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« le: vendredi 03 juillet 2020, 19:51:44 »
Le tonnerre gronde. L'orage n'est pas loin.
Pleuvait-il ce soir-là ? À vrai dire, la sang froid ne s'en souvenait pas. Cela faisait combien de temps que la jeune femme ne vivait plus ? Combien de temps que cet immonde connard lui avait injecté son venin mortel ? Calypso n'avait plus aucune notion du temps, à part celui du jour et de la nuit, celui de l'ombre et de la lumière. Cela pouvait faire des jours, des mois, même des années que la demoiselle au teint blafard avait rejoint Terra. Fuir son monde originel était une évidence. Elle ne voulait guère blesser ses proches, ou ne serait-ce que de pauvres humains. Il lui était déjà arrivé d'hésiter, que l'odeur de sang frais et pulsant dans la gorge d'un être humain lui donne l'envie irrepressible d'y planter ses nouveaux crocs. L'appel était puissant, mais pas assez pour qu'elle ne puisse résister, ne serait-ce qu'un peu. Jamais elle n'eut à goûter du sang humain. Pourtant, la peur avait pris possession de son corps, mais surtout de son esprit. Cette même peur qui l'avait poussée à fuir jusqu'en des contrées inconnues, tout un univers même, sans se retourner. Sans dire “au revoir”...
Les premières gouttes commencent à tomber. Le tonnerre gronde encore.
Ce souvenir...Cette sensation que la vie quittait son corps, son corps si frêle, devenant si froid, et cette brûlure de ce nouveau sang se propager dans ses veines. Elle se voyait désormais comme un monstre, et quand bien même, ce nouveau monde en était rempli, elle ne souhaitait blesser personne. Alors elle arpenta moult régions, foula diverses paysages, mais jamais elle ne prit la peine de se rendre dans les grandes villes. La tentation y était bien trop forte, et la frayeur l'empêchait de céder. L'idée de s'isoler pointa rapidement dans son esprit, et Calypso prit différents sentiers. Elle se perdit elle ne sait où, ne connaissant absolument rien. S'approcher de villageois ou tout autre créature pour demander son chemin ? Impossible. Il ne fallait prendre aucun risque. Rien. Pourtant...
La pluie s'est arrêtée. Le tonnerre est toujours là.
C'était à l'abri des regards, loin dans les contrées du Chaos, que la demoiselle Wymfire vagabondait le plus. Généralement, elle voyageait de nuit, son corps faible ne supportant guère les brûlures du soleil, et ses guenilles ne la couvraient plus vraiment. Elle avait entendu, ici et là, que les vampires étaient chose courante en ces terres, mais jamais elle n'eut le déplaisir d'en rencontrer un. C'était dans des grottes, abandonnées depuis longtemps par leurs anciens locataires, qu'elle prenait place, restant là durant quelques jours avant de s'en aller. Calypso n'avait aucune notion de survie. Lorsqu'elle était humaine, la jeune femme vivait dans une famille plutôt aisée. Elle n'arrivait qu'à se nourrir grâce à son instinct, ce nouveau sens qui lui permettait de sentir le sang frais, qu'importe sa provenance. De petites créatures passaient entre ses crocs, restant assez vive pour attraper mulots et campagnols, quelques oiseaux parfois, lapins et autres petits mammifères, mais rien de plus gros que ça.
La tempête est proche. Les éclairs marbrent le ciel sombre.
C'était la faim qui l'avait poussée à sortir ce soir-là. Dans ses haillons noirs, tâchés de boue et de sang séché, Calypso se faufila entre les fougères et les épineux de la forêt avoisinante. La première proie fut très vite, et sans attendre, elle prit place sur le sol, en tailleur. Plantant ses crocs dans sa petite victime, elle ferma les yeux, se délectant du nectar ferreux glissant dans le fond de sa gorge. Elle ne fit pas attention à ce qui l'entourait, et bientôt, c'est un quatuor de lances qui pointa vers elle. Des créatures aux plumes sur les bras et à la tête d'aigle. Le sang plein les lèvres, elle renvoya une image d'elle qui n'était pas très glorieuse, comme si elle était une enragée...Une meurtrière. L'accusation ne tarda pas. Toujours la cible de ces quatre lances, elle entendit les hommes-oiseaux hurler sa culpabilité. De ce qu'elle comprit dans leurs voix enragées, un cinquième était avec eux et ils l'ont découvert en lambeaux, lacéré de part en part, et ils n'avaient remonté que les traces de sang, qui les avaient menées à la jeune femme. Calypso ne comprenait pas, et elle savait que des explications ne changeraient rien à la donne. Alors, levant les bras pour se rendre, tout en se revelant, elle prit ses jambes à son cou et galopa à travers la forêt. Se rendre dans la grotte ? La bonne idée si elle voulait mourir. Esquivant les arbres et les lances qui filaient dans ses oreilles, la sang-froid ne voulait pas regarder derrière elle, ni même sous ses pieds. Elle devait fuir, pour ne pas mourir. Mourir ? Mais elle l'était déjà, au fond.
Le ciel brumeux craque et fait entendre sa voix.
Il pleuvait ce soir-là. Cela faisait combien de temps que la jeune femme courait pour fuir ces quatre créatures ? Combien de temps qu'elle n'avait pas mangé ? Calypso ne s'en souvenait plus. Du souffle, elle en manquait. À bout de forces, elle s'écroula, face en avant.
Le ciel se déchire. Un rideau d'eau tombe des cieux...Et s'abat sur le corps inerte de la pauvre demoiselle sans vie.