Place publique / Re : Le sol est vraiment amusant à ce point ? -pv-
« le: jeudi 23 septembre 2010, 13:01:14 »Elle le regarda la bouche légèrement entrouverte alors qu’il approcha son visage du sien pour la détailler. Elle semblait réellement impressionnée que son « maitre » la regarde avec tant d’attention. Elle fit même semblant d’être traversée par un éclair de peur lorsqu’il lui fit part de ses craintes pour elle. Cependant, c’était bien la seule chose sensée qu’il avait dit pour l’instant. Selene savait parfaitement qu’elle était une cible facile. Encore fallait-il se donner les moyens de la forcer et le fait qu’on la sous-estime était sa principale défense.
L’homme effectua ensuite un mouvement théâtrale, brassant autant d’air que le faisaient ses paroles. Il érigea ensuite une maxime sans doute sortie de son esprit dérangé. Mais le pire était à venir car l’homme venait tout de même de signer cette déjection sonore par une signature orale. Et bien… maintenant elle connaissait son nom même s’il n’y avait vraiment pas de quoi s’en vanter.
Le couple Platon/Aristote que formaient Malahel et Selene semblait attirer les curieux qui se moquaient de lui. Elle n’allait pas les blâmer puisqu’elle faisait exactement la même chose qu’eux. Sa manière de le faire était tout de même beaucoup plus subtile.
D’ailleurs Selene cherchait la manière dont elle allait pouvoir lui répondre. Il était bien entendu hors de question de lui faire l’honneur de lui donner son véritable point de vue sur le problème qu’il étalait. Il était bien plus amusant de défendre un point de vue qui n’est pas le sien car on en connait les faiblesses et on ne se vexe pas si le rhéteur adverse parvient à le démonter. Ici, le plus amusant était de suivre le raisonnement de Malahel et même de pousser son optimiste un peu plus loin. Il semblait vouloir faire le bien et était sûr que le monde pouvait être amélioré ? Eh bien, elle allait pousser son rôle de fille idiote et candide jusqu’au bout. Elle allait lui soutenir que le monde était déjà parfait. Une entreprise perdue d’avance qu’elle allait justifier par sa prétendue stupidité. Essayons…
Monsieur Malahel, c’est bien dieu qui a créé le monde, n’est-ce pas ? Comme dieu est bon, sa création l’est forcément aussi, proposa-t-elle toute hésitante. Avons-nous le droit de juger ce qui mérite le bonheur ou ce qu’il ne le mérite pas ? Ne devriez nous pas laisser la nature juger d’elle-même ? Ce que certains qualifient d’injustice n’est peut-être que mérité.
Selene baissa les yeux comme si introduire l’hypothèse que certains méritaient d’être malheureux la choquait au plus haut point.
Bien sûr, j’aimerais que tout le monde soit heureux, mais les hommes sont ainsi faits que la haine est omniprésente dans leur cœur. Les justes parviennent à la maitriser et les méchants la laissent fleurir. Quant à savoir qui mérite punition et qui mérite récompense, je ne me sens pas de taille à un tel jugement. Aussi, je me contente de voir ce qui est comme ce qui doit être.
La jeune fille lui fit un sourire des plus innocents. Elle semblait réellement accrochée à ce qu’elle disait et les faiblesses de son raisonnement naïf n’arrivaient pourtant pas à la déstabiliser.
Cette femme que vous tentiez de libérer, prit-elle comme exemple. Vous ne connaissez rien de sa vie. Pourquoi tenter de la libérer alors que vous ne le feriez pas avec un prisonnier emmené à l’échafaud ? Vous faites plus confiance au jugement des hommes - que vous dites si imparfait - pour juger un condamné plutôt qu’à la nature qui semble avoir jugée cette esclave. En distribuant le bonheur au hasard, vous risquez de le donner à ceux qui ne le méritent pas et ainsi apporter le malheur aux méritants. Le bonheur ne peut pas être à portée de tous, puisque sans malheur il n’y a pas de bonheur. Donc autant le laisser à ceux qui en sont digne.
Elle acquiesça d’un hochement de tête à ses dires comme si elle répétait simplement les paroles de quelqu’un de beaucoup plus intelligent qu’elle. Selene perdit néanmoins son sérieux bien vite et gratifia le jeune homme d’un autre sourire éclatant. L’argumentation semblait être un jeu pour elle, et comme une enfant, elle ne s’impliquait pas dans ses affirmations. Il vaut mieux d’ailleurs car avec les sophismes qu’elle crachait, elle pouvait avoir la nausée très rapidement.
Selene Amiel, s’exclama-t-elle soudain, toute contente d’avoir imitée son mentor et d’avoir signée son monologue.
Elle fit une petite révérence et sourit de plus belle.