Les contrées du Chaos / Re : Parce que les espions, c'est mal. [Malk]
« le: lundi 02 juin 2014, 22:34:10 »Ou si, une fois. Il y a un long moment. Je devais avoir douze ans. C’était quatre années après mon « enlèvement ». Un rat, dans ma cellule, avait bouffé un truc qui n’était pas passé. Il avait trépassé près de moi, après une agonie de plusieurs heures. Et comme j’étais enchaînée, je n’avais pas pu l’achever. Bon, en même temps, j’avais douze ans. Je n’avais sans doute pas cette notion de pitié. J’étais terrorisée. J’en avais fait des cauchemars des nuits durant. Et puis, quelques jours après, alors que le cadavre était toujours dans ma cellule, un gardien a oublié de me rattacher. J’ai voulu virer le rat par le soupirail de la pièce. Mais dès que je l’avais touché, ce corps froid, pourrissant, il y avait eu une étincelle. De peur, mes cheveux ont flambé comme jamais, éclairant la salle sombre et humide comme s’il y avait eu un grand brasier. Et le rat a bougé, il a couiné. Il a sauté de mes mains, et s’est dirigé mécaniquement vers le soupirail. Il s’est jeté dehors, sans que je n’aie fait un geste.
Depuis, je n’avais jamais réitéré. J’ignore si je réussirais. Et puis, j’ignore toujours si le rat a sauté de lui-même, ou s’il l’a fait parce que c’était mon intention.
Le convoi s’arrêta soudain. Si soudainement que, plongée dans mes pensées, je manquais de tomber la tête en avant. J’appréciais l’aide du démon pour descendre, et je le suivis alors comme il m’en faisait signe.
« Voici Souffle-Mort… je l’ai faite creuser par mes troupes et des esclaves ! Tu aimeras… je l’espère. »
Je levais les yeux, et admirais la structure. Creusé à même la montagne, Souffle-Mort était assez impressionnant. L’endroit pouvait facilement repousser les âmes faibles. Mais pas moi. Je sentais comme une vibration familière ici. La mort. J’aimais assez cette ambiance sinistre et terrifiante. Je me sentais dans mon élément.
Le gigantesque démon essayait de passer dans l’allée sinueuse, mais ses cornes bloquaient. Et plus ça lui résistait, plus il semblait furieux.
« N’aies crainte, il s’obstine à vouloir passer par ici. Mais il est trop grand. Il va devoir passer par d’autre endroit… bougre d’imbécile. Continuons, avant qu’il te piétine dans sa fureur… »
J’étouffais un rire, et je suivis prestement le Seigneur Pourpre, évitant de justesse un pied géant qui allait m’écraser. De même que des pierres, venant de l’éboulement provoqué par l’énorme démon.
« Si tu me perds… toute mon armée ne suffirait pas à te retrouver avant que tu ne meurs de faim.
― J’ai un bon sens de l’orientation, je devrais m’y retrouver toute seule. »
Un sens de l’orientation magique, et oui. Ça a du bon d’être une déesse parfois. Souvent même.
Je le suivais tranquillement, admirant la façon dont ces galeries avaient été creusées. C’était… Sympa. Obscur, menaçant, mais sympa. Pour moi, en tout cas. Un sourire sur les lèvres, je me déplaçais aisément. Puis le boyau dans lequel nous cheminions s’ouvrit sur une grande salle ronde à la décoration… Originale. Macabre. Sympathique. Je laissais le Seigneur des lieux répondre à la voix qui venait de parler, et j’en restais bouche bée. Je ne connaissais pas ce son qu’il produisait. Mais c’était impressionnant. Et, tout de suite après, la porte s’ouvrit. J’y entrais à la suite du Seigneur Pourpre. Tout en grimpant, j’admirais les lieux. C’était une nouveauté pour moi, et pourtant, je m’y sentais à l’aise. C’est presque comme si Arsl’ath Malk -quel nom compliqué, en passant- était un vieil ami m’invitant boire un coup.
En arrivant au sommet, le trône est la première chose qui m’attira le regard. Il était immense. Je me sentais vraiment, mais vraiment, toute petite à côté. Pourtant, il m’invita à m’y asseoir. Lentement, je m’y dirigeais, et je m’y hissais. J’étais, en effet, vraiment toute petite sur ce grand siège de pierre.
« Heum… je crois ne rien avoir à boire qui te conviendrait. J’espère que ça ne posera pas de problème à notre… discussion ? »
Je souris plus largement, croisant les jambes. Mes pieds nus étaient sales, et ma robe flottant avait de légers accrocs. Toutefois, je crois que je conservais encore ma dignité.
« C’est l’intention qui compte. Avoues que c’est tout de même mieux qu’un chantage ou que des menaces. C’est plus… Propices aux langues qui se délient.
Mon regard le fixa alors, bien moins hostile que tout à l’heure.
« Et bien… discutons donc ! »
Je croisais les bras à mon tour, et entamais cette discussion.
« Tu m’as dit avoir besoin de troupe. De chair à canon en quelque sorte. Je pourrais t’en procurer. Je ne garantis pas la fraîcheur, cependant. Mais en retour, il me faut bien quelque chose. Oh, je pourrais le faire gratuitement. Mais il me faut l’assurance que tu n’abuserais pas de ma générosité. »
Je m’installais plus confortablement, posant un bras sur l’accoudoir énorme, et repris.
« Toutefois, je dois te prévenir que je n’ai pas fait ce que tu me demandes depuis près de dix ans. Tout à l’heure, avec le gamin, ce n’était qu’un rappel d’âme dans un corps fraîchement décédé. Si tu veux une armée obéissante, je pense que l’âme n’est pas nécessaire. Il te faut juste des corps animés, prêts à se jeter dans la mêlée sans peur ni indiscipline, c’est ça ? »
J’essayais de biaiser. Parce que ranimer les corps, je pense pouvoir le faire. Je n’ai pas cessé d’y cogiter depuis tout à l’heure. La seule chose qui posait problème, c’était l’âme. Mais il était toujours possible d’animer un corps. C’était comme de la glaise en fait. Comme un golem. Oui, voilà. C’était le mot.
« En gros, ce que je te propose, c’est une armée de golem, insensible à la souffrance, et dont tu peux augmenter la puissance avec une rune. »
J’expirais bruyamment en m’étalant sur le siège. Il n’y avait pas à boire, mais peut-être y aurait-il à manger ?
« Y a-t-il quelque chose que je puisse manger ? »