Aiden venait enfin de débarquer à terre après 21 heures de vol. Tout droit venu d’Allemagne, il avait sillonné la France et les pays de l’Est depuis bien trop d’années (des siècles...) pour passer inaperçu et pouvoir chasser sans éveiller les soupçons. La migration était donc nécessaire, une question de survie en somme, et le seul moyen d’espérer pouvoir revenir un Europe un jour, sans trop de grabuges, d’ici quelques années...ou décennies... Il leur avait tout de même laissé un dernier cadeau, en Suisse, dans une maison close assez réputée... A l’heure actuelle, les autorités devaient essayer de récolter des témoignages au sujet d’une attaque de loup. Bilan de cet incident : trois blessées graves qui ne devaient la vie qu’au sentiment de culpabilité d’Aiden. A moins que ce ne fut de la pitié ?
Pour le moment, le lycanthrope était fatigué et se souciait guère de ce qui pouvait bien se passer à des milliers de kilomètres d’ici. Il attendait que son bagage daigne apparaître sur le tapis roulant circulaire. Cette machine, extrayant vos effets personnels de la bouche infernale de l’aéroport, sonnait la libération...avec un suspens insoutenable. Par chance, cette latence ambiante ne dura pas pour Aiden et une dizaine d’autres voyageurs - heureusement, compte-tenu de son impatience - : un sac de voyage en toile noir, tout ce qu’il de plus classique, défila aux côtés de valises plus flashys. Etiqueté au nom de « NEUMOND » sur un papier plastifié en forme de croissant de lune, il aurait été difficile de confondre songea l’homme. D’un geste vif, Aiden agrippa l’objet et le souleva pour ramener la longue lanière sur son épaule. L’air contrarié qu’affichait probablement son visage quelques instants plus tôt se mua peu à peu en une expression de satisfaction et de soulagement. Cette sensation enfin reposante lui fit prendre conscience de l’état désastreux dans lequel il devait être après 21 heures d’avion. Un petit tour dans les toilettes afin de se rafraîchir ne serait pas du luxe !
Aussitôt, le grand brun s’évertua à repérer le panneau « techniquement » commun à tous les pays qui indiquait les WC ( et pour certains, la délivrance).
Bordel...pas facile de se repérer avec tout ce monde... pensa-t-il.
Arrivé au beau milieu de la semaine, Aiden n’avait pas prévu une telle foule. Habitué à une population/fréquentation plus éparse en Occident, les nippons étaient clairement plus nombreux en terme de flux. Impossible pour lui de slalomer entre les individus avec sa rapidité et son habileté légendaires.
Non sans mal, il parvînt tout de même à atteindre son objectif, grognant de temps à autre contre ces stupides humains, incapables de respecter la notion d’espace vital. Soudainement accueilli dans un lieu blanc et gris, éclairé au néon, avec une forte odeur de javel, le loup soupira. Le bruit tonitruant des badauds et des roulettes martelant le sol s’était atténué en un claquement de porte. La coupure fut nette, hormis deux personnes à l’urinoir, silencieuses et pudiques, Aiden était en mesure de se placer devant les lavabos et l’immense miroir tout en longueur pour s’abreuver et s’humidifier le visage allègrement, sans sentir de regards indiscrets dans son dos. L’odorat sensible, il constata avec bonheur que son odeur corporelle n’avait pas évoluée ; il ne percevait que les senteurs fraîches et marines, bien que plus estompées, de son parfum. Ses cheveux avaient tenu le coup...enfin...ils avaient perdu leur docilité mais l’effet sauvage n’était pas synonyme d’effet débraillé. Non, finalement, son allure n’était pas si atroce. Seuls sa chemise à carreaux et son-t-shirt étaient des victimes : le tissu se détendait amplement et était froissé. Par réflexe, le reflet dans le miroir haussa les épaules, résigné face à la situation.
Brrrr... Son estomac grognait. A travers la glace, il scruta les deux hommes qui, tellement gênés, avaient apparemment du mal à se soulager. L’un était petit, trapu, dans la cinquantaine, en costar. L’autre, plus grand, mince, avec des tâches de sueur sur sa chemise d’un rose barba papa immonde. Ni l’un ni l’autre ne lui donnait envie de satisfaire sa faim, même pour un simple apéritif, histoire de tenir le coup jusqu’au campus de Seikusu...et l’éventualité de trouver une meute.
Il lui fallait une femme, sur le champ. Ce serait plus agréable pour lui et pour sa victime. Autant d’heures passées dans une boîte de conserve en plein ciel, sans manger, avec le décalage horaire, il était impératif de se requinquer physiquement.
Fermement et de manière déterminée, Aiden sortit des toilettes. A l’instant même où il franchît la porte, il se heurta brutalement à une silhouette.
HMPF.