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« le: samedi 27 juillet 2013, 02:06:37 »
J'ai beau penser à la pauvre petite Holy toute seule dans sa chambre voir toutes ces gamines ravies me rend le sourire. Ce n'est visiblement pas le cas de Suki, elle traverse la petite foule comme elle peut. Ça me rend triste de la voir dans cet état, mais je ne peux m'empêcher trouver ça merveilleux. Quand on ne la connaît qu'en tenue de combat un fusil d'assaut à la main, comment se douter qu'elle est si sensible ? Je la suis d'abord du regard, encore plantée au milieu des enfants déjà déconcertées par sa fuite. Elle ne doivent pas se douter de ce qui lui arrive, et je me retourne vers la source de son chagrin... Cette fois je souris pour de bon, la petite tête surprise d'Holy disparaît dans la chambre. Je suis vite rappelée par les gamines anxieuse de l'évasion précipitée de leur grande copine blonde.
" C'est rien, elle est fatiguée. On a beaucoup marché aujourd'hui.
- Hé ! Vous avez tué des monstres ?
- Ouais ! Il paraît que t'as été chez les Formiens ?
- T'a eu peur ?
- Heu... "
Je suis prise de court et je pense que ça se voit très bien, les animatrices ne sont pas mieux loties que moi. J'étire un grande sourire, toute rouge que je dois être.
" J'vous raconterai la prochaine fois, d'accord ? Suki m'attend ! Allez ! Faites pas de bêtise et à la prochaine ! "
Et je file à mon tour. Leur raconter... Ouais, si je trouve un moyen de taire les complots, les passages gores et les crises de folie furieuse qui forment un bon quatre-vingt-dix pour cent de l'histoire, les dix pour cent restant se résumant à la soirée au camp que je préfère oublier. Je rattrape Suki et m'arrête net un instant. Elle me prend par la main, comme ça devant tout le monde. Ma petite amie ! J'en frissonne de bonheur et serre doucement sa main dans la mienne pour la réconforter. Je m'abstiens de répondre. Qu'est-ce que je pourrais bien dire ? Elles ont tout aussi envie l'une que l'autre d'être ensemble, à quoi bon ressasser les évidences ? Et je serais bien capable de faire une bourde. Alors je sors la méthode universelle pour les peines de cœur : la glace au chocolat. Ça marche aussi pour les mamans, ou c'est que la mienne s'était faite plaquer pile quand je me suis retrouvée à l'hosto à moitié morte.
Le temps de flâner encore un peu sur le chemin histoire laisser descendre la glace, on arrive dans un quartier d'habitation tout ce qu'il y a de banal. Je scrute les maisons à peu près identiques les unes aux autres, je guette celle de ma chérie. Celle-là, avec des rideaux verts ? Non, je la vois mal faire de la déco d'intérieur. Les jardinières au bord de la fenêtre aussi : je crois qu'on peut oublier. Je n'ai qu'à me laisser guider mais je suis si excitée ! La maison de Suki, de ma petite amie ! Je frissonne plus : je tremble ! Pas sa chambre d'officier, sa vraie chambre dans sa vraie maison ! Bon, sa maison n'a rien d'exceptionnelle comparée aux autres. Ce n'est pas étonnant de la part d'une femme si discrète sur sa vie privée. Peut-être qu'à l'intérieur...?
Mais je ne rentre pas tout de suite. Je reste un instant plantée devant la porte, abasourdie. Rien de stupéfiant ne m'a sauté au visage, pas de détail bizarre qui me fait tiquer à travers la porte grande ouverte... Chez moi. Je crois que le raccord ne s'était tout simplement pas fait dans ma tête. Depuis le début je ne plante qu'un vague décor, ça ne comptait pas tant que j'étais avec elle, et avec Holy aussi. Mais soudain c'est le décor qui me tombe dessus. Sa maison, notre maison. Après toutes ces années cantonnée à la base dans chambre aussi sécurisée qu'une salle de test de réacteurs... Et même bien avant... J'ai une maison, la maison de ma petite amie, notre maison à toute les deux.
Tu vas pas rester plantée là comme un rosier, ma fille ! Bouge !
Mon souffle m'échappe alors que je passe timidement l'entrée. Je suis si nerveuse, d'un coup ! J'ose à peine regarder autour de moi comme si tout risquait de disparaître... Qu'est-ce que c'est grand ! Je n'ai pas l'habitude de ce genre d'endroits. Elle vit vraiment toute seule dans un tel espace ? Vivait ? Même à deux ça fait beaucoup plus que ce que j'ai pu connaître. Et c'est nickel ! Rien de penser à l'état dans lequel je laisse ma chambre. J'en ai pris pour mon grade plus d'une fois lors des inspections. C'est affreux, je lui ruiner sa jolie maison. Soudain mon cerveau repasse à la vitesse de croisière.
" Hein ? Quoi ? Non. Si ! Heu... "
Je rougie, je me mets à frissonner. Je sais plus où me mettre ! À mon tour de paniquer pour un rien. Allez, les neurones ! On s'active !
" Je... C'est que... Je commence à avoir faim.
On pas mangé grand-chose aujourd'hui, et les émotions ça creuse. Toujours aussi penaude je suis ma blondinette adorée dans la cuisine. Malgré moi je fais attention à ne rien toucher, ne pas frôler un mur ou un meuble. Mais petit à petit j'arrive au moins à mieux regarder ce qui m'entoure. La cuisine... J'ai jamais eu de cuisine, en tous cas pas aussi clairement définie. Tout près de ma petite amie qui s'attaque au frigo, je tend timidement la main vers le plan de travail. Incapable de m'en empêcher je retient mon souffle un instant avant le contact, puis me relâche avec un soupir de soulagement. C'est réel, et ça ne s'effondre pas quand j'y touche. Notre cuisine, notre maison... L'endroit où on va vire ensemble.
Je ne peux pas plus me retenir de sourire, je ne pense même pas à essayer. Ma main entière glisse sur le plan de travail, s'y plaque alors que je me tourne vers ma tigresse.
" Merci, Suki. "
Ça doit la surprendre, enfin j'imagine. Je ne suis pas très assurée, mais il faut dire que je me retient de lui sauter dessus pour la serrer dans mes bras en pleurant de joie.
" J'ai jamais... Ma mère était célibataire. On vivait dans un petit appartement... Et après j'ai... J'avais que ma chambre à la caserne... "
Ma gorge s'amuse à remuer, je lutte pour ne pas cligner des yeux parce que je sais bien que ça va couler. Depuis ce matin ça n'arrête pas, j'ai pas l'habitude d'être aussi heureuse. Je détourne les yeux. Je n'y voit déjà plus grand chose mais qu'est-ce que j'aime ce grand truc blanc et flou autour de moi ! Une maison, le rêve inespéré, alors que je n'ai plus de foyer depuis l'âge de huit ans. Et merde ! J'ai cligné ! Je sens les petites gouttes chaudes qui roulent sur mes joue. Je baisse la tête et lève une main devant mon visage pour cacher à quel point mon sourire tremble. Aucune chance que ça masque l'étranglement de ma voix, mais au moins je sens cette énorme boule remonter me laisser un peu de place dans la poitrine.
" Désolée, je... Je suis tellement contente... "