détestait avoir froid, sentir ses poils se hérisser lentement sur sa peau, son échine frissonner sous ses cheveux trop courts pour l'envelopper de leur maigre protection ... Et évidemment, l'imbécile qu'elle était s'en était tenue au temps de ce matin, grand soleil encore estival, sans compter sur la sympathique habitude des nuages à surgir de nulle part pour lui gâcher son plaisir. Donc aucune veste à se mettre sous la main. En baissant son regard un court instant, elle critiqua mentalement sa propre tenue. Comme elle sortait avec Lui, elle avait fait un effort, elle qui n'aimait pas particulièrement se rendre jolie ou féminine autrement que naturellement. Mais le résultat était pitoyable. Un jean fin dont les jambes traînaient négligemment sur le sol poussiéreux de ce bar un peu glauque -qui servirait de l'alcool à une mineure ?-, un t-shirt léger, vert évidemment. Son préféré. Ce n'était pas grand chose pour un automne qui pointait son nez de temps à autre dans le soleil de cette fin de mois d'aout. Et des frissons se faisaient justement ressentir. Heureusement, la douce chaleur de l'alcool comblait ses attentes. Sirotant son précieux verre sans plus se demander ce qu'il y avait dedans, l'esprit d'Aya vagabondait loin, dans des alternatives toutes autres que rester là sans rien faire. Elle voulait donner un sens à sa soirée, en faire quelque chose plus complet et consistant. Rendre ces heures mornes aussi colorées qu'un ciel après l'averse. Y jeter des nuances subtiles et indécelables, aux contours incertains et à la consistance suspecte. Comme un peintre réinvente le soleil, elle cherchait l'inspiration à sa spontanéité, l'éclat de vie qui pourrait lui rendre le sourire, qui pourrait délier sa langue et les muscles de son visage. Sourire. Quitter cet air morne, blasé et trop mature. Comme quelqu'un qui aurait vécu trop jeune des expériences de vie pas forcément indispensables. Rêver au lendemain, rêver au prince charmant et se laisser couler dans cette douce étreinte de chaleur, qui enrobait son corps et son âme. Elle était bien, ne voulait bouger pour rien au monde. Elle voulait ...

Stop, Aya, ne pense plus. On te parle, n’aurais-tu pas remarqué ? On s’inquiète, on te demande si ça va. On se préoccupe de ta petite personne, qui pourtant aurait pu rester invisible dans le décor uniforme qui t'entoure. Triturant le collier de médiocre qualité qui pendait à son cou, elle ne pensait qu’à autre chose. A la vie, à l’amour. Trop de sujets compliqués pour une si jeune fille, qui aurait pourtant pu profiter de la vie si elle choisissait mieux les cibles de son cœur. Il y avait, à tout hasard dans le lycée, une multitude d’éphèbes jeunes et disponibles qu’elle aurait pu séduire en y mettant un peu du sien. De ceux qui ressemblent à l’idée qu’on se fait d’un gentleman aguerri, mais qui ne cachent sous leur beauté que leur superficialité, sous leur finesse une fragilité particulièrement agaçante … Aya n’avait pas besoin qu’on soit aussi cassante et chétive qu’elle-même. Elle aurait préféré quelqu’un de … De beau, sans l’être vraiment. D’honnête et de curieux, de spontané et de maladroit. Voilà qui convenait déjà plus à un prince débutant. Le problème, c’est que les hommes de ce genre ne l’abordaient jamais, la prenant pour ce qu’elle était : une gamine sans aucun intérêt. Voilà qui résumait bien tout le calvaire de la vie de notre jeune demoiselle, qui venait de se rappeler un détail …

Ah, oui. Elle l'avait presque oublié, celui là. Cet homme qu'elle avait fixé trop longtemps sans le voir, celui qu'elle avait dévisagé sans même s'en rendre compte. Aya tourna sa tête vers lui et pencha son cou pour lui lancer un regard. Interdite, elle réfléchissait. Son esprit avait du mal, ce soir. Rupture et alcool, cela ne fait pas forcément bon ménage. Souviens toi, souviens toi ... Un homme sensiblement plus âgé, un sourire qui lui était totalement inconnu ... Il ne ressemblait à rien de ce à quoi elle avait l’habitude, où plutôt personne, pour rester dans le bon registre. Les habitués des bars étaient plus … moins … comment dire ? Ils avaient cette futilité, cette nonchalance, cette aura qui se dégageait, les rendant totalement inutiles. Elle en avait rencontrés de nombreux, tous plus fades les uns que les autres. Plats. Et pour cause, elle les connaissait. Tous identiques, avec leurs minauderies et leurs attitudes réchauffées. Car Aya, malgré son immense naïveté et sa candeur de gamine, apprenait de ses erreurs. Les inconnus rencontrés dans des bars, avec un verre à la main étaient rarement des princes charmants en mal d’amour comme elle avait pu le croire un jour. A tout idéaliser, elle avait à une époque perdu de vue qu’un homme dans un bar, dans la majorité des cas, est un homme seul. N’ayant d’autre remède pour panser cette difficulté, ces énergumènes se plaisaient à observer le monde de leur tabouret de bar tout en s’amusant à en deviser plus ou moins sagement, suivant leur degré d’alcoolémie. Pour combler la solitude, un verre. Pour oublier la déception, un verre. Pour étancher un manque, un verre. Solution universelle qu’Aya tenait dans sa petite paume, et qui tout d’un coup semblait prendre une importance capitale. Un liquide sirupeux, agréable en bouche, qui changeait parfois de beaucoup le cours des choses. Une couleur neutre qui semblait la dominer, elle si faible à ce genre de substances insidieuses et torves, attaquant par le plaisir et la liberté d’agir. Et pour en revenir à son inconnu …  Elle se fichait bien de savoir avec exactitude qui était cet homme qui la dévisageait, attendant sans doute une réponse. Quelle question, déjà ? Ah. Oui. D'une voix un peu trop rauque et trainante, Aya brandit un doigt devant elle, hésita sur sa réponse et déclara :

- Je … Pause. Illumination. Ni plus ni moins que vous et moi.

Voilà bien des mots qui n’avaient strictement aucune signification. Pourtant, à cet instant précis, le cerveau d’Aya en voyait la logique implacable, sentait les connexions qui se faisaient en son sein pour être capable de sortir cette phrase. Elle ne voulait peut être rien dire, pour l’instant. Certes, Aya n’avait pas beaucoup bu. Mais les premières apparitions de symptômes étaient bien plus violentes qu’après coup, et sans doute cela viendrait-il à se calmer. En attendant … En attendant elle disait n’importe quoi. Aya émit un petit rire moqueur, cynique, entrecoupé par un éternuement. Allons bon, elle s'enrhumait ? Et puis franchement, quitte à paraitre arrosée sur l'heure, autant se lâcher un peu ... Imiter celles qu'elle détestait. Se donner un genre qu'elle n'avait pas. De toute façon, l’homme qui venait de lui adresser la parole devait sûrement déjà être retourné à ses petites affaires, sans plus se soucier de cette adolescente trop désorientée. La bonté à sans doute ses limites, et Aya n’avait besoin ni d’un chaperon ni d’un grand frère et encore moins d’un profiteur. Les seuls qui auraient pu, dans son état, garder un minimum d’attention à son égard. Son visage mature était un leurre pour son esprit enfantin, et la cigarette qu'elle tira d'une poche de son jean ne ternissait pas le décor. Elle l'alluma, ne réussit pas à faire sa grande et crapota lamentablement, à grand renforts de toux et de froncements de sourcils. Mouais. Pas concluant. Carrément ...

- Ridicule, souffla-t-elle comme pour elle même, dans un éclat de rire.

Oui, ridicule elle l’était. A sauter de l’adulte à l’enfance, à jongler entre les âges et ne plus savoir à quoi s’en tenir. C’était comme si on lui demandait de choisir, à la piscine, entre la pataugeoire rassurante et chaude mais dans lequel son corps, peu proportionné pour ce genre d’endroits, aurait vite froid, ou le grand bain, glacé, étrange et source de panique, alors qu’on savait bien qu’une fois habitué, rien n’était plus agréable que de sentir l’eau autour de soi. Eh bien dans la vie, c’est comme à la piscine. Aya déciderait-elle de se coller à l’ambiance et de mettre en avant sa qualité, à savoir sa maturité grandissante à chacune de ses rencontres ? Ou bien se contenterait-elle de rester dans le rôle que son âge lui assignait ? Pour l’instant, ce n’était pas l’heure aux réflexions de ce genre, surtout pas consciemment. De son brouillard, de sa logique irrationnelle, Aya parvint tout de même à tirer un semblant de phrase qui avait un sens. Entre les émotions et la cacophonie dans son esprit, c’est avec fierté qu’elle planta ses deux yeux verts un peu vaseux pour le moment sur le visage de celui qui ne s'était pas encore détourné, et ce à son grand étonnement, afin de quémander, comme une supplique …

- De l’eau ?

Seule l’eau pourrait l’aider à revenir sur terre, du moins un peu étant donné qu’Aya était toujours plus ou moins perdue dans un autre monde, fait de promesses et de bonheur. Celui où elle était une princesse délicate, et non pas une gamine écervelée. En dégageant la mèche qui lui tombait sur la joue, elle ne put qu’émettre un petit sourire à son interlocuteur, signe que son bon sens et sa conscience revenaient peu à peu des limbes dans lesquelles elles s’étaient égarées. Bienvenue, Aya. C’est maintenant que commence ta soirée. Réajustant le bout de tissu fin qui lui servait d’habit, la jeune fille se redressa sur sa chaise et prêta un regard plus affirmé à celui qui allait peut être faire semblant de ne pas connaître cette désaxée … Un homme à qui on attribuerait plutôt un rôle secondaire dans une pièce comme Blanche-Neige ou Cendrillon, mais dont l’aspect rassurant contredisait toutes les élucubrations d’Aya sur les clients des bars. Il ne semblait ni désespéré ni en mal de compagnie, il n’avait pas cette infernale et très désagréable aura d’inutilité qui lui collait à la peau, mais dégageait bien plus un sentiment de confiance et de sympathie. Depuis quand Aya se fiait-elle à ce genre de détails ? Peut être depuis que ses sens, paradoxalement brouillés par les verres qu’elle avait déjà engloutis, n’avaient jamais été si ouverts.

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Prélude / Re : Aya s'en mêle
« le: mercredi 01 septembre 2010, 22:48:41 »
Merci à vous deux, encore <3

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Prélude / Re : Aya s'en mêle
« le: mercredi 01 septembre 2010, 20:19:42 »
La subtilité n'empeche pas au bisounours d'étre ce qu'ils sont... Mais je te souhaite une excellente degustation de Chamalow =) Au plaisir de te croiser.
Au plaisir aussi. Et puis j'ai trouvé mon bisounours ... Par la suite j'aurai sans doute besoin d'autres choses mais je suis ravie de démentir la rumeur qui dirait qu'ils sont une espèce en voie de disparition ... Na ! (réponse très intelligente, je vous l'accorde ...)

Merci encore pour vos messages de bienvenue  :) ça donne envie de rester !

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