Le Grand Jeu
Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Les alentours de la ville => Discussion démarrée par: Miya Diablo le dimanche 18 avril 2010, 23:45:27
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Le cours de théologie grecque avait été des plus intéressant. Miya avait vraiment apprécié, et tenté de ne pas trop être exaspérée ou intervenir pour faire sortir toute la colère qu'elle avait pour les divinités de son temps. C'est donc tout naturellement qu'elle proposa à Marine de la rejoindre au bar où elle travaillait, pour manger un morceau et continuer toute cette conversation.
C'était un lundi, plutôt calme contrairement aux autres jours de la semaines. Pablo, le tenancier et patron de Miya, fronça les sourcils en la voyant entrer dans l'établissement. Elle secoua la tête et vint s'accouder au comptoir après avoir dit à Marine de l'attendre à une table.
- C'est bon, Pablo. Je viens manger avec quelqu'un. Deux plats du jour et une carafe d'eau, s'il te plaît.
- Que je retiendrai sur ta paye, je suppose...
- Ou que tu déduis des heures sup que tu me dois.
Et pour la première fois depuis longtemps, Miya eut sur le visage une expression sincèrement amusée, quand elle tira légèrement la langue à son patron. La demi déesse regagna la table et s'assit en face de Marine.
- J'ai vraiment beaucoup aimé votre cours... Même s'il y a des points qui méritaient d'être franchement plus approfondis. Par exemple, le fait que les divinités, quelle que soit la religion, ne sont que des imbéciles qui se fichent pas mal de leurs fidèles...
Une serveuse déposa deux assiettes fumantes devant elles, puis la carafe d'eau. Au menu : poulet et sa crème de champignons, avec un grand bol de riz. Miya sépara ses baguettes et sourit à Marine :
- Je travaille ici, alors le repas est pour moi.
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Marine était plutôt satisfaite du premier cours d’histoire qu’elle venait de donner. Les élèves avaient été attentifs et semblaient plutôt intéressés. Une de ses élèves notamment qui, d’ailleurs, ne faisait pas partie du lycée, elle était une auditrice libre. La jeune femme avait pas mal réagit durant son cours mais ses réflexions étaient des plus pertinentes.
Cette dernière était venue la trouver à la fin du cours pour discuter plus longuement et l’avait invitée à déjeuner. Une chose pas courante pour Marine. La plupart du temps, les gens gardaient leur distance avec elle. Son attitude froide, pour ne pas dire glaciale, décourageait les plus téméraires. Les rares fois où la jeune femme perdait son air froid était lorsqu’elle se passionnait pour un thème particulier. Elle avait accepté l’invitation juste pour le plaisir de discuter histoire avec quelqu’un.
Elles marchèrent jusqu’à un petit établissement où travaillait Miya. L’endroit était assez accueillant et, chose appréciable pour la jeune femme, il y avait assez peu de monde. Une chance ! Marine détestait la foule.
A l’invitation de Miya, elle alla s’installer à une petite table dans le fond. L’autre jeune femme se rendit au comptoir, sans doute pour saluer son patron et passer commande pour elles deux. Puis, elle vint s’asseoir face à la jeune professeur.
« J'ai vraiment beaucoup aimé votre cours... Même s'il y a des points qui méritaient d'être franchement plus approfondis. Par exemple, le fait que les divinités, quelle que soit la religion, ne sont que des imbéciles qui se fichent pas mal de leurs fidèles... – une serveuse déposa deux assiettes fumantes devant elles - Je travaille ici, alors le repas est pour moi »
Marine hocha la tête en signe d’accord et contempla son plat. Cela avait l’air délicieux.
« Je suis d’accord avec vous, certains points devraient être approfondis. Cependant, je dois tenir compte du public auquel je m’adresse. Vos semblez avoir de vastes connaissances sur le sujet mais ce n’est pas le cas de tous les élèves. Je dois rester abordable pour eux. De plus, mon cours n’est qu’une découverte pas un cours spécifique sur la question. Il y a l’université pour ça »
Marina avala une bouchée avant de reprendre sur les propos de sa compagne de repas.
« En ce qui concerne la religion, je dois avouer ne pas y croire. Je considère le ou les dieux comme des inventions humaines. Les êtres humains les ont créés pour palier à leur peur ou leurs angoisses. Du moins, c’est mon point de vue qui, bien sur, n’engage que moi »
La jeune femme sourit avant de se remettre à manger.
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Miya attendit de finir la bouchée de riz qu'elle venait d'enfourner avant de répondre à Marine, en agitant un peu ses baguettes vers elle. C'était gênant, d'un certain côté : toutes les réflexions qu'elle avait pu faire pendant ce cours ne prenaient pour base que le panthéon de Divinités de son monde... Et hélas pour la population, ces Dieux là étaient bien présents.
- Vous vous trompez. Je n'ai aucun connaissance des panthéons dont vous avez parlé. Je me suis juste un peu renseignée sur *elle réfléchit quelques secondes* les différentes religions du monde.
Miya mangea un morceau de poulet avant de reprendre.
- J'y ai lu des choses fascinantes, même quand on ne veut pas y croire. Certains vénèrent un Dieu unique qui aurait tout créé, d'autres des héros qui ont été mortels mais qui se sont tant illustrés par leur courage et leur bravoure qu'ils sont devenus immortels...
Elle eut un sourire, et mangea encore un peu.
- Mais il y a quelque chose d'assez récurrent : il semblerait que certaines Divinités sont plus puissantes selon le nombre de leurs croyants. Je ne sais plus où j'ai lu ça... Si on oublie que vous ne croyez pas en ces immortels, vous croyez que ce serait possible ? Le pouvoir de la foi de certains qui frisent le fanatisme est assez terrifiant, il faut avouer !
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Marine poursuivait son déjeuner tout en écoutant les propos de Miya. Décidément, la jeune femme avait un raisonnement très intéressant.
« Je ne sais pas si on peut dire que les divinités sont plus puissantes au vu du nombre de leur fidèle mais leur religion prend, elle, une grande importance au niveau mondial, c’est certain. Le pouvoir de la foi ne frise pas le fanatisme. Je serais plus tranchée dans mes propos. La foi peut conduire au fanatisme mais cela n’est pas forcément en lien avec l’importance de la religion ou de la croyance. Une religion peut-être minoritaire mais ses membres peuvent être fanatiques ou, au moins, déterminés. On peut prendre l’exemple de la religion chrétienne qui n’était considérée que comme une secte pendant longtemps. Or, malgré son faible nombre de croyants, ces derniers n’hésitaient pas à mourir pour leur foi. Cela peut-être perçue comme du fanatisme »
La jeune femme poursuivit son repas avant de reprendre.
« Je suis surprise que vous connaissiez autant de choses sur le sujet des religions. C’est un domaine que vous affectionnez ? »
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Miya roula des yeux quand Marine dit "mourir pour sa foi". Dans sa tête, des voix se firent entendre, piaillant que c'est ce qu'elle aurait du faire et depuis longtemps, pour le bien du dieu gitan ! La demi déesse lâcha un long soupir et de la main, fit comme si elle chassait des mouches qui volaient près d'elle ; les voix se turent. Miya avait fini sa viande, et prit son bol de riz dans une main, et se cala dans le fond de son siège :
- Aussi étonnant que cela puisse paraître, je déteste les religions, le pouvoir qu'elles ont sur les gens. Au contraire de vous, j'ai... Comment dire... La certitude qu'il existe des divinités. Je me suis simplement renseignée sur elles.
Elle espérait que Marine ne la prendrait pas pour une espèce de folle. Le bar s'était vidé entre temps, et on leur servit un café. Il fallait continuer la conversation sans se trahir. Ce n'était pas gagné, vu comme sa langue risquait de fourcher à n'importe quel moment.
- Je n'ai pas les études, et en réalité, je n'en ai jamais fait. Je trouve pourtant que d'une certaine manière, la théologie est un sujet intéressant. Il est curieux de voir comment différents peuples perçoivent ce qu'ils ne peuvent expliquer par l'intervention de forces supérieures.
Les yeux de Miya brillent ; elle n'admettra jamais qu'elle a lu des tas d'histoires passionnantes durant ses recherches. Et puis, elle n'a jamais trouvé la moindre trace d'un certain crétin gitan... Cris d'indignation dans son esprit.
- Je peux vous poser la question très indiscrète de ce qui vous fait douter de l'existence de ces divinités ? Je ne parle pas d'un Dieu sur un nuage entouré de piafs avec des trompettes, ou encore d'immortels sur une montagne pleine de temples où ils font un peu ce qu'ils veulent - et surtout n'importe quoi... Prenons plutôt des divinités un peu plus crédibles, comme les quatre Cavaliers de l'Apocalypse... Ou encore Amaterasu, la Divinité du Soleil... Ce genre de divinité bien présentes dans notre vie de tous les jours. Ne croyez vous pas qu'il existe des êtres réellement exceptionnels ?
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Marine fut quelque peu étonnée par la question de la jeune femme. Elle n’avait jamais crues en des divinités car rien dans ce qu’elle avait pu vivre ne pouvait en témoigner.
« Pardonnez moi d’être aussi terre-à-terre mais je vais dire que je suis comme St Thomas. Je ne crois que ce que je vois. Malheureusement rien dans ma vie passée ne m’a donné l’impression qu’une divinité quelconque puisse exister »
Le regard de la jeune femme se perdit alors dans le vide et s’emplit de tristesse. Les temps de malheurs qu’elle avait vécus lui revenaient en mémoire. Elle cligna des yeux et revint à la discussion.
« Ne vous méprenez pas même si je ne suis pas croyante, j’admire les croyants dans la mesure où cela ne tourne pas au fanatisme. Ils ont une ferveur bien particulière et incroyable »
Marine avala quelques gorgées du café qui venait de leur être apporté.
« Les personnes exceptionnelles existent mais je pense qu’il s’agit de gens ordinaires qui, par leurs actions ou/et leurs pensées, font des choses exceptionnelles mais pour moi cela n’est pas lié à une divinité. Navré si je vous choque, mademoiselle »
Marine acheva lors sa tasse. Décidément cette jeune femme avait des avis forts intéressants. La jeune femme soupira, si tous ses élèves pouvaient être pareils.
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Miya eut un léger rire :
- J'ignore qui est St Thomas, mais comme vous, je ne crois que ce que j'ai vu.
Elle se souvint du moindre détail de sa rencontre avec Thanatos, son parfum enivrant au goût défendu... Miya sent pourtant que ce n'est pas le genre de rencontre à narrer à une mortelle : elle n'avait pas pensé un instant à avoir peur de lui, mais sans doute que la mort était un sujet tabou pour des gens aussi peu démonstratifs que les japonais. La demi déesse fait signe à une de ses collègues d'approcher, et demande à Marine :
- Vous voulez un autre café ? Si vous voulez qu'on discute tranquillement, on peut monter dans ma chambre avec une carafe de café ? Je suis sûre que je pourrai vous faire changer d'avis sur la question.
Et pour la première fois depuis trop longtemps, Miya est vraiment détendue, et son sourire sincère.
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Marine fut surprise qu’une personne aussi cultivée ne connaisse pas St Thomas mais bon, on ne connait pas tout non plus et elle était bien loin, elle-même, d’avoir la science infuse.
« Vous voulez un autre café ? Si vous voulez qu'on discute tranquillement, on peut monter dans ma chambre avec une carafe de café ? Je suis sûre que je pourrai vous faire changer d'avis sur la question »
Marine était ravie de la proposition de Miya. Cela lui était rarement donné de pouvoir ainsi discuter et débattre avec quelqu’un.
« Oui, avec plaisir. Mais vous présagez de vos forces, je ne change que peu souvent d’avis mais… qui ne tente rien n’a rien. Je suis assez curieuse de savoir quels arguments vous allez pouvoir avancer pour tenter de changer mon avis ! »
La jeune femme se leva et suivit Miya.
[HRP : désolé un peu court ^^']
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(Aucun soucis pour la longueur, ça me dérange pas ;) )
La chambre de Miya était à l'étage, sous le toit, au bout d'un couloir. Sur la gauche, quand on entrait, une armoire et une commode débordant de vêtements à peine rangés se faisaient face ; sur la commode, plusieurs boites regorgeaient de bijoux qu'elle ne mettait plus que trop rarement. Le lit était le long de la petite fenêtre, un canapé couvert de tissus divers le touchait perpendiculairement ; une porte, à côté de celles qu'elles franchissaient, donnaient sur une petite salle de bain - un luxe que la chanteuse vedette qu'elle avait été avait gagné à la seule force de sa voix.
Le long du lit, près de la fenêtre, il y avait un rebord où s'exposaient une collection de dagues et autres poignards... Miya sembla constater pour la première fois qu'elle arrivait bientôt à une quarantaine de lames - certaines étaient honteusement dans un panier en osier, en vrac, en attendant qu'elle trouve la place de les exposer ; d'autres étaient constamment sur elle. Elle indiqua le canapé à Marine et s'assit par terre en face d'elle, après avoir posé la carafe entre elles deux (et poussé la bouteille de Whisky sous son lit).
- Ce n'est pas d'un grand luxe, mais au moins, j'avoue que c'est un toit convenable. Vous êtes confortablement installée ? Très bien.
Miya sourit. Elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à Marine, et parler de but en blanc de son immortalité... Surtout qu'elle n'avait trouvé aucune trace des divinités qu'elle connaissait malgré toutes ses recherches...
- Dites-moi tout, Marine : comment puis-je vous faire changer d'avis ?
La demi-déesse avait bien une idée : cette femme avait parlé de gens communs ordinaires... Comment réagirait-elle si Miya se coupait "accidentellement" et que la plaie se refermait presque aussitôt ?
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Marine emboîta le pas à la jeune femme et monta les escaliers à sa suite. Elle entra dans la petite chambre après Miya. La jeune femme jeta un coup d’œil circulaire à l’endroit. Il était beaucoup mieux que beaucoup d’endroit où elle avait vécu. Elle se rappela les chambres d’hôtels où les cafards couraient joyeusement dans tous les sens. Cette chambre était même mieux que son appartement, elle était vivante. Même le pseudo désordre ne renforçait que cette impression de vie terrible qui manquait tant à la jeune professeur.
Sur l’invitation de l’immortelle, elle s’assit sur le canapé. Marine aperçut les vêtements débordants de l’armoire et les nombreux bijoux. Autant de choses dont elle n’avait jamais vraiment vu l’utilité mais Miya était très belle. Elle méritait bien de mettre en valeur son corps et sa personne.
Marine lui sourit alors qu’elle s’installait devant elle, par terre. L’ancienne combattante en fut un peu gênée. Elle n’aimait pas se trouver au-dessus des autres de quelques manières que se soit.
« Ce n'est pas d'un grand luxe, mais au moins, j'avoue que c'est un toit convenable. Vous êtes confortablement installée ? – Marine hocha la tête - Très bien. Dites-moi tout, Marine : comment puis-je vous faire changer d'avis ? »
La jeune femme resta interloquée devant une telle question. Elle rit, un rire des plus spontanés, assez rare chez elle.
« Je ne suis pas certaine que cela soit possible. Bien sûr, je ne dis pas que cela est impossible mais la probabilité de me faire changer d’avis est faible. Je considère que les dieux font partis des croyances populaires. N’étant pas croyante, je me passe de la croyance en des dieux chimériques qui, à mon sens, s’ils existent, sont de véritables sadiques – elle rit à nouveau – Mes propos sont certes extrêmes mais je trouve que les humains vivent plus de choses terribles que de bonnes choses »
Bien sûr, la jeune femme était bien loin d’être impartiale. Elle se basait sur sa propre expérience et sur sa vision pessimiste du monde.
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Miya but tranquillement une gorgée de son café, sans quitter Marine des yeux. Elle ne la connaissait que depuis le matin, et pourtant, un étrange sentiment étreignait son cœur - le même que ce soir-là - et la conversation qu'elles avaient se prêtait bizarrement à renforcer son sentiment envers l'ancienne combattante.
Miya savait qu'elle pouvait lui faire confiance.
C'était troublant. La première fois, ça avait plutôt bien marché, en tout cas, et elle n'avait rien regretté par la suite. La demi déesse eut un petit sourire, légèrement mélancolique : elle n'irait jamais aussi loin avec Marine qu'elle l'avait été avec lui. Miya entoure sa tasse de ses deux mains, comme si elle avait soudain froid.
- La plupart des croyances de ce monde sont basées sur le fait qu'un, ou plusieurs Dieux, ont créé les humains. Et leurs "dévoués serviteurs" ne voient pas en eux des sadiques. J'ai parlé à un étudiant en religions l'autre jour - et oui, il semblerait que ça existe ! (Miya eut un léger rire) et il me disait que Dieu, celui en lequel il croit en tout cas, a créé l'Homme avec le libre arbitre. Et qu'il n'a pas à intervenir, même pour les pires atrocités. Je pense que ce Dieu là devrait se manifester un peu des fois pour remettre son troupeau sur le droit chemin.
Elle se demande si Marine a relevé quand elle a dit : "croyances de ce monde". Elle porte la tasse à ses lèvre, baisse les yeux sur ce nectar corsé :
- Je ne sais pas quels divinités existent ici... (Miya souffle dans sa tasse) Vous ne m'avez pas l'air japonaise... Ca vous choquerait de savoir que j'ai rencontré la personnification de la Mort ?
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Marine prit sa tasse et souffla sur le liquide brulant tout en écoutant les propos de Miya. Remettre son troupeau sur le droit chemin, c’était un euphémisme ! Puis les paroles de la jeune femme la surprirent.
« Je ne sais pas quels divinités existent ici... Vous ne m'avez pas l'air japonaise... Ca vous choquerait de savoir que j'ai rencontré la personnification de la Mort ? »
Ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait remarquer qu’elle n’était pas japonaise et c’était probablement vrai d’ailleurs.
« Je… je ne sais pas d’où je viens – la nostalgie et une certaine tristesse se sentait dans sa voix – En réalité, je ne sais même pas qui je suis »
C’était étrange comme situation. La jeune femme en face d’elle semblait être inscrite dans le siècle et pourtant Marine avait une sensation étrange comme si elle était au-delà de tout ça. Les robes et les bijoux cadraient mal avec les connaissances de l’auditrice libre de son cours tout comme ses propos.
« La personnification de la mort ? Et bien, je dois avouer avoir côtoyé la mort un certain nombre de fois. D’ailleurs je crois qu’on est très amies toutes les deux mais je ne crois pas que vous parliez de ce genre de chose, n’est-ce pas ? »
Marine sentait qu’il y avait quelque chose d’étrange chez cette fille. Elle ne la craignait pas, elle était curieuse au contraire de savoir ce qu’elle allait pouvoir dire sur cette « personnification ».
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Miya pensa d'abord : "la chance !" Se sentir vraiment en danger de mort, sentir sa vie partir... Combien de fois a-t-elle souhaité mourir ? Elle jeta un bref coup d'oeil au calendrier, à son mur : il suffisait de compter le nombre de croix pour avoir un vague début de réponse... Pourtant, cette pensée se transforma en tristesse : Marine ignorait qui elle était... Ca devait être terrible de ne pas savoir qui on était. Alors, la demi déesse rebondit sur sa petite note d'humour :
- "Copines" ? Ah non, c'était un for bel homme, je vous assure !
Mais elle avait compris ce que Marine avait voulu dire. Aussi elle soupira en tournant à nouveau les yeux vers le calendrier :
- Mais vous avez bien de la chance.
Miya haussa les épaules, laissa quelques secondes de silence avant de river son regard bleu dans celui de Marine :
- Vous êtes étrange, Marine. Je sens que je peux vous faire confiance. Ce genre de pressentiment m'a rarement fait défaut. Laissez-moi vous parler d'un monde...
Et Miya parle du monde d'où elle vient : des gigantesques Golms et Dragons qui se battent, de la population qui doit se terrer sous des dômes, et qui ne peuvent sortir qu'à leur propre péril. Ces divinités immortelles qui se fichent pas mal de ceux qui sont plus petits, si mortels, et sur qui ils devraient veiller plutôt que de se battre. Elle reste étrangement neutre, comme si elle racontait quelque chose qu'elle a lu, et non pas qu'elle a vécu. Tout semble si loin (et ça l'est évidemment !) et irréel. Leurs yeux se quittent quand Miya baisse la tête et porte la tasse à ses lèvres. Elle murmure :
- Harumiya n'était qu'un sale petit péteux arrogant, qui a cru qu'il pouvait se permettre de ne pas choisir son camp. D'un autre côté, sans sa bêtise, je ne serai pas là en ce moment.
Sans même s'en rendre tout à fait compte, elle enchaîne sur la divinité gitane, et elle avoue à demi mot son immortalité, sans même s'en rendre compte dans un premier temps. Elle finit sa tasse de café et s'en sert un autre. Quand elle relève la tête, elle sourit, mais son regard est mélancolique.
- Voyez ? Les Dieux existent. Vous en avez un morceau devant vous ;) !
(HJ : je te laisse te référer à ma fiche, au besoin, ou sinon, si tu as besoin de précisions, tu envoies un mp ;) !
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Marine nota la note d’humour de la jeune femme aux yeux bleus. Elle sourit en avalant une autre gorgée de café.
« Un bel homme ? Vous êtes chanceuse ! »
La combattante fut un peu surprise par les paroles suivantes mais fut touchée par le fait que Miya sente qu’elle pouvait lui faire confiance. Elle se dit, sans savoir pourquoi la jeune femme lui avait dit ça, qu’elle en serait digne. Elle n’accordait aussi que très rarement sa confiance. Le nombre de fois où elle l’avait fait se comptait sur les doigts d’une main.
L’ancienne acrobate partit alors à raconter sa vie passée. Marine resta alors figée par les dires de la belle demoiselle. Que lui racontait-elle donc cette fille ? Un monde autre que celui-ci ? Des divinités se battant entre elles ? Des dieux dont-elle n’avait jamais entendu parler ? Et elle, cette jeune femme, qui en serait une ou au moins une partie d’une ?
Autant de questions qui se bousculaient dans sa tête. Une autre lui aurait raconté ça, elle l’aurait pris pour une folle mais curieusement Miya paraissait sincère et surtout elle avait un « je ne sais quoi » qui la rendait crédible aux yeux de la jeune femme rousse.
Elle avala une nouvelle gorgée du breuvage maintenant tiède. Puis, pour toujours se donner une contenance, elle finit carrément sa tasse. Elle réfléchit aux paroles qu’elle allait prononcer. Elle sentait qu’elle devait faire attention.
« Eh bien ! Quand je disais qu’il y avait très peu de chance que je change d’avis. Là, je dois bien avouer ne pas avoir le choix. Vous faites voler en éclat toutes mes idées reçues ! »
Elle respira un grand coup avant d’enchaîner, plus sérieuse et plus posée.
« Je… je ne sais pas très bien pourquoi ou comment mais je vois crois. Ça parait incroyable et complètement fou mais… je vous crois et… je vous plains. L’immortalité doit être un vrai supplice, un fardeau bien lourd à porter. Ma vie est détestable mais elle prendra fin un jour, tôt ou tard. L’enfer m’attend mais l’humanité est peut-être bien pire – Marine posa sa tasse au sol – Mais si je vous plains, je vous admire beaucoup aussi. Malgré tout ça, vous avez réussi à vivre, à exister, à vous intégrer à la société c’est une chose que j’ai beaucoup de mal à faire. Moi, je me sens étrangère dans un monde incompréhensible pour moi »
Elle ne savait pas trop ce que la jeune femme allait lui dire mais elle se sentait très honorer que Miya ait pu lui faire confiance à ce point et en aussi peu de temps. Elle était bien incapable d’en faire autant. Elle lui sourit tristement.
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Miya était surprise par la réaction de Marine. Avant, soit on se jetait à ses pieds, soit on l'évitait... Ce qui lui avait très bien convenu, même si elle avait toujours craché sur cette immortalité, et surtout, sur la divinité à cause de qui elle l'avait... Et la rouquine avait eu la même réaction qu'un certain inspecteur : de la compassion - Miya refusait d'y voir de la pitié. Elle eut un pauvre sourire avant de baisser les yeux, et haussa les épaules.
- Oui, l'immortalité est un supplice. Il existe des sorts qui peuvent entraver cet arrêt du vieillissement, mais seul mon frère jumeau les connaissait. Et il y a une faille dans mon immortalité, une seule manière de mourir. (Elle eut une grimace légèrement comique.) Je suis obligée de me la faire oublier à moi-même pour ne pas me fiche en l'air, en ce moment. Je ne me suis pas intégrée à cette société, en fait, je ne connais que ce bar et... un appartement, en ville. Je n'ai jamais pris le temps, et l'envie ne s'est jamais manifestée, d'aller ailleurs. Ce monde me fait peur... Comme vous, je ne comprends pas ce monde.
C'était sans doute parce qu'il y avait ici une forme de liberté qu'elle n'avait jamais connu dans son monde, une sorte de vertige vertical, à présent qu'elle vivait sans dôme au-dessus de la tête. Miya n'aimait pas la Terre, en fait, elle lui faisait presque regretter sa terre natale - qui était détruite, certes... Elle leva la tête vers Marine après leur avoir resservi une tasse de café chaud, et prit sa tasse par l'anse.
- Vous avez vraiment tout oublié ? Je ne vous envie pas... Je connais un sort d'oubli, mais je me raccroche à mes souvenirs - je n'ai plus que ça, en fait, pour essayer de trouver une raison de vivre... Je vous ai tout dit, ou presque, de moi. A votre tour, si vous voulez bien me faire confiance. Je pourrai peut-être vous aider...
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Marine comprenait bien, ou au moins essayait de comprendre, le dilemme de la jeune femme. Si on pouvait parler de dilemme. La mort, elle l’attendait mais aussi elle la redoutait, comme tout le monde. La combattante n’y faisait d’ailleurs pas exception même si elle l’avait côtoyée souvent, la mort l’effrayait quand même.
Elle ne savait pas si les propos de l’immortelle devait la rassurer ou non. Elle ne semblait pas non plus s’habituer à ce monde or elle y vivait depuis… très, très longtemps. Alors Marine se disait qu’elle n’avait probablement aucune chance d’y arriver. En tout cas, c’était mal engagé pour elle.
Marine attrapa la tasse de café que Miya venait de remplir et a remercia d’un sourire.
« Vous avez vraiment tout oublié ? Je ne vous envie pas... Je connais un sort d'oubli, mais je me raccroche à mes souvenirs - je n'ai plus que ça, en fait, pour essayer de trouver une raison de vivre... Je vous ai tout dit, ou presque, de moi. A votre tour, si vous voulez bien me faire confiance. Je pourrai peut-être vous aider... »
La jeune femme ne savait trop quoi répondre mais étant donné que l’immortelle avait été honnête, elle se devait d’en faire autant.
« Euh… et bien, je ne sais pas trop quoi dire. Je ne me rappel presque rien de ma petite enfance. Je me souviens juste que des hommes sont venus me chercher un soir chez moi. J’avais 5 ans. Et ils m’ont emmené dans un… camp. J’appel ça comme ça, je ne vois pas trop comment l’appeler sinon – elle secoua la tête et revint à la narration de sa vie – J’y ai passé toute ma vie. On m’y a entraîné au combat pendant 10 ans et ensuite on m’a envoyé en mission un peu partout. Il y a quelques mois, il y a eu un clash entre moi et mes supérieurs et je suis partie… enfin, je me suis enfuie serait plus juste. Depuis, j’essaie de… vivre »
Marine avala une gorgée de café. Elle avait raconté ça comme si elle racontait l’histoire de quelqu’un d’autre. Elle raconta son histoire dans les grandes lignes et passa sous silence, les coups et les cicatrices qu’elle portait et qui était le résultat de son « entrainement ». inutile de tomber dans le misérabilisme.
« Voilà, en fait j’ai pas grand-chose à raconter en fait »
Elle tenta de sourire à Miya comme pour dédramatiser la situation.
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Il n'y avait peut-être pas grand chose à dire, mais c'était intéressant. Miya avait remarqué que les gens de ce monde ne savaient pas se battre - loyalement, elle entendait. Savoir que Marine était une combattante, avant d'être professeur, était intéressant. Si jamais elles devaient se revoir, peut-être pourraient-elles même s'offrir un combat, sans restrictions de force. Mais ce n'était pas le moment d'y penser. La demi déesse eut un léger sourire pour accompagner celui de Marine.
- Et bien, il semblerait qu'à sa façon, la vie n'a pas été tendre avec aucune de nous deux. Surtout quand on cherche à vivre dans un monde où rare sont ceux qui ont l'air d'avoir le moindre instinct de survie.
Miya but sa tasse de café, malgré tout contente de voir que Marine lui avait fait suffisamment confiance pour lui raconter ce morceau de passé. Elle regarda vers la fenêtre et vit un morceau de ciel - observait-il le ciel qu'elle ? Et elle se surprit à murmurer :
- J'ai eu la chance de trouver pourtant une raison de vivre, dans ce monde. Même si cette terre m'est inconnue, même si ça ne fait que deux ans que je suis ici... J'ai malgré tout envie de donner une chance aux gens, et à cette société que je ne comprends pas.
Ce qu'elle ne disait pas, c'est qu'elle avait surtout l'espoir de comprendre suffisamment ce monde dans le seul espoir fou de retrouver Ryuga. Un grosse boule se forma dans sa gorge, et Miya toussa doucement et but son café d'une traite, et se retourna vers Marine :
- Et si on essayait ensemble ? Être deux étrangères, c'est toujours mieux que d'être seules, chacune de son côté.
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Marine regarda la demi-déesse jeter un coup d’œil vers la fenêtre. Elle semblait bien nostalgique tout à coup. Marine craint un instant avoir dit quelque chose qu’elle n’aurait pas du. Plus que de la nostalgie, la jeune femme sembla y voir de la peine et de la tristesse. Ce qui fut confirmé par le toussotement de la belle jeune femme. Elle se donna une contenance en buvant son café avant de reporter son attention vers la jeune femme rousse.
« Et si on essayait ensemble ? Être deux étrangères, c'est toujours mieux que d'être seules, chacune de son côté »
Marine fit des yeux ronds. Elle ne s’attendait pas une telle proposition. Elle ne voyait pas très bien ce que voulais dire Miya néanmoins elle lui sourit.
« Si vous me demandez de devenir votre amie, j’en serais très honorée »
Le sourire qu’elle affichait confirmait ses dires. L’immortelle n’avait pas tort. Deux personnes qui avaient autant de mal avec leur environnement seraient plus fortes à deux même si Marine avait un peu de mal à comprendre comment. Marine but encore un peu de son café.
« Vous… vous avez parlé d’une raison de vivre, de quelque chose qui vous retenait à cette terre. Qu’est-ce que c’est ? – soudain elle se rendit compte que c’était une question bien délicate – Euh… excusez moi si je vous pose une telle question. Mais j’aimerai savoir ce que c’est. Je n’ai pas vraiment de choses qui me retiennent à ce monde. En fait, je n’ai rien du tout. Aussi, si vous vous avez trouvé quelque chose ça peut me donner un espoir de trouver quelque chose moi aussi »
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Une amie... Un mot qui sonnait si doux à l'oreille de Miya. Elle avait des collègues de travail, mais qui n'étaient rien de plus. Avec Marine, ce serait différent, c'était évident. Alors elle lui sourit : au moins, Miya n'était plus seule, et ça allégea légèrement la peine qui étreignait son coeur... Jhun lui avait souvent reproché son besoin obsessionnel d'affection et d'amour - généralement quand il ramenait une charmante jeune femme dans la roulotte...
Aussi, quand Marine revint sur le sujet de sa raison de vivre, les épaules de la demi déesse s'affaissèrent à nouveau. C'était très personnel, et très indiscret de la part de Marine, malgré leur nouvelle amitié toute fraiche. Mais elle ne s'en offusqua pas une seconde... Il fallait croire que Ryuga avait disparu en embarquant son mauvais caractère. Ses yeux s'embrumèrent et se baissèrent sur la bague qui ornait son annulaire gauche. Une bague sans aucune signification particulière, pas de fiançailles ni de demande en mariage à la clef. Ce n'était rien de plus qu'un "objet pratique" pour penser à l'autre, quand les journées où ils travaillaient chacun de leur côté semblaient être une éternité... A présent, c'était le bijou le plus précieux que possédait Miya, celui qu'elle ne quittait jamais, et qu'elle ne quitterait plus jamais.
- C'est...
Elle n'arriva pas à parler davantage. Une grosse boule se formait dans sa gorge, et une larme roula sur sa joue avant de s'écraser sur sa main. Elle dut attendre quelques minutes, les yeux rivés sur l'anneau à son doigt, avant de pouvoir reprendre la parole.
- Vous allez me trouver ridicule... J'aime un homme. Éperdument. Un mortel, bien sûr. Ce n'est pas un problème, je pourrai le rendre immortel, ou invoquer le fantôme de mon frère pour lui demander les symboles à dessiner pour sceller mon immortalité et devenir mortelle... Mais cet homme...
Miya souffre. C'est la première fois qu'elle en parle à quelqu'un qui n'a rien vu de leur idylle, ces jours passés à se chercher, jusqu'au soir "fatal"... La plus belle soirée de sa vie.
- Je l'aime, et j'ignore où il est, comment il va, ou même s'il est encore en vie. Il a disparu il y a... (Elle a un rire et une légère grimace empreinte de douleur.) un an, sept mois, deux jours et quatre heures. Je vous épargne les 32 minutes.
Miya était assez folle pour compter les minutes, oui. Elle pensait qu'elle ne pourrait jamais souffrir autant que lorsqu'elle avait perdu son frère. Cette épreuve était pourtant bien plus terrible... Une nouvelle larme suivit le sillon laissé par la première.
- Alors oui, j'ai trouvé une raison de vivre... Mais qui me fait tant souffrir en cet instant que je souhaiterai en mourir.
-
Le cœur de Marine s’emplit de compassion pour la demi-déesse. Elle était désolée pour Miya. Presque instinctivement, elle descendit du canapé et se mit auprès de Miya comme pour vouloir la réconforter. Malheureusement c’était quelque chose dont elle n’avait pas l’habitude et elle se sentait très maladroite. D’un geste un peu tremblant, elle tapota un peu la main de l’immortelle. C’était peut-être idiot, elle savait bien qu’on ne réconfortait pas les gens ainsi mais elle espérait que cela aiderait un tout petit peu la jeune femme.
« Je suis sincèrement navrée que votre ami ait disparu mais je dois bien vous avouer que je vous envie cependant – elle esquissa un léger sourire – Moi, je n’ai jamais connu un tel sentiment. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un que je puisse aimer ou qui pourrait m’aimer de cette façon. Je ne vous offenserai pas en vous disant que je comprends car c’est faux, je ne peux pas comprendre votre peine, je ne peux que l’imaginer et cela est certainement à mille lieues de ce que vous ressentez – elle serra la main de Miya dans la sienne – Je ne sais pas si je peux vous être utile à quoi que se soit mais… s’il a disparu… à deux, il serait peut-être plus « facile » de le retrouver ? Qu’en pensez-vous ? »
-
La tentative maladroite de Marine pour réconforter la demi déesse était le geste le plus sincère d'affection depuis des mois. Miya ne comptait pas les fois où son patron lui tapotait l'épaule, désolé pour ce qu'elle vivait, ou les regards de ces gens qui avaient la prétention d'essayer de lui changer les idées suffisamment pour attirer ses faveurs. Ce simple geste de la part de Marine était certes malhabile, mais ô combien réconfortant ! Pour la première fois, Miya se sentait réellement soutenue. Etrangement, elle n'arriva même pas à en pleurer. Toute la tension accumulée n'évacua pourtant pas. A croire que Miya aimait se faire souffrir toute seule, finalement...
Les paroles de la combattante lui arrachèrent un maigre sourire. Elle l'envierait presque de n'avoir jamais aimé qui que ce soit... Pourtant, que ça ait été son frère ou Ryuga, elle se savait incapable de vivre sans leur souvenir - elle avait essayé, à maintes reprises, et le besoin d'attention et d'affection de Miya était presque maladif. Oublier ces deux hommes, c'était se retrouver avec un énorme vide dans son coeur.
- C'est très gentil de votre part. En fait... Je dois attendre après la police locale. Si jamais il devait revenir, s'il voulait me revoir, c'est ici qu'il viendrait. Je ne peux pas quitter ce bar, et dehors... Le monde est vaste. Il pourrait être n'importe où.
Miya releva la tête pour regarder Marine dans les yeux. L'espoir y brillait toujours quand on savait y regarder.
- Votre aide me serait très précieuse... Mais pourquoi feriez-vous cela ? On ne se connait que depuis quelques heures...
-
Miya sembla touché par le geste de la jeune femme même si c’était quelque chose qu’elle n’avait jamais fait et pour lequel elle se sentait très maladroite.
« C'est très gentil de votre part. En fait... Je dois attendre après la police locale. Si jamais il devait revenir, s'il voulait me revoir, c'est ici qu'il viendrait. Je ne peux pas quitter ce bar, et dehors... Le monde est vaste. Il pourrait être n'importe où »
Miya releva la tête et Marine put voir que, malgré la tristesse et la douleur, l’espoir était toujours là. Un espoir chimérique peut-être mais un espoir quand même. C’était quelque chose que la prof de philo connaissait peu. Elle le frôlait tout juste en espérant une vie autre mais sans vraiment y croire. Malgré tout, elle savait aussi que si l’espoir l’avait désertée, elle se serait tuée depuis un moment. Elle y songeait parfois mais mettait l’idée de côté. Elle entretenait l’espoir qu’il y avait un espoir de peut-être arriver à exister.
« Votre aide me serait très précieuse... Mais pourquoi feriez-vous cela ? On ne se connait que depuis quelques heures... »
La question était étrange. La plupart des gens considéraient qu’il fallait une raison quelconque pour faire quelque chose de bien comme si une action désintéressée ne pouvait exister, comme si le simple fait de faire plaisir ou de vouloir aider ne suffisait pas. C’était quelque chose que Marine avait du mal à comprendre.
« Je l’ignore. Peut-être est-ce pour m’absoudre des crimes que j’ai commis ou pour simplement aider quelqu’un à être heureux à nouveau ? Je ne sais pas mais je veux vraiment vous aider. Je suis sincère mais je ne sais pas trop par où commencer. Si vous pouvez me donner des indications, je pourrai le rechercher pour vous »
Ses paroles étaient criantes de sincérité tout comme son attitude. Elle ne voyait pas comment faire mais elle savait qu’elle ferait tout pour réunir ses deux êtres. Elle semblait tellement aimer cet homme. Marine souhaitait vraiment qu’ils puissent se retrouver et être heureux ensemble.
La combattante essayait de se mettre à la place de l’immortelle et elle sentait son cœur se serré. Malgré son passé guerrier, elle possédait une profonde empathie pour les autres. Si elle avait reçu une autre éducation, elle serait probablement devenue une fervente défenseuse des opprimés. Malheureusement, la vie ne se déroulait pas forcément comme elle devrait. Là, Marine avait une chance de pouvoir réparer une injustice et elle n’allait pas s’en priver.
-
Miya sourit, et haussa les épaules.
- Ce n'est pas juste. C'est vrai que si vous le retrouviez pour moi, je serai la plus heureuse des femmes... Mais vous, Marine ? Qui sera là pour votre bonheur ?
Pourtant, Miya se leva. Elle se dirigea vers le lit, souleva l'oreiller et regarda la phot qu'elle tenait, le regard oscillant entre l'amour et le désespoir... Et elle finit par la tendre à Marine. On y voyait un couple souriant dessus. Les photos qu'ils avaient faites étaient rares, et faisaient partie des trésors les plus précieux de la demi déesse. Quand la guerrière s'en saisit, Miya eut, elle, du mal à lâcher la photo, comme si elle n'allait jamais la revoir ; c'était ridicule, bien entendu. Elle défit la pression de ses doigts, et se rassit.
- Le voilà. C'est Ryuga.
Elle tousse un peu pour masquer son embarras, et chasser la boule qui se forme dans sa gorge. Comme avec son frère jumeau décédé, elle parle de son amant au présent, une façon comme une autre de se protéger du pire.
- Il est inspecteur de police. Il est spécialisé dans les affaires paranormales, il pourchasse toutes les choses qui n'ont pas l'air humaines mais qui semblent malgré tout nous hanter... C'était une journée comme une autre ; il a quitté son bureau en début d'après midi, et il... (Elle doit inspirer profondément, comme pour prendre son courage à deux mains.) Il n'est jamais rentré. On n'a trouvé de traces de lui nul part, personne ne sait où il était parti enquêter. Il s'est juste volatilisé.
Miya baisse la tête, et refuse de se laisser aller à pleurer à nouveau. La demi déesse essayer de carrer les épaules pour se donner une certaine contenance. Elle laisse Marine observer la photo, et finit par demander :
- J'adorerai que vous me disiez l'avoir déjà vu...
-
« Ce n'est pas juste. C'est vrai que si vous le retrouviez pour moi, je serai la plus heureuse des femmes... Mais vous, Marine ? Qui sera là pour votre bonheur ? »
Marine sourit devant la phrase de l’immortelle.
« Personne. Mais ça ne changera pas grand-chose pour moi que je vous aide ou non. Je serai toujours seule mais en vous aidant, j’aurai au moins le plaisir de vous voir heureuse et d’avoir l’impression d’avoir fait quelque chose de bien dans ma vie »
Miya se leva et alla jusqu’à son lit. La jeune femme rousse se demanda bien pourquoi, elle la vit alors extraire un rectangle de papier de sous son oreiller et de le regarder mi heureuse, mi désespérée. Elle tendit alors le rectangle de papier à la jeune femme toujours assise au sol et qui se rendit compte qu’il s’agissait d’une photo. Elle l’attrapa mais la semi déesse semblait avoir du mal à la lâcher comme si elle craignait de la perdre mais elle finit par l’abandonner.
« Le voilà. C'est Ryuga »
Marine regarda la photo qui montrait un couple se tenant par la taille. Elle sourit en regardant la photo. Le couple souriait aux anges. On pouvait voir dans leurs yeux et dans leurs attitudes combien ils s’aimaient. La jeune femme fut très touchée par ce qu’elle vit là. Elle avait l’impression de voir l’amour incarnée dans ces deux personnes. Miya poursuivit alors :
« Il est inspecteur de police. Il est spécialisé dans les affaires paranormales, il pourchasse toutes les choses qui n'ont pas l'air humaines mais qui semblent malgré tout nous hanter... C'était une journée comme une autre ; il a quitté son bureau en début d'après midi, et il... - Elle s’interrompit pour respirer à fond - Il n'est jamais rentré. On n'a trouvé de traces de lui nul part, personne ne sait où il était parti enquêter. Il s'est juste volatilisé »
Surprenant ! Personne ne peut disparaitre ainsi, sans laisser de traces. Il y en avait forcément mais les inspecteurs avaient du passer à côté. Comme dirait le proverbe, le crime parfait n’existe pas, il n’y a que de mauvais policiers. Marine quitta la photo des yeux pour les poser sur la jeune femme brune revenue s’asseoir près d’elle.
« J'adorerai que vous me disiez l'avoir déjà vu... »
Le cœur de Marine se serra à nouveau.
« Non, je suis navrée je ne l’ai jamais vu »
Elle regarda à nouveau la photo comme si elle essayait de passer en revue toutes les personnes qu’elle avait pu croiser ou apercevoir juste pour tenter de savoir si elle ne l’avait vraiment jamais vu.
« Non, je ne l’ai jamais croisé, je suis désolé – elle lui rendit la précieuse photo – mais je vais vous faire une promesse. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous le rendre ! »
C’était une promesse bien surprenante qui surprit même celle qui l’a fit. Pourtant, elle avait pensé chaque mot qu’elle avait prononcé. Le bonheur et l’amour dégagé par ce couple était si important, elle devait essayer de les réunir, quoiqu’il pourrait lui en coûter. Elle n’avait pas d’attaches, pas vraiment de vie non plus. Autant se rendre utile à quelqu’un et pouvoir le rendre un peu heureux. Miya avait déjà terriblement souffert dans sa longue, très longue existence. Si Marine pouvait apaiser un peu sa douleur, elle n’allait pas s’en priver.
-
« Non, je suis navrée je ne l’ai jamais vu »
Miya essaye de ne pas s'effondrer. Cette simple phrase sonne comme une sentence de mise à mort, et où la demi déesse ne peut toujours pas mourir. Elle serre les dents alors que Marine répète ses terribles paroles.
"Et si tout espoir était perdu... ? Et si je devais admettre qu'il n'y a plus aucune chance de le revoir ?"
Ces pensées lui donnent la nausée comme jamais, et Miya souhaite disparaitre. Une petite voix ne cesse de murmurer : "C'est fini" en écho dans sa tête... Pourtant, l'enthousiasme de Marine chasse cet écho, et la demi déesse la regarde, légèrement abasourdie, un sourcil levé. Elle ne comprend pas. Miya n'aurait jamais pu faire ce genre de promesse à une personne qu'elle ne connaissait que depuis peu.
"Je ne dois pas perdre espoir. Jamais. Et surtout, ne plus douter. Ca non plus, plus jamais. Je dois croire en lui, et en cet amour qui m'a tant fait changer."
Elle baisse la tête, ferme les yeux.
"J'aurai tant besoin de quelqu'un auprès de moi pour me soutenir... Jhun, ou..."
- Merci, Marine. Merci infiniment. Et sincèrement.
Miya avait toujours refusé de faire confiance à qui que ce soit. Pas par paranoïa, seulement parce qu'à à part son frère, elle n'avait jamais fait confiance à qui que ce soit. Avec Ryuga, c'était différent, c'était arrivé sans qu'elle ne puisse l'expliquer. Il se produisait la même chose avec Marine. La chanteuse réussit à sourire, malgré tout, et son regard se reporta sur la photo qu'elle avait reprise, et sur laquelle Miya pleurait chaque soir avant de s'endormir.
"Tout espoir n'est pas vain. Je l'aurai su, s'il était mort. Je le retrouverai. Et nous resterons ensemble pour l'éternité."
- Cette simple promesse me donne davantage d'espoir encore. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, un jour, n'hésitez surtout pas, Marine. Même si ce n'est qu'une promesse, je sais qu'elle n'est pas jetée en l'air comme ça. Je vous suis redevable. Si un jour, je peux faire quoi que ce soit pour vous - n'importe quoi - je le ferai.
Miya a une légère grimace de bonne humeur forcée.
- Faut pas croire. Je suis capable de faire beaucoup de choses, quand je suis plus en forme que ça.