L’église de Sainte-Bénédictine était une église des bas-fonds de Nexus qui avait connu des jours meilleurs. À l’image du quartier, elle avait connu la crise économique et le paupérisme. L’évêché de Nexus accordait moins de crédits à la rénovation de l’église, qui était de plus en plus désertée, assumait moins d’offices, et se trouvait dans un quartier dangereux, rempli de maisons closes sordides, de coupe-gorges, de narcotrafiquants et de bandits. Récemment, suite à une tempête, le prêtre en charge de l’église, Père Dantoin, avait constaté de multiples fuites. Un couvreur avait expliqué que toute la couverture était à refaire, ce qui engendrait des frais importants. Malheureusement, l’évêché n’avait pas considéré ce dossier comme prioritaire, car elle envisageait plutôt de fermer cette église. Père Dantoin avait donc mis sur pied une collecte de fonds, qui n’avançait pas beaucoup, mais avait récemment reçu de l’aide… En l’occurrence une jeune novice qui venait de quitter son couvent, Sœur Marie (http://img110.xooimage.com/files/1/c/d/tb002_n0-558f92f.jpg). Belle et pieuse, elle venait de prononcer ses vœux, et avait été envoyée à la paroisse de Sainte-Bénédictine.
Père Dantoin lui avait expliqué ce matin la situation compliquée de sa paroisse, en lui indiquant qu’ils avaient encore quelques fidèles, des âmes désœuvrées. Fort heureusement, l’église restait encore un sanctuaire, car les bandits n’osaient pas s’y attaquer. L’une de ces âmes était Thomas Brandbourg (https://i.pinimg.com/originals/09/32/ed/0932edb36cd91053e382094166510834.jpg), un misérable mendiant qui avait travaillé comme docker avant que la compagnie dans laquelle il travaille ne doive fermer. Depuis lors, Thomas oscillait entre des petits boulots et l’aumône régulière. Il arrivait à se constituer quelques deniers qu’il dépensait généralement dans les bordels locaux, mais n’avait jamais oublié les leçons de ses parents. Il allait donc chaque matin à confesse, relatant à Père Dantoin ses beuveries de la veille. Généralement ivre, il avait une haleine empestant l’alcool, sans compter qu’il ne se lavait que très peu, et portait régulièrement des haillons.
Sœur Marie n’était pas dans une paroisse riche, et elle allait donc devoir laisser de côté ses préjugés. C’est ce que Père Dantoin lui expliqua.
« Ces pauvres âmes ne sont pas méchantes, elles n’ont pas mauvais fond, mais sont régulièrement soumises à la tentation et aux vicissitudes de la vie. Il faut leur insuffler de nouveau la foi, l’espoir en des jours meilleurs. Je sens en votre âme une bonté sans pareille, Sœur Marie. Vous aurez donc la tâche de recueillir les confessions de ces pauvres ouailles, et je compte sur vous pour apporter les mots justes, et les convaincre que le salut de leur âme est possible, et qu’ils doivent cesser leurs péchés. »
Thomas vivait de fait dans le péché. Il buvait régulièrement, et commettait surtout le péché de chair. D’ailleurs, ce matin, il était dans un état assez trouble. Thomas ne savait pas lire, ni écrire, ni compter, mais il savait ce que son corps avait. Sous ses haillons et ses frusques, l’homme avait une érection lancinante. Il rejoignit donc le confessionnal, et ses narines furent instantanément accueillies par une délicieuse odeur de vanille, une odeur qui réveilla ses pulsions, très agréable, balayant la puanteur de son corps.
Thomas s’attendait alors à ce que ce soit de nouveau le vieux Père Dantoin, il ignorait que le confessionnal était tenu par une nonne à la voix magnifique, une délicieuse voix cristalline en velours avec un parfum agréable de vanille sur le cou…
« Pardonnez-moi mon Père, parce que j’ai péché… » commença Thomas.
Comme à chaque fois, Thomas s’attendait à entendre la voix lancinante, presque usée, de Père Dantoin. Le vieux prêtre fatigué, usé par des années de services, avait jadis été un missionnaire. Il avait ainsi rejoint des missions difficiles et complexes dans des dispensaires religieux, dans des endroits défavorisés. Il avait été en compagnie de lépreux, dans des caravanes de bédouins, apportant le prêche et la bonne parole, et disant toujours à Thomas de ne pas désespérer, de chercher du travail, d’arrêter la boisson et les femmes. Mais, à chaque fois, Thomas passait à côté des bordels, et était attiré par les odeurs chaudes et sensuelles. Les bordels des bas-fonds n’étaient guère attirants, et les filles que Thomas baisait étaient de pauvres femmes droguées au fisstech, des beautés brisées et fanées, qui n’avaient même pas conscience qu’un homme les bourrait avant son orgasme. Dans une vie pareille, il y avait peu de place pour des dénouements heureux. Thomas vivait donc ainsi, et s’attendait donc à entendre la voix de Père Dantoin…
…Quand une délicieuse voix féminine vint l’accueillir. Il releva la tête en regardant à travers la grille du confessionnal. Difficile de voir de l’autre côté, mais il percevait très clairement une douce odeur de vanille… Du moins, Thomas ne savait pas qu’il s’agissait de vanille, mais l’odeur n’en restait pas moins très agréable, venant titiller ses narines. Il vit une longue robe blanche, soyeuse, et papillonna des yeux.
« Vous… Vous n’êtes pas le père Dantoin, ma sœur… »
La sœur lui expliqua qu’elle était une nouvelle religieuse venue apporter son aide, Sœur Marie.
*Sœur Marie…*
Sa voix était voluptueuse, agréable et fluette. Elle résonnait dans les oreilles sales et crasseuses de Thomas, qui déglutit sur place, avant de trembler nerveusement… Et cette odeur, cette odeur entêtante, entraînante ! Elle réveilla son érection, et il serra nerveusement ses cuisses.
« Je… J’vous prie de bien vouloir me pardonner, ma sœur, car j’ai péché hier soir… Le Père Dantoin m’avait dit de ne pas boire, mais j’ai pas pu… Je… Je repensais à tout ce que j’avais perdu, à l’appartement dont j’ai été expulsé après la fermeture de l’entrepôt, quand les repreneurs de la guilde y nous ont viré, et que les enculés du syndicat y se sont couchés comme des pisse-jarrets après avoir été arrosés à s’en péter le gosier… Pardon pour l’émotion, ma sœur, mais… J’pouvais plus, ma sœur, j’avais soif, j’étais en fureur contre le monde ! Alors, j’ai été à l’auberge, et j’ai pris une bouteille… »
Le péché d’ivresse était hélas très courant dans la paroisse de Sainte-Bénédictine. Thomas déglutit encore, se frictionnant nerveusement les mains, et regarda encore par la grille. Cette odeur enivrante continuait à l’attirer, mais il croyait surtout discerné, à travers la grille, de longs cheveux blonds.
*Une jeune sœur, peut-être vierge…*
Cette idée malsaine l’excita encore, et il se pinça les lèvres, avant de reprendre, car il savait ce que Père Dantoin lui demanderait ensuite.
« Mais… Je n’ai pas commis le péché de chair, ma sœur, promis ! Je… Je suis passé à côté de la Belle-Cuisse, le troquet avec les putes à l’étage… J’ai hésité à y rentrer, pis je m’suis rappelé que j’pouvais pas voir leurs figures, vous voyez ? On voit pas, et… Elles réagissent pas, elles ne sourient pas… C’est ce que Père Dantoin m’a dit l’aût’jour… Que je payais pour rien, car rien ne valait le sourire d’une jeune femme pure… Mais ça m’a lancé toute la nuit, ma sœur ! Mais le Père Dantoin, il a raison, ma sœur… Ça fait tellement longtemps qu’une belle femme, comme vous et tout, ne m’a pas souri… Les gens comme moi, z’y puent, et y ont pas le droit d’y aller, dans les beaux-quartiers, v’voyez ? Moi, tout ce que je veux, c’est voir le beau visage d’une femme, le beau visage d’une femme belle et pure… »
Il soupira encore.
« J’ai de l’argent dans ma bourse que je comptais donner à l’église, ma sœur… Pour les fuites, vous voyez ? Le Père Dantoin, y dit qu’il pourra m’embaucher s’il réunit les fonds… Mais je peux pas m’empêcher de penser aux nénés de Suzie-la-Suceuse, à ces gros nénés qui brillent comme des ballons, et… »
Thomas soupira encore, retenant ses larmes. Il ne pouvait pas dire à cette femme qu’il avait une belle érection en ce moment, tourmenté qu’il était par les afflictions de son corps, et par cette odeur entêtante qui se distillait dans ses narines.
Un beau sourire… Ce n’était quand même pas demander l’impossible, si ?