A la différence de la plupart des êtres vivants, Hestia était une Déesse, avec un grand D. Et donc, à la différence de la plupart des êtres vivants, elle pouvait accoster n'importe quel passage sans le fouler du pied. N'entendez pas par là une téleportation : c'est un peu plus compliquée que cela, et surtout beaucoup moins grossier. C'est un Art, l'Art qu'ont les Déesses depuis les Origines, et dont personne ne peut définir la nature. Dieux et Déesses se projettent à l'endroit qu'il leur plaît, grâce à cet Art. C'est tout simplement trop complexe pour un esprit simplement humain.
La Déesse du Feu n'avait donc pas eu à faire beaucoup de chemin, pour arriver devant cette étrange demeure. Une habitation d'une beauté et d'une complexité visuelle rare, surtout dans un tel endroit. L'aura qui émanait d'un lieu aussi beau ne pouvait être que bénefique : c'était du moins ce que Hestia percevait, et comme toutes les Déesses, elle ne se trompait pratiquement jamais.
La voici donc guidée par cette aura dont elle n'arrivait pas à définir l'exacte identité. Elle se doutait que n'importe quel être trouverait cela étrange. Ses pieds semblaient avancer sans sa volonté. Dans un sens, c'était même inquiétant. Quelle était cette étrange force qui pouvait piéger dans ses griffes la plus puissante forme de vie qui pouvait exister ?
Cela ne suffit pas à Hestia pour lui faire perdre une serénité acqusie depuis longtemps, et, sans grande résistance, elle laissa l'Aura guider ses pas divins, à travers le kekkai, tout d'abord, pourtant hermétiquement fermé, pour interdire l'accés aux indésirables. Un chemin plus lointain à travers les dalles de pierre, qui semblaient être disposées chacune sur une place bien précise, avec un goût sûr. Puis venait le couloir. Ce couloir dont le tatami faisait résonner les talons cramoisies de la Divine, qui se prenait au jeu en gardant tout de même une certaine méfiance.
Puis, l'Aura la stoppa, lui laissant le contrôle de ses membres en douceur. Hestia stoppa ainsi son chemin juste avant l'entrée d'une salla laquée de blanc. La beauté et la serénité de ce lieu, qui avait tout de même encore beaucoup à envier à l'Olympe, n'acheva pas d'endormir sa méfiance, mais un sourire apparut sur la magnifique opale de son visage, rendant ce lieu encore plus attirant. On aurait dit que la beauté de cette Déesse était tout ce qu'il manquait à l'habitation, et son propriétaire ne pouvait pas ne pas l'avoir remarqué.
« ...Ma visite était-elle attendue ? »
D'un mouvement de sa main droite, la Divinité replaça sa cape en peau de larynx. Son sourire en demi-lune éclairait toujours autant la pièce, d'un voile de mystère qui se rajouta à celui déjà entièrement présent.
A la différence de la plupart des êtres vivants, l'inconnue de faisait pas peur à Hestia.
Et c'était tant mieux.
En regardant ce jeune garçon aux allures de prince des rues, Hestia eut immédiatement un mot qui lui vint à l'esprit, pour le caractériser : amusant.
Oui, il était amusant, ce J.C. Daclusia.
Pas dans le sens moqueur du terme : il inspirait en effet un certain... respect, une certaine puissance qui laissait penser que l'on avait affaire à quelqu'un qui ne se préoccupait nullement des règles élémentaires. Il avait accueilli Hestia dans sa boutique, une Déesse contrôlant l'élément le plus destructeur de la Nature en elle-même. Mais il aurait tout aussi bien pu accueillir un pauvre pèlerin boiteux. Ou même une succube, comme on n'en faisait dans les bas-fonds de l'Enfer.
Il aurait pu donner l'hospitalité à n'importe qui, la présence d'un autre être, à choisir dans les milles facettes du caractère, ne l'aurait nullement troublé. Elle en était sûre.
En cela, il était amusant.
Les jumeaux, l'olivier, le ciel, les nuages. Tout semblait l'intriguer, beaucoup plus que l'apparition soudaine d'une Divinité dans son jardin.
" Bienvenue dans ma modeste boutique... Une boutique où l'on exauce les vœux... Vous pouvez demander n'importe quoi, mais il y aura toujours une compensation à payer, proportionnelle au vœux. "
Hestia, qui s'était entre-temps assise dans l'herbe, en position d'Amazone, fronça les sourcils. Mais en même temps un doux sourire vint éclairer son visage, déjà lumineux de beauté.
" Alors, que puis-je faire pour vous? "
Il avait beau être au courant du statut de Hestia, il forçait le passage comme un simplet...
Dieu qu'il était amusant.
La Divine ne put retenir un petit rire, camouflé presque aussitôt par une main d'albâtre. Un rire innocent, un rire d'enfant, qui montait en flèche, et ressemblait étrangement au son que produiraient les cordes d'une harpe dorée...
Pour s'expliquer, la Déesse des Flammes finit par se calmer, et se relever, pour se rapprocher de Daclusia, un sourire amusé sur ses lèvres fines.
Elle était Hestia. Déesse du Foyer protectrice, mais aussi Déesse du Feu, sous toutes ses coutures, et sous toutes ses formes. Elle pouvait maîtriser l'incendie le plus ravageur, allumer mille bougies d'un geste de la main...
Elle possédait l'un des plus puissants pouvoirs, et il en résultait la possession de biens des plus précieux. Et son statut de Déesse était enviable par la plus heureuse des femmes.
Comment aurait-elle eu quelque chose à demander, dans ces conditions ? C'était impossible. C'était même risible. Et c'est pour ça qu'elle avait rit, dans la plus puissante des innocences.
« Ce n'est pas drôle de posséder tout ce que l'on désire, parfois, vous savez. »
Elle expliquait tout, et rien en même temps, avec cette phrase, et son fameux sourire. La situation était elle aussi grotesque : elle n'avait rien à faire ici, étant donné qu'elle n'avait rien à demander.
Enfin... pas tout à fait.
Mais ce qu'elle avait à demander, il n'aurait pas pu l'exaucer, de toutes façons.
Quoique...