Quelle douce mâtinée aujourd'hui. Je sais bien que les gens diront "mais quelle pensée stupide", et me trouveront bien bête. Mais au fond, je m'en fiche. Je savais ce que je valais, ce que j'étais, et je me savais plus intelligente que la plupart des humains. Mes yeux s'étaient ouverts avec une facilité assez surprenante quand on savait qu'hier, j'avais eu une longue journée. Mais il faut croire que mon sommeil avait été réparateur, ce qui me fit doucement sourire. J'avais deux petits loups à m'occuper, tous les jours, et c'était une des raisons de ma fatigue. Mais ils étaient tellement mignons, et si gentils avec moi, je ne pouvais pas leur en vouloir. D'ailleurs, alors que j'étais en train de paresser dans l'amas de feuilles confortable qui me servait de lit, je sentis une présence. Je ne m'inquiétais pas, je savais que mes deux garnements étaient dans le coin. Je fis alors mine de dormir, même si un fin sourire éclairait mon visage. Ils voulaient jouer, c'était normal, ce n'étaient que des enfants. J'entendis leurs petites pattes se poser sur le sol, avec tout de même une discrétion surprenante pour des bébés de leur âge. L'un d'entre eux murmura une chose, que je ne compris pas tellement il parlait bas, et alors deux poids plumes atterrirent sur mon lit, que je réceptionnais avec facilité. Ils riaient, ils étaient heureux, et je voyais bien dans leurs yeux qu'ils avaient envie de trainer au lit aussi. Alors je leur fit chacun une place de chaque côté de moi, les prenant dans mes bras. Ils fermèrent leurs yeux, se rendormant tranquillement. Le soleil n'était pas encore levé, alors nous devions rester au lit. C'était la règle, on se levait avec le soleil et on se couchait avec lui aussi. C'était un principe que j'avais imposé dès leur naissance, et ils le respectaient sans jamais rechigner. Je vous dit, ce sont deux enfants sages, parfois.
Finalement, après une bonne grosse heure de sommeil, mes petits s'agitèrent un peu. Le soleil se levait, dardant tranquillement ses rayons sur la cime des arbres qui nous entouraient. Je savais qu'il fallait que je me lève et m'occupe d'eux, sinon ils allaient être insupportables. Alors je quittais mon nid, avec beaucoup de regrets, pour leur préparer un petit déjeuner du tonnerre. De la viande, du lait, je savais exactement ce qu'ils aimaient. Ils chahutaient à côté de moi, et je les surveillais du coin de l'oeil. Ils ne risquaient absolument rien. Mes doigts préparaient avec rapidité leur petit déjeuner, avec une habitude telle que je pouvais le faire même les yeux fermés. Une fois que tout fut prêt, je les assis au sol, leur donnant leur repas et prenant le mien. Tout s'effectua, cette fois-ci, dans le calme et un quasi-silence. Mais une fois qu'ils eurent ingéré tout ce que je leur avait préparé, le jeu revint dans leurs têtes. Ils avaient envie de s'agiter, apparemment, alors je les envoyais jouer dans la forêt. Jamais personne ne venait dans ce coin, donc ils ne risquaient rien. Pendant ce temps, je fis ma toilette. Je me préparais tranquillement, brossant ma chevelure avec un soin particulier, jusqu'à ce qu'une cavalcade me fasse bouger l'oreille. Un de mes petits revint, seul. Apparemment, son frère s'était un peu éloigné de lui, et quelqu'un l'avait vu. Je grondais légèrement, je ne voulais pas que mes petits courent le moindre danger. Mais, bien vite, je vis mon deuxième arriver. Comme une flèche, un air terrorisé sur le visage, il courrait à en perdre haleine. Arrivé à un mètre de moi, il s'appuya sur ses pattes arrières pour s'envoler et atterrir dans mes bras. Je le rattrapais, l'enveloppant de mes bras pour le protéger. Une odeur m'arriva aux narines, une odeur inconnue. Je grondais sourdement.
Les représailles attendraient plus tard. Pour le moment, je voulais que mes petits soient protégés, et l'individu qui approchait ne me rassurait pas. Mon grondement, sourd, était toujours présent. J'étais très méfiante, je regardais l'endroit d'où venait mon bébé avec attention. Je guettais le moindre mouvement.
Un bruit sourd, constant. Je grondais sur l'inconnu qui approchait, bien trop à mon goût. Un de me petits était caché derrière mes longues jambes noires, tandis que l'autre masquait son visage dans le pelage se situant juste au-dessus de ma poitrine. Un geste qui était devenu une source de réconfort pour eux, ils entendaient mon coeur et sentaient mon odeur de maman. J'étais proche d'eux, je les défendais comme une lionne et jamais personne ne pourrait toucher à un seul de leurs poils. Mes prunelles rouges fixaient l'endroit d'où il arrivait, je sentais une odeur bizarre. Pas humaine, ça c'était sûr, et je détestait la sentir. Je ne savais pas à quoi m'attendre, et je restais sur mes gardes. Mes genoux légèrement pliés, mes mains prêtes à partir en avant pour griffer l'intrus s'il osait s'approcher, j'étais en position de défense. J'avais de longues griffes aiguisées à la place des doigts, des dents plus fines que celles des humains, et rien que ma peau noire suffisait généralement à les faire hésiter à s'approcher. J'avais pris cette habitude de toujours gonfler les poils, comme un chat enragé, pour me donner un physique plus imposant. Mes yeux semblaient brûler, comme si le pelage qui les entouraient avait pris feu. Je ne bougeais pas, toujours avec ce même grondement de prévention. J'étais dangereuse, il allait vite le comprendre s'il osait essayer de s'en prendre à mes petits. Il s'approcha, sortant alors de la végétation. Aussitôt, mon second petit sauta sur mon dos, pour se cacher encore plus. Ils avaient peur, comme s'il dégageait une aura malfaisante. Mes bébés n'avaient pas besoin que je les porte, ils s'agrippaient eux-mêmes à moi. Je me baissais lentement, leur ordonnant d'aller se réfugier plus loin. Ils obéirent, allant se cacher sous ce qui me servait de lit. L'homme prit la parole, alors que je continuais de le fusiller du regard :
Je ne vous veux aucun mal. Je vous le promet! Je peut être même vous aider ? Je me nomme Akiri Sagame et vous c'est quoi votre nom ?
Je ne bougeais pas. J'étudiais avec soin beaucoup de choses en même temps. La respiration de mes enfants me confirma qu'ils étaient toujours dans mon lit, tandis que les pulsations du sang dans les veines de mon interlocuteur me confirma sa sincérité. Cependant, je ne lui faisais pas confiance. Il pouvait être un très bon acteur, je devais rester sur mes gardes coûte que coûte. Mes griffes bougeaient lentement, montrant bien à quel point je pouvais devenir une tueuse s'il avançait d'un seul pas de plus. Cependant, ma bonne éducation m'obligeait à répondre à cet inconnu. C'est donc d'une voix froide, glaçante, que je répondis :
Je n'ai pas besoin d'aide. Je m'appelle Hisma.
J'aurais pu mentir sur mon identité, jouer la créature terrorisée, mais non. Je ne voulais pas qu'il me prenne pour une menteuse, car il pourrait m'attaquer et je ne comptais pas commettre de carnage devant mes enfants. Bien que, s'il décidait de me sauter dessus dans l'espoir de me tuer, ou pire de me capturer, je ne le laisserais pas faire. Sa tête roulerait au sol avant la fin de l'heure. Peu à peu, je me détendis. Mes petits finirent par s'endormir, je le compris lorsque l'un d'entre eux lâcha un profond ronflement qui me fit sursauter. La course les avait épuisés, les pauvres... Et c'est toujours sur un ton froid que je décidais de demander à cet inconnu :
Que faites-vous ici ?
Je voulais m'assurer qu'il n'avait aucune mauvaise intention.