Quand elle s'avança vers lui, il recula un peu, comme s'il avait été impressionné par elle. Odessa se dit qu'il ne devait jamais avoir vu de centaure auparavant ; d'un autre côté, il donnait également l'impression de n'avoir jamais vu de femme de sa vie, ou, pour être exact, de ne pas en avoir vu une depuis belle lurette.
- Peut être qu'il était en prison pendant longtemps et qu'on a fini par le relâcher ou qu'il s'est évadé récemment. pensa-t-elle. Le problème est qu'il m'a l'air bien jeune pour être un ex-prisonnier sans compter que je n'ai jamais entendu parler de prison dans les environs...
Manifestement, ce type cachait quelque chose et Odessa se promit d'en savoir plus.
Il accepta l'invitation et la centaure fouilla dans sa besace et en sortit quelques morceaux de viande qu'elle fit griller sur une grande pierre plate. Une fois que cela fut prêt, elle alla prendre une outre de vin, la déboucha et en remplit deux gobelets en bois.
- Je m'appelle Grayle. fit-il en prenant le gobelet qu'elle lui tendit.
- Enchantée Grayle ! Santé ! répondit-elle en buvant une gorgée.
- Santé ! Je ne te connais pas, mais je suis déjà content de t'avoir trouvé.
- Je me doute bien... se dit-elle avec un petit sourire, qu'elle dissimula derrière son gobelet. Même si Grayle s'était efforcé de la regarder dans les yeux, elle avait bien vu que son regard avait été tout de suite braqué sur sa poitrine à l'instant même où il était entré dans la caverne. Elle ne s'en offusquait pas spécialement : dans sa tribu, les femelles exhibaient leur poitrine à l'air libre et si certaines la couvraient c'était plus par coquetterie que par pudeur.
C'était cette même pudeur qui l'avait étonné quand elle avait eu ses premiers contacts avec les communautés humaines : ses seins nus avaient excité la plupart des mâles qu'elle avait croisé mais en avait également choqué certains. Quant aux femmes, elles avaient été scandalisées, arguant que ce n'était pas un spectacle pour les enfants et ainsi de suite (alors que la plupart des enfants en question n'en avaient rien à foutre). Elle avait donc décidé, afin de mettre fin à tous ces émois, de mettre une tunique quand elle déambulerait parmi les humains.
" J'espère que tu n'a rien contre un interrogatoire Odessa, car j'ai énormément de questions à te poser... Je ne suis pas d'ici. Je débarque, pour ainsi dire. Alors je me demande... "
- Je me doutais bien que tu n'étais pas du coin, répondit-elle avec un sourire. Elle s'était couchée à même le sol afin de se mettre un peu au même niveau que Grayle parce que sinon le pauvre allait chopper un torticolis à force de lever la tête ! Mais vas-y, pose-moi tes questions.
" Je n'ai jamais vu quelqu'un comme toi. Avec un corps de femme et de cheval. Tu es une quoi ?Je veux dire, quel nom porte ta race ? Vous êtes nombreux ? "
- Oulah, tu dois venir de très loin pour ne pas avoir entendu parler des centaures ! Même les gamins des villes humaines en ont vaguement entendu parler...
" Tu semble assez jeune aussi. Qu'est ce que tu fait ici toute seule ? Tu chasses ? "
Elle le regarda d'un air amusé. Si cela continuait comme ça, il allait lui demander si elle avait quelqu'un dans sa vie !
- Hum, je suis née dans cet endroit que les humains appellent les Terres Sauvages. Je connais les limites à l'ouest, mais à l'est, la steppe semble s'étendre à l'infini, raison pour laquelle je les explore...
Elle bailla à s'en décrocher la mâchoire.
- Si ça ne te fait rien, je vais me rendormir. On reparlera de tout ça au petit matin. Par contre je suis désolée mais je n'ai pas de sac de couchage... Bonne nuit Grayle !
Elle se redressa et ferma les yeux tout en s'appuyant contre la paroi de la caverne. Bientôt, le souffle régulier de sa respiration fut, avec le crépitement du feu, le seul son audible que l'on put entendre dans la grotte...