Ville-Etat de Nexus / Re : Prémices d'un voyage pas si tranquille [ PV Damascus / Alecto ]
« le: jeudi 03 décembre 2020, 13:30:40 »Outre cela, elle dormait mal depuis l’incident de la caravane de l’Oriental. Elle revivait tantôt son humiliation de manière disproportionnée, tantôt la vision de cette âme en peine la terrorisait suffisamment pour qu’elle s’éveille en sursaut au beau milieu de la nuit, réveillant ainsi également ses muscles douloureux par les heures entières sur le dos de son canasson. La sérénité lui revenait lorsqu’elle fouillait dans sa besace ses deux précieux trésors : le nécessaire à écriture volé, et la mèche de cheveux infernaux, qu’elle faisait glisser sur sa joue comme on l’eu fait d’un ourson pour se réconforter, enfant.
Ses poumons souffraient également de la poussière et elle n’avait pas l’habitude de ne manger qu’une quantité et une variété limitée de denrées… Thiana Gian avait toujours veillé à ce qu’elle soit appétissante, et Ysor le cuisinier, lui, était un jeune maître dans les arts culinaires. Ses plats lui manquèrent, quand elle arrachait une viande séchée dont elle ne raffolait pas. Elle rêvait de pâtisserie, et regretta presque celles auxquelles elle n’avait pas pu toucher chez Saïf…
Pas l’habitude non plus du manque de confort… Sa chambre dans la cave était modeste, mais elle possédait un toit, un matelas de seconde ou troisième main pourtant bien plus agréable que la fortune miteuse de voyage. Les ankyloses de la monte ne risquaient pas de s’évanouir, alors qu’elle y ajoutait les crampes des haltes…
Cependant, elle n’émettait évidement pas de complaintes. Ne réclamait aucune pause, même lorsqu’elle peinait à tenir correctement sa jument qui s’agaçait elle aussi de la longueur de leur périple. Alecto tout comme son Maître, passa par une phase sombre, et silencieuse, où l’esprit du Petit Corbeau voleta dans des songes éveillés où des dizaines de questions s’amassaient au sujet de Damascus. Questions qu’elle ne posait pas, les gardant pour elle, ou pour plus tard, peut-être.
Pourtant, lorsqu’il s’agit de se lancer au galop, là où sa monture sembla enfin revivre de se dégourdir les pattes, l’Esclave, elle, vécu bien mal cette expérience première. Elle était totalement dépassée par le rythme nouveau et les élans de la bête, ne maîtrisait rien, et ignorait comment elle était parvenue à rester dessus sans se fracasser le crâne, martelée par les sabots de l’animal.
Malgré ses efforts pour écouter les conseils du Démon, elle avait le sentiment d’avoir été une très mauvaise élève dans ce domaine… Que la leçon d’escrime n’effaça pas.
Cette fois, tenir une arme n’était plus une phobie, grâce au Glyphe… Mais ce n’était pas inné. Elle avait quelques réticences, et en entendant Damascus parler avec tant de vocabulaire, Alecto s’était rendu compte à quel point elle avait été préservée durant toute sa vie. Elle avait fait de son mieux, évidemment, mais il lui faudrait du temps. Temps qu’ils n’avaient sans doute pas… Décevoir le Démon avait été une expérience cuisante pour le Petit Corbeau qui, à chaque fois qu’elle y repensait, sentait de nouveau dans ses entrailles une petite braise s’allumer.
« Je ne pense pas être faite pour être une guerrière, vous savez… » Avait-elle soufflé, tournant son arme avec trop peu de maîtrise pour ne pas être un danger public. Néanmoins, dès qu’il se ficha derrière elle pour lui intimer les mouvements habiles de base, Alecto se dit que les apprentissages seraient agréables… Il était collé à elle, il l’envoutait de son parfum même après une journée de voyage, il parlait tout près de son oreille… C’était un délice.
L’énergie qu’il lui insufflait se ressentit dans ses gestes, plus assurés, où elle s’efforça d’être un miroir assidu, faute d’être naturellement douée pour les moulinets et les coups d’estoc.
Percer quelqu’un lui semblait loin, et elle se demandait si elle en avait envie, d’ailleurs. Cette pensée la travailla une bonne partie de la nuit, mais contrairement à son passé, elle ne rejetait pas cette hypothèse. Alecto n’était pas foncièrement cruelle ou vicieuse, mais elle estimait que plusieurs cas nécessitaient qu’elle tue, tranche ou pique, comme pour sauver sa propre vie, ou défendre son Démon…
Ce qui l’amener à s’interroger, encore et toujours, sur l’incident de la caravane. Sa vie était-elle en danger, alors qu’elle se faisait sodomiser par tous ces abjectes serviteurs ? Était-il intervenu au moment où cela devenait plus dangereux pour elle, ou juste parce qu’il en avait assez d’attendre ? Lui sauverait-il la vie, alors qu’il avait menacer de la tuer sans aucun regret ?
D’autres questions sans réponse qui continueraient de la hanter. Mais pour l’heure, la fatigue était trop forte.
A l’aube, éveillée par les pépiements des oiseaux du bosquet, Alecto se leva en hâte, grimaça des courbatures toujours bien là, et ne fit pas de bruits, pour ne pas déranger son maître. Elle en avait assez des rations et des fruits secs, s’éloigna pour cueillir quelques baies qu’elle avait vues lors de leur entraînement dans la clairière, et revint avec un sourire qui attestait de sa jovialité matinale, en toute innocence.
La nervosité de leurs montures l’alarma cependant, et il lui fallut laisser en plan le feu qu’elle tentait de raviver pour s’approcher d’eux.
Elle n’avait jamais été très attirée par les bêtes, d’autant les cheveux qui étaient trop gros pour paraître attendrissant, pour elle. Trop dangereux, aussi. Chaque bout semblait risquer des fractures, ou pire. Sa jument soufflait avec agitation, tandis que le noir destrier de son Maître raclait le sol de son sabot, lui lançant des regards menaçants. Pourtant, Alecto fit un pas, il hennit comme pour la mettre en garde, mais elle tendit la main.
Pour la retirer immédiatement, par réflexe, alors qu’il avait les oreilles collées à l’encolure sous le coup d’une infernale colère, et qu’il tentait de la croquer.
« Hé ! » Pesta-t-elle. Aussi irritable que son maître, celui-ci, songea-t-elle, avant de murmurer doucement. « Tout doux mon Beau, je ne te veux aucun mal… » Sa voix était claire, régulière et tendre, et alors qu’elle continuait de parler calmement à l’animal, petit à petit, ses oreilles se redressèrent, ses accès hargneux cessèrent…
Assez pour qu’elle pose la paume de sa main sur son museau, et qu’il ne lui arrache pas de doigt.
Alecto ignorait comment elle avait fait, mais elle n’avait pas été paniquée en approchant les deux animaux, et avait osé toucher l’infernal destrier du Démon. Mieux encore, elle l’avait apaisé sans grande peine. Cependant, leur état était préoccupant, et après s’être assurée qu’ils étaient calmés, retourna vers Damascus pour s’agenouiller près de lui.
« Messire, levez-vous, je crois que nous ne sommes pas seuls. »