« Alors, la voilà... Elle est très sauvage, il vaut mieux être prudentes... »
La cage était posée en plein milieu du salon, avec un drap noir dessus. Les hommes qui l’avaient apporté avaient été très vigilants, et s’étaient assurés que le somnifère marchait bien. La personne située dedans dormait de fait toujours, mais Mélinda sentait, à ses battements sanguins, que la bête était en train de se réveiller. Inhabituellement nerveuse, Mélinda se frictionnait maladroitement les mains, consciente que la personne située dans cette cage pouvait la dévorer, et que ce qu’elle comptait faire serait très difficile, pour ne pas dire impossible. En fait, les dresseurs qu’elle avait consulté lui avaient dit que le mieux à faire était d’euthanasier cette bête, qui n’avait plus rien d’humain, même si elle était une Terranide. Mais Mélinda s’y était refusée, consciente que réussir l’impossible, c’était un peu son credo.
C’était une belle pièce, avec un grand lustre au plafond. Un salon de repos, qui servait généralement à organiser des orgies dans le harem Warren. Mélinda avait toutefois écarté tous les meubles, et regarda lentement la femme qui l’accompagnait. La belle Edessa (http://img98.xooimage.com/files/2/b/4/edessa-4265072.jpg), sa succube préférée, était un atout majeur dans la stratégie qu’elle comptait utiliser pour apprivoiser la créature située dans la cage, et qui, peu à peu, émergeait. Une créature qui avait un collier autour du cou avec une chaîne en fer, compte tenu de ses épaisses griffes.
Elle avait été récupérée dans une grande jungle exotique au sud, lors d’un rude safari, et avait fait bien des dégâts. Elle avait provoqué la mort de plusieurs personnes avant d’être finalement capturée, et ramenée en grande pompe au sein de la capitale. Le safari ayant été organisé par le clan Warren, Mélinda avait donc récupéré cette belle créature. Quand elle dormait, elle était si belle que Mélinda s’était convaincue de ne pas la tuer.
*C’est une Terranide, ce qui signifie qu’elle a des capacités de réflexion avancées, comme n’importe quel humain... Il y a donc un mince espoir que je puisse l’apprivoiser.*
Très mince, toutefois, mais elle ne se voyait vraiment pas la tuer si rapidement, sans même essayer quoi que ce soit.
« Bon... Il est temps de la réveiller. Ne t’inquiète pas, Edessa, je ne risque rien. »
Mélinda se rapprocha de la cage, entendant la bête gronder derrière le rideau noir qu’on avait tiré sur la cape. Elle attrapa un pan du rideau, et hésita quelques secondes.
*J’en ai éduqué des pires que cette sauvage...*
C’est ce qu’elle se dit pour s’encourager... Puis Mélinda tira sur le rideau...
Et la bête se révéla à elles !
Tout le monde lui avait dit que c’était sans espoir. Une Terranide-panthère, c’était une créature très rare, mais, si on ne l’apprivoisait pas dès l’enfance, il était impossible, par la suite, de la civiliser. Cette Terranide avait passé toute sa vie dans un environnement hostile, libre, et ne supportait pas d’être en cage. Elle était nerveuse, et sans aucun doute effrayée, ce qui se traduisait par une rage indicible, une impressionnante fureur. Mélinda dut bien admettre que ses hurlements étaient redoutables, et elle s’écarta rapidement, évitant ainsi que la Terranide-panthère ne vienne l’attaquer. Cette dernière s’énerva contre les barreaux, fusillant les deux femmes du regard, avant de progressivement se calmer, en constatant que ses coups n’arrivaient pas à ébranler la solide cage. Il s’agissait de barreaux solides, faits pour retenir un Troll. Autant dire que Shayna, même avec toute la férocité du monde, ne parviendrait pas à les briser.
Mélinda resta donc silencieuse pendant plusieurs minutes. Elle avait une théorie, bien sûr, une théorie susceptible d’expliquer la rage impressionnante de Shayna. Même en tenant compte de ses attributs félins, une panthère ne se montrait pas aussi furieuse que cette furie.
« Bon... On va commencer calmement. Tu dois être affamée, Shayna... »
Mélinda se tourna vers Edessa, et hocha la tête. Edessa ferma les yeux, et usa alors de ses pouvoirs mentaux. Une jeune femme en tenue de maid entra ensuite, un peu nerveuse, les joues rougies, traînant devant elle un plateau comprenant une délicieuse nourriture sous un plateau en argent. Mélinda se rapprocha du plateau, et ouvrit le plateau. Une délicieuse odeur de viande grillée remplit alors la pièce. Elle avait fait cuire un gros poulet, l’assaisonnant, en l’accompagnant de morceaux de rôtis de biche, une proie naturelle dans la jungle d’où Shayna était originaire.
La nourriture, c’était l’élément de base permettant tout dressage, mais, avec Shayna, les dresseurs précédents avaient tous abandonné. C’était d’ailleurs cet élément qui avait convaincu Mélinda que Shayna ne raisonnait pas totalement comme un animal. Car, quand un animal avait faim, il mangeait, tout simplement. Mais pas Shayna... Mélinda posa donc sur le sol le plateau, abritant le poulet rôti, avec les tranches de viande dispersées tout autour. Elle pencha la tête sur le côté, s’assurant de croiser le regard de la femme, sans trop savoir quoi faire pour le moment.
« Je sais que tu as faim, Shayna... »
Mélinda poussa alors le plateau, qui glissa sur le sol, et alla taper contre la cage de Shayna.
« Tu as intérêt à manger, sinon je ne te donnerai rien jusqu’à demain... »
Mais, à la vérité, elle n’était même pas sûre que Shayna puisse la comprendre.