Les alentours de la ville / Re : Cocktails [Kiyuri Nobukuni]
« le: dimanche 07 juillet 2013, 21:47:38 »Heureusement, on semblait disposé à lui en donner plus. Ozalee jeta un regard plein d'appétit à la femme assise à côté de lui, ce qui contrastait avec son expression encore un peu sage. Ses yeux étaient peut-être ce qui trahissaient le plus son état, à l'exception notable d'une partie plus révélatrice encore de son corps. Une partie qu'à sa grande surprise, on vint agacer assez brusquement : les gestes que fit sa partenaire à la peau pâle en frottant le tissu ne lui prodiguèrent pas tant de plaisir que de frustration. La manière dont elle prodiguait ses caresses en appelaient tellement d'autres, et surtout, étaient rendues un peu douloureuses par la prison de toile qui séparait les épidermes. Il retint son souffle pendant toute la durée du traitement, affichant d'abord l'incrédulité, puis un sourire légèrement dépité. L'adolescent articula avec le même désespoir :
« Il est trop excitant. Je ne sais pas combien de temps je vais réussir à tenir les règles… »
Avec regret, il comprit qu'elle ne comptait cependant pas aller plus loin dans ses cajoleries, se désintéressant de la zone à la fois si sensible et si inhibée. Le doigt fin qui dériva au hasard sur son torse lui fut presque aussi électrisant : la chair de la dame paraissait étrangement blanche et froide sur son corps brun et brûlant, et au moins, cette fois, le contact était direct. Ce constat vola un instant la vedette à la danse toujours endiablée de la fille. Ozalee aurait voulu saisir de cette main dans les siennes, la guider jusqu'à sa bouche, passer sa langue entre chaque doigt, sur chaque phalange délicate, sentir sur son palet la dureté des ongles. Il lui sembla un instant que cette seule main aurait suffit à le combler tout entier. Il n'osa rien faire, peut-être parce qu'il était encore stupéfié, peut-être parce qu'il sentait qu'un tel comportement n'était pas autorisé par le jeu auquel il était soumis.
Celle qui n'avait alors jusqu'ici été que spectatrice se défit violemment d'une partie de ses habits et monta sur la scène. Le garçon, dont le cœur s'était emballé, dut étouffer son exclamation lorsqu'elle commença à s'agiter à son tour. L'observation des créatures voluptueuses l'occupa quelques instants. Il se plut à les détailler, à constater à quel point elles étaient différentes, et pourtant toutes deux si désirables que s'il n'y en avait eu qu'une, il aurait douté qu'une deuxième puisse l'égaler. La strip-teaseuse était plus opulente, plus expérimentée sans doute dans ses mouvements, toutefois, son physique était presque banal à côté de l'exotisme si singulier que dégageait sa partenaire.
Cette dernière était presque aussi tatouée que lui-même l'était, il ne le repéra qu'assez tard ; les motifs, plus évocateurs et moins géométriques que les siens, ajoutaient un cachet qu'il ne savait quantifier. Elle paraissait arriver droit d'un autre monde, ou plutôt d'une autre époque, très lointaine et très chevaleresque. Il se fichait de savoir quel raccourcis elle avait pris : elle avait fait tout ce chemin, et finalement, elle se tenait là, devant lui, à caresser pour leur plaisir partagé une jeune femme de ce siècle, et c'était tout ce qui importait. Je sens que tous mes fantasmes vont être réalisés… Mais si lentement ! Je voudrais un rythme plus rapide, avoir leurs corps nus tout de suite sur moi. Je les voudrais toutes les deux ensemble, je ne saurais pas laquelle choisir. Je peine à tenir, j'ai terriblement de mal à ne pas m'avancer pour les attraper.
Le degré d'excitation auquel il arrivait, sans doute, n'aurait jamais atteint de tels sommets au cours d'un spectacle d’effeuillage plus classique, et cette limite n'aurait pas été dépendant que de la grâce des participante. Il n'aurait jamais pu se mettre dans de telles conditions entouré de tout ces clients inconnus et vulgaires, du moins pas sans avoir consommé beaucoup plus d'alcool qu'il n'en avait pour le moment ingurgité. Même les lumières qui faisaient qu'on y voyait très peu distinctement et le son qui faisait qu'on s'y sentait seul au milieu de la foule n'auraient pas suffi à lever le voile de l’inhibition. C'était l'intimité de la situation, celle-là même qui lui avait paru être au départ gênante, qui lui donnait à présent le droit à la plus grande impudeur, dans tous les sens du terme.
Car il n'était même plus question d'érotisme, et encore moins de sensualité, dans ce qui se tramait maintenant à l'intérieur de son esprit extatique. Les dernières pensées esthétiques avaient été happées et canalisées par un tourbillon bien plus puissant, celui du désir irrépressible d'une sexualité plus palpable et beaucoup moins intellectuelle. Le garçon se prit à guetter chez les jeunes femmes les signes de libido les plus évidents : son regard passa sur les tétons dressés, sur les visages rouges. La danseuse qui était caressée semblait naturellement à un stade d'excitation plus avancé, et c'était d'autant plus visible qu'il y avait si peu d'étoffe pour cacher son corps tendu, ses seins qui durcissaient. Ainsi, Ozalee se sentit considérablement moins isolé dans son calvaire ; si personne d'autre n'avait éprouvé ses envies, alors peut-être se serait-il trouvé anormal et un peu honteux. Mais si les filles avaient en commun avec lui des aspirations licencieuses, alors il n'y avait plus aucun remord à entretenir. Il pouvait accepter pleinement son envie.
« C'est une torture… Je voudrais vous avoir plus proches, et vous toucher, en voir plus » souffla-t-il, très affecté. « … mais je sais comment faire. »
Elles le désirent autant que moi. Je ne fais que les délivrer en faisant ça. Elles aussi sont prisonnières de leur propre jeu. Je n'ai pas à avoir peur, ça leur fera autant de bien à moi qu'à elles. C'était un peu lui qui prenait le relais et assurait une minute le spectacle : le garçon se leva presque aussitôt avoir parlé. Se tenant très droit, il porta ses mains à sa ceinture, attrapant la tête de cerf qui la tenait et la détachant. Il n'y avait pas de chorégraphie, que des mouvements très utiles, cependant, il y mettait une once de théâtralité qui compensait son stress. Son pantalon, qui était encore très serré, ne tomba pas à ses pieds avant qu'il ne lui ait fait passer sa taille devenue légèrement plus large. Il ne lui restait alors qu'un boxer violet, qui avait foncé en certains endroits : à cause de la sueur souvent, il y avait aussi une tâche à l'avant qui n'avait rien à voir avec la sudation. Le tissu mauve était maintenu soulevé par l'érection si longtemps contrainte, de telle façon que l'élastique commençait même à se détendre.
Les défaillances du dernier vêtement ne furent bientôt plus un problème, celui-ci allant bien vite rejoindre au sol le bas du costume. Ozalee sentit comme un courant d'air froid, conséquence de sa nudité, qui le fit une seconde frisonner alors qu'il avait eu jusque là très chaud. L'adolescent resta debout, assez raide, sa virilité plus brune que le reste de son corps dressée devant lui. Les amérindiens étaient connus pour être presque entièrement glabres, plus encore que les asiatiques, et cette absence totale de pilosité ne faisait que rendre son sexe plus ostensible et plus fier. Il ne consentit à aucun mouvement supplémentaire. Il se força à ne pas céder au désir qu'il avait de se saisir de sa propre masculinité pour endiguer son excitation, et la laissa libre, légèrement remuante, au rythme du sang qui y pulsait puissamment.