Les contrées du Chaos / Re : Encore foiré! [Alecto Nemed]
« le: lundi 08 juin 2020, 14:36:35 »Elle n'aurait jamais cru pouvoir rester ainsi contre un homme... Au Monastère, jamais cette idée ne lui serait venue, trop jeune. Puis, au Temple dans cet environnement plus urbain, l'adolescence lui avait bien chatouillé le cœur, mais elle s'était donnée corps et âme à l'apprentissage pour devenir Sœur. Elle ne vivait que pour Dieu, et avait facilement récité mille fois des vœux de chasteté, de pauvreté, d'obéissance à l'Ordre, en attendant le jour béni où elle pourrait les clamer haut et fort, quand elle pourrait les prononcer véritablement, officiellement.
Tout s'était brisé lorsque l'homme à l'origine de tous ses malheurs avait jeté son dévolu sur elle. Il avait anéanti à jamais au moins l'un de ses vœux, entraînant par la suite une série d'événements l'amenant ici, et maintenant.
Dans sa très grande miséricorde, Alecto était tentée de remercier le Ciel d'avoir un jour détruit son existence, et de la faire renaître aujourd'hui dans les bras de Serenos. Son cœur s'emballa, et alors qu'il dormait paisiblement contre elle, sa Compagne caressa délicatement sa joue en murmurant "Je t'aime, mon Roi." d'une voix à peine audible.
Mais elle ressentait le besoin viscéral de gagner la Chapelle. Il fallait qu'elle se confesse, qu'elle communie avec le Trés-Haut comme pour réaffirmer sa Foi et la totale obéissance à Ses lois. S'extirpant doucement, avec difficulté, de dessous son amant, elle posa ses pieds nus au sol, et sur la pointe des pieds se dirigea vers la grande porte de la chambre. Marina la prit de court et l'ouvrit pour entrer juste devant elle... Comme si elle savait. Alecto devint rouge, nue devant la servante, qui lui souriait avec un mélange de taquinerie et de douceur.
La domestique lui prit la main et, sans un mot afin de ne pas éveiller le Roi, elle entraîna la Compagne Royale jusqu'à un baquet d'eau, où elle la toiletta avec ce même petit sourire... L'ancienne Esclave ne pouvait s'empêcher d'être honteuse en songeant "Elle SAIT. Elle a tout entendu." Mais jamais Marina n'eut l'indélicatesse de dire quoi que ce soit. Rendue propre, dépourvue de sueur, parfumée, les cheveux tressés, et bientôt fardée, la servante noua une robe légère, et élégante, brodée d'oiseaux sombres aux ailes déployées, rehaussés d'argent et sertis d'hématites qui étincelaient.
Marina sembla l'admirer, ce qui augmenta encore la gêne de la jeune fille, mais la servante souriait tant, que cela dissipait un peu son malaise. Alecto se sentit jolie, quand on lui présenta son reflet dans le miroir... C'était rare, à croire que les mots doux de son Roi avaient trouvé leur place dans son esprit ? Elle prit le temps de tourner sur elle même, de se sourire, de s'incliner comme pour s'entraîner à ce qui l'attendait d'ici peu de temps.
La fête... le Bal... Elle sursauta.
"Il faut que ... que j'aille à la Chapelle..." Balbutia-t-elle à la servante, qui la laissa faire, puisque telle était la volonté de la Compagne Royale. D'un pas rapide, Alecto traversa la pièce dans les tintements et le vol des tissus aériens de sa tenue, pour se retrouver dans les couloirs. Seule. Pour la première fois.
Ce labyrinthe l'intimida à nouveau. Elle marcha un petit instant, perdue, en essayant de ne pas avoir l'air idiote, mais à chaque fois qu'elle croisait quelqu'un... Elle se sentait peu à sa place. On la regardait bizarrement, certains chuchotaient sur son passage. Quelle était la bonne attitude à adopter, lorsque l'on est Compagne Royale ? Elle l'ignorait et se contenta de sourire à quiconque croisait son regard, timidement.
Après avoir fait plusieurs dois demi-tour, elle trouva enfin la Chapelle, où elle s'engouffra. Un sentiment de soulagement envahit tout son être et elle se jeta au sol, le front contre le dallage, dans une posture de totale soumission.
"J'ai péché. Seigneur, Père de Toute Chose, Très-Haut parmi les Sages, pardonne la pécheresse qui se prosterne devant ta Puissance Infinie."
Elle récita plusieurs prières, appelant le pardon divin, face contre terre, en pleurant. Cependant, elle se sentait étrange... Il n'y avait en elle aucun regret. Aucun remord. Elle demandait la miséricorde divine, mais ne regrettait pas ce qu'elle venait de faire. Oh, non. Elle ne le regrettait en rien. Consciente de sa faute, elle se releva à la fin de ses litanies, souleva sa robe jusqu'au nombril, en saisissant un cierge, et laissa la cire la brûler, encore et encore, en psalmodiant les yeux fermés, les sourcils froncés par la douleur.