« Allez Astrid, s’il te plait! » C’est au moins la 8ème fois qu’elle me demande. Emily a prévue une soirée pyjama chez elle - oui comme au collège - sauf qu’aujourd’hui, on a des seins pour remplir nos pyjamas et on peut boire de l'alcool. Emily est une amie de longue date. Elle vient de l’aristocratie anglaise comme moi. En me voyant épanouie au Japon, elle a décidé de venir me rejoindre pour voir comment était la liberté loin de Papa et Maman. Ca lui a plu. Beaucoup plu. Ca fait maintenant 6 ans qu’elle habite à Seikusu et qu'elle occupe un poste haut placé dans l’entreprise de ses parents qui gère l’import - export de marchandise du Japon vers l’Angleterre. Plutôt pratique. Mais c’est aussi devenue une grande fêtarde. Elle connait tous les différents bars de la ville et n’hésite pas à fréquenter les clubs les moins respectables de Seikusu. Bien que ma deuxième personnalité soit assez dévergondée, je ne supporte que très peu les boites de nuits. Les gens ivres, collants et puants l’alcool pas cher, la transpiration omniprésente, la musique electro désagréable aux oreilles, très peu pour moi. J’ai toujours refusé de participer aux soirées d’Emily pour cette raison. Mais là, ce soir, alors qu’elle commence à me parler de batailles d’oreillers les fesses à l’air et de cocktails à base d’alcool aromatisées, je ne peux m’empêcher de sourire. Je finis par céder quand elle me promets de ne pas m’obliger à sortir en boite avec mon pyjama en seule tenue.
Quelques heures plus tard, je comprends que l’objectif de sortir en boite ne pourra pas, quoi qu’il arrive, être réalisable dans ces conditions. Je sirote mon 5ème mojito à la fraise, comme une adolescente qui découvre l’alcool en riant devant les conneries des amies d’Emily. Toutes sont venus en pyjama plus courts les uns que les autres, le but du jeu étant d’être le moins habillé possible apparement. Certaines ont même opté pour des accessoires tout droit sorti dans années 90, à base de chouchous colorés et de barrettes à paillettes. Je dois l’avouer, je passe une excellente soirée, cela fait des années que je n’ai pas autant ri. Après quelques shooters de saké, l’une des amies d’Emily semble avoir une illumination. Fumi est le stéréotype de la petite japonaise, brune, petite, plutôt plate, pas de hanches. Avec un uniforme d’école et une sucette, elle ferait bander tous les pervers d’Internet. Mais sa personnalité clash complètement avec son physique. C’est d’ailleurs surement elle qui gagne le concours du pyjama le plus sexy, avec sa minuscule brassière en dentelle et son tanga noir assorti. Elle se dresse debout sur une table et demande l’attention de toutes les filles présentes. « Et si… On invoquait un dieu du sexe? Ca manque de testostérone ce soir non? » Toutes se mettent à rire, moi y comprit en la regardant tracer un pentagramme en sel sur le sol et allumer des bougies d’anniversaire planté dans des cupcakes. « Oh a toi, grand démon! Viens nous rejoindre autour de cette table avec… » Et elle manque de trébucher sur une bougie allumée. « Avec toutes ces jolies femmes et leur verre beaucoup trop surdosé. » Fumi continue son discours en titubant autour de l’étoile pendant que je me relève pour aller me resservir un verre. Je ne tiens pas à l’alcool, je le sais et pourtant ce soir, je me sens pousser des ailes. « Oh vous les dieux de la luxure et des plaisirs ! Lucifer, Vénus, Aphrodite, Priapte, Zeus, Asmodeus, Eos, Lilith ou Freyja ! » Comment est ce qu’elle connait autant de noms de dieux et de démons? Je n’en ai aucune idée mais la liste a l’air très longue et sans queue ni tête. Quelqu’un murmure que Fumi est étudiante en mythologie, ricanant dans son verre. Ca doit être pour ça. Et la voilà en train de réciter une espèce d’incantation pseudo magique en dansant autour du pentagramme. Tout le monde autour de la table rit au éclat, autant ivre de l’ambiance idiote et enfantine de la soirée que de l’alcool présent dans nos verres.
A la fin de sa formule magique, les flammes de bougies se mettent à trembler, frémissant sous un vent inexistant. Emily, à mes cotés, finit par froncer les sourcils. « Fumi, arrête. Ca commence à me faire peur. » Puis les bougies s’éteignent, jetant un froid dans la soirée. Fumi éclate de rire au milieu de la pièce avant de s’avancer vers l’ordinateur pour baisser la musique. « Oh ça va, c’était une blague ! Ca n’a rien fait ! C’est un coup de vent. C’est pas comme si un démon allait débarquer ici.» Et comme dans toutes boums qui se respectent, Fumi lance une chanson de Beyoncé, faisant oublier à tout le monde ce moment dans la soirée. Même moi, je n’y ai pas vraiment porté attention et ai continué de boire et de danser toute la nuit, arborant mon plus bel ensemble de satin. La soirée avait fini par être une réussite, tout le monde se couchant à plus de 6h du matin, toutes entassées les unes sur les autres dans le salon d’Emily comme des enfants. Il ne manquait plus que de jolis rêves pour compléter nos nuits.