38
« le: lundi 14 octobre 2013, 02:08:14 »
Il lui lâcha finalement la main, pour être plus libre de ses mouvements sans doute. Malgré son air assuré, et sa confiance en elle, Sunday n'aurait pas été contre le fait qu'il la garde un peu plus longtemps. Mais elle ne broncha pas et continua à le suivre. De toute façon, il ne fallait pas qu'elle reste traîner, les yakuzas se rapprochaient. Elle suivit le rythme de Nathan sans récriminer, et sans trop d'effort. Agilement, elle le suivit sur le pont métallique, sans hésiter. Elle était tellement préoccupée par le sort de Diego entre les mains de leurs poursuivants qu'elle se fichait de l'odeur qui régnait dans ces égouts.
Au bout du couloir, une porte. Même si ça ne retiendrait pas les yakuzas longtemps, c'était mieux que rien. Elle ne fit pas attention au mobilier de la pièce, et se précipita pour ramener une chaise à l'homme qui prenait les choses en main. Elle en ramena une, dont le dossier semblait plus solide que les autres grâce aux bordures métalliques qui barraient le dos de la chaise. Elle trébucha légèrement sur un dénivelé de la pièce, mais se rattrapa juste à temps pour poser la chaise près de Nathan, armé, qui venait de tirer dans le conduit d'où ils venaient pour essayer de ralentir leurs poursuivants.
« Tenez. Je... Je crois que je vais chercher ce qui pourrait servir d'arme ici. Puisqu'il paraît improbable qu'ils nous laissent le temps de- Oh ! »
Elle s'écarta vivement et porta la main à son épaule. Une balle, ricochant, venait de l'effleurer douloureusement. Elle retira sa main doucement, et constata que l'entaille n'était pas profonde, même si le sang commençait déjà à couler. Elle soupira, et appuya sur la plaie pour la comprimer et en arrêter l'écoulement de sang.
« Ce n'est rien. »
Elle était effrayée par les yakuzas, c'était vrai. Elle ne le montrait pas bien sûr. Une histoire de fierté. D'éducation. Mais elle avait peur. Elle craignait de mourir, comme tout le monde. Elle craignait d'être blessée. Elle craignait d'avoir mal. Elle était humaine quoi. Égoïste, tout simplement.
Elle tourna le regard vers Nathan, et se demandait quoi faire. Elle voulait sauver Diego, oui. Mais peut-être qu'elle pourrait obtenir sa libération en échange des ours en peluche, tous ramenés, avec la drogue qu'ils contenaient ? C'était l'option qu'elle envisageait pour le moment. Quant à mettre son providentiel héros au courant... Elle se posait la question. Il avait le droit de le savoir après tout, puisqu'il risquait sa peau pour la protéger. Sans le vouloir, elle l'avait entraîné dans cette situation impossible. Oui, elle allait le mettre au courant. C'était la meilleure chose à faire, pour le moment du moins.
« Les ours en peluche... On a volé une cargaison. On ne savait pas à qui est-ce qu'ils appartenaient. Et ils contenaient de la drogue. Je m'en suis rendue compte il y a peu de temps. Juste avant... Juste avant qu'ils ne débarquent. »
Elle finit par détourner le regard. Non pas par honte, mais parce qu'elle venait de voir un plan des égouts, roulé en boule sous une armoire métallique. Elle s'y déplaça rapidement, et saisit le papier froissé entre son index et son majeur pour le ramener vers elle. Ensuite seulement, elle revint vers Nathan et le déplia. Elle évalua la situation.
« Je vais récupérer tous les ours déjà vendus. Mais ça va prendre quelques jours, et d'ici, je ne peux rien faire. Pour sortir, il faudrait passer par... Par là. Soit, la porte du fond. Mais elle a l'air verrouillée... »
"Elle a l'air verrouillée". C'était un euphémisme. Des chaînes barraient la porte, ainsi que des cadenas. Peut-être que cette partie était condamnée... Quoi qu'il en soit, il lui fallait passer par là.
« Quand j'aurais les ours, je les échangerais contre Diego. »
Elle marmonnait sa dernière phrase plus pour elle-même que pour Nathan. Puis elle lui jeta un coup d'oeil, et retourna la tête vers la porte du fond. Elle allait faire fondre ces satanées chaînes, et suivre la voie qu'elle envisageait jusqu'à sa sortie. Se levant et froissant à nouveau la carte entre ses doigts, elle lâcha son bras légèrement blessé et s'approcha de la porte verrouillée. Elle ferma les yeux un instant, comme si elle réfléchissait. Peu à peu, le sang qui s'écoulait de sa blessure devenait corrosif. Elle grimaça, quand il coula le long de son bras, mais ne gémit même pas. Puis, récoltant des gouttes sur ses doigts, elle les posa sur les chaînes et la serrure de la porte. Un petit chuintement se fit entendre, mais il était couvert par les éclats de voix et de tirs.
« Prépares la grenade fumigène. On va les obliger à sortir. Je connais ce lieu. Nous sommes leur seule porte de sortie. On va les avoir, comme des rats. »
Sunday esquissa un rictus moqueur. C'est ce qu'ils croyaient.
La chaîne céda avec un petit cliquetis, au bout de quelques instants et de plusieurs applications de son sang. Le verrou de la serrure ne tarda pas à faire la même chose. Puis, les cadenas suivirent. Respirant profondément, la brune se concentra à nouveau, et le sang qui coulait le long de son bras cessa d'être corrosif. Il redevint aussi neutre qu'à l'ordinaire.
Les blessures causées par l'acidité sanguine se refermèrent délicatement et presque immédiatement. Mais l'entaille peu profonde, elle, resta. Elle serait partie le lendemain, mais elle mettrait plus de temps à s'effacer (quoique moins qu'un humain lambda).
« La porte est ouverte. Vous venez ? Ou vous rester avec le fumigène qui ne va pas tar- Ah ! »
Avant même qu'elle n'ait fini sa phrase, la grenade attendue arriva et se déclencha presque aussitôt. Sans regarder derrière elle, la jeune femme ouvrit la porte brusquement et se rua dans le conduit qui s'ouvrait devant elle. Elle s'arrêta derrière la porte, et appela :
« Nathan ! Venez ! »
Elle espérait qu'il allait se dépêcher, et qu'elle pourrait refermer le battant de la porte derrière elle. Ensuite, ils pourraient suivre l'itinéraire de la carte pour sortir des égouts. Et là, Nathan aurait le choix : Aider Sunday, ou reprendre le cours de sa vie en l'oubliant.
Elle commença à tousser et à avoir les yeux qui pleurent, à cause des fumigènes qui se répandaient dans la pièce.