Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Sujets - Ukiyoe

Pages: [1]
1
Les terres sauvages / L'envol [Pipa]
« le: dimanche 02 juin 2013, 23:01:51 »
La Forêt avait mauvaise réputation. Cette bordure d'arbres qui entourait la montagne du Village était dense et dangereuse, même pour les combattants qu'étaient les tengu. Il y logeait toutes sortes d'atrocités que la vie avait gracié sans que l'on sache comment, et qui partageaient toute un appétit féroce.

Ces bois avaient au moins une fonction utile : celle de nettoyer la zone. Des marchands d'esclaves ou des aventuriers passaient en effet régulièrement par ici, pensant trouver un agréable raccourci. Ils étaient vite éliminés, ou finissaient par périr sans trouver aucune sortie. La localisation du Village restait ainsi dans le secret, comme le souhaitaient les occupants.
Si la chance souriait à ces égarés, on forçait de toutes façons la main du destin en envoyant une escouade qui aidait en apparence les pauvres bougres. En réalité, ils indiquaient les plus mauvaises directions possibles, et surtout celles qui étaient loin de leur patrie. Et si un tengu excellait dans quelque chose en particulier, c'était la comédie. Ils n'avaient donc pas à insister en général, même si la plupart des bestiaires écrits sur Terra et mentionnant leur race conseillaient aux voyageurs qui en croisaient de ne surtout pas écouter leurs paroles.

La caravane qui traçait la route dans la Forêt depuis plusieurs heures avait amplement eu le loisir de se faire observer par les êtres à plumes, bien dissimulés à travers les branches. La télépathie étant l'un des pouvoirs de ces divines créatures, le silence était de mise, tandis qu'ils communiquaient et décidaient ensemble de l'heure de l'attaque.
Ukiyoe les compta une dernière fois, et laissa un des rares rayons de soleil courir sur son visage masqué par le bois de son masque. Après un dernier appel, les muscles de ses compagnons se tendirent, froissant plusieurs feuilles et faisant bouger quelques branches d'arbres.
La caravane, déjà méfiante, s'arrêta à ce son. Maintenant qu'ils se savaient observés, ce n'était plus le moment de reculer.

Des plus hautes cimes des arbres surgirent alors les tengus, qui atterrirent avec rudesse sur le sol dans une pluie de plumes de toutes les couleurs. Ils étaient une dizaine, à encercler la caravane et les deux marchands d'esclaves qui conduisaient le cortège.
Ukiyoe n'était là que parce que comme à chaque fois, ce serait elle, en tant que Princesse, qui déciderait du sort de ces deux imbéciles et du reste de leur marchandise.
Cela dit, cette fois-ci, quelque chose permit de faciliter amplement sa décision.

Des glapissements de surprise attirèrent son attention, alors qu'elle observait deux de ses sujets maîtriser les marchands. A l'arrière de la caravane maintenant ouverte, quelque chose semblait désorienter les tengu. La divine vint les rejoindre, ouvrit en grand les portes arrière du véhicule qui s'étaient refermées une fois lâchées par ses congénères sous la stupeur. Puis ce fut à son tour d'ouvrir grand les yeux.

Dans la caravane, quelques terranides. Quelques humains, dont deux enfants. Tous semblaient lessivés, épuisés et hagards. Mais ce n'était pas eux qui avaient choqués la communauté de tengu. La raison se tenait tout au fond, prés de la minuscule fenêtre, et elle arborait une paire d'ailes couvertes de plumes d'un rose doux, ainsi qu'une longue queue aussi blanche que la neige. Ses serres dorées se recroquevillaient, suivant le mouvement de ses jambes.
Ukiyoe n'avait pas mis longtemps à constater l'horreur de ce spectacle. Car elle s'était vite fait son scénario, comme tous les tengu présent par ailleurs. Dans la cage, elle voyait une congénère, une villageoise qui avait dû se faire embarquer sur le chemin et qui devait être trop faible pour ne pas s'être débattu en les retrouvant. L'idée que d'autres races de terranides oiseaux existent en Terra ne lui avait même pas effleuré l'esprit.
Après le choc, la colère vint, et elle rejoignit ses camarades qui lançaient des regards plus que noirs aux deux esclavagistes. La haine se lisait clairement dans leurs yeux. Eux qui d'habitude n'accordaient que peau d'importance aux lois et aux tracas du monde extérieur, avait fait ici de cette histoire d'esclavagisme une affaire personnelle.

Ukiyoe se rapprocha en tremblant des deux mécréants, avant de leur asséner sans aucune explication un violent coup de serre dans les côtes à tous les deux. Une fois à terre, elle prit le temps de les assommer à coups de griffes et de serres jusqu'à ce qu'ils perdent conscience. Dés qu'elle fut épuisée, elle se releva, ne prenant même pas compte de la terre incrustée dans ses genoux et de la sueur sur sa peau. Elle poussa ensuite les esclaves pour aller récupérer celle qui l'intéressait, la hisser sur son épaule pour la faire sortir, et la poser enfin au milieu du cercle de tengu, laissant à chacun le soin de l'observer à tout loisir.

La jeune blonde ne parlait pas, ne regardait personne. Ukiyoe ne se rappelait pas l'avoir déjà vu dans les rues du Village. Cependant, si elle se vantait de beaucoup de choses, celle de connaître toute sa population n'était pas dans le lot. Aussi, tout en continuant à observer cette inconnue, interpella-elle ses semblables aux alentours :


"Est-ce que quelqu'un, parmi vous, la connait ?"

De nombreux regards dubitatifs furent échangés, mais personne ne répondit. Chacun semblait attendre que l'intéressée ne clame sa position au sein du Village... mais le silence régnait.

2
Le coin du chalant / Envolez-vous !
« le: dimanche 23 décembre 2012, 19:04:16 »
Même si elle prétend le contraire, Ukiyoe est intimement lié au village des tengu et possède la tâche de le protéger. L'endommager ou s'y infiltrer pour agir de quelconque manière que ce soit entraîne sa visite... et des explications de votre part.
Dans l'autre sens, certains tengu pourraient très bien vous avoir capturé pour s'amuser à vous faire peur. Uki choisira d'entrer dans leur jeu ou de vous expliquer, selon la valeur qu'elle vous accordera.
[Combat, Social-hentai, 1 personne]

Deux mâles ligotés dans une grotte... vous en faites partie, et vous pouvez toujours tenter de vous lier pour combattre la silhouette qui bloque la sortie du lieu. Celle-ci, en tant qu'ancêtre des "fangirls" d'aujourd'hui, aimerait bien vous voir vous lier aussi. Mais pas exactement de la même façon...
[trame hentai YAOI - 2 hommes à tendance homosexuelle (ou éventuellement futanari à apparence masculine, mais il va falloir se montrer très habile :,D)

Dans une ultime journée béni, un marchand d'esclave a réussi à capturer une tengu et à la mettre en vente sur le marché... vous l'achetez. Je vous plains, sincèrement.
[Social-hentai - 1 personne ou qu'importe]

Vous vous perdez dans les forêts épaisses, en-dessous du village, sans jamais trouver de sortie. Ukiyoe vous aidera peut-être, ou vous égarera encore plus.
[Social-hentai - 1 personne ou qu'importe]

Suggestion ?

3
Les terres sauvages / Aria [Lorgain Rainorn]
« le: dimanche 23 décembre 2012, 13:51:33 »
Les tengus aimaient voler. Un secret qui n'en était plus un pour personne. A cette liberté dans les mouvements, ce souffle d'air frais qui caressait plumes et peau à vif, s'accouplait la narquoise sensation de narguer en douceur toute créature qui n'en avait pas la possibilité - et en particulier les hommes, qui aimaient tant se vanter d'avoir les pieds sur terre. Il était pourtant tellement plus agréable de laisser traîner son esprit dans les nuages. Cela apportait confort et bien-être à ce peuple ailé, permettait la bonne entente de toute une civilisation qui perdurait en silence depuis des siècles, avec bien moins de problèmes que les hommes. Lorsque l'on pouvait flotter dans le ciel, on se préoccupait beaucoup moins de l'état de la maison du voisin, ou du fait qu'il soit mieux nourri ou mieux vêtu. Le pire, dans ce cas-là, étant que les tengu faisaient partie de l'espèce la plus vantarde de Terra... et que pourtant, chacun trouvait son compte en ignorant l'orgueil de l'autre. Là était la base de l'équilibre de cette drôle de race.

Loin d'être stupides à ce sujet, les tengu savaient où et quand déployer leurs ailes, certains parvenaient même à contrôler la température et le temps sur une très petite surface, bien que très rares et sans trop d'orgueil de cela - puisque c'était non un don, mais une capacité purement magique, apprise par d'autres.

Dans le village, une colline s'était comme naturellement aménagé pour permettre aux tengu d'exercer leur talent de voltigeurs. Tout en haut, en plein dans le vent changeant sans arrêt de direction selon les jours, les drapeaux plantés dans la terre battue pour délimiter le circuit se courbaient sous la force du vent. La force de cet élément était ici à son apogée : l'endroit avait été désignée aussi pour cela.

Karihn était nerveuse. Le jour de sa première voltige n'avait pas été choisi à son avantage. Cette après-midi était éclairée d'un soleil blanc excellent pour la visibilité, et d'un vent placé dans la bonne direction mais assez puissant pour déraciner certains arbustes. N'importe quel tengu aurait aimé se jeter dans le vide et s'envoler en se faisant pousser par l'air, les tengu audacieux et talentueux dans la voltige.
Mais Karihn n'était pas spécialement audacieuse, et même si elle aurait préféré sauter directement dans le vide que de l'avouer à ses amis qui l'avaient traîné ici, la voltige... ce n'était pas trop son truc. Elle préférait danser, chanter, comme n'importe quelle autre tengu - ces créatures étant enjouées de nature... mais elle n'appréciait pas de s'élancer en l'air. A cause du manque de pratique, ses ailes étaient donc faibles et engourdies, et le trac lorsque l'on l'avait poussé en haut de cette colline n'avait rien arrangé à l'affaire. Ses ailes étaient restées fermement collées à son corps, et une pierre n'aurait pas mieux coulé qu'elle.


***

« Ukiyoe-samaaaa~ ! »

On l'avait appelée du haut de la colline dans un cri de détresse. Et, comme une bonne petite super-héros, Ukiyoe avait été obligé de s'informer de ce qui se passait. C'était un peu comme ça que la considéraient les jeunes tengu, d'ailleurs : la Princesse vantarde se transformait souvent en héroïne courageuse qui n'avait rien d'autre à faire que de sauver untel ou unetelle du bout des ailes. Quand elle était posée au village, ce n'était pas trop dérangeant - ce n'était pas comme si il y avait grand-chose à faire par ici, de toutes façons... mais quand elle s'apprêtait à se faufiler par les sorties et longer les sentiers pour reprendre ses aventures, la réponse à l'appel se faisait grognonne. Pas devant les enfants bien sûr - maintenir la réputation, toutes ces choses-là... mais elle avait quand même fini par y aller, écouter ce qui venait de se passer, et courir sur le sentier de la pente, pour finir par se jeter dans le vide en un splendide saut de l'ange. Quand elle posa ses serres sur le sol de la forêt qui avait poussé en bas, on ne la voyait plus tant les fourrés étaient épais. Seuls subsistaient quelques plumes dans l'air qui commençait à s'imprégner d'humidité.

***

Ukiyoe ne connaissait que très peu Karihn. Elle avait plus de pensées pour les courageux, il fallait bien l'avouer. Mais la vision d'une jolie adolescente aux cheveux courts et aux kimono blanc avait traversé son esprit quand elle avait vu ses amis l'appeler à l'aide. Il manquait en effet cette silhouette discrète à leur côté, celle qui semblait vouloir se confondre avec leurs ombres tant elle ne parlait jamais. Ce fut cette même silhouette qu'elle retrouva au pied d'un vieux sapin, évanouie et à l'aile tordue de façon peu rassurante. Il ne manquait rien au tableau.
Il s'y rajoutait même quelque chose qui fit froncer les sourcils de la Princesse, derrière son masque de bois clair. Une épaisse silhouette qui se rapprochait en silence de la tengu assommée, ses pas faisant craquer les feuilles mortes. L'éclair de la lame qui surgit d'entre les plumes fit cesser ce bruit, tandis que Ukiyoe déclarait avec calme :


« Approche-toi d'elle et je coupe les tendons de tes énormes pattes. Tu auras affaire à moi plus vite que tu ne le penses. »

C'était déjà étrange de voir quelqu'un dans la forêt, aussi prés du village, et sans blessures ou même égratignure. Alors, le fait de voir quelqu'un comme par hasard pendant son expédition, aussi prés d'une de son espèce... La méfiance ne pouvait pas être retenue, tout comme la lame dans son fourreau.

4
Prélude / Ukiyoe - Tengu no Hime [Valimercenarisée !]
« le: dimanche 18 novembre 2012, 03:33:01 »

Au début, ils avaient été dix à survivre, hors des tentes enflammées et des bâtiments aux fondations en ruines, échappant aux flammes qui envahissaient le village. Tout brûlait, y compris la population : l'odeur des corps calcinés à vif se dispersait déjà dans l'air bouillant, et ils continuaient à courir, cherchant une brèche dans la grande barrière du village qui s'effondrait elle aussi. Elle s'effondra tant et si bien que cinq furent pris entre le bois qui tombait et écrasés sous les débris. Les quatre autres défoncèrent comme ils pouvaient le reste, et finirent par se faire lécher par les torrents de flammes et tomber à genoux, à moitié enflammés.

Il ne restait qu'elle, pauvre femme qui ne devait sauver sa seule vie, mais aussi celle qui dormait dans son ventre. Son abdomen la gênait dans ses mouvements, alors qu'elle tentait de détruire la reste de la brèche en formation. Elle sentait la pulpe de ses doigts se décomposer sous l'effort et la braise, et son instinct primaire lui commanda de s'éloigner et de tomber par terre, impuissante.

C'est dans ce mouvement qu'elle la vit.

Entre la fumée des flammes, sa silhouette lui apparaissait vaguement, perchée sur les branches d'un haut cèdre japonais. Mais même avec la vision étriquée, cette silhouette était unique, reconnaissable.

Leur village possédait plusieurs légendes qui dataient de plusieurs siècles, et parmi ceux-là, on en comptait une qui narrait l'histoire d'un village dans les environs, dont la population serait constituée de créatures mystérieuses, des hybrides aux grandes ailes. Des tengu.

La position de la silhouette parlait d'elle-même. Caractéristique de cette race, les genoux fléchis et les jambes écartées, le dos un peu rond pour observer d'en haut ce qui se passait.

La villageoise leva le bras, pour implorer l'aide de cette créature dont elle ne connaissait pas les motivations. Et en un éclair, des ailes aux plumes brunes se déployèrent pour aller se poser sur la barrière, juste à droite de la jeune paysanne, et reprendre sa position pour observer un peu mieux.

Les détails sautèrent ainsi à la figure noircie. Et à sa panique se mélangea une peur de l'inconnue, de ce que l'on ne connaissait pas. Une frayeur d'abord alimentée par les épaisses griffes qui tenaient le bois de la barrière. L'hybride n'avait pas de pieds, mais de grandes pattes d'aigle dorées, aux plumes blanches qui poussaient sur les mollets. On y voyait des manchettes au tissu soutenu par quelques breloques tribales, à la verrerie rouge et jaune, qui prenaient des reflets infinis sous la lumière des flammes. Cette infamie s'étalait aussi sur le dos et les bras – les transformant ainsi en ailes, comme une terrible mutation. De longues plumes brunes entouraient les doigts, les bras, s'arrêtaient aux épaules. On ne voyait de la chair humaine que sur les cuisses, le torse et la tête. Les habits étaient rudimentaires, bordés de fourrure et assortis aux manchettes du bas, ne couvrant que pour éviter le cœur de l'indécence. La créature, par ce manque de tissu, se révélait ainsi être une femelle au premier coup d'œil. Sa peau mate brillait de sueur, révélant qu'elle n'était donc pas insensible à la chaleur de l'incendie. Deux carquois contenant des épées se pressaient contre sa taille à l'aide d'une épaisse ceinture de cuir.

Le pire étant encore ce visage. Il n'avait en soi rien de monstrueux, mais la paysanne ne pouvait pas y lire la suite des évènements, et c'était ce qui lui faisait si peur. Un masque de bois cachait en effet le haut du faciès, les yeux se transformaient ainsi en deux fentes noires où ne flottaient aucune réponses. Tout le reste n'était que deux signes tribaux d'un rouge sang, et une bouche hermétiquement fermée, sans paroles ou signes.

Mais malgré cette peur bleue, la villageoise gardait son bras levé. Il n'y avait rien qu'elle ne puisse faire, rien qu'elle ne puisse penser d'autre que de crier et d'implorer l'aide de cette hybride ignoble, et au fond de son ventre, sans doute que son enfant levait aussi son bras tout neuf, dans l'espoir qu'on lui laisse voir la vie, et autre chose que de la cendre et de la fumée.

La tengu baissa sa tête sur le côté, faisant trembler sa courte coiffure aux mèches brunes. Elle semblait considérer la situation, y réfléchir sérieusement. La paysanne la maudissait déjà pour cela. Il n'y avait pas à réfléchir, bon sang, elle était enceinte jusqu'au ventre, hurlait ses prières pour un peu de pitié ! Que fallait-il de plus à cette sauvageonne pour venir à son secours ? Qu'elle s'avorte sous ses yeux ?!

La pensée flasha dans sa tête, assez colérique pour lui prendre tout son esprit et lui faire ignorer l'éboulement de rochers qui arrivèrent derrière elle. Son bassin heurta la pierre qui provenait du temple maintenant en ruines, ses jambes furent bloquées et elle sentait déjà l'écoulement de sang flotter jusque entre ses cuisses. Ses cris redoublèrent alors que ses poings claquaient sur le sol, que ses ongles grattaient la terre, comme les griffes d'un chien pris au piège.

Son regard se releva ensuite vers l'endroit où la tengu était.

Était.
Et n'était plus.

Seules quelques plumes volaient dans l'air, alors que la silhouette s'éloignait en direction des montagnes, vers l'air plus frais et les terres plus claires. Ce démon s'envolait vers le Paradis, tandis qu'elle, elle restait dans l'Enfer.

Quand les plumes touchèrent finalement le sol, les derniers éboulements recouvrèrent son crâne, et par la même occasion, ses hurlements.




« Qui va là ? »

Les gardes observèrent avec méfiance la silhouette qui se rapprochait peu à peu du portail Est de la commune, qu'ils étaient censés garder. Comme les pas ne ralentissaient pas, ils brandirent leurs lames qui brillèrent sous le soleil, un éclat d'attaque. L'inconnu s'arrêta à cinquante centimètres des deux pointes, qui restèrent malgré tout levées.

« Es-tu sourd, ou simplement stupide ? On t'a posé une question, l'étranger ! » aboya le garde posté plus à droite.

L'inconnu enleva le capuchon de son village qu'il gardait pour s'abriter du vent, dévoilant une longue chevelure châtain et de nombreuses cicatrices sur le visage. Son expression reflétait la fatigue d'une longue marche à travers les plaines, seul chemin disponible pour arriver à la montagne. Il considéra un moment les êtres qui lui faisaient face, avec les muscles couverts de plumes et leurs carrure impressionnante.

« Messieurs, j'ai fait une longue marche pour parvenir jusqu'à vous. Croyez bien que je ne serais pas venu seul, si je vous voulais le moindre mal, déclara-il finalement, d'un ton éreinté.
- Pourquoi aurais-tu envie d'entrer dans le village ? Ne connais-tu pas les légendes de notre race ?
- Je suis venu ici pour m'entretenir avec quelqu'un en particulier. Sans défense, sans argent. Avec à peine quelques affaires. Vous ne pourrez pas me piller, ou me capturer, comme le racontent vos légendes. Je suis sûrement l'homme qui a le moins de valeur dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, répondit l'inconnu en souriant.

Les tengu se regardèrent, considérant la question. Finalement, l'ordre d'ouvrir la porte fut lancé par l'un d'eux, et les bûches de bois se déplacèrent, donnant un accès libre.

- Passez.
- Merci. »

La porte donnait sur un chemin bordé de cyprès, qui débouchait lui-même sur une grande place où l'ambiance était au rendez-vous. On était tôt le matin, la température de la montagne était à son comble, mais le vent frais qui contrait le soleil d'été avec efficacité était finalement plutôt agréable.


Autant voyait-on rarement des tengu dans les environs de là où on habitait, que ce soit en ville ou en pleine forêt, autant ici, il y en avait partout. Après tout, c'était le seul village réunissant exclusivement cette race dans le pays, et les plus cartésiens n'hésitaient pas à prétendre qu'il n'existait carrément pas. L'homme lui-même avait dû user de nombreux stratagèmes pour découvrir le chemin qui menait jusqu'ici. Il y était enfin, et se reposa un peu avant de prendre la route de ce qu'il était venu chercher.
La personne avec qui il devait converser avait un statut particulier. Aussi s'était-il imaginé la trouver dans une sorte de palais, une habitation précieuse et riche. Après trois tours, il constata que rien de cette sorte n'existait ici. La seule chose qui sorte un peu de l'ordinaire était un temple, le bâtiment le plus haut du village, le seul dont le toit ne soit pas composé de paille, mais de tuiles d'un rouge flamboyant.

Il s'en rapprocha sans autre mésaventures, et au niveau du portail, aperçut une jeune femme assise sur les marches du temple, un plateau de thé posé à côté d'elle. Il l'examina discrètement, puis finit par se rapprocher. Elle le regarda avec un intérêt craintif, mais ne s'en alla pas.


« Pardonnez-moi de vous importuner, mais vous êtes sûrement Ukiyoe-Hime ?

La tengu le considéra avec stupéfaction, avant de se relever et de se courber bien bas devant l'humain.

- Jeune homme, il va falloir me pardonner à votre tour d'avoir suscité votre espoir, car je ne suis pas celle que vous cherchez, répondit-elle.

L'homme resta sans voix, surpris par tant de politesse. On lui avait toujours enseigné que les tengu étaient farceurs, voleurs, prêts à se moquer et à marcher sur les pieds du premier humain passant dans leur territoire. Cette tengu-là se révélait très correcte. Sans doute était-elle une exception qui confirmait la règle.

- Ha... mais elle est bien ici, n'est-ce pas ? Insista-il après un flottement.
- Oui, vous avez de la chance, elle s'est posée dans nos humbles contrées depuis quelques jours. Elle avait des affaires ici à régler et repartira dés ce soir.
- Je... mais elle n'est pas... heu... résidente ici ?
- Monsieur a bien de l'espoir d'espérer qu'une nomade comme Ukiyoe-sama veuille prendre racine dans notre village.

Il y eut un éclat de moquerie dans son sourire aimable, et l'humain comprit qu'un tengu, malgré toutes les facades du monde, resterait un tengu.

- En fait, expliqua-il, je tenais à avoir une conversation avec votre Princesse, en espérant qu'elle veuille bien m'accorder cet honneur.

Il s'attendait à un nouvel éclat – de rire, cette fois. Mais rien ne vint, alors que la demoiselle prenait une mine dubitative.

- Il va falloir régler la question avec elle. Si vous avez le temps, car elle descendra du temple un peu plus tard, elle a des formalités à effectuer.
- Très bien.
- Prenez donc le thé avec moi pendant ce temps, proposa la créature. J'ai beau être la propriétaire et maire de notre village, je vous avouerais qu'il n'y a pas grand-chose à faire en ce moment.
- La maire ?
- Vous m'avez sûrement confondu avec notre Princesse bien-aimée pour cette raison.

Elle secoua ses mèches barrés par l'argenterie posée dessus, et replaça une broche d'or sur sa tenue par la même occasion.

- Je suis habillé selon mon statut, mais je n'ai pas de sang royal pour autant. Par ailleurs, vous vous apercevrez bien vite que chercher Ukiyoe-sama avec cette idée est une erreur grossière.

L'homme s'assit sur les marches du temple, et prit la tasse fumante que lui servait la jeune femme.

- Buvez tant qu'il est chaud. C'est du thé de nos jardins.
- Merci bien. Heu... c'est vrai que je cherchais plutôt quelqu'un habillé comme une Princesse. En quoi étais-je dans l'erreur ?
- En ce fait que par chez vous, le terme de Princesse symbolise l'opulence. Notre Princesse à nous n'a d'opulent que son courage : elle ne se balade pas avec toute sa fortune accroché sur ses vêtements.

Déjà après la première gorgée, l'homme sentit que la demoiselle allait être intarissable. Il écouta donc son discours, sans broncher, et faire quoique ce soit d'autre que hocher de temps en temps la tête.


« Ukiyoe-sama ressemble à une sauvageonne. C'est le terme que vous utilisez, de par chez vous. Ça s'avère être vrai : on ne change pas notre race. On est tengu, on le reste, que vous le vouliez ou non. Notre Princesse peut très bien être une vraie peste, plaisanter aux dépends de sa victime, qui est bien souvent humaine, perdue dans nos forêts. Mais sans doute qu'on vous avait clairement dit auparavant qu'un tengu rôdait dans les environs, et qu'il fallait faire attention. Alors, il est évident que vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même.

Nous ne détestons pas tous les humains. Notre Hime, pour sa part, n'est pas dans ce cas. Mais... (un sourire vient ponctuer les traits de la maire) ce ne sont pas ses amis non plus. Ce n'est pas de la haine à proprement parler... je pense qu'elle a plutôt pitié de vous, de la stupidité dont vous faites souvent preuve. Cela dit, si vous avez fait tout ce chemin uniquement pour la voir, ne vous inquiétez pas : elle reconnaît le mérite.
Concernant les autres races... je crois savoir qu'elle a de bons rapports avec les villages terranides du restes des terres sauvages. Bien sûr, elle ne résiste pas à l'idée de leur jouer deux ou trois tours de temps en temps... mais en même temps, aucun de nous n'y résiste. Il sont tellement naïfs, que ça en devient malheureux pour eux... nous entretenons également un grand respect pour les Dieux et les Démons. Ce sont nos cousins après tout. Nous sommes une race intermédiaire entre le Paradis et l'Enfer, représentatifs du Purgatoire. Donc, nous n'allons vers aucun camp, nous restons dans une neutralité qui nous rapporte beaucoup. Voilà pourquoi, dans vos livres traitant de nos personnes, nous sommes tantôt défini comme dieux mineurs, et tantôt comme démons.

Vous savez sûrement qu'un tengu est vantard et arrogant de nature ? Elle ne fait pas l'exception. Je vous demande d'avance pardon pour toute la fierté qui s'échappera de sa bouche. Pour sa défense, il ne faut pas oublier qu'elle a divers talents notables : elle a gagné plusieurs de nos championnats d'arts martiaux, à plusieurs reprises... et c'est aussi une polymorphe douée. Elle arrive même à s'inviter dans mes rêves ou faire preuve de télépathie avec moi, parfois... pour me prévenir de dangers quelconques.

Notez qu'elle a tout de même des bons côtés... nous l'aimons, car elle est généreuse et joyeuse avec nous. Son sens de la justice est peut-être loin du vôtre, mais il est infaillible de beaucoup de points de vues. Elle sait quand quelqu'un a besoin d'aide, et malgré sa vision de vous autres humains, je ne pense pas qu'elle laissera quelqu'un de votre communauté dans l'embarras... Je dois dire que sa personnalité est... hasardeuse. Elle peut être amicale... comme menaçante. En fait, elle n'en fait qu'à sa tête. Mais je pense personnellement qu'elle est une bonne personne. »



Le thé de la maire avait eu l'occasion de perdre son fumet délicat, depuis le temps qu'elle parlait. Elle ne le remarqua qu'après un bref silence.

« Oh, j'ai tant parlé ? Excusez-moi si je vous ait importuné avec mes bavardages.

L'homme secoua une main pour indiquer qu'il n'en était rien, finissant sa tasse.

- L'avantage, c'est que Hime doit en avoir terminé... elle va descendre d'une minute à l'autre...

Il y eut cinq bonnes minutes de silence, où l'on entendit pas autre chose que le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles et les rires des villageois tengu portés par le vent.

- Elle arrive, déclara simplement la maire après ce silence.
- Comment le...

L'homme se tut, constatant un nouveau petit sourire narquois sur le visage de sa compagne. Les tengu communiquaient par télépathie, elle l'avait dit. Il n'y pensait simplement plus. Et elle en avait profité.

Les portes de pierre du temple s'ouvrirent dans leur dos, et ils se retournèrent pour faire face, se remettant debout.


Ukiyoe se tenait devant eux, sortant de la porte accompagnée d'une paire de tengu qui sortirent eux aussi et quittèrent rapidement les lieux. Elle les regarda s'éloigner, puis une fois qu'ils furent loin, poussa un long soupir de soulagement.

« Kana-san, la prochaine fois que tu m'imposera une réunion de quatre heures, je te préviens que tu m'enterreras toi-même à la sortie... j'ai carrément vu passer l'autre côté, là.
- Ne dites pas des choses pareilles, Hime-sama. Cette réunion était une sorte d'hommage à votre égard. Vous vous deviez d'y être présente.
- Hmph...
- Cette réunion déterminait à quelle position nous devrions placer la statue d'Hime-sama dans le village, en hommage à sa grandeur déclamée, expliqua la tengu à l'homme.
- On s'en serait passé ! Quelle idée de vouloir faire une statue avec ma tronche dessus. Vous croyez pas que j'ai assez d'ego comme ça ?

La nouvelle venue se tourna vers l'homme, et la surprise passa sur son visage. Puis, une certaine compréhension qui s'installa tout aussi vite.

- J'peux pas savoir qui t'es, mais si tu voulais te changer en humain pour me mettre en rogne, fallait peut-être attendre que je quitte le village, non ? Parce que c'est pas crédible, là.
- Ukiyoe-sama, cet homme n'est pas l'un des nôtres, intervint l'autre tengu.
- ...Kana-san ? T'as mangé un truc qui est pas passé ? J'ai oublié de te dire, mais les offrandes sur l'autel, elles sont périmées...
- Cet humain est venu depuis l'autre partie de la forêt et a traversé les montagnes, continua Kana sans s'occuper de l'interruption. Il souhaiterais avoir un entretien avec vous.

L'humain pensait encore à Kana qui avait deviné d'où il venait, avant de se souvenir qu'on lui avait aussi vaguement parlé d'une lecture de la pensée chez certains tengu. Son regard vagabonda ailleurs pendant sa réflexion, et il ne put d'ailleurs s'empêcher, pendant le court laps de temps où la Princesse le fixa avec stupéfaction, de remarquer qu'il n'y avait pas que le courage de la tengu qui était opulent...

- T'as traversé cent kilomètres de montagnes et de forêts sans avoir recours à un véhicule ou à une monture ? T'espère que je gobe ça tout rond ? Finit-elle par déclarer.
- ...Je vous prierais d'arrêter d'envahir mes pensées... ça devient gênant...

Les sourcils de la Princesse se froncèrent devant cet arrogance. Mais elle n'arrêta pas de nager dans la mémoire de l'homme pour autant. Au bout d'un moment, elle retint quelque chose qui l'intrigua, et soupira.

- C'est bon. Je peux bien t'accorder ça, au moins pour avoir trouvé où j'étais.

Elle désigna ensuite les portes du temple, d'un long doigt couvert de plumes.

- Entre.


L'intérieur du temple était probablement là où se cachait le plus de richesses. Mais la Princesse ne s'y accordait pas du tout. Même en face de la maire, pourtant inférieure à elle, elle ressemblait à une paysanne. Et pourtant, elle marchait avec aisance dans ce grand endroit opulent, prouvant qu'elle en avait déjà fait maintes fois le tour.

- Dans cette réunion, il y avait entre autres le débat de commencer à emménager le lieu en tant que monument national. En gros, donner le droit à tes camarades de découvrir où nous sommes et d'envahir le village en tant que touristes. De nous observer, avec avidité. Tu devines quelle était ma pensée à ce sujet, confia Ukiyoe avec froideur.
- Pourquoi cette haine pour nous autres ?
- Ce n'est pas de la haine. J'ai plus mal au cœur pour vous qu'autre chose. Mais vous me semblez malsain, depuis toujours... je n'ai pas envie que nous autres, nous nous mêlions à vous plus que ça. Ça tournerait mal. C'est évident.

Ils passèrent devant un imposant bloc de pierre, et un autre plus petit à côté, entouré d'un globe de verre.

- Tu vois, ça ?
- Oui.
- C'est la statue qu'ils ont prévu d'ériger à mon honneur. Tu penses pas que c'est horrible ?

L'inconnu se pencha un peu sur le modèle en plus petit. Il y avait effectivement la silhouette de la tengu, perchée sur un rocher avec la pose caractéristique de sa race. Mais il y avait aussi un autre personnage bien plus imposant, un homme habillé comme un moine, de gigantesques sabres de samouraii croisés dans son dos. Il était perché de la même façon.

- C'est mon père, expliqua Ukiyoe avant que la question ne fuse. Sôjôbô. Le Roi des Tengu.
- Voilà donc d'où vous tirez votre patronyme.
- Vous comprenez vite, ironisa la tengu. Sôjôbô était très respecté dans la communauté de notre race. Le respect qu'on lui offrait perdure depuis sa mort à travers moi.
- Comment un homme de ce statut a t-il pu mourir ?

L'homme supposait que poser la question était impolie, mais il l'aurait pensé de toutes façons. Et elle lisait à travers lui comme un livre ouvert, depuis tout à l'heure.
Le regard de la jeune femme se tourna vers lui. Doré, brillant d'énergie. A présent, il brillait de haine, et l'homme regretta sa question.


- Il est mort à cause de vous, répondit-elle d'une voix neutre. Il avait beau être le plus puissant des hommes de notre race, vous l'avez tué avec votre impudence envers la nature. Votre loi d'esclavagisme, en particulier, le rendait malade. Il ne supportait pas que personne ne put rien faire pour stopper votre folie. Quant il a compris que même lui n'y pouvait rien, après avoir visité l'Autre Monde, il s'est éteint dans les trois jours qui ont suivi. »

L'Autre Monde. Un monde de béton, de fumée et de folie. Un monde dont on parlait dans les petites communautés ésotériques de Terra. Un Monde qui donc, était capable de rendre fou et de faire souffrir l'un des plus puissants hommes du monde. Il en avait entendu vaguement parler, parce qu'il était cultivé. Personne ne savait ça, au village.

A la pensée du village, sa gorge se serra, et la tengu vint droit au but.


« Tu es venu pour avoir des explications, à propos de ta sœur, c'est ça ?
- Je... je ne comprends pas.
- Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Demanda la tengu en toute innocence.
- Que vous l'ayez laissé mourir. Que vous ayez laissé mourir tout le monde.

La Princesse regarda son invité d'un air surpris. Et fatigué.

- Tu espérais que je sauve tout ton village d'un claquement de doigt ?
- Vous !.. vous n'avez rien fait, vous avez observé ça comme autre chose, en ne faisant rien du tout ! Vous avez laissé mourir tout le monde, vous l'avez laissé mourir, ELLE ! Alors qu'elle était sur le point de... de...

L'homme s'enrageait subitement, laissait libre cours à sa colère, oubliant toutes bonnes manières et principes devant la royauté. Ukiyoe l'observait sans rien dire, sans aucun sentiment particulier sur son faciès fin.

- Vous auriez pu sauver non pas UNE, mais DEUX personnes ! Continua l'humain, en hoquetant des sanglots.
- Je suis arrivée alors qu'elle était déjà prise dans un éboulement. Tu penses vraiment que je pouvais faire quoique ce soit ?
- Je... mais... vous êtes un tengu ! La Princesse de votre race ! Vous êtes UN DIEU, un dieu mineur certes... Mais UN DIEU QUAND MEME ! Qu'est-ce qui empêche un Dieu de faire quoique ce soit ? QU'EST CE QUI EMPECHE UN DIEU DE SAUVER QUI QUE CE SOIT ??!! »

La voix rauque de l'homme, éprouvé par les larmes, résonnait entre les murs de pierres du temple. Son poing vola pendant sa haine, envoyant valser l'écrin de verre avec le modèle de la statue dedans, qui se brisèrent par terre. Mais ça n'empêcha pas la tengu de toujours l'observer avec ce même air : un mélange de désapprobation et de pitié.
Il finit par tomber à genoux, épuisé par sa propre rage. Il n'y eut d'autre bruit que ses sanglots dans les minutes qui suivirent. Quand il fut enfin calmé, son interlocutrice s'agenouilla face à lui pour l'observer. Il se redressa, et ses pensées étaient si confuses que Ukiyoe n'y lut qu'un bourdonnement incessant.


« Les Dieux font ce qu'ils peuvent, répondit-elle finalement. Ce n'est pas parce que les dieux existent qu'ils peuvent faire cesser tout conflit, tout problème ou tout malheur. On les décrit comme violents dans vos légendes, comme restrictifs dans vos contes. Vous les voyez comme sans merci. Mais personnellement, je pense qu'ils s'imaginent que ce qu'ils font est pour le mieux. »

L'homme releva la tête. Les traits de Ukiyoe reflétaient quelque chose qu'il connaissait. Avec une dominante, qui était la culpabilité.
Il comprit, alors. Et à cet instant, ce fut lui qui eut l'impression de lire en la tengu, comme dans un livre. Un très, très vieux livre, un peu poussiéreux.




Il partit avec l'esprit, s'il n'était pas moins tourmenté, un peu plus songeur qu'il ne l'aurait espéré. Car il aurait aimé repartir avec une réponse. Mais il avait compris, que Ukiyoe avait fait ce qu'elle avait pu pour lui. Et pour les autres.

« Est-ce que vous lui avez dit que c'est vous qui aviez déclenché l'incendie ?

Ukiyoe considéra la maire avec une expression neutre, sa tasse de thé noir à la main. Elle n'en était pas friande, mais il lui fallait occuper ses mains avec autre chose que ses sabres, et sa tête avec autre chose que l'idée d'aller découper des troncs.

- Je crois qu'il l'a compris de lui-même, répondit-elle finalement.
- Et il est simplement parti ? Décidément, les humains sont très étranges.
- Il a aussi dû comprendre mes motivations là-dessous.

La maire observa le ciel de ses yeux caramel, sa respiration lente soufflant sur sa frange, la soulevant régulièrement.

- La tâche ne doit pas être aisée, dit-elle après quelques secondes. Savoir que l'on doit condamner certaines personnes, simplement parce que les Dieux nous ont ordonnés de le faire. Et puis... la tâche d'un tengu ne doit-elle pas être d'être une forte tête, même envers les Dieux ?
- Sans doute la tâche d'un tengu classique, répondit la Princesse en fermant les yeux.Je n'ai malheureusement pas la chance d'être de ce rang. Vous devriez en profiter. Bien en profiter...

Kana considéra sa Princesse avec l'habituelle adoration de d'habitude. Elle se remémora ce qui faisait de cette femme une personne si différente. Le fait d'abord qu'elle soit née de deux personnes du même sexe – selon la légende, Sôjôbô-sama aurait effectivement enfanté Shanao-chan grâce à la magie pour lui permettre d'avoir un enfant déjà placé sous le signe de l'exceptionnel. Le fait que c'était d'ailleurs peut-être cette union particulière qui faisait préférer à Ukiyoe de se faire plaisir devant un couple d'homme plutôt qu'avec un ou une autre partenaire. Elle capturait régulièrement de jeunes hommes à son goût pour les faire s'accoupler devant ses yeux et en profiter, paraissait-il.
Enfin, le fait que depuis la mort de son père, la jeune femme était régulièrement possédée par d'étranges visions, qui lui ordonnaient de détruire, de tuer ou de faire disparaître. Les tengu avaient déjà de grands pouvoirs à la base. Mais la Princesse, de sang royal, s'avérait être plus puissante de jour en jour, et accomplir son objectif à la perfection. Elle était encore jeune, pour leur race. Il était évident qu'à ce stade-là, sa puissance ne cesserait de croître et que la minable statue qu'ils comptaient ériger en son hommage devrait se multiplier par centaines pour lui arriver à la cheville.


L'affection que portait Ukiyoe pour ce village que son père avait érigé était elle aussi évidente. Quand sa puissance monterait au paroxysme, les tengu seraient à tout jamais protégés de tout malheur et pourrait bien être les derniers sur Terra à posséder le bonheur.
Mais pour l'instant, la maire voyait bien l'expression éreintée de sa supérieure, et finit par se dire qu'un peu d'aide ne serait pas inutile.


- Veux-tu que j'envoie les villageois pour s'occuper de notre inconnu ? Tu pourras te reposer. Prendre ton temps.
- … Fais donc. »

Les deux femmes terminèrent ainsi leur thé en regardant les environs, et une petite tâche noire qui se dessinait dans les montagnes. Suivie bientôt par une dizaine, puis une centaines de corbeaux noirs, aux becs et aux pattes acérées.

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