« Le marquisat des Blancpré…
- Les Blancpré n’ont jamais été hostiles à la Couronne, Majesté, mais leur fille souffre d’un mal redoutable acquis à la naissance. Une tare génétique, semble-t-il, qui a considérablement éprouvé l’humeur des Blancpré. »
Comme toujours, le Grand-Duc Arnaud de Maizière (https://orig00.deviantart.net/ee88/f/2008/203/1/c/the_duke_by_arventur.jpg), membre du Conseil royal, et l’un des plus grands soutiens d’Elena, avait eu l’occasion de se renseigner. Cette information était toutefois confidentielle, ce qui expliquait pourquoi Arnaud et Elena discutaient seuls, avec Adamante, dans un petit salon, et non en pleine réunion du Conseil. Les Blancpré avaient payé cher pour assurer la discrétion des traitements, prétextant d’autres personnes malades auprès des apothicaires, et rusant de coups et de manœuvres pour éviter que l’état de santé défectueux de Madeleine ne se sache. Leur plus grand projet était en effet de la marier, mais, si les éventuels prétendants apprenaient un jour son état de santé, sa valeur en diminuerait fortement. Un tel raisonnement était assurément sordide, mais, dans le monde de la noblesse, les sentiments passaient après le sens du devoir. En l’état, il était clair qu’une famille réfléchirait à deux fois pour épouser une jeune femme malade, et susceptible de transmettre la maladie à ses héritiers.
Arnaud consignait donc cette information à un cercle très restreint. Adamante, la magicienne personnelle d’Elena, sa plus proche conseillère, et son amie d’enfance, avait également pu consulter les recherches des guérisseurs intervenus successivement sur le corps de Madeleine. Leurs rapports étaient soumis au plus grand secret, et n’av aient pas été communiqués au Conseil royal, ou même aux instances administratives universitaires.
« Vous pensez qu’ils sont là pour ça ?
- C’est une hypothèse très sérieuse, mais peut-être pas la seule. Comme vous le savez, le marquisat se situe à un territoire limitrophe, mais fort heureusement excentré du front. Pour autant, les grandes forêts qui entourent le marquisat sont propices à des invasions de monstres à et des actes séditieux.
- La Scoia’tael ?
- Ou des groups similaires. Les rapports parlent du FLT, le Front de Libération des Terranides, un mouvement syndical violent qui a émergé dans le port de la capitale, et tend à se diffuser.
- J’en ai entendu parler. »
La Scoia’tael était une organisation pro-elfique terroriste, militant pour la reconnaissance des droits des elfes et des autres espèces non-humaines. Une organisation raciste cellulaire disposant de plusieurs camps, et assez actif sur Nexus. Le FLT, inversement, abritait essentiellement des Terranides, et était, d’après les informations de la Couronne, soutenu et financé par le fameux « Royaume terranide », diffusant de la propagande sur cet État, et organisant des révoltes.
« De plus, le marquisat a également dû déployer des contingents sur le front, comme tous nos bannerets. Il est donc possible que les Blancpré cherchent à obtenir du financement, ou des renforts militaires.
- Je vois…
- Ou ils viennent pour leur fille. Madeleine est fille unique, elle tient dans son ventre le futur de cette famille. Les Blancpré sont des bourgeois traditionnels. Je ne serais pas surprise qu’ils soient convaincus que leur fille est possédée par le démon, ou ce genre de choses. »
Elena écoutait silencieusement. Elle avait un déjeuner prévu avec les Blancpré, et avait accepté de les recevoir. Mais elle ignorait précisément les motifs de ce déjeuner. Or, elle se doutait bien que les Blancpré n’avaient pas fait le voyage depuis leur marquisat sans raison.
« Et est-ce que tu peux aider leur fille ? »
Adamante haussa les épaules.
« Je dois admettre manquer d’informations précises sur sa maladie. Je ne peux pas te répondre, mais, si besoin est, je peux mettre mes talents à son service, et m’entourer d’une équipe pluridisciplinaire afin de m’épauler. »
La Reine acquiesça doucement, s’humectant ensuite les lèvres.
« Bon… Tu m’accompagnes, Adamante ?
- Si tu veux. »
Pour ne pas inquiéter les Blancpré, la sagesse imposait de ne pas inviter le Grand-Duc également. Elena sortit donc du petit salon. Elle portait une élégante robe rouge (http://img110.xooimage.com/files/d/5/1/afb3a079-4d51-4e6...-550-768-552d83f.jpg) avec une fine cape blanche et légèrement transparente aux motifs pastel. Un autre travail de haute volée de la part des couturiers nexusiens, la Reine portant également de fins gants rouges finement brodés avec des motifs blancs, se mariant à la perfection à sa robe. Adamante, elle, portait une traditionnelle robe violette, avec un décolleté plongeant, mettant en valeur sa magnifique poitrine et son ventre. Une tenue très mélisaine.
Le duo rejoignit ainsi la salle à manger par une autre entrée. Deux gardes surveillaient l’entrée, et une sonnerie résonna à l’intérieur de la salle, annonçant la venue de la Reine. Un serviteur ouvrit la porte, et, quand Elena entra, elle sourit en voyant les Blancpré debout, respectueusement levés à son approche.
« Messire de Blancpré, Madame de Blancpré… Madeleine de Blancpré. Je vous en prie, installez-vous. Je vous prie de bien vouloir me pardonner mon retard. »
Un élan de modestie qui était très protocolaire, mais assez abscons. Elle était la Reine.
« Je vous présente Adamante Mélisi, ma première conseillère.
- Je suis enchantée de vous voir. »
Un serviteur écarta le fauteuil d’Elena pour qu’elle s’installe, tout en préparant ses couverts. Comme tout repas royal protocolaire, il se découpait en une série de plusieurs plats.
« Je suis très heureuse de partager mon repas avec vous. Avez-vous fait bon voyage ? »
« Oh, ce serait plutôt à moi de s’excuser, vous savez. J’aurais aimé vous recevoir plus rapidement, mais... Il s’avère que je ne maîtrise pas mon emploi du temps aussi bien que je le voudrais. »
C’était parfois à se demander s’il ne fallait pas qu’elle se dédouble pour assumer pleinement ses fonctions ! La jeune Reine se devait d’assister à quantité de colloques, de cérémonies, et avait régulièrement droit à de multiples entrevues. Le pouvoir royal était très centralisateur à Nexus. C’était le fruit de siècles et de siècles de lutte entre les Ivory et les autres grandes familles nobles du royaume, et qui avaient permis de raffermir l’autorité du pouvoir royal sur le reste des corps composant l’État nexusien. Le clergé, la noblesse, mais aussi les elfes, les nains, l’armée... Elena devait régulièrement dialoguer avec quantité de représentants de ces différents corps sociaux et groupes ethniques, chacun ayant des intérêts divergents, et comptant sur elle pour respecter leurs intérêts, et ce alors même que, tant qu’elle n’était pas majeure, elle ne disposait encore que d’un pouvoir virtuel.
Il fallait aussi rajouter à cela les multiples enseignements qu’elle recevait de la part de ses précepteurs, afin de faire d’elle une Reine juste et compétente. Régulièrement, elle avait droit à des leçons d’Histoire, de politiques, des exercices visant à tester ses connaissances, ou des cas pratiques en géopolitique ayant pour but d’analyser sa capacité à arbitrer les faits. Elle travaillait beaucoup, et avait notamment eu grand mal à mémoriser les différents blasons et devises composant les maisons de Nexus. Que ce soit un grand-duc ou une petite famille de faible extraction dans les profondeurs de la campagne, la Couronne se devait de connaître toutes les maisons possibles, et les grandes lignes sur elles. Autant dire qu’Elena avait passé de nombreuses heures à travailler sur les livres abritant ces blasons, afin d’être en mesure de les mémoriser à la perfection... Ou le plus proche possible. Dans ces conditions, il lui avait été difficile de dégager du temps libre pour un entretien avec les Blancpré.
Elena dégageait une impressionnante facilité de vivre. Ses sourires étaient très naturels, et elle se retourna même vers Madeleine, qui, très timide, avait osé s’exprimer, pour signaler qu’il était « à couper le souffle ».
« Oui, il est grand... Même maintenant, il m’arrive encore de m’y perdre. »
Tout un chacun savait qu’Elena avait passé ses dix premières années loin de la capitale, dans un monastère. Une vie spartiate, très modeste, qui lui avait appris l’humilité, la modestie. La luxure n’était pas quelque chose qui l’intéressait. Elle n’avait donc pas de bijoux excessifs sur le corps, de colliers rutilants, et même sa robe était, somme toute, très abordable. Elle sourit encore doucement à Madeleine, puis reporta ensuite son attention sur ses parents.
« Bon... Cela fait plusieurs mois que vous souhaitez vous entretenir avec moi, et, comme vous venez de le remarquer, vous avez fait un long voyage. Ma curiosité naturelle m’amène donc légitimement à me demander ce que vous souhaitez. De quoi le domaine ou la famille des Blancpré ont-ils besoin que je peux leur fournir ? »
L’indéfectible loyauté des Blancpré était bien connue, et, si Elena était en mesure de les aider, elle comptait bien le faire... Tout en se demandant si leur demande n’était pas liée à leur fille, qui, d’après les informations en la possession de la Reine, souffrait d’une étrange et anormale affliction.