Mélisandre s’était plutôt bien rétablie. Après leur douce nuit d’amour féline, elle avait rapidement pu user de nouveau de ses jambes, et manger convenablement. De fait, elle avait même mangé beaucoup les premiers jours, afin de reprendre des formes, et en avait profité pour se renseigner. Elle avait ainsi appris que sa Déesse s’était rapprochée d’une ancienne Olympienne,
Sanguilia, anciennement connue sous le nom de Perséphone. On lui avait parlé de l’épisode de la Tour de Zäazel. Zäazel, un mage noir, avait créé une tour magique dont le but était de siphonner l’énergie des Dieux, et ainsi pouvoir devenir, lui-même, divin. Sha était partie l’affronter, et avait rencontré Sanguilia à cette occasion. Elles avaient réussi à terrasser le mage noir, et avaient provisoirement occupé la tour. Les Olympiens s’étaient ensuite manifestés, soucieux de détruire la Tour, et Sha et Sanguilia les avaient affrontés. C’était à cette occasion que Sha s’était rappelée avoir jadis eu une aventure avec Zeus, et que les Dieux étaient devenus fous en ouvrant la Boîte de Pandore.
Suite à cela, Sha avait entrepris la construction d’un immense palais, destiné à accueillir sa famille, mais aussi à amrquer le nouveau chapitre de son culte, qui était désormais lié à celui de Sanguilia. Mélisandre avait ainsi pu voir à quel point la construction avançait vite. Le gros-œuvre était déjà fait en grande partie. On créait d’immenses jardins avec des plantes qui poussaient très vite grâce à la magie, et les Orcs travaillaient d’arrache-pied, ainsi que les sorcières, et quantité d’ouvriers. Le tout était de finir ce vaste palais en quelques mois seulement, car il était destiné à marquer le nouveau pouvoir de Sha. Mélisandre put aussi voir la région environnante, où les quelques villages du passé étaient maintenant en train de devenir de grandes villes magiques. Sha n’avait indéniablement pas chômé, mais, surtout, Mélisandre passa ses journées à la grande bibliothèque du palais, qui était terminée... En grande partie. Il y avait de multiples ouvrages, dont beaucoup avaient été rapportés par les multiples sorcières ayant rejoint le culte en apprenant le retour de Sha, et qui savaient qu’il fallait s’unir. Non seulement l’Olympe était devenue folle, mais l’Ordre Immaculé étendait chaque jour davantage son influence, et, si l’Empire d’Ashnard était encore relativement épargné jusqu’à présent, partout ailleurs, les sorcières étaient souvent poursuivies et traquées. L’Histoire avait une tendance sinistre à se répéter, et, pour éviter cela, Sha avait décidé, non pas de se dissimuler, comme elle l’avait fait jadis, mais de développer son culte.
Chaque jour, elle alla voir Mélisandre, et garda pour elle ses analyses. Non seulement Mélisandre se renseignait sur le monde, mais aussi, et surtout, sur sa malédiction. Sha avait beau être la Déesse des Malédictions, le maléfice lancé par Héra ne disparaîtrait pas facilement. Et, si Mélisandre avait une forme humaine, sa forme de Drider était toujours là, et terrorisait Mélisandre. C’était pour cette raison que Sha ne lui avait pas encore proposé de l’épouser. Maintenant que les souvenirs revenaient, Sha se rappelait en effet que, juste avant son bannissement, les deux étaient fiancées, et sur le point de se marier. Une raison supplémentaire pour inciter Héra à bannir Mélisandre, et à la maudire. Mais, là, Mélisandre avait trop peur de sa véritable nature pour l’envisager.
Ce soir, donc, il faisait nuit, et, comme toujours, Mélisandre était au milieu de multiples ouvrages, cherchant à créer une formule alchimique qui tuerait en elle les gènes arachnides. Elle avait encore pris des potions pour améliorer ses capacités cognitives, et lisait avidement... Quand la main de Sha se posa doucement sur son épaule.
«
Encore, Mélisandre ? »
Elle soupira légèrement, et se pencha vers elle, embrassant la femme sur les lèvres, caressant avec sa main sa joue.
«
Tu ne devrais pas abuser des potions... Tu te prives d’heures de sommeil dont ton corps et ton esprit ont énormément besoin, tu sais. »
Mais Mélisandre avait toujours été comme ça, terriblement têtue. Tout en se renseignant sur l’évolution des techniques alchimiques, elle cherchait comment lutter contre sa seconde nature, et fuyait le sommeil, car elle avait fait un cauchemar où elle se transformait en Drider... Et avait, de fait, failli se transformer dans la réalité, se réveillant juste à temps pour l’en empêcher.
«
On devrait en parler, Mélisandre... Mais pas ici. Suis-moi, ma chérie. »
Sha se téléporta, et, instantanément, les deux femmes se retrouvèrent à l’extérieur, près d’un agréable grand lac avec une petite île en son centre. D’élégantes
furolucioles sortaient du lac, des lucioles brillantes qui, quand on les regardait trop, pouvaient matérialiser des silhouettes qui vous étaient familières. Mais, présentement, elles servaient surtout à faire joli.
Ce lac était au sein du palais, preuve de la taille colossale que la forteresse allait prendre. De l’autre côté du lac, on voyait encore des tours en construction. Une fois l’ensemble terminé, le lac serait une sorte de sanctuaire interne, un lieu de méditation. Pour autant, l’endroit ne serait pas étouffant, car Sha comptait créer un cour d’eau qui donnerait droit sur les douves, offrant ainsi une belle ouverture permettant de voir dehors.
«
Je sais que tu fais des cauchemars, Mélisandre... » lança alors Sha.
Sha ne savait pas trop comment aborder ce sujet difficile, et se pinça nerveusement les lèvres. Elle décida finalement d’y aller par petites touches, et serra les mains de Mélisandre dans les siennes.
«
Qu’est-ce qui t’effraie, ma chérie ? Je suis là pour t’aider, Mélisandre, tu le sais... »
Sha savait ce qui la terrifiait, bien sûr, mais il fallait que ça vienne de Mélisandre elle-même...