Adel commença par maugréer à mi-voix, la tête lourde du choc et les membres un peu engourdis. L'odeur de moisi lui parvint assez rapidement aux narines et le fit réagir un peu plus vivement et c'est après quelques secondes à gigoter pour se reprendre un peu plus qu'il se réveilla enfin, ouvrant les yeux dont la ligne de mire se trouvait au niveau du sol grossièrement pavé. Le sorcier comprit être allongé et poussa un juron tout en cherchant à se relever péniblement, ce qu'il ne parvint à faire qu'au deuxième essai. Inutile de se mettre debout pour l'heure ; sa tête tapait encore un peu et ses jambes étaient flageolantes. C'est donc assis qu'il fit le point sur sa situation, ses yeux commençant à faire le point sur tout ce qui environnait le bellâtre.
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- ....Mouais...c'pas brillant... aïe, ma tête...
L'endroit puait le vieux et le renfermé. Le sol était jonché de débris de caisses dont certaines s'empilaient encore le long des piliers où se tenaient des porte-torches consummés depuis longtemps. On pouvait distinguer des pièces vers le fond de l'endroit (probablement des cellules dont Adel voyait quelques portes ouvertes et laissées à l'abandon) ainsi que les premières marches qui montaient dans l'obscurité de l'étage supérieur. Adel sentit un courant d'air et leva la tête : dans le plafond, un trou donnait sur le jour, à quelques mètres du sol. La vision laissa le sorcier interdit, jusqu'à ce que son esprit accepte de lui rappeler ce qu'il s'était passé pour qu'il en arrive là.
Il avait accompli une mission pour le compte d'Evaleen, retrouvant pour elle une ancienne dague magique qu'il retira des griffes d'un clan de terranides mangeurs d'hommes. Adel parvint à s'enfuir à cheval mais fut poursuivi, ce qui le dévia de son itinéraire normal. Semant les terranides, le jeune homme joua de malchance puisqu'il se retrouva à faire face à une troupe de bandits de grands chemins. Une nouvelle fuite à travers une lande qu'il ne connaissait pas, puis une chute dans les bosquets au fin fond d'une forêt paumée... Et voilà, il avait passé une sorte de tunnel pour aller s'écraser dans l'endroit où il venait de se réveiller -probablement les sous-bassements d'un château abandonné.
Rocambolesque aventure, durant laquelle Adel avait eu la chance de ne pas se rompre le cou. Inutile de penser à remonter par le trou duquel il était tombé, trop abrupt et dangereux.
- Bordel... J'espère que je vais trouver un accès là-haut, et surtout une sortie.
Parler tout seul l'aidait à faire le point. Adel se releva et épousseta sa tenue de voyage et d'exploration (https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/564x/f4/0c/13/f40c13ef7e628a31c0c80f33018adb37.jpg), réajustant son épée à sa taille. Certes, il était meilleur en magie mais un peu d'acier ne pouvait pas lui faire de mal en cas de besoin !
Bon. Il avait déjà exploré quelques donjons et n'était plus tellement un amateur. Toutefois, jamais seul et jamais sans savoir où il se trouvait exactement. Là, il était en plein inconnu. Adel commença à fureter ça et là, s'assurant qu'il n'y avait pas de gobelins ou autre saleté du même genre prêt à lui tomber dessus. Hors de question de mourir ici !
Ce fut un cliquetis métallique qui le fit sursauter, tirant l'épée de son fourreau. Un coup d'oeil alentour ne lui révéla rien, mais un nouveau bruit lui fit tourner son attention vers l'une des cellules les plus éloignées de sa position. Il fallait aller voir, malheureusement... Une attaque par derrière au plus mauvais moment aurait été terrible. A pas de loup, Adel s'approcha doucement de la cellule, se planquant contre le mur de pierre pour passer discrètement la tête. Et ce qu'il vit lui des yeux ronds.
Une femme ! Il y avait une femme dans ces geôles abandonnées ! Apparemment, elle était même grossièrement enchaînée ! Adel n'attendit pas plus et fonça vers elle pour la délivrer sans trop de mal grâce à un sort. Prudent et attentionné, il s'enquit de son état sans avoir manqué de l'inspecter à la recherche de blessures visibles.
- Hey, hey ! Vous allez bien ? Il parlait doucement, pour ne pas l'effrayer. Je ne suis pas... enfin, pas votre ennemi. Je me nomme Adel Schneider et je me suis perdu ici. Vous pouvez marcher ?
Sa présence sous-entendait aussi (et surtout) une présence hostile quelque part, sûrement dans les niveaux supérieurs qui remontaient au château. Cela n'était pas très engageant et les deux jeunes gens avaient tout intérêt à se montrer méfiants dès lorsqu'ils entreprendraient de sortir de là. Mais encore fallait-il que l'inconnue accepte de le suivre...
Evelyne, comme elle s'était présentée après qu'Adel l'ai réveillée, ne savait pas plus que son sauveur là où ils se trouvaient tous les deux. Vu les différents bleus et autres marques de maltraitance que le jeune homme avait découvert sur le corps de la captive, il était logique de croire qu'elle avait été tout simplement faite prisonnière. Ainsi donc, ce château n'était pas si abandonné que cela... Adel s'incita mentalement à la prudence, s'estimant particulièrement chanceux de ne pas avoir été découvert alors qu'il était inanimé. Qui sait comment il aurait fini, sinon ? La récupération que fit Evelyne de son matériel chassa cette mauvaise pensée de l'esprit du lanceur de sort, qui ne se priva pas pour détailler la jeune femme qui revêtissait morceaux d'armures et autres protections nécéssaires aux voyages sur Terra. Plutôt jolie, la prisonnière. Si les gardes avaient abusé d'elle, elle n'en montrait pas grande émotion. Ni colère, ni honte, ni pleurs. L'état de choc, peut-être. Cela restait tout de même curieux et Adel garda l'information dans un coin de sa tête.
Quand elle fit quelques mouvements, Schneider lui adressa un sourire satisfait et un pouce levé. Parfait ! La jeune femme semblait en état de se dépenser un peu physiquement, voire de se battre si les choses arrivaient jusque là. C'était rassurant.
- Vous savez comment on sort d'ici ?
- Non. A vrai dire, il a même fallu que je cherche comment j'étais entré. La presque bonne nouvelle, c'est que comme vous avez été amenée ici et apparemment visitée souvent, on peut en déduire sans trop se planter que les accès sont dégagés. Je craignais que les sorties soient encombrées de débris.
Morceaux de pain, cruche d'eau... On avait maintenu Evelyne en vie, ce qui sous-entendait des passages réguliers. Il fallait donc faire vite puisque ses tortionnaires étaient susceptibles de revenir à chaque instant. Sans se concerter, les aventuriers se séparèrent le temps d'inspecter le niveau dans lequel ils se trouvaient. Adel découvrit de nouvelles cellules, certains abandonnées d'autres encore fonctionnelles, et même quelques vivres qu'il vint partager avec sa coéquipière improvisée. Du pain pas trop sec et même du fromage ! Un régal pour lui qui était tenaillé par la faim.
- Je connais un sort pour voler, moi. Le souci, c'est qu'il propulse automatiquement à grande vitesse une fois incanté. Il désigna l'espèce de cheminée par laquelle il avait chuté. Et je me souviens que là-dedans, ce n'est pas droit. On se brisera la nuque à coup sûr. Et inutile de penser à défoncer le plafond, on doit être juste en dessous des douves.
D'un mouvement de main, il montra d'épais suintements d'humidité un peu partout dans le niveau. L'étanchéité fichait le camp et un jour, cet endroit serait noyé. Ce n'était pas pour tout de suite, mais le petit malin qui perforerait le plafond se mangerait plusieurs dizaines de milliers de litres d'eau avant de comprendre ce qui lui arrivait. Non, la solution était simple : il fallait sortir par la porte. A moins qu'elle ne soit verrouillée par un très puissant sort magique, Adel viendrait aisément à bout de la serrure.
D'un mouvement de main, il lui fit signe de suivre et l'entraîna vers l'ouverture qui donnait sur les seuls escaliers de l'endroit. Ensemble, ils remontèrent en silence jusqu'à arriver en haut des marches. Adel posa son index sur sa bouche pour demander le silence, avant d'apposer sa main sur la trappe fermée. Après une rapide incantation, on entendit le claquement caractéristique d'un verrou débloqué. Adel échangea un regard avec Evelyne pour s'assurer qu'elle était prête, puis poussa la trappe.
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La pièce du fond de laquelle ils arrivaient était grande, dégagée et rectangulaire. Sur les piliers se trouvaient encore les fanions de la famille noble qui avait vécu là, les couleurs et dessins salis et délavés depuis des années. Rongées aux mites, les bannières scrutaient le reste de la salle d'arme qui devait servir autrefois aux entrainements des gardes et, si on en croyait les tablées de l'autre bout, de réfectoire. Aujourd'hui encore, on pouvait deviner que l'endroit était souvent utilisé. Traces de pas et restes de collations assez récente : les bandits devaient se réfugier dans cette salle pour éviter les mauvaises visites. A supposer que le niveau soit encore souterrain, il pouvait facilement être raté par les visiteurs égarés et autres aventuriers qui s'aventuraient dans la partie la plus visible du château, tombant malencontreusement dans les filets des brigands qui pouvaient les surprendre en paraissant sortir de nulle part.
- Tu te souviens de combien étaient tes ravisseurs, Evelyne ? Au moins une idée ?
Il fallait savoir à quoi ils devaient faire face. Si c'étaient de simple bandits, Adel pouvait s'en sortir sans trop de mal. Quelques sorts bien ajustés et le tour serait joué, bien que cela dépendait du nombre d'assaillants. Il fallait ajouter à ce paramètres hasardeux qu'il n'était pas reposé et encore un peu groggy de sa chute et de son réveil récent. Ah, qu'il aurait voulu pouvoir dormir un peu !
D'un regard, il balaya malgré lui le joli corps de sa compagne d'aventure avant de soupirer.
- Dommage qu'on ne soit pas tombés sur les chambres.
Certes, il pensait au sommeil. Pourtant au vu de son coup d’œil, la chose pouvait revêtir un sens tout à fait différent. Et cela ne lui aurait pas déplu pour autant !