Cela fait déjà quelques temps que je ne suis pas venu à Terra. Depuis que j’ai découvert l’autre monde, la Terre, j’y ai passé beaucoup de temps. Mais comme beaucoup j’apprécie parfois revenir voir comment à évoluer l’endroit dont je viens, et c’est exactement la raison initiale de ma présence.
Il y a bien entendu beaucoup de différences entre les deux mondes, dont plusieurs majeures. L’accès à la technologie et la brutalité du monde par exemple. Durant mon séjour au Japon, je n’ai vu personne réclamer une protection pour aller d’une ville à l’autre alors qu’ici c’est monnaie courante… et c’est d’ailleurs ce dans quoi je me suis engagé. Pourquoi ? Peut-être un désir de violence ? Ou de voir si les techniques de combats ont changé ? Si la faune locale est plus ou moins agressive qu’avant ? En réalité, c’est plutôt un tout.
Je suis actuellement à l’arrière d’un convoi marchand. Visiblement, ils estiment avoir besoin de protection pour traverser les landes. Je ne leur reprocherais pas : la majorité de mes souvenirs d’ici sont entachés de violence et de sang. Des créatures parmi les plus violentes de Terra rodent dans le coin, faisant passer les groupes de brigands pour de vulgaires amateurs inoffensifs. C’est d’ailleurs à l’un de ces groupes que je dois cette monture, un cheval particulièrement robuste qui aura surement beaucoup de mal à finir la traversée.
Bien sûr je ne suis pas seul. Outre les marchands, un groupe de quatre mercenaires ouvre la voie alors qu’un archer peu expressif est placé sur la toiture du chariot et qu’à l’arrière un autre homme clôture le convoi. Nous n’allons sans doute pas tarder à nous mettre en route, les marchands vérifiant une dernière fois leurs stocks. Tant qu’à mettre leur vie en jeu, autant qu’ils soient sûrs de ne rien oublier.
Alors que j’étudie du regard les mercenaires qui vont se poster à l’avant, qui portent des tenues classiques – maille fines, tuniques parsemées de renforts en cuir par-dessus, et lames affutées – l’homme à mes côtés m’apostrophe. Je tourne ma tête vers lui, bien que mon regard ne soit pas visible : je porte en effet une armure noire intégrale, et je n’ai pas pris d’arme conventionnelle. Lorsque les marchands s’en sont étonnés, je me suis contenté de leur montrer les gantelets que je porte : les doigts sont particulièrement affutés, bien assez pour transpercer un corps en y mettant assez de force… ce dont je ne manque pas.
Quoiqu’il en soit, je réponds à l’homme – Ethan de son prénom – d’une voix grave qui résonne légèrement dans le casque.
Bonjour Monsieur Grimm, je me prénomme Omanne. Vous avez sans doute raison… même si pour l’instant des groupes semblent déjà s’être formés.
En effet, le quatuor de mercenaires ne semble pas vraiment s’intéresser aux autres pour le moment. J’ai dans l’idée qu’ils tenteront surement de donner des directives, ce qui semble assez logique puisqu’ils vont passer devant. Et l’elfe… je l’ai entendu vérifier la paie auprès des employeurs, et depuis il semblait attendre le départ. Un altruiste convaincu en somme…
Dites moi, quelles armes utilisez-vous ? Que je ne vous gêne pas durant un potentiel affrontement. Et avez-vous déjà participé à ce type d'opérations ?
En cas de problème, il allait être la personne la plus proche à intervenir. L’elfe tirerait surement à la moindre occasion, alors il sera sans doute préférable d’attirer l’attention des éventuels assaillants pour qu’ils lui tournent le dos… mais il faut également que je prenne en compte ses capacités pour me placer au mieux.
Nous échangeons tranquillement avec Monsieur Grimm, tandis que les marchands semblent avoir terminés leurs préparatifs. Il m’explique qu’il utilise une magie versatile qui lui permettra de nous soutenir. A ce qu’il annonce pouvoir faire avec, elle semble effectivement bien pratique : il peut aussi bien manier des armes qu’agir les autres personnes de manières positives. Il me montre ses fameuses armes volantes, qui ressemblent à des poignards tout ce qu’il y a de plus classiques si ce n’est des motifs brillants. Cela me dit quelque chose. N’est-ce point ce que l’on appelle des runes ? Ce procédé magique m’était totalement sorti de l’esprit tant je l’ai rarement vu à l’œuvre. Pourtant, il pourrait m’être utile s’il fonctionne comme je le pense... mais rien n’est moins sûr.
Voilà qui est intéressant. Avez-vous gravé ces dagues vous-même ? Enfin, c’est bien ces motifs brillants qui vous permettent de les faire voler n’est-ce pas ?
Il m’explique ensuite avoir déjà eu l’occasion de voyager dans divers groupes, mais pas en tant que protecteur. Je ne pense pas que ça soit réellement un problème, tant qu’il garde l’œil ouvert et sait combattre il aura tout autant ses chances que le quatuor qui ouvre la voie… je dirais même qu’il s’en sortira surement mieux qu’eux, car ils me semblent bien sûrs d’eux et un peu trop à leurs aises. Je crois même les entendre prendre des paris sur lequel parmi eux éliminera le plus de ‘menaces’, si tenté que nous en croisions.
Cela ne devrait pas être trop différent de vos précédents voyages… du moins, je suppose que vous avez déjà combattu. Tant que vous et les clients restez en vie, c’est que vous faites bien votre travail. La seule chose que je pourrais vous dire c’est que les choses se passent toujours différemment, en fonction des menaces rencontrées, du comportement du client et des autres membres du convoi.
Je tourne discrètement la tête vers ceux qui guident le convoi et ont plus l’air de faire une sortie entre amis qu’une escorte. Heureusement, l’archer elfe semble bien plus sérieux malgré son mutisme et son air nonchalant. C’est d’ailleurs lui qui nous indique un danger venant de la forêt en premier lieu. Il ne faut pas longtemps avant que des animaux n’en sortent, poursuivis par d’autres – clairement des carnivores. L’un d’eux tombe sous une flèche de l’elfe, mais cela n’arrête pas les onze restants – ni les autres animaux, qui sont bien trop occupés à fuir pour se soucier de notre petit groupe.
Je saute du cheval, voyant le quatuor se placer pour protéger les marchands. On dirait qu’ils vont servir à quelque chose finalement. Cela dit, je ne donne pas cher de leur peau si les créatures restantes leur tombent dessus. Mais… vont-elles vraiment les attaquer ? Je me pose la question en voyant les proies nous contourner, bien que les plus petites passent entre nous sans même nous jeter un regard. Je m’avance lentement vers les chasseurs, s’ils le sont vraiment aujourd’hui, en voyant un autre s’écrouler après avoir reçu une flèche. Cet elfe est décidément doué. Je continue d’avancer, me mettant volontairement face à l’une des créatures. Puis, je fais un pas de côté. Celle-ci ne semble pas du tout changer de trajectoire, ni même faire attention à ma présence. Je me disais aussi que ce type de prédateur avait tendance à tomber sur sa proie rapidement, du moins c’était le cas des espèces que j’avais eu le loisir d’étudier il y a quelques centaines d’années. Lorsqu’elle passe à mes côtés, je tends néanmoins le bras pour lui arracher la gorge de mes doigts tranchants – cela économisera une flèche à l’elfe, si jamais il pensait à nouveau tirer. En voyant la scène, il a dû comprendre que les créatures ne chassent pas mais fuient quelque chose. Alors je regarde le bois avec curiosité, me demandant bien ce qui va en sortir ensuite…