Le Grand Jeu

Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Les bas fonds => Discussion démarrée par: Laura le mercredi 24 avril 2013, 04:39:23

Titre: Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mercredi 24 avril 2013, 04:39:23
Laura se déplaçait d'une démarche légère dans les rues de Nexus. Il était deux heures du matin, et sa robe blanche ondulait derrière elle.

C'était une robe légère, dont la caresse lui était agréable. Elle lui arrivait au dessus des genoux, et son amplitude était suffisante pour ne pas gêner la Sirène dans ses mouvements. Celle-ci, fidèle à son habitude, ne portait aucun sous-vêtement. Plutôt mourir.

Si elle avait fait d'énormes progrès dans sa compréhension du monde des humains, Laura n'avait aucune conscience des risques qu'elle courait en se promenant seule la nuit dans les rues de Nexus. Il fallait bien dire que jusqu'à maintenant son imprudence ne lui avait jamais réellement attiré d'ennui. Et puis elle était poussée par la faim.

Cela faisait plusieurs semaines qu'elle n'avait fait aucune victime. C'était trop pour une Sirène. Plusieurs de ses congénères n'auraient attendu aussi longtemps pour rien au monde. Elle avait relevé ses cheveux en un chignon tenu en place par deux aiguilles ( un subterfuge vieux comme le monde que les Sirènes continuaient d'employer pour avoir sur elles de quoi poignarder leurs victimes, malgré leur nudité ) et s'était élancée dans le dédale des rues afin de débusquer une proie. Elle ne tarda pas à croiser le chemin d'un homme isolé ; d'un bon mètre quatre-vingt et d'une trentaine d'années, aux bras et au torse musculeux, il semblait être une aubaine. Laura n'aimait pas attirer les jeunes  hommes à peine sortis de l'adolescence. C'était d'abord une question de goût, mais il y avait aussi le fait que tuer des mâles dans la force de l'age correspondait plus à l'interprétation que les Sirènes faisaient généralement du sens de la vie des hommes : des créatures faites pour grandir, aimer, puis mourir. Dans l'idéal, on ne tuait donc un homme que lorsqu'il était pleinement un homme. Cela avait l'avantage de soulager la conscience.

Elle s'approcha de l'homme, qui semblait ivre à sa manière de marcher. L'attirer dans une ruelle plus isolée promettait d'être simple. Elle préférait ne pas avoir à se servir de son chant pour l'instant, par simple peur qu'un autre homme l'entende et soit attiré vers elle. Elle s'arrêta à deux mètres de son gibier, le regardant avec un sourire bienveillant aux lèvres. Celui-ci s'arrêta instant, surpris. Son visage renfrogné ( ndlr : pourquoi diable les gens boivent-ils pour se mettre dans des états pareils ? ) afficha alors une moue qui faisait penser à... de la gourmandise ? Elle pivota sur elle même pour s'éloigner en roulant de hanches. Elle entendit derrière elle les pas de la proie qui la suivaient et s'approchaient, petit à petit. Très bien... elle sourit à l'idée que son charme fonctionnait, même sans avoir recours au chant.

Soudain elle poussa un cri. Une main venait de se saisir de son chignon, et l'avait tirée en arrière avec une telle violence qu'elle avait été jetée au sol. Sa coiffure s'était défaite, laissant rouler ses aiguilles sur les pavés humides de la rue. Brusquement animée par la peur, elle se saisit de l'une d'elle et bondit sur ses jambes, avant de se jeter sur l'homme pour le frapper à la gorge. Celui-ci leva le bras pour se protéger, et l'aiguille se ficha dans son épaule.

"Aie ! Salope !"

Laura reçut une claque retentissante. Puis une deuxième, du dos de la main, puis une troisième. A demi sonnée, elle perdit l'équilibre et se retrouva au sol à nouveau. L'homme la souleva immédiatement avant de la plaquer contre un mur.

"Ca t'amuse moins maintenant ? Tu crois que tu peux tout te permettre ?!"

L'homme avait passé une main sous le vêtement de la Sirène pour tâter de ses formes, tandis que sa seconde main la maintenait collée au mur par la gorge ; encore sous le choc des gifles, elle se débattait à peine. L'agresseur descendit sa main baladeuse jusqu'à l'entrejambe de sa victime, qui serra les cuisses de toutes ses forces.

"Ecarte. Ecarte je te dis !"

La main sur la gorge de Laura se resserra, l'étranglant de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'enfin elle cède, que la pression se relâche, et qu'elle puisse reprendre son souffle. L'homme, un rictus sur les lèvres, enfouit alors brutalement un doigt dans le vagin de la Sirène qui poussa un cri de douleur. Son tortionnaire releva la tête et approcha son visage dur à quelques centimètres de celui de Laura :

"Je te jure que si j'entend encore le moindre cri, le moindre mot, je cogne ta petite gueule contre ce mur, jusqu'à ce qu'il en reste rien."

Il avait prononcé ces mots avec une froideur qui ôtèrent tous ses moyens à Laura, appuyant lentement chaque syllabe. Il ne plaisantait pas, elle en était certaine. Celle-ci, serrant les lèvres pour s'empêcher de crier, ne put que fixer d'un air terrorisé la verge qui venait d'être dégainée et s'apprêtait à la pénétrer. Son agresseur força sauvagement le passage en elle, faisant monter sans sa gorge une plainte qui finit étouffée par ses lèvres scellées. Labourée violemment par le sexe de la brute, Laura ne put retenir un sanglot, à peine audible, mais qui déformait ses trait de manière pitoyable. Elle pleurait d'impuissance, de douleur, d'humiliation et de peur ; si elle ne tuait pas l'homme qui abusait d'elle à l'instant, c'est elle qui mourrait. A travers ses yeux larmoyants, la Sirène fixait d'un regard implorant sa seconde aiguille, restée au sol, à deux mètres de là.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 24 avril 2013, 17:58:47
J'ai déjà eu l'occasion de visiter pas mal de dimensions. Certaines, comme les enfers, défient l'imagination, en matière de cruauté. Mais, au final, ça n'est pas réellement un problème : c'est la nature même de ces plans de constituer un infâme charnier. En revanche, Terra est différente... Ces dernières années, j'y ai passé autant de temps que sur ma planète d'origine. C'est un monde différent, que je considère d'un alignement aussi neutre que la Terre. Aussi, des choses plus ou moins condamnables, s'y passent. On pourrait croire que Nexus, cette ville marchande et libérale, s'opposant à la nation conquérante d'Ashnard, constituerait un lieu plutôt bénéfique. Il n'en est rien, loin de là. Bien sûr, il y a l'excuse du niveau technologique : les habitants de la cité n'ont guère, pour la plupart, l'éducation et les privilèges des populations terrienne occidentales. Reste que les commerçants de Nexus, pourtant classe assez aisée, figurent parmi les personnes les plus amorales que j'ai jamais rencontrées.

Je crois donc, qu'au final, je n'aime pas vraiment, Nexus... Malheureusement, il y a tant à faire, ici. La chose est simple. Si je veux être sûre d'aider quelqu'un, ou du moins de pouvoir essayer, il suffit pour cela d'errer dans une de ces rues délabrées où les malfaiteurs grouillent, surtout de nuit. Il y a toujours un individu blessé, ou en mauvaise posture, pour lequel je peux faire quelque-chose. Ça tombe bien, parce que j'ai actuellement un problème mineur, mais tout de même assez handicapant : le décalage horaire. C'est un désagrément que je rencontre souvent, lorsque je me téléporte. Je pars de la Terre, où il fait jour, et je me retrouve sur Terra, vers minuit, mais en pleine forme. Mieux vaut quand même ça, pour moi, que de me téléporter épuisée, évidemment, mais cela implique de trouver quelque-chose à faire. Comme à l'habitude, lorsque je me rends à Nexus, j'ai été chercher des habits chez un ami aubergiste, qui me fait le privilège de me mettre quelques vêtements de côté, depuis que j'ai soigné sa fille d'une maladie infectieuse. Puis je suis descendu dans une des rues sus-nommées.

L'odeur, c'est toujours ce qui me choque, d'abord. Les égouts fonctionnent mal, voire pas du tout. Les déchets sont souvent simplement abandonnés dans la rue. Je suis emmitouflée dans une épaisse tunique brune asexuée, qui cache totalement mes formes, déjà peu prononcées. Ma démarche n'est pas très féminine, je ressemble à un vagabond anonyme, qu'il ne vaut même pas la peine de dépouiller. C'est l'effet recherché. Je ne tiens pas à attirer l'attention de pervers, ou de bandits, sur moi. Il est beaucoup plus facile d'intervenir quand je ne suis pas directement agressée. Sur la route, j'ai ramassé un morceau de métal rouillé qui devait être jadis le bras d'une remorque, et je l'ai enfouie dans mes habits. J'espère que je n'en aurais pas besoin. En règle générale, je suis aussi efficace à main nue qu'avec ce genre d'arme improvisée. De toute façon, je ne suis pas une combattante.

Je connais quelques lieux chauds, la sortie de tavernes mal famées, où les bagarres sont nombreuses. Mon objectif n'est pas de les empêcher, mais de veiller à ce que tout le monde passe la nuit. J'observe avec préoccupation, à distance, quelques soûlards, qui la finiront sans doute sur le pavé, n'ayant plus les moyens de payer d'autres consommations. Ils ont l'air assez calmes. Puis, un cri déchire le silence. Voilà, je n'aurais sans doute pas perdu ma soirée. Je me hâte dans la direction d'où semblait provenir la plainte. Elle était plutôt aiguë. Une femme ; battue, violée ? Je ne tarderai pas à le savoir. Mes pas me mènent à une ruelle isolée. Ça n'est pas vraiment surprenant, qu'on se fasse agresser, dans ce genre d'endroit...

Mes yeux se posent sur un dos, couvert par une tunique crasseuse. Le bas, en revanche, n'est pas couvert, et le pantalon tombe au niveau des genoux. Derrière, je distingue une autre paire de jambes, qui paraissent appartenir à la victime. Les deux individus sont plus grands que moi. Ça n'a pas d'importance, après quelques secondes passées à analyser la situation, pour être sûre de ne pas mal l’interpréter, je crois savoir ce qu'il me reste à faire. Je m'approche, sans vraiment miser sur la discrétion. L'agresseur semble de toute façon trop occupé par son affaire pour m'entendre.

J'ai eu ma période arts martiaux, il y a quelques années, et j'en ai étudié de tous les genres. Je me souviens de quelques entraînements d'Aïkido. C'est une école, basée sur une technique d'esquive, lIrimi et dont la mentalité va assez bien avec la mienne. Comme bon nombre d'entre-eux, il cherche à utiliser la rage de l'adversaire contre lui, mais, dans un optique beaucoup moins agressive que le jujitsu, ou même le judo. En général, on s'en sert plutôt en réponse à une attaque, mais il y a quelques prises qui se recyclent bien lorsqu'il s'agit d'immobiliser quelqu'un.

Mon bras se referme horizontalement sur ses épaules, enserrant son cou : kata kiri. Puis ma deuxième main va chercher son propre bras, le tire violemment vers le haut, et le rabats finalement dans son dos : ude jodan. Aussitôt, je le tire vers l'arrière, lui faisant perdre l'équilibre : ushiro otoshi. Son odeur de mauvais alcool remonte jusqu'à mes narines. Mais même ivre, il reste costaud et assez lourd. Il se débat, dans sa chute, attrape un pan de mon habit, qu'il déchire sur toute sa longueur. Je n'arrive pas à assurer ma prise au sol. Je panique un peu, et je finis par le frapper au visage : jodan tsuki. Il continue à bouger... Mon pied part droit dans son entrejambe découverte : je ne suis pas sûre que ça, ça porte un nom précis. Il grogne de douleur. Ça n'est pas très réglo.

-Désolée, je lui lance d'une voix effacée.

J'en profite pour le retourner sur le dos, et tordre ses deux bras, avant de l'aplatir un peu plus. Je remarque qu'il a une sorte d'aiguille plantée dans la chair. Je m'occuperai de refermer la plaie avant de partir, pour être certaine qu'elle ne s'infecte pas. Je le frappe encore une dernière fois à l'arrière de la tête. Son corps se relâche, je crois qu'il a eu sa dose. Je garde ma chaussure sur son cou, au cas où. Je porte mon attention sur la jeune femme qu'il était en train d'agresser. Je la détaille brièvement, en prenant bien soin de ne pas descendre trop longtemps mon regard sous sa ceinture. Comme je l'avais d'abord perçu, elle est beaucoup plus grande que moi, étonnamment fine et élégante. Elle ne ressemble pas vraiment aux filles de mauvaise vie qui traînent dans ce genre de quartier.

Je comprends très bien qu'elle se montre un peu effrayée après avoir assisté à un tel pugilat, même s'il n'a duré qu'une dizaine de secondes, au final. J'essaie de lui adresser un signe sympathique, un léger sourire, pour lui faire comprendre que ma violence n'est pas dirigée vers elle.

-Tu vas bien ? Comment tu te sens ?

Évidemment, je me doute que tout ne ne va pas merveilleusement bien : elle vient quand même de subir un viol. Je ne peux qu'espérer qu'elle n'est pas trop traumatisé, et que si elle est blessée, elle me le fera savoir. Je ne m'approche pas plus d'elle, pour ne pas l'intimider. Un courant d'air froid pénètre dans mes habits et me fait frisonner. Je ne sais même plus exactement à quoi je ressemble, maintenant. L'ivrogne a défait la majeure partie des tissus qui recouvraient mon bras droit, et laissé un large espace de peau nue sur mon côté. Heureusement, le reste du vêtement a bien tenu. J’esquisse très prudemment un pas vers elle.

-De l'aide ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mercredi 24 avril 2013, 19:51:20
Laura vit soudain un bras sortir de nulle part pour se saisir la gorge de son violeur. Une demi seconde plus tard celui-ci perdait l'équilibre et basculait en arrière, agrippant par réflexe le bras de la Sirène de sa main libre. Elle poussa un cri alors que la poigne de son agresseur la décollait du mur et la jetait en avant. Elle heurta violemment le sol, s'écorchant les genoux et les bras sur le pavé. A côté d'elle la brute luttait avec une jeune femme.

Laura ne se posa qu'une seule question ; où était son aiguille ? Ses yeux firent mouche en quelques secondes, et elle se précipita à quatre pattes vers son arme, avant de jeter à nouveau un œil au combat ; la femme prenait le dessus. La Sirène se saisit de son aiguille et la laissa reposer dans sa main, la cachant naturellement derrière son avant bras. Elle connaissait ce mouvement par cœur. Toutes les Sirènes le connaissaient. C'était un subterfuge qu'elles répétaient ensemble, et il s'imposa soudain à elle, s'insérant parfaitement dans l'instant, comme une pièce de moteur bien huilée qui viendrait se poser d'elle même exactement là où on a besoin d'elle.

Sous les stries dessinées par la morve et les larmes, le visage de Laura était redevenu froid. Si son cœur semblait proche de la rupture, ses gestes eux étaient précis et décidé, et son esprit était concentré sur un seul but ; atteindre la carotide de l'homme. Tout le reste - ses bras et ses genoux écorchés, cet hématome qui gonflait désagréablement sous son œil droit, la douleur lancinante de son sexe, et cette femme apparue de nulle part - n'existait plus.

-Tu vas bien ? Comment tu te sens ?

Laura s'était légèrement avancée, toujours accroupie, vers les deux lutteurs, mais se trouvait encore à au moins trois mètres de son objectif, et l'inconnue lui barrait clairement la route. Il lui fallait profiter de son avantage et prendre la jeune femme par surprise, avant que celle-ci ne comprenne. Si seulement elle pouvait lui faire relâcher son attention, ne serait-ce qu'une seconde...

-De l'aide ?

Laura poussa alors un hurlement de terreur strident en tendant sa main libre devant elle, pointant du doigt un ennemi imaginaire dans le dos de sa sauveuse. Cette dernière, distraite, lui donna juste l'occasion dont elle avait besoin pour se ruer se corps inerte de son violeur. Après une brève prise d'élan, la Sirène plongea directement à son objectif, son épaule frappant avec force la hanche de la jeune femme et dégageant l'accès au cou de sa victime qu'elle estoqua rageusement, avant de retirer sèchement l'aiguille de la plaie, faisant jaillir le sang de la gorge percée de sa victime, pour poignarder encore, et faire jaillir de plus belle, puis porter un troisième coup, et enfin un quatrième, poussant un cri à chaque attaque, tandis que des sanglots de soulagement s'emparaient de sa cage thoracique. Elle était sauvée.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 24 avril 2013, 23:35:39
Je la regarde, intriguée. Elle semble étrangement paralysée, ce qui n'est pas vraiment surprenant. Je la laisse reprendre son souffle et ses esprits. Elle a vécu quelque-chose difficile, et je suis prête à la soutenir du mieux que je le pourrais. Je repère qu'un hématome commence à gonfler près de son œil. Son cou est aussi cruellement rougi, sans doute par la poigne de son agresseur. Très lentement, je commence à m'approcher d'elle, dans le but de soulager au mieux sa douleur. Puis je remarque que son visage se métamorphose peu à peu, et ne présente plus d'autres signes de chagrin, ou de douleur, que les larmes qui mouillent encore ses joues. Je m'arrête un instant, hésitant quant à l'attitude à avoir face à cette métamorphose.

Brutalement, elle m'indique par un hurlement la proximité d'un danger, dans mon dos. Ça ne peut pas être le même homme, lourd et saoul, je l'aurais senti se relever bien avant qu'il puisse tenter même de s'enfuir. Et je ne suis pas sûre qu'il soit toujours en état de courir. Peut-être un autre homme, un complice ? Mon cœur fait un bond et je me retourne aussitôt en posture de combat, prête à nous défendre vaillamment. Rien. Le vide. Je scrute la nuit : il n'y a pas un chat, je ne vois que le mur en bois pourri d'un bâtiment, de l'autre côté de la ruelle. Un sentiment désagréable, un mauvais pressentiment m’envahissent.

Ils sont de suite confirmés lorsque je sens un choc au niveau de mon bassin : pas dans le sens où je m'attendais à résister. Je suis repoussée, et je tombe sur le côté. Je pivote vers la jeune femme et place mes bras en croix pour protéger mon visage, incapable de prévoir la façon exacte dont elle va mener son assaut. Elle est plus grande que moi, mais j'ai quand même mes chances. Une seconde plus tard, un bruit écœurant de métal pénétrant la chair m'apprend que je ne suis visiblement pas sa cible.

-Josaphat !

Je me relève et me rue aussi vite que je peux sur l'ex-victime. Mon coude cogne sèchement contre sa mâchoire, alors que je lui envoie un coup de poing expéditif dans le ventre, cherchant à lui couper la respiration. Je repère son arme, une sorte de longue aiguille à tricoter, et lui tord sans douceur le poignet pour l'obliger à la lâcher. Je lui arrache des mains, puis percute encore ses jambes d'un pied rageur, avec une violence et une fureur, peut-être paradoxalement, bien plus grande que celle dont j'ai fais usage contre l'homme pourtant plus lourd. Tout ça n'est pas vraiment bien maîtrisé, mais j'ai agit dans la précipitation.

Je considère la jeune femme comme temporairement hors d'état de nuire, et je me précipite sur l'ivrogne dont le sang, autour de sa gorge, commence à former une flaque. À califourchon sur son corps à demi-nu, de mes doigts, j'essaie de compresser ses plaies : si elles ne sont pas très larges, les coups ont été portées avec précision. La scène est macabre. J'ai du liquide rouge plein les mains, et le fluide vital imbibe la manche qu'il me reste. Mon pouvoir de guérison entre en action : je le concentre aussi puissamment que je peux. Le saignement s'arrête au bout de quelques secondes. Quelques secondes de trop. J’appuie mon oreille sur ce qui n'est plus qu'un corps sans vie, m'assurant du diagnostic fatal. Je serre les dents.

-Puisse le Seigneur te pardonner tes fautes et t’accueillir en son royaume, je chuchote rapidement à l'oreille du défunt homme en fermant délicatement ses paupières.

Je n'ai pas le temps de faire mieux. Il y a une meurtrière derrière moi.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le jeudi 25 avril 2013, 04:23:53
Quelque part, elle aurait du s'y attendre. Sauver sa vie d'une menace directe c'est bien, mais évaluer les éventuelles menaces secondaires c'est mieux. L'inconnue était revenue à la charge et l'avait littéralement balayée, lui infligeant une série de coups d'une violence telle que la pauvre Sirène n'en avait jamais reçut. A vrai dire, la pauvre Sirène n'avait jamais reçut le moindre coup de poing auparavant.

Etant en quelque sorte anesthésiée par ses restes d'adrénaline, elle avait accusé les coups en bronchant à peine, faisant seulement entendre une plainte étouffée entre ses dents lorsque, fauchée par un coup de pied de la jeune femme, elle s'était écrasée sur le sol, juste avant que sa tête ne heurte le pavé et que son crâne ne soit étreint d'une douleur insupportable, tandis qu'un rideau de lumière tombait devant ses yeux. Pendant quelques secondes, elle perdit totalement conscience du monde qui l'entourait et resta étendue sur le dos, suffocante ; elle tenta péniblement de retrouver sa respiration, tandis que des formes insensés dansaient devant ses yeux.

Quand elle finit par retrouver son souffle et sa lucidité, elle se trouvait en position semi-fœtale. Elle entendit l'inconnu à côté d'elle prononcer des paroles incompréhensibles. Elle se remit péniblement sur ses pieds, encore voûtée par la douleur sous son plexus ; la jeune femme lui tournait le dos et semblait parler au mort... ça n'avait aucun sens, mais une énormité de plus ou de moins ne pouvait plus choquer Laura. Rien de ce qui se passait ce soir n'avait de sens.

Il ne fallait pas qu'elle traîne là ; l'intruse semblait retournée à ses occupations ésotériques, mais qui sait ce qu'elle pourrait avoir encore en tête après ça ? Laura tenta donc de filer à l'anglaise et commença à s'éloigner le plus vite et le plus silencieusement qu'elle put. Elle n'était pas bien rapide - elle n'essayait même pas de courir, se contentant de trottiner pitoyablement, courbée vers l'avant avant, maintenant son poignet endoloris de sa main gauche. Tout ce qu'elle espérait, c'était que l'humaine s'en aille vaquer à ses occupation et la laisse tranquille. Après tout, en quoi toute cette histoire pouvait bien l’intéresser ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le jeudi 25 avril 2013, 21:22:30
Le pauvre homme n'est pas la première personne que je vois périr dans des circonstances violentes... pourtant, à chaque fois, je suis horrifiée de constater qu'on envoie prématurément, et dans une telle violence, une âme au Seigneur. Bien sûr, cet individu avait commis des fautes, dont la dernière lui a d'ailleurs été fatale, mais si j'avais pu lui parler, il aurait eu une chance de se repentir. De plus, il était sous l'emprise de l'alcool. Moi qui me suis, hélas, parfois trouvée dans de fâcheuses postures à cause d'une consommation excessive, je suis bien placée pour savoir qu'il peut amener à faire des choses terribles. Ceux qui sont sous son influence lorsqu'ils commettent des crimes devraient bénéficier d'une plus grande indulgence encore au niveau de la justice des hommes.

Je me relève à présent sans précipitation, sentant que la jeune femme s'éloigne de moi en claudiquant. J'y ai peut-être été un peu fort. Sa réaction a été terrible, toutefois, elle n'a sans doute agit que par vengeance. Je sais, depuis longtemps, qu'il ne faut jamais agir par vengeance : c'est l'un des premiers commandements de l'apôtre Pierre. Cependant, je ne peux en vouloir à une païenne de ne pas avoir reçu la même éducation que moi. Elle a agit de manière affreusement primitive... enfin, je suppose que je peux comprendre. Avec un peu de recul, je me rends compte que c'est surtout contre moi que je dois être en colère. Non-seulement je n'ai pas su protéger l'ivrogne de son funeste destin, mais de plus, j'ai échoué à préserver sa victime du pécher. Je me mords les lèvres. La seule chose que je peux faire, maintenant, c'est d'essayer de réparer le mal que j'ai fais.

Je n'ai pas de mal à la rattraper. La sauvagerie avec laquelle elle s'est jetée sur son agresseur était impressionnante, néanmoins, son attitude, ensuite, a été loin de celle d'un foudre de guerre. N'importe quel combattant un peu chevronné aurait encaissé les coups que je lui ai porté, aurait amorti sa chute, et se serait relevé bien plus vite qu'elle. Ici, sa démarche est boiteuse. Bon, les dégâts physiques seront certainement plus faciles à réparer que ceux psychologiques. Je tends la main vers elle et je m'exclame, sans agressivité :

-Attends. T’ira pas loin comme ça, de toute façon.

Du reste, c'est vrai : femme, découverte et jolie, et incapable même de courir, elle risque très vite de faire une nouvelle mauvaise rencontre. C'est une cible parfaite pour le premier bandit qui croisera son chemin, et ils ne sont pas rares. A-t-elle seulement quelque part où aller ? J'effleure son épaule, lui montrant que je suis en mesure de la saisir, mais que je m'abstiens.

-Je suis guérisseuse. Je m'occupe de ce que t'ai fait, si tu veux.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le vendredi 26 avril 2013, 03:05:47
A peine Laura avait-elle amorcé sa fuite qu'elle était déjà rattrapée. Elle augmenta son allure autant qu'elle pu le temps de quelques enjambées, rentrant la tête dans les épaules, prête à prendre une nouvelle raclée - voir pire.

-Attends. T’ira pas loin comme ça, de toute façon

Le coeur de la sirène fit un bond ; elle n'allait pas être battue à nouveau ? Elle ne comprenait pas l'attitude de sa poursuivante. Si elle tenait à protéger l'homme, elle aurait du être rage, pourquoi ce ton qui se voulait rassurant ?

Sentant la main se poser sur son épaule, Laura se sentit vidée de ses forces et ridicule ; elle stoppa donc sa course. Elle n'arrivait pas vraiment à deviner la logique qui animait cette femme, mais celle-ci, grâce à ses intonation et à la délicatesse de son geste, l'avait convaincue qu'elle ne risquait rien. Et puis, quoi qu'elle fasse, Laura restait à la merci de cette inconnue, alors autant se montrer coopérative plutôt que de risquer de déclencher à nouveau son courroux.

-Je suis guérisseuse. Je m'occupe de ce que t'ai fait, si tu veux.

Laura pivota timidement, faisant face à la jeune femme. Elle n'en avait pas vraiment conscience, mais elle était pitoyable à cet instant, à demi recroquevillée sur elle même, le visage tuméfié, les genoux et les avant-bras ensanglantés et le nez laissant échapper deux ruisselets translucides. Et resta quelques secondes muette, à observer ;

De près, elle pouvait voir que la jeune femme qui l'avait mise KO une minute auparavant aurait presque pu être qualifiée d'adolescente, tant son visage parassait jeune. Celle-ci semblait être dénuée de toute attention agréssive, et son air pacifique rassura quelque peu Laura qui se décida enfin à demander d'une voix inquiète :

"Qui es-tu ?"

Ce qui était une vaste question, ou plutôt en contenait plusieurs. Bien qu'elle eut la certitude de ne pas se trouver en présence d'une ennemie, elle n'était pas prête pour autant à s'abandonner si facilement aux mains d'une guérisseuse qui l'avait molestée une minute auparavant. Et plus qu'à un soulagement à ses blessures, la Sirène aurait souhaité comprendre pourquoi cette fille qu'elle n'avait jamais croisée de sa vie venait de risquer la sienne pour la sauver, avant de de se retourner contre elle et de tenter de l'aider à nouveau.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le vendredi 26 avril 2013, 04:43:52
-Telka de Szczecin, guérisseuse surtout, aventurière parfois.

Je constate avec un certain soulagement que je n'aurais pas à lui courir -façon de parler- après, pour tenter de la soigner. Elle semble plutôt coopérative. Malgré son état pitoyable, elle est encore assez gracieuse. Décidément, elle ne va pas du tout avec le lieu, crasseux et obscur. C'est une jolie fille avec une silhouette et un visage de princesse, du genre qu'on fait garder en haut d'une tour par un dragon féroce, pas qu'on envoie dans la rue se faire violenter.

-Je suis la voie du Dieu triple et unique, que tu ne connais peut-être pas... L'essentiel pour le moment est que tu saches qu'il est bienveillant, je suppose.

La religion chrétienne, d'autant que j'ai pu le constater, n'est pas très répandue dans Nexus, ni dans aucune autre ville de ce plan que j'ai visitée. Les fidèles sont encore plus rares qu'au Japon, où ils ne sont déjà pas très nombreux. Je ne sais comment sont venus sur Terra ceux qui sont déjà dans le culte. Je sais qu'il existe des portails permettant ponctuellement à des individus normaux de voyager entre les plans. Peut-être des individus ayant la foi ont-ils été happés, et ont ensuite fondé des familles dans la tradition chrétienne. Peut-être est-ce aussi l'action de quelques anges, mais ils s'occupent finalement assez peu eux-même de convertir des individus.

Du reste, l'environnement ne rend pas très aisé l'adoration à un Dieu unique, quel qu'il soit. Les manifestations des dieux de panthéons polythéistes sont, paraît-il, chose courante. L’Histoire a montré que les idoles païennes sont bien plus faibles que la sainte Trinité, mais elles sont aussi plus accessibles.

-Désolée de t'avoir frappée, mais je ne pouvais pas te laisser tuer cet homme sans rien faire. Je peux comprendre ta réaction. Mais enfin, toute cette violence, par Josaphat ! Une telle vengeance n'est jamais la solution... Repense-y, et essaie de réaliser toutes les conséquences de ton acte.

Je soupire. J'aimerai trouver des mots plus convaincants, mais si je me mets à lui parler des épîtres de Saint Pierre, elle ne comprendra pas. Jésus aimait beaucoup utiliser des paraboles. J'en cherche une, seulement pendant une fraction de seconde, puis, agacée, j'abandonne. J'espère l'avoir rassurée, et qu'elle se laissera faire, à présent. Avec des gestes lents, pour ne laisser aucun doute sur leur nature, je m'approche un peu plus d'elle, puis place ma main au niveau de son visage. Mes doigts viennent toucher délicatement les bosses et les éraflures qui le constellent : les premières dégonflent, les secondes se referment en ne laissant que de petites marques rouges. Mon pouvoir, pour des blessures aussi bénignes, est agréable. Il ne se manifeste que parce quelques picotements, et une douce impression de chaleur. Lorsqu'il s'agit de plus grosses plaie, il est parfois plus douloureux, forçant les tissus à cicatriser, surtout si je dois me dépêcher.

-Qu'est-ce que tu fais ici, à cette heure ? Dans cette tenue ? je lui demande d'une voix neutre, qui tente de cacher le reproche. On est dans l'un des quartiers les plus mal famés de Nexus... Tu t'es perdue ?

Je passe mes mains jointes sur son cou, puis les fait descendre sans précipitation le long de ses bras, et enfin de ses jambes. Je prends mon temps pour être sûre que je n'oublie rien, je ne vois pas l'urgence. ce sont des gestes que j'ai l'habitude de faire, maintenant, ils me sont parfaitement familiers. Elle n'est pas vraiment très habillée, ce qui facilite mon travail, mais augmente ma perplexité. Cette fille doit avoir quelque-chose à dissimuler. On ne se balade pas ainsi vêtue et en pleine nuit dans les bas-fonds. Personne ne serait assez stupide pour ça. J’agrippe un lambeau de ma tunique, qui en pend encore, arraché par feu l'ivrogne dans sa chute, et le déchire. Je lui tends l'étoffe brune, pour qu'elle puisse s'essuyer le nez. J'en viens finalement à la dernière étape. Je baisse d'un ton, légèrement gênée.

-Est-ce que tu étais vierge ? Je peux réparer, ça aussi, si tu veux, je lui indique posément.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le vendredi 26 avril 2013, 15:33:38
Laura ne prononça pas un mot. Elle avait déjà compris que Telka était guérisseuses, en revanche elle supposait que le terme "aventurière" avait pour vocation de résumer sa tendance à arriver comme un cheveux sur la soupe dans les situations violentes.

La Sirène n'avait jamais entendu parlé du Dieu triple et unique - rien que cette absurdité, dans une situation plus confortable, l'aurait déjà agacée - et ne se préoccupait pas des dieux. Elle avait déjà entendu parler de quelques cultes voués à diverses entités, mais avait toujours trouvé ces comportements de dévotion méprisables. Ces humains masochiste qui chantaient les louanges de créatures, voir y consacraient leur vie, uniquement par admiration pour la puissance de celles-ci, lui inspiraient un profond sentiment de dédain. Elle s'était bien vite désintéressée d'eux, un hochement d'épaules étant bien la seule réaction dont ils fussent dignes.

Enfin, à cet instant ces considérations avaient peu d'importance, tout comme les leçons de morales qui suivirent. Laura, au delà de tous ces mots qui tombaient systématiquement à plat, était presque touchée par le ton bienveillant de la guérisseuse. Celle-ci lui donnait l'impression d'avoir à faire à une nature forte et paisible. Elle laissa donc la main de la jeune femme se poser sur son visage - un peu surprise par ce geste aussi doux que soudain - et laissa échapper un murmure de surprise en sentant les meurtrissures de son visage s'évaporer.

-Qu'est-ce que tu fais ici, à cette heure ? Dans cette tenue ? On est dans l'un des quartiers les plus mal famés de Nexus... Tu t'es perdue ?

N'ayant aucune réponse satisfaisante à apporter, Laura fit simplement "oui" de la tête, espérant que cette réponse conviendrait à la jeune aventurière, profitant des caresses réparatrices de celle-ci.

-Est-ce que tu étais vierge ? Je peux réparer, ça aussi, si tu veux

Évidement, elle aurait souhaité être "réparée" ici aussi, les tiraillements et brûlures l'entrée de son sexe étant pour elle un rappel fort désagréable des assauts bestiaux que son agresseur lui avaient fait subir, même si elle ne voyait pas le rapport avec la virginité.


"Il m'a blessée..." répondit-elle simplement à voix basse.

Faisant preuve d'une délicatesse qu'elle espérait égale à celle de la jeune fille, elle se saisit de ses mains et les déposa sur son entre-jambes. Bien que cette partie du corps fut considérée comme intime, même chez les Sirène, les tabous en matière de pudeur étaient beaucoup moins pesants chez ces dernières, c'est pourquoi Laura réalisa ce geste avec calme. Ce geste n'avait rien d'érotique, et elle espérait que l'hu...

"Bon sang ... !"

Telle un animal menacé, Laura tourna la tête vers la provenance de l'exclamation. Trois gardes venaient de déboucher à pas vifs dans la rue où avait eu lieu le drame ; de leur position, et malgré la distance, la perspective leur offrait la vue macabre et presque théâtrale d'un homme gisant face contre terre, derrière le cadavre duquel deux femmes semblaient partager un moment de complicité malsaine.

Laura sentit la panique s'insinuer en elle et ses jambes vaciller : elle ne voulait pas mourir, pas maintenant, pas vidée comme un poisson par un homme à la poigne impitoyable ! Ses mains désormais tremblantes se crispèrent sur les poignets de la guérisseuse tandis qu'elle lui jetait un regard terrifié implorant.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le vendredi 26 avril 2013, 19:04:15
Sa réponse me laisse un peu perplexe, elle ne m'aide pas beaucoup. Je me doute qu'il lui a fait mal, je ne comprends pas bien ce qu'elle veut me dire ; je suis déjà en train de m'occuper de ses blessures, et la plupart sont déjà propres. Je fronce légèrement les sourcils, puis je la laisse guider mes mains. Lorsqu'elle les glisse sous sa robe, au niveau de son entrejambes, je percute enfin. Mes joues prennent une teinte rosée. Je bégaie, confuse.

-Ah... oui, je vois...

J'avais bien sûr pensé à lui restaurer sa virginité, mais je n'ai pas songé une seule seconde qu'elle pouvait souffrir d'autres sévices qui n'avaient rien à voir. La chose ne m'a même pas traversé l'esprit avant qu'elle me l'indique clairement. Il faut dire que dans le domaine, je suis loin d'être un puits de science. J'ignore dans quelle mesure se faire -enfin- de la sorte, peut être douloureux. Je ne peux que supposer, avec le peu d'expérience que j'en ai, que ça n'a pas du être agréable, et que la violence du coït lui a sans doute laissé quelques marques.

Je ne peux décemment pas lui demander de relever sa robe pour que je puisse localiser avec exactitude ses blessures. Je n'ai pas besoin de les voir, en théorie, juste d'approcher mes doigts... Ce qui est assez vite gênant, également, si on prend en compte la profondeur à laquelle elles peuvent se trouver. Du moins si je veux de la précision. Heureusement, de la même manière que pour soigner les maladies, je ne suis pas obligée de pénétrer à l'intérieur du malade jusqu'aux organes concernés, mon don possède une certaine portée. Pour réparer les déchirures de cet endroit dans ces conditions, je n'ai donc pas vraiment le choix : qu'elle le veuille ou non, son hymen sera reconstitué avec le reste. Ne pas avoir le choix m'arrange, puisque je n'ai pas compris, de toute façon, si elle l'était ou non. Au moins je n'ai pas à m'en embarrasser.

Je me concentre, alors que mes mains s'approchent le moins possible de sa peau, la frôlant seulement. Cela ne change rien à la chaleur guérisseuse qui s'y applique. À peine mon travail est achevé qu'une exclamation horrifiée retentit derrière moi. Je me retourne, et distingue trois hommes en armure légère, uniforme de la garde de Nexus. Bon sang, pourquoi eux, maintenant ? Depuis que je parcours les bas quartiers, je ne les ai encore jamais croisé. J'en étais même venue à penser qu'ils désertaient totalement l'endroit, le laissant dans son chaos et sa violence. Ils choisissent vraiment pas leur moment pour arriver. Je peux difficilement faire face à trois hommes armés et entraînés, sans avoir moi-même d'épée digne de ce nom.

-Hey ! Vous ! On ne bouge plus ! nous ordonne un soldat.

La poigne effrayée de la jeune femme se referme sur mes bras. J'analyse rapidement la situation. Nous sommes toutes deux couvertes de sang, particulièrement moi. Leur expliquer ce qui s'est passé va être particulièrement complexe... et les miliciens de la ville ne sont pas connus pour leur grande faculté d'écoute, et leur clémence hors du commun envers les victimes de viol. Selon la justice du moment, ils vont probablement nous jeter dans des cellules pendant des semaines, si ce n'est pire. En ce qui me concerne, ça n'est pas si grave : avec un peu de chance, je serais dehors dans une vingtaine d'heures.  En revanche, pour celle que je viens d'aider, cela risque d'être bien plus long et pénible.

-Allez, on reste pas ici ! je lui lance, assez fort, je l'espère, pour créer chez-elle une réaction.

Je la pousse légèrement et me met moi-même à courir. Pourvu qu'elle ne reste pas sur place, paralysée... La probabilité de leur échapper n'est déjà pas très élevée, vu ma connaissance approximative du quartier. Si elle pouvait mettre à profit pour s'enfuir la violence et la vivacité dont elle a fait usage pour poignarder son agresseur, nous aurions peut-être une chance. Les gardes n'ont même pas de moment d'hésitation : ils sont habitués à poursuivre les malfaiteurs, et se précipitent sur nous.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le vendredi 26 avril 2013, 20:53:04
Les Sirènes n'ont aucunement l'habitude de la course à pieds, et Laura ne faisait pas exception à la règle. Le cri de la guérisseuse la fit sursauter, remettant en marche ses jambes paralysées par la peur ; elle s'élança derrière sa compagnonne de fuite aussi vite que son corps lui permettait.

Les deux femmes s'engouffrèrent dans la première rue perpendiculaire qui s'offrait à elles, avant de courir quelques mètres, prendre un nouveau virage, et courir à nouveau ; les trois hommes étaient toujours à leurs trousses et semblaient plus proches que jamais, tandis que Laura faiblissait, incapable de tenir le rythme. Malgré ses battement de jambes affolés, son alliée avait pris une quinzaine de mètres d'avance et ne cessait de s'éloigner. Bien que la cette jeune femme n'eut eu certainement ni la force ni la volonté de s'opposer à trois hommes d'une telle carrure pour protéger une inconnue insignifiante telle que Laura, celle-ci se sentit de plus en plus isolée et terrifiée à mesure que son exe-sauveuse s'éloignait.

L'écart entre la Sirène et ses poursuivants se rétrécissait de manière implacable, et ceux-ci furent bientôt si près qu'elle les entendait souffler derrière elle. Finalement l'un des hommes poussa un râle de victoire, et elle se sentit tirée violemment en arrière par les cheveux avant d'être jetée au sol.

Elle se débattit de toute son énergie, frappant en hurlant tout ce qu'elle pouvait atteindre, mais fut maîtrisée sans mal pas son ravisseur tandis que les deux autres hommes continuaient leur course. Incapable de se dégager, elle se relâcha ; elle était impuissante, encore... elle ne pourrait qu'espérer, dans un coin de sa tête, que la jeune aventurière, elle, s'en sortirait.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le vendredi 26 avril 2013, 23:19:15
J'ai de la chance : la tunique dans laquelle je suis, avec des sandales toutes simples à mes pieds, est parfaite pour courir. En même temps, il est assez rare que je porte quelque-chose de réellement handicapant, et cela doit faire plusieurs années que je n'ai pas porté de robe, ni même de jupe. J'ai toujours besoin de bouger, et il faut bien dire que ce genre d'habit à plutôt tendance à attirer les regards des hommes. Je comprends que la plupart des jeunes filles de mon âge ont tendance à chercher ce regard, à se sentir séduisante... Pour ma part, cela fait pas mal de temps que j'y ai renoncé. Mettre en valeur mon corps ne fait vraiment pas partie de mes préoccupations, bien au contraire.

Malheureusement, ça n'est pas réellement le cas de la jeune femme -il faudrait que je pense à lui demander son nom, d'ailleurs, lorsque la situation s'y prêtera plus-. Alors que j'arrive à prendre de l'avance sur les gardes qui nous poursuivent, elle perd peu à peu du terrain. Régulièrement, je jette des coups d’œil derrière mon épaule, pour m'assurer qu'il ne lui arrive rien. Je ne peux cependant pas me permettre de ralentir. Elle n'a pas l'air très avisée. Elle a toutes les chances d'être essoufflée avant les soldats, malgré leurs armes et leurs armures. J'espère qu'elle ne va pas non plus trébucher. Mes cheveux châtains volent au vent, alors que je prends de la vitesse. J'ai bien fait de les couper assez courts.

Finalement, un dernier regard arrière m'apprend que ma protégée, elle, est en train de ralentir. Je me résigne. Elle n'y arrivera pas. Un cri de rage me le confirme. Je soupire, j'hésite un peu. J'entends encore, sur le pavé, les pas de deux hommes qui sont toujours à mes talons. J'ai encore la possibilité de les semer, je suis endurante, plutôt entraînée, je crois en avoir la force. Cependant, je ne peux pas abandonner cette fille à son sort. Me faire prendre, pour moi, ça ne représente, au bout du compte, pas grand-chose. Les risques sont minimes. Un simple mauvais moment à passer. Au moins, si je me fais arrêter en même temps qu'elle, je pourrais lui éviter de faire des bêtises. Elle paraît si perdue et presque muette.

Ma décision est prise, et soudainement, je m'arrête. Je dispose d'une poignée de secondes avant que les miliciens soient à mon niveau. J'en profite pour me retourner, avec une certaine lenteur, jeter sur le côté le tube de métal qui constitue ma seule arme. Je fais quelques pas calmes, en leur direction.

-C'est bon, j'articule simplement. Je me r...

L'un des soldats me saisit par le bras et me tire violemment vers lui, interrompant ma réédition. Il doit faire environ un mètre quatre-vingts : quinze bons centimètres de plus que moi. Sans ménagement, il m’appuie sur le haut du crâne, m'obligeant à m'agenouiller. Je le vois sortir une corde de sa poche, et entreprendre de me lier les mains dans le dos. J'essaie de tourner un peu la tête, pour voir comment est traitée la jeune femme. Une gifle m'en dissuade.

-Bon, allez. Fais attention, il court vite, celui-ci, fait remarquer l'autre milicien.
-Tu penses qu'on devrait lui casser les jambes pour être sûrs ?

Le garde ricane un instant, avant m'appuyer le bout en bois de sa pique dans la cuisse, accentuant rapidement la pression. Je lâche prématurément une petite plainte. Autant simuler un peu, pour qu'il arrête plus vite. Il s'arrête au bout de quelques secondes, et, tiquant, fait passer le manche dans l’entrebâillement de la déchirure de ma tunique, l'élargissant. Je lui jette un regard noir.

-Sales gamins des rues, jure l'autre, depuis quand ils assassinent des ivrognes ? Et depuis quand ils ont ce genre de copines ?
-Attend, soit pas jaloux. C'est une gonzesse aussi.

Ses yeux s'attardent sur la simple bande de tissu qui recouvre ma poitrine. Elle est surtout là pour la forme : je pourrais m'en passer. Je ne me vexe pas plus que ça qu'ils m'aient pris pour un gosse. Habillée ainsi, ma féminité est loin d'être évidente, et seule ma voix relativement aiguë me trahit. Ce qui me dérange, c'est l'attention qu'ils portent à présent tous deux à mes attributs. Ils paraissaient s'interroger sur la marche à suivre. Celui qui me tient toujours se baisse légèrement, et passe sa main sous mon vêtement. Le contact de ses doigts me dégoûte, mais je me force à ne pas broncher. Il n'attend que ça. L'autre observe mon visage. Il fait, prenant son temps, le tour de mon sein, puis effleure son sommet. Je serre les dents. Brusquement, il appuie plus violemment. Je ne peux retenir un petit souffle rauque. Il pousse un grognement dubitatif, et retire sa main.

-Les planches à pain, ça m'a jamais excité, lance-t-il, en me soulevant par mes liens.

Je me remets tant bien que mal sur mes pieds, et me laisse porter jusqu'à l'endroit où ma protégée est tombée sur le sol. Elle est attachée, à peu près de la même façon que moi. Je remarque qu'elle a de nouveau plusieurs meurtrissures sur le corps. Elle a du essayer de se débattre. Ils m'agenouillent à côté d'elle. Je lui jette un regard désolé.

-Bon, allez, on a des tueuses gouines, c'est ça ?
-Y'en a une qu'est plus bonne que l'autre, quand même.
-Je trouve pas, moi.
-Ouais mais toi t'aime que les gamines. Tu devrais te faire soigner.
-Elles crient mieux que les autres. Et puis c'est plus sympa à déchirer, tu devrais essayer.
-Sérieux, c'est dégoûtant.
-Bon, allez. Pourquoi l'avoir tué ? coupe finalement le troisième garde.

Je soupire. Je ne peux même pas nier ; le plus terrible, c'est que ce soldat a parfaitement raison. Cet homme est bien mort assassiné, brutalement, et c'est tout-à-fait de notre faute. Je n'ai même pas la conviction que je suis innocente. Je ne peux même pas tenter de faire éclater la vérité, tout simplement parce que la vérité nous est défavorable... Je prends quand même les devants. C'est stupide, et ça ne va rien changer, mais ça ne me coûte rien d'essayer.

-C'est moi. Je l'ai tué parce qu'il a violé mon amie.

C'est aussi simple que cela... et même si c'est un mensonge, ça reste assez crédible. Personne ne peut penser qu'une personne aussi délicate qu'elle ait pu égorger ainsi un tel individu. Le milicien hausse les épaules.

-Et c'est grave, ça ? T'as vu comment elle est habillée, ta copine ? Elle porte même pas de sous-vêtements.
-Vraiment ? Ça mérite vérification...

Le garde qui vient de parler soulève la robe sans ménagement, laissant apparaître une grande étendue de peau pâle. D'une main, il force la jeune femme, toujours à genou, à se pencher en arrière. Ma colère commence à monter. Je la contiens. Je suis pour l'instant impuissante, elle ne ferait qu’aggraver les choses. Je détourne les yeux. Je suis bien la seule à le faire.

-Bordel, quand même.
-Bon, allez. Ça va au trou, ça. On aura tout le temps d'en... profiter, plus tard.
-Faudra partager avec les autres cons. On pourrait plutôt trouver un coin discret et s'amuser un peu... au moins avec celle-là, propose le milicien, en désignant l'autre jeune femme.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le dimanche 28 avril 2013, 19:48:08
Ça n'était pas du tout ce à quoi la Sirène s'attendait, ni même ce qu'elle espérait de la part de Telka. Le comportement de la jeune fille dépassait l'entendement.

Laura esquissa le début d'un appel paniqué en voyant la guérisseuse stopper net sa course - "Cours pauvre idiote !", mais le garde qui s'attelait alors à lui lier mains la fit taire d'une taloche dès la première syllabe.

Le spectacle affligeant de ces brutes maltraitant et tournant autour de la jeune fille lui nouait l'estomac. Ceux-ci n'hésitaient pas à poser leurs grosses mains caleuses sur le corps fluet de son amie, l'évaluant comme une prise de pêche.

Lorsque les deux hommes s'en revinrent finalement, ramenant avec eux la nouvelle captive, Laura la fixa d'un air abasourdi. Celle-ci lui répondit simplement d'un regard attristé. Mais pourquoi ? Pourquoi s'être arrêté bon sang ? Alors qu'elle avait le choix ! Est-ce qu'une personne censée pouvait réellement prendre de tels risques pour sauver une inconnue

Les hommes comparaient maintenant leurs deux corps en se bidonnant, et celui de la femme-poisson leur semblait de meilleur qualité, visiblement.

-Bon, allez. Pourquoi l'avoir tué ?

Quelques secondes s'écoulèrent sans que personne n'ouvre la bouche. Pourtant il faudrait bien qu'elle réponde à la question. Et elle n'avait rien de mieux à leur servir qu'une simple version déformée de la réalité : "Je l'ai tué car il voulait me violer".

-C'est moi. Je l'ai tué parce qu'il a violé mon amie.

Laura ouvrit la bouche pour protester ; elle ne voulait surtout pas que cette fille se fasse tuer inutilement ! Telka était bien trop jeune, bien trop belle, bien trop forte pour offrir ainsi sa vie... et pourtant aucun son ne passa les lèvres de la Sirène. Pour sa part elle était un peu lâche, et elle aurait trahis la terre entière pour la moindre chance de prolonger sa vie d'une seule seconde. Elle se contenta de regarder sa sauveuse d'un air ahuri, espérant un signe de sa part ; un haussement de sourcil, un clin d’œil, n'importe quoi ! N'importe quoi qui puisse indiquer que l'aventurière avait une idée en tête.

-Et c'est grave, ça ? T'as vu comment elle est habillée, ta copine ? Elle porte même pas de sous-vêtements.
-Vraiment ? Ça mérite vérification...


On souleva sa robe ; c'était son tour d'être évaluée par les trois rustres. Elle n'aurait pas du être surprise... elle se contenta de serrer les dents, obéissant docilement, se laissant manipuler. Réagir aurait été une erreur, elle le savait d'expérience. Les hommes n'attendent que ça, des réactions, n'importe lesquelles. Pourtant son cœur battait de plus en plus vite. Elle sentait l'étau se resserrer petit à petit, tandis que les gardes louchaient sur ses formes. Si elle se faisait violer par ces trois là, c'était la fin.

-Bordel, quand même.
-Bon, allez. Ça va au trou, ça. On aura tout le temps d'en... profiter, plus tard.
-Faudra partager avec les autres cons. On pourrait plutôt trouver un coin discret et s'amuser un peu... au moins avec celle-là.
-C'est vrai qu'elle risque pas de s'en plaindre... C'est le genre de nana qui résiste pour te tester, mais au fond elle demande que ça. Quel genre de fille se trimbale habillée comme ça en espérant qu'il lui arrive rien ?
-On a pas le droit... savez bien qu'ils ont durci les sanctions pour ce genre de conneries
-Eh ben justement ! Ici on est peinard, on risque rien, une fois au poste y'a plus moyen d'y toucher ! Et moi je commence à en avoir juste que là de l'espèce de pédé qui a remplacé le vieux !


Alors que le ton montait, la Sirène fixait d'un air implorant le seul homme à plaider en sa faveur. Celui-ci, alors qu'il commençait à hésiter, croisa le regard de la captive, détournant immédiatement les yeux.

-J'en ai rien à battre, on y touche pas ! Surtout que à trois dans ces quartiers de merde, moi je baisse pas mon froc, on était déjà censés patrouiller à quatre minimum.
-En même temps on a jamais de quatrième bonhomme...
-C'est pas le problème.
-Ouai...


Un bref silence s'installa, avant que le plus farouche partisan du viol ne se résigne enfin :

-Bon... fait chier...

Les deux femmes furent brutalement redressées sur leurs pieds, et la troupe se mit en marche dans une ambiance maussade. Laura aurait voulu attirer le regard de son alliée, mais elles étaient chacune retenues à une extrémité du groupe, et la poigne de son gardien ne lui permettait pas de se pencher dans quelque direction que ce soit.

-En plus, si t'en gardais un peu pour ta femme, j'aurais pas à m'en occuper, moi...

Les trois camarades se mirent à ricaner à nouveau. Les traits d'humour, du plus fin au plus graveleux ne tardèrent pas à ricocher de l'un à l'autre tandis que leurs rires se faisaient de plus en plus gras. Si Laura ne les avait pas tant haïs, elle aurait été impressionnée par l'art qu'ils déployaient dans leur joute.

Ils marchèrent plusieurs dizaines de minutes avant d'arriver au minuscule poste de garde.

-Bon c'est cool, on a cavalé, mais on a bien un heure d'avance du coup...

Les deux femmes furent amenées à l’intérieur du poste, jusqu'à une petite cellule humide, munie d'un unique banc en bois et d'un tas de paille, ainsi que d'un seau dont la présence étonna la Sirène, sans qu'elle n'ait le temps de s'en formaliser.

-Aller hop les filles ! s'écria l'un de leurs geôliers en poussant les prisonnières sans ménagement, vous avez de la chance, on a sorti le vieux dégueulasse qui squattait là depuis deux semaine. Vous serez tranquilles pour faire... ce que vous voulez, eh eh...

La porte en bois massif se referma, laissant les deux femmes seules dans le noir. Seule une petite ouverture scellée par des barreaux laissait un rayon de lune traverser l'obscurité de la cellule. Laura ne pouvait distinguer clairement le visage de la jeune femme ; craignant une réaction de colère de sa part, elle n'osa pas approcher, se contentant de bafouiller :

"Est-ce que... ça va ? ..."
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 01 mai 2013, 15:51:50
Je remercie silencieusement le seigneur d'avoir ôté de leur esprit, au moins un moment, l'idée de profiter de nos corps. Quand bien même le mien n'avait rien de comparable avec la vénusté de celui de la jeune femme, je ne suis pas sotte : ils sont trois, et il y a bien parmi eux un impatient qui m'aurait fait subir le même sort. J'ignore comment j'aurais réagi à un telle souillure, pourtant si courante dans de tels quartiers... Le simple fait que l'un d'eux touche ma poitrine m'a déjà profondément écœurée. Même si je devrais m'y préparer un tant soit peu mentalement, je préfère ne pas y penser, sortir ces perspectives de mon crâne.

Pourtant, bien plus tard, alors qu'ils nous mènent sans hâte vers le poste de garde, je sens encore la marque laissée par son doigt rugueux, plein de cal, sur ma peau. Je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne font que leur travail, et n'ont sans doute pas beaucoup d'autres objectifs que de ramener un peu d'ordre dans la ville et surtout du pain sur leur table. Même si leur réaction est dictée par la peur d'une sanction, leur renoncement les met dans la moyenne haute des miliciens de Nexus en terme d'étique.

Le trajet, d'une dizaine de minutes, est plus long que je le pensais, mais finalement, cela s'accorde assez bien avec mon impression première. La présence des soldats, dans les bas-quartiers, n'est guère fréquente. Et quand bien même, s'ils étaient arrivés quelques instants plus tôt, ils auraient peut-être été, au contraire, des alliés. Ce qui ressemble à un incroyable coup de malchance, pour moi, est un signe clair. Avec la même évidence que le Seigneur ne me mène jamais à un endroit choisi au hasard, malgré les apparences, cette occurrence aussi probablement qu'elle est improbable, est destinée à quelque-chose de particulier... Une leçon ? Pour moi, pour ma protégée ? Je n'en sais rien, mais j'en suis à présent convaincue.

Je songe à cela, alors qu'on nous retire nos liens et qu'on nous jette dans une cellule. Passablement humide, malodorante, elle est néanmoins loin d'être parmi les pires du genre. Je distingue même un banc qui a l'air d'une qualité correcte, et un sceau, ce qui nous évitera de la rendre plus malodorante encore. Et puis, au moins, nous sommes ensemble, et seules. Il n'aurait plus manquer, après avoir éviter les violences des miliciens, que nous tombions dans celles, peut-être encore pire, de détenus agressifs.

Enfin, la jeune femme m’interpelle : ce doit être sa troisième phrase, depuis notre rencontre. J'espère que libérée de la tension de l'instant, elle se montrera un peu plus bavarde, sinon, la détention risque de paraître longue... Mais je devrais peut-être simplement prier pour qu'elle n'ait pas de nouvel accès de fureur tant que nous sommes dans un espace aussi clos. Je suis méfiante, cependant, sa voix inquiète me rassure. Dans l'obscurité, j'essaie de lui sourire. Elle n'a pas à se sentir coupable de m'avoir fait enfermer. Son crime n'est pas là.

-T'inquiète pas pour moi. Par contre, je crois aussi que tu devrais songer à mettre quelque-chose de plus couvrant. Quand tu sortira.

Pour appuyer mon propos, je me baisse et passe ma main sur ses genoux, qui ont de nouveau souffert de son combat contre le garde. Il ne me faut pas plus d'une seconde pour refermer dans une douce chaleur les écorchures superficielles. Je ne veux pas la tourmenter, toutefois, je dois m'assurer qu'elle ait compris, quitte à être un peu lourde. Il en va tout simplement de sa survie en ce monde.

-Les soldats avaient raison sur un truc. On peut pas se promener comme ça dans Nexus, c'est juste pas possible... surtout pour toi.

Elle doit être si attirante, pour un homme. Je ne conçois même pas qu'elle ne se soit pas déjà fait la réflexion avant. Tout son corps, ses formes, sa grâce, sont autant d'incitations puissantes au pécher de chair. Même dans le plus civilisé des pays terriens, elle aurait peut-être trouvé un voyou à la volonté plus faible que les autres, pour l'agresser. Je me relève et pose une main fraternelle sur son épaule.

-Je vais rester aussi longtemps que je le pourrais avec toi. Mais si on doit passer quelques jours ensemble là-dedans, je pourrais avoir ton nom ?

Je me remémore sa réponse positive, lorsque je lui ai demandé si elle s'était perdue. Sur l'instant, cela m'avait paru correct, mais à présent, cela me semble un peu léger. Il est quand même rare, lorsqu'on s'égare, d'aller vers des quartiers qui sont visiblement les plus crasseux et mal famés. Tenter de mieux la cerner ne me coûte pas grand-chose, et me permettra peut-être de lever une part de mystère.

-Tu travailles quelque-part, ou tu es toujours chez tes parents, tu as un mari ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mercredi 01 mai 2013, 21:00:39
Bien que la jeune femme se soit montrée rassurante par son calme, Laura ne pouvait s'empêcher de trouver son comportement étrange. Cette manière de rester focalisée sur sa protégée comme si sa propre existence n'était pas menacée... dépassait tout bonnement l'entendement de la Sirène.

Les plaies qui brûlaient ses genoux se résorbèrent à nouveau sous les petites mains de la guérisseuse. Laura ne sut quoi répondre à ce nouvel acte de générosité si ce n'est un "Merci..." à peine audible. Elle était un peu trop déconcertée pour montrer sa gratitude comme elle aurait dû à cette aventurière surgie de nulle part, à qui elle devait littéralement la vie.

-Les soldats avaient raison sur un truc. On peut pas se promener comme ça dans Nexus, c'est juste pas possible... surtout pour toi.

Surtout pour elle... elle en avait bien conscience. Elle aurait d’ailleurs pu prendre cette remarque comme une flatterie, dans d'autres circonstances. Mais pour une humaine, il était vrai que se promener ainsi ne devait pas être la norme... les femmes terriennes risquaient à chaque fornication de se faire féconder, et elles n'avaient pas ce même besoin irrépressible d'attirer les hommes entre leurs cuisses. Alors que répondre à cette question pour ne pas attirer les soupçons ?

"Hm..."

Elle hocha la tête en baissant les yeux, espérant qu'elle n'aurait pas réellement à s'expliquer. Les humains étaient pour la plupart assez polis et n'insistaient pas dans leurs interrogations lorsqu'on leur répondait sommairement - spécialement les femmes. Malheureusement cette Telka ne semblait pas tirée du même moule que la majorité de ses semblable.

-Je vais rester aussi longtemps que je le pourrais avec toi. Mais si on doit passer quelques jours ensemble là-dedans, je pourrais avoir ton nom ? Tu travailles quelque-part, ou tu es toujours chez tes parents, tu as un mari ?

Aussi longtemps qu'elle le pourrait ? Comme si elle avait le choix ! Elle parlait comme s'il lui était plus facile de partir que de rester ! Laura secoua légèrement la tête ; quelque chose clochait avec cette fille... elle n'était peut être même pas humaine... la sirène n'avait donc aucune idée de à qui elle avait à faire. Elle se tut quelques secondes, hésitant. Cette bienveillance à toute épreuve lui ordonnait de baisser sa garde, au moins un peu, et d'être le plus honnête possible avec sa nouvelle "amie". Mais une partie d'elle même était persuadée que cette guérisseuse avait quelque chose de louche : Laura avait beau essayer, elle ne comprenait pas ce qui pouvait se passer dans la tête de cette jeune femme pour qu'elle se mette ainsi en danger afin de protéger simple une inconnue.

Laura laissa un long soupir s'échapper par son nez. Bon, elle allait se montrer - presque - honnête.

"Eh bien... mon nom est Laura, et je viens d'une île très lointaine. Je ne connais presque personne ici, et je n'ai pas l’habitude de la ville où des vêtements... c'est surement pour ça que mon comportement vous parait étrange... je suis désolée"

Elle avait baissé la tête ; désolée, elle l'était vraiment, d'avoir entraînée cette petite force de la nature dans une telle galère. Elle avança d'un micro-pas tout en posant une main timide sur le bras de Telka ; la gentillesse désintéressée dont celle-ci faisait preuve provoquait chez la Sirène une sensation étrange et légèrement désagréable, comme si elle n'était pas réellement la cible de cette bienveillance, mais simplement une quelconque bénéficiaire. Elle parla à nouveau, d'une voix douce, presque craintive :

"Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?"
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le jeudi 02 mai 2013, 02:58:50
Elle est étrangère. Un peu comme moi, finalement... Ou peut-être au contraire de moi, qui suis chez-moi partout. Si elle n'a pas d'accent très marqué, je sais que c'est typique du voyage entre dimensions. Pour une raison étrange, la Terre paraît être le seul plan possédant une si grande diversité linguistique, peut-être parce que ce sont les humains l'habitant qui construisirent la tour de Babel. La plupart des autres mondes parlent pour la majeure partie de la population, le japonais. C'est assez stupéfiant pour être noté, et je n'ai jamais vraiment réussi à éclaircir ce mystère. On aurait pu s'attendre à l’hébreu, à une langue mésopotamienne, ou même au latin, en tant que dialecte de consensus. Hé bien non, il s'agit bien de la langue nippone, dans sa version moderne, qui plus est. Je sais que nombreux sont ceux qui la nomment, sur Terra, le commun, ou l'humain... et je n'ai jamais trouvé d'endroit où on ne la parlait pas.

-Je comprends, les choses devaient être différentes. Moi aussi, je viens d'assez loin.

Je hoche la tête. Il reste une part d'ombre, mais cela explique quand même pas mal de choses sur son attitude un peu décalée. Il est possible que l'île dont elle est originaire soit un havre de paix et de civilisation, où les agressions de ce type ne sont guère courantes. Ce genre de lieu existe bien... mais je n'en connais pas sur ce plan là. Qu'importe, Terra est vaste, surtout en prenant en considération les moyens de locomotions, généralement archaïque, qui sont à disposition, et surtout en ce qui concerne sa partie sauvage. Je suis loin d'avoir encore tout exploré. J'aimerais bien en savoir plus, mais elle semble avoir un peu de mal à en parler, si je me fis au temps qu'elle a pris à l'évoquer. Je ne creuse donc pas davantage le sujet. Ça n'a pas réellement d'importance.

-Quand on sortira, je te montrerai les quartiers à éviter, si tu veux, et je te donnerai quelques conseils pour éviter que ce genre de chose arrivent encore. Je marque une pause. Par contre, il y a des choses qu'il faut absolument éviter de faire, ici comme ailleurs... On ne tue jamais quelqu'un à terre, comme ça. Ça n'est pas la solution, ça n'apporte que des ennuis. Sans cela, on ne serait pas ici... Enfin.

Je ne vais pas la tourmenter davantage. Ce serait une double-peine : être enfermée dans une cellule sordide, et subir les injonctions d'une dévote pédante. Je ne sais pas quelle était l'état de la culture sur son île. La possibilité existe, même si elle est infime, qu'elle n'ait pas eu conscience de faire quelque-chose de mal. Je crois, j'espère, qu'elle commence quand même à comprendre la leçon. La question qu'elle me pose m'interpelle. Pourquoi je fais tout cela ? Outre la demi-dizaine de vœux qui m'obligeait à lui porter assistance, je n'y ai pas vraiment pensé, mais lorsque je m'interroge, je trouve naturellement la réponse. En revanche, cela me laisse toute latitude pour tenter de refaire son éducation. Nous avons, de toute façon, largement le temps de discuter.

-Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, mais Dieu. Le dieu triple et unique, dont je t'ai déjà parlé, et grâce à qui je suis capable de refermer les blessures. Il y a longtemps, il a envoyé son fils, le Sauveur, dans le pays d'où je viens, pour nous apprendre la générosité et l'entraide. Pour que nous puissions vivre en paix, et nous aimer, nous assister, les uns les autres. Il l'a fait par pure bonté. Quant à moi, je ne fais que suivre sa voie, et respecter ses enseignements. Je n'ai pas d'autres mérites.

Mon visage s'est peu à peu illuminé. Exposer les fondamentaux de la foi à un novice fait grandir toujours plus la mienne, comme si je comprenais un peu mieux, même dans les choses très simples, ce qui la composait.

-Tu sais, tu peux t'adresser à lui, toi aussi, il est à l'écoute de chaque homme. Tu peux lui parler, en ton for intérieur, et il t'aidera.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le jeudi 02 mai 2013, 18:28:43
La Sirène voulait bien croire que cette jeune femme venait d'assez loin, compte tenu de son étrangeté... celle-ci était d'ailleurs déjà en train de prévoir les nouveaux services qu'elle allait pouvoir rendre à Laura, une fois sorties - la certitude avec laquelle elle parlait de leur libération prochaine était assez rassurante, il faut le reconnaître - et semblait s'être posée en professeur. Ca n'avait rien d'insultant pour Laura, qui n'écoutait pas vraiment de toute façon : ces détails pratiques avaient bien peu d’intérêt. Tout ce qu'elle voulait, c'était une réponse à sa question.

Le long discourt que lui asséna Telka n'était pas vraiment ce qu'elle espérait entendre...

Encore ces histoires de Dieu triple et unique. Laura laissa retomber sa main, dépitée. Tout ceci n'était donc qu'une sorte de rituel ? Elle n'aurait peut être pas dû faire la fine bouche, elle venait quand même d'échapper à la mort... mais plus la discutions avançait, plus sont "amie" sortie de la nuit se transformait en une alliée de circonstance aux intentions absconses. Une alliée en position de force, qui plus est. Et vu la manière dont elle semblait détachée de son sort, elle devait avoir encore des atouts cachés.

Mais après tout comment aurait-il pu en être autrement ? Personne n'agissait sans raison, et bien que les dévotes stupidités qui sortaient de la bouche de la guérisseuse aient paru absurdes à Laura, elles justifiaient parfaitement son comportement. La Sirène lâcha un soupir de lassitude et se détourna de la prêtresse avant même que celle-ci n'ait fini sa récitation, s'éloignant d'un pas traînant.

"Te fatigue pas... je voulais juste savoir ce qui te poussait à m'aider. Et je ne vénère aucun dieu."

Elle se retint de lâcher quelques tirades méprisantes sur les humains et leur dévouement sans borne pour des puissance supérieures, étouffant une crise d'orgueil naissante. Son ego de Sirène, mis à mal depuis quelque temps, la chatouillait : difficile pour une mangeuse d'homme comme elle de devoir se plier aux règles d'une société régie par des mâles, ainsi que de devoir imiter toutes les habitudes méprisables des terriens... Elle avait tourné le dos à son interlocutrice afin de se contenir. Elle resta silencieuse une seconde, avant de lancer une question d'un air nonchalant, quoi qu'un peu amer :

"Si ton triple dieu ne t'avais rien ordonné, tu ne m'aurais pas sauvée j'imagine ?"

Laura pivota pour faire de nouveau face à la prédicatrice. Elle s'était déplacée à contre-jour, et le visage de la jeune femme lui apparaissait maintenant éclairé par la faible lumière blafarde de la lune, traversé par les ombres des barreaux de leur cage.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le dimanche 05 mai 2013, 01:39:17
Mon visage enjoué s’assombrit un peu lorsque je comprends que mon enthousiasme n'est pas partagé par mon interlocutrice. Cela me déçoit, mais je conçois m'être un peu emportée. Tout le monde ne peut pas partager ma foi aussi naturellement. Beaucoup de gens ont des problèmes avec Dieu, parce qu'ils l'associent à la violence et à la persécution dont sont parfois responsables certaines institutions religieuses. Je les comprends, on peut faire beaucoup de chose en invoquant le Seigneur, et les croyances sont souvent le prétexte de beaucoup d'atrocités.

Les hommes ont le libre arbitre : Dieu, par l'intermédiaire de son fils, ne leur a transmis qu'un message d'amour et de solidarité. Ceux qui tourmentent en son nom en sont les pires ennemis, et bien souvent, n'ont que faire de ses enseignements. Ça n'est pas pour autant, évidemment, qu'on doit en condamner les fondements. Ils y sont aussi étrangers que Wagner au troisième Reich. Mais comment le lui expliquer ?

-Tu as quelque-chose de particulier contre les dieux ? je lui demande brusquement.

J'ai utilisé le terme pluriel, car je fais une distinction assez nette entre Dieu, et les dieux. J'hésite à lui parler de mes expériences extraplanaires. J'ai rencontré des anges, des démons, des dieux. Souvent, ils ne sont même pas différents des hommes. Il faut dire que pour les qualifier, la mythologie grecque avait certainement raison. Ils sont finalement assez humains. Des humains investie d'une puissance magie, ce qui d'ailleurs les rend fréquemment puérils ou mégalomanes. Ce sont des dieux. Des esprits supérieurs uniquement par le pouvoir. Rien à voir avec ma conception de la divinité. Leur simple multiplicité les empêche d'être créateurs.

-C'est courageux, je suppose, de naviguer seule. Je ne crois pas que j'y parviendrais... Moi, j'ai besoin d'un soutien, d'un guide. Sans ça, je serais complètement perdue, je pense. Le monde, s'il n'était que matériel, me paraîtrait vide, aussi. Mais si tu te sens assez forte pour t'en passer, personne ne pourra t'en faire le reproche... Tu sais, ce n'est qu'une main tendue. Libre à toi de ne pas la saisir, après tout.

Je hausse les épaules, et lui lance un sourire triste. Lui répondre m'est plutôt facile, plus facile en tout cas que de conjecturer sur les raisons qui la poussent à nourrir une telle rancœur.

-Je l'ignore. Est-ce que j'aurais agi de la même manière si personne ne m'avait appris à aimer et aider mon prochain ? Je n'ai pas la prétention d'être bonne par nature, c'est un débat difficile. Mon dieu n'ordonne rien, il ne m'oblige à rien, au contraire. Il ne fait que montrer la voie. Ensuite, il nous laisse une totale liberté de choix.

L'ambiance, avec tout ces débats, s’alourdit un peu. C'est en grande partie de ma faute, et j'en suis consciente. Mais il faut bien avouer que je pars de loin, pour essayer de lui faire toucher un peu de la morale chrétienne. Je ne m'attends pas à ce qu'elle s'y convertisse, toutefois, si elle peut ressortir de cette prison avec une vision un peu moins négative à son égard, alors je n'aurais pas perdu mon temps. J'essaie de détendre un peu l'atmosphère.

-Indirectement, on peut quand même dire que c'est grâce à lui que je suis intervenu. Alors tu as le droit de lui être un reconnaissante, quand même, je propose, d'un ton badin.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le dimanche 05 mai 2013, 17:33:53
Laura n'avait rien contre les dieux. Elle en avait simplement contre les hommes se mettaient à genoux pour les les supplier ou réclamer leur bienveillance. Les termes les plus dédaigneux se bousculaient dans sa gorge, mais elle ne pouvait se résoudre à insulter sa sauveuse, quelles qu'aient été ses motivations. La jeune guérisseuse forçait l'admiration, bien qu'elle se soit faite porte parole d'un culte. Pire encore : la vénération qu'elle avait pour son dieu semblait être sa force motrice. Quel pitié... un être d'une telle beauté n'avait pas à être ainsi aveuglé et utilisé par une secte !

-Je n'ai pas de haine envers les dieux. Mais votre adoration pour les dieux vous gâchent... enfin certains d'entre vous. Certains hommes semblent faits pour la servitude...

Bien que la Sirène n'eut pas été en mesure de comprendre le sens exacte des paroles de Telka, celles-ci avaient touché sa corde sensible. La solitude, elle connaissait. Il lui semblait parfois la voir, dans les moments où elle y pensait trop, comme un grand vide qui tenterait de l'envelopper, l'isolant de tout. Chaque fois qu'elle tuait un amant, ce fantôme glacial devenait plus insistant, et depuis la mort de son amie rien ne semblait pouvoir l'empêcher de grandir toujours plus... dans les moments où la détresse devenait trop forte, Laura songeait à fuir par le néant ; "s'abandonner dans les bras d'un homme, et se dissoudre dans la mer... laisser son corps et son esprit s'étioler, bercée par les vagues pour l'éternité...". Mais cette pensée n'était qu'une ruse, un artifice poétique à laquelle elle s'accrochait pour se distraire de ses angoisses. Elle ne pouvait réellement se résoudre à mourir. Cette perspective était bien trop terrifiante lorsqu'elle tentait de se la représenter clairement. Alors elle restait coincée entre ses deux peurs du vide, jusqu'à ce que le monstre la libère enfin et retourne dans son antre.

S'extirpant de ses pensées, elle eut un sourire chargé de compassion et de mélancolie à l'égard de la jeune fille.

-Je n'ai rien contre eux, mais je n'accepte pas non plus leur main... ils sont traitres et capricieux, ils se moquent bien de nous. Pourquoi ne combles-tu pas ta solitude auprès de tes égaux ?

Pour illustrer ses propos, elle s'était approchée à nouveau de sa compagne de cellule. Est-ce qu'elle se considérait comme l'égale de cette petite ? Elle espérait au moins que celle-ci la perçoive comme telle.

-Tu sais, si tu avais le choix... alors je te suis reconnaissante, à toi. Quelque soit ce que ton Dieu a enseigné, nous étions seules dans cette rues... alors merci

Elle tendit légèrement ses bras en direction de la jeune femme, comme si elle souhaitait l'étreindre, les paumes tournées vers le haut, pour l'inviter à... elle n'en savait trop rien. La guérisseuse n'avait pas réagit lorsque Laura l'avait touchée une première fois, et elle avait peur de l'importuner... certains humains n'aimaient pas qu'on les touche et le prenaient comme un affront.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le dimanche 05 mai 2013, 20:21:46
-Celui que je vénère est au-dessus de ceux que les gens d'ici appellent dieux. C'est un concept bien supérieur, qui ne connaît ni la servitude, ni la traîtrise, ni le caprice. Mais ce qu'il est, finalement, n'est pas le plus important...

La situation me rappelle une parabole faite par le Christ. Le prêcheur, disait-il, est comme un semeur qui répand son grain le long d'une route. Une partie, une grande partie, atterrit sur de la terre meuble, et donne de beaux épis, qui sont autant de croyants fidèles. Une autre partie tombe sur une terre trop sèche, trop dure, et ne peut pousser. Enfin, une dernière partie tombe sur une terre adéquate, nourricière, mais qui est déjà envahie par les mauvaises herbes. Je ne sais à quel cas de figure je fais face. Laura semble pleine de préjugés, qui sont autant de ronces empêchant que mes paroles la touche. Mais peut-être qu'au fond, elle ne m'écoute même pas.

Je ne sais plus comment m'y prendre. Je suppose que j'ai fais ce que je pouvais faire. Un meilleur orateur que moi aurait peut-être obtenu de meilleurs résultats, cependant, ce n'est sans doute pas souhaitable. Ma parole, aussi faible qu'elle est été, avait au moins le mérite d'être sincère : j'ai pensé chaque mot que je lui ai dis, je n'ai pas cherché à travestir la réalité en lui promettant des miracles. Les miracles, bien sûr, existent, j'en suis la preuve vivante, toutefois, par leur nature même, ils sont rares, et je ne suis pas là pour faire du vulgaire racolage. Je m'apprête à mettre un terme à la discussion sur le sujet, pour le laisser tourner un peu dans sa tête. Je peux toujours espérer que cela face son chemin, et qu'elle revienne m'en parler d'elle-même un peu plus tard.

Néanmoins, son attitude me trouble suffisamment pour que je renonce à prononcer quelques mots de conclusion. Je prends ses bras écartés comme un signe d'amitié, une invitation à l'embrasser. Je lui aurais bien dit qu'il était inutile de tenter de combler sa solitude métaphysique auprès des autres mortels, que ce n'est qu'une stérile fuite en avant. Eux-même n'ont pas la réponse, n'ont pas le sens, et de l'addition de multiples termes nuls, aussi nombreux soient-ils, résulte toujours une somme nulle. Se rend-t-elle compte dans quel vide elle évolue ? Je n'en suis pas certaine, mais je trouve le raisonnement bien trop cruel, surtout pour elle, qui semble pour le moment incapable d'accéder à la foi. Je ne lui en fais pas part, je me tais.

À la place, je lui souris à mon tour et j'accepte son étreinte. Je passe mes propres bras autour de son dos, et me serre contre elle, dans un enlacement amical. Les dernières heures ont du être très dures pour elle, et si un peu de tendresse l'aide à récupérer, je suis bien disposée à lui fournir ce que je peux d'affection. Elle n'ont d'ailleurs pas été très tranquilles pour moi non-plus, et je dois bien avouer que ce contact m'est aussi agréable. Les enfants ont leur mère, ou des peluches, les adultes leur partenaire ; moi, j'ai Dieu. Mais Dieu, s'il réchauffe mon esprit, laisse mon corps, malgré moi, parfois un peu froid. En ces instants, je ne refuse pas une bouteille de vin. Hélas, je crains qu'au milieu de cette prison, l'alcool qui ravi le cœur ne soit pas au programme. Alors je profite un peu de cette embrassade.

-Tu n'as pas de soucis à te faire. Ils te relâcheront vite, c'est moi qu'ils accuseront de meurtre, je lui murmure, alors que ma bouche est assez proche de son oreille. Et je ne crains rien. Mon esprit est plus fort que ce qu'ils pourront me faire subir, et mon corps sera bientôt loin.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mardi 07 mai 2013, 01:56:36
Laura fut légèrement surprise que sa compagne d'infortune se montre soudain si chaleureuse, bien que cela n’entama en rien la satisfaction qu'elle retira de leur étreinte. Il lui semblait qu'une tension en elle s’apaisait, tandis qu'elle laissait ses sens s'enivrer de la petite créature entre ses bras, imprimant en elle-même la forme de ce jeune corps, le rythme de sa respiration, la légère odeur de ses cheveux et celle de ses vêtements...

Telka sentait la sueur et le tabac froid... une odeur qui n'était pas des plus agréables, mais que la Sirène choisit d'ignorer. De toute façon, tout puait dans les environs : la cellule, les gardes, les rues de Nexus... Laura elle même avait commencé à s'incommoder depuis qu'elle avait tenté de fuir les gardes, alors une légère effluve ne risquait pas de la distraire de ce plaisir éphémère. Sentir à travers le fin tissu de sa robe les mains de la jeune femme nonchalamment posées sur son dos était en soi une compensation suffisante à ce petit désagrément.

Cependant sa quiétude fut vite interrompue par une nouvelle affirmation mystérieuse de la guérisseuse ; toujours le même sous-entendu étrange, comme si elle allait se volatiliser, ou se laisser mourir pour renaître ensuite. Et elle avait l'air assez sérieuse pour en devenir intrigante - pas assez intrigante, tout de même, pour empêcher à des idées déplacées de germer dans l'esprit de la Sirène.

-Je ne comprend pas ce que tu veux dire... qu'est ce que tu compte faire ?

Elle avait elle-même répondu par un chuchotement à l'oreille de la jeune fille, cette proximité lui plaisant bien. A vrai dire elle en avait profité pour faire s’effleurer leurs joues, doucement, l'air de rien. Et la caresse s'était révélée des plus agréables, pour elle en tout cas. Elle espérait ne pas provoquer de réaction négative chez la petite aventurière... mais après tout, qui se formaliserait d'un si innocent frottement ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mardi 07 mai 2013, 18:03:40
L'ambiance morose de la prison tranche avec la chaleur que je ressens lorsque j'enlace Laura. Il me semble qu'à ce moment précis, il n'existe pas d'individu qui puisse me prodiguer plus de réconfort qu'elle. Je ne la connais pas bien, à peine depuis une heure, et pourtant, malgré la situation désastreuse, le cadre malodorant, j'ai rarement ressenti un tel bien-être que depuis qu'elle me serre contre elle. Dans ce rôle, elle est parfaite, son étreinte est douce et tiède, comme si elle avait été façonnée pour ça, comme si tout son être était dévoué à cette seule tâche. Dieu, je songe, a vraiment engendré des créatures magnifiques, il m'en fait encore la démonstration en cet instant.

Nos joues se frôlent. Le contact suave, ajouté à la disposition dans laquelle je me trouve, me fait légèrement frisonner. Je me surprends à penser qu'il doit être réellement agréable pour un homme de plonger plus intimement dans les charmes de la jeune femme. Cela doit relever d'une plénitude complète. J'envie presque ses prétendants. L'ivrogne, tout à son acte infâme, s'il était en capacité d'apprécier correctement la délicatesse de sa victime, n'avait pas du avoir de derniers instants si déplaisants. Une telle aventure dans ses bras me paraît furtivement être une conclusion adéquate à l'expérience d'une vie.

J'aurais été beaucoup moins à l'aise, bien évidemment, si j'avais été de l'autre sexe : l'embrassade aurait alors pu prendre un tout autre sens. Heureusement pour moi, le fait que nous soyons toute deux des femmes enlève toute ambiguïté à notre proximité, et je peux la savourer sereine. Bien que je doute de dégager la même aura, elle-même donne l'impression de se laisser porter, jusqu'à adopter un ton aussi bas que le mien. Hélas, la perspective qu'elle me demande d'évoquer est beaucoup moins attrayante.

-Dieu ne m'a pas seulement donné le don de guérir... Mon âme et mon corps peuvent aussi emprunter des raccourcis à travers l'espace, pour voyager là où a besoin de moi. Cela implique un délais d'une vingtaine d'heures. Ils pourront me juger, mais ils n'auront pas l'occasion de me supplicier bien longtemps. Alors autant qu'ils m'accusent moi.

J'ai mis un certain temps à répondre. Je n'ai pas envie que notre étreinte cesse. Je ferme les yeux. Je prie pour qu'elle dure encore un peu. Je suis plus petite qu'elle, et ma tête va naturellement s'enfouir dans son cou.

-Évite de faire trop de vagues, et tu seras bientôt dehors. Est-ce que tu veux qu'on trouve un lieu pour se retrouver, ensuite ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mardi 07 mai 2013, 21:59:38
La jeune femme avait-elle apprécié la caresse ? Laura n'en avait pas la certitude, mais elle était plutôt optimiste. Elle hésitait à se montrer un peu plus téméraire : aurait-ce été trop rapide ? Installer un certain confort entre elles était peut être le meilleur moyen de faire tomber la guérisseuse dans ses filets. D'un autre côté, ce contact ne durerait peut être pas éternellement... Quoi qu'il en fut, les paroles de son amie bouleversèrent ses priorités ; la Sirène n'avait jamais entendu parlé d'un pouvoir si puissant auparavant. Cela allait à l'encontre de toutes les lois naturelles... mais enfin, elle pouvait le concevoir. En revanche l'idée que Telka puisse être maltraitée lui était intolérable.

Elle ne pouvait interpréter le verbe "supplicier" que d'une seule manière : c'était une tournure pudique pour exprimer ce qui avait failli leur arriver lors de leur arrestation. Laura imaginait, la gorge nouée, leurs ravisseurs promener leurs gros doigts sans tact sur le corps de la jeune femme pour en évaluer la fermeté, la rabaissant de leurs rires gras. Rien que cette pensée lui faisait serrer les dents... Et cela pouvait arriver à tout moment, avec ou sans elle. Elle se mit à craindre que les gardes ne reviennent d'un instant à l'autre pour lui arracher son amie des bras. Quelle expression prendrait le visage de cette aventurière si stoïque lorsqu'elle serait abusée par l'une de ces brutes ? Laura ne pouvait pas admettre que cela se produise. Elle devait la protéger. Elle resserra son étreinte et répondit simplement d'un voix faible :

-Non.

Elle était prête, dans son emportement, à risquer de dévoiler son identité en chantant pour amadouer leurs gardiens. La jeune fille qui venait de se blottir dans son coup ne la trahirait pas, elle en était certaine.

-Rien ne me vient... mais ça ne sera pas nécessaire. Je vais te faire sortir d'ici. Personne ne te touchera.

Elle avait parlé d'une voix légèrement tremblante. Oui, elle avait peur de ce qu'elle allait devoir faire ; les actes de bravoure n'avaient jamais été son fort. Et puis elle n'avait pas encore d'idée précise de la manière dont elle allait parvenir à ses fins. Si l'un des hommes lui résistait, qui sait ce qui pourrait lui arriver ? Elle ressentait le vertige de celui qui s'apprête à se jeter dans le vide : si elle réfléchissait avant de sauter, elle allait renoncer.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le jeudi 09 mai 2013, 00:50:26
Je peine à trouver la volonté de lui répondre. C'est que je suis bien, le visage blotti contre son épaule, dans une posture finalement assez maternelle. Ça fait presque un mois que je n'ai pas vu ma mère, ni aucun membre de ma famille, d'ailleurs. Il faut dire que quand je les vois, je n'ai pas grand-chose à leur dire. Ce sont des gens simples, leur révéler la complexité du monde dans lequel nous évoluons ne ferait que les perdre. Mes dons précoces et mes disparitions les ont déjà fait assez souffrir, et sortir de la norme, comme cela. Je n'ai pas vraiment le choix, si je veux veiller à leur bien-être, je suis obligée d'édulcorer considérablement mes aventures. Comment leur expliqué que j'ai été enfermée dans une cellule moyenâgeuse avec pour seule compagnie une jeune femme dont la beauté a, sur Terre, bien peu de concurrents ?

-Dis pas de bêtise. Les gardes sont pas très attentifs, mais tu... enfin, on s'enfuira pas comme ça... Ne t'inquiète pas, tu sais, même dans les pires épreuves, je ne suis pas seule. Jamais.

Je pense à la course-poursuite : si une telle situation se reproduit, il n'y a pas vraiment de raison que cette fois, nous parvenions à nous en tirer. Autant la prévenir de ça. Je relève la tête et je lui souris, tentant de lui démontrer toute l'étendue ma détermination et mon absence de peur. Nous sommes encore très proches, mon corps appuyant sur le sien, toutefois à présent, j'ai l'impression que c'est elle qui me serre plus que l'inverse. Ma promesse l'a-t-elle touchée plus que je ne l'espérais ? Je sens une chaleur monter en moi, mais cette fois, elle est intérieure, et elle empli mon cœur. En si peu de temps, cette fille si froide, capable d'assassinats terrifiants, en vient à se soucier de mon sort. Une telle évolution vaut, de mon point de vue, d'endurer tous les supplices du monde.

-Mais c'est bien, vraiment, je lui souffle avec une émotion perceptible, ma voix tremblant presque.

Hélas, à regret, je dois me dégager de ses bras. Ça n'est pas une histoire de volonté spirituelle, cette fois... c'est quelque-chose de beaucoup plus matériel. En réalité, on peut même difficilement faire plus matériel que ça. Je fais un pas en arrière, puis je jette à Laura un regard en biais, plus amusée que gênée.

-Excuse... si tu pouvais, te, ben, retourner... Peut-être tu devrais essayer de dormir. Demain sera sous doute épuisant.

Sans enthousiasme, je m'approche du sceau prévu à cet effet, me débarrasse du bas de ma tunique, puis m'accroupis. Je crains qu'ensuite, il n'y ait plus rien de pertinent à ajouter à ce sujet.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le samedi 11 mai 2013, 00:14:23
Les quelques secondes qui suivirent furent des plus troublantes pour notre héroïne. L'angoisse l'étreignait déjà, et à peine avait-elle prononcé son serment qu'elle songeait à le trahir. Une femme plus hardie n'aurait pas hésité une seule seconde et aurait porté secours à son amie, mais comprenez que chez celles de son espèce, le courage et l’abnégation sont des qualités qui font trépasser leur porteuse avant les vingts ans. Laura était ce que la plupart des terriens qualifieraient de lâche ou d'égoïste. Cependant une jeune fille aux attraits inexprimables reposait entre ses bras, semblant ne pas vouloir s'en dégager. Et la Sirène se sentait partir hors d'elle même, prête à tout pour préserver cette beauté de tout ce qui pourrait lui vouloir du mal. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un avait besoin d'elle. Quelqu'un dont l’existence lui était précieuse avait vraiment besoin d'elle. Et malgré son angoisse, elle goutait une sorte de bonheur précaire, la joue collée aux cheveux de sa protégée.

Celle-ci finit pourtant par se soustraire à leur étreinte avant de se diriger vers le seau en lui demandant de se retourner. La Sirène resta perplexe quelques secondes avant de comprendre et de pivoter sur elle même, dégoutée. Comme si utiliser des latrines n'était pas suffisamment... elle n'avait pas de mot pour décrire la manière dont les humains étaient forcés de s'organiser avec leurs excréments. Elle eut donc droit à un spectacle sonore quelque peu gênant. Mais au moins ça n'était que de l'urine...

Laura reprenait ses esprits. Heureusement qu'elle était entrainée à faire taire son empathie, sinon elle aurait déjà agi de manière inconsidérée. C'était typiquement le genre de piège auquel les siennes devaient échapper lorsqu'elles s'unissaient à un homme. La piège de l'affection démesurée. Ici en fait, quelle différence ? Elle s’éprenait d'une femme, et elle avait failli risquer sa vie. La même erreur. Bien sur, elle n'avait pas eu l'intention de s'immoler. Ça n'était pas un sacrifice, plutôt un pari. Toujours est-il...

Elle entendit à nouveau le bruissement de la tunique de Telka et en déduisit qu'elle pouvait se retourner. Celle-ci la fixait toujours avec bienveillance. Laura détourna le visage, saisie par la culpabilité, et sa belle justification s'écroula aussi vite qu'elle avait été montée : elle n'était pas prudente ni même méchante en se rétractant au dernier moment, uniquement peureuse et méprisable. Comment pourrait-elle regarder la jeune femme dans les yeux après une telle bassesse ? S'il eut été trop tard pour se rattraper, elle se fut jetée à genoux en demandant pardon... mais elle n'avait rien encore à se faire pardonner. Et ça n'arriverait pas. Elle n'allait pas se dégonfler.

Le cœur battant, elle se précipita vers la guérisseuse et l'attrapa par le poignet pour la mener jusqu'au mur du fond de leur cellule, en face de la porte.

-Assied toi là, dit-elle simplement, d'un ton assuré malgré sa voix légèrement flageolante, ne dis rien.

Elle se dirigea elle même vers le centre de la cellule et s'y assit. Ainsi, si un garde ouvrait le volet du judas pour y jeter un œil, il verrait la silhouette de la prisonnière la plus jeune dans l'obscurité, au fond de la cellule, et distinguerait nettement la plus désirable des deux captives, de profil, éclairée par la lune.

Laura passa les bras autour de ses jambes, et ferma les yeux en se balançant doucement d'avant en arrière, comme pour se bercer elle même. Elle se contraint à respirer posément, puis se mit à fredonner un air à peine audible entre ses lèvres, qu'elle prit le temps de s'approprier. Un vieil air mélancolique que toutes les Sirènes connaissaient. Calme, elle laissa sa voix gagner en amplitude, peu à peu. Ces subtilités n'étaient évidement pas audibles par ses geôliers, mais elle avait besoin de ce rituel pour se laisser habiter par les émotions qu'elle voulait exprimer et déployer son art au maximum. Et puis elle chantait aussi un peu pour Telka. Sa récitation vibrait entre les murs dans leur cellule, douce et triste, mais de plus en plus puissante. Et plus elle gagnait en intensité, plus cette mélopée se drapait d'accents surnaturels qu'aucune gorge humaine n'aurait pu produire, comme si Laura n'avait pas besoin de hausser la voix pour que celle-ci résonne avec force. Pendant plusieurs minutes elle joua avec cette mélodie, jusqu'à ce qu'elle entende un bruit de bois glissant sur du metal : gagné. Elle ne tourna pas la tête et continua à chanter quelques instants, comme si elle ignorait qu'on l'observait de derrière la porte, patiente. Cependant celui-ci ne semblait pas disposé à entrer... elle tourna donc la tête en direction de la porte ; le judas se referma aussitôt. Interrompant son chant, elle se redressa et s'approcha pour aller frapper doucement contre le panneau de bois :

-S'il vous plait... vous êtes là ?

Le judas s'ouvrit à nouveau, laissant apparaitre le visage d'un de leurs ravisseurs. Il était bouleversé. Si son expression n'était pas si sincère, Laura en aurait ri : cette brute épaisse qui était prête à la violer un peu plus tôt semblait hésiter à admettre sa subite sensibilité.

-C'est vraiment... vraiment...
-Merci, je suis touchée.

Elle lui sourit à travers l'ouverture et, reculant d'un pas, se remit à fredonner : une mélodie bien plus sensuelle, plus insidieuse et beaucoup mieux maitrisée. Des années de pratiques dans le registre... de derrière la grille, elle pouvait voir l'expression de sa proie changer lentement. Tel un cuisinier, elle tentait de doser les émotions qui quittaient ses lèvres, craignant d'ajouter la pincée de sel qui mènerait à la catastrophe.

Soudain le garde baissa les yeux, et elle l'entendit fouiller fébrilement son trousseau de clef. Elle se força à ne pas paniquer. Écartant sans ménagement la porte de sa route, le garde s'engouffra dans la cellule. Il resta planté là, droit comme un piquet, pendant deux bonnes secondes, les yeux rivés sur la Sirène. Celle-ci n'avait pas d'idée précise de ce qu'il allait finir par faire, mais son intuition lui disait que lui même n'était pas décidé. La seule chose qu'elle craignait était qu'il décide de la prendre brutalement, auquel cas elle n'aurait pas pu l'arrêter. Elle prit alors les devant et se jeta à son cou pour l'embrasser avec toute la tendresse dont elle était capable - pas tellement envers un tel énergumène, à vrai dire. Celui-ci répondit fougueusement à son baiser en plaquant ses grosses mains dans son dos.

-Désolé, souffla-t-il, t'es innocente toi, on va te faire sortir bientôt...

Laura n'osait plus bouger, de peur de mettre par accident le feu aux poudres. Il était bienveillant pour l'instant, mais si le désir prenait le dessus...

-C'est pas grave... écoute, calmes toi... tu ne veux pas t’assoir ?

Non bien sur il ne voulait pas. Il n'allait pas la lâcher si facilement, et puis il devait encore avoir un minimum conscience de ses responsabilités. Bon. Elle enfoui son visage dans son coup comme Telka l'avait fait avec elle précédemment, et lui murmura :

-Restes un peu avec moi d'accord ?
-...je devrais pas être là...

Malgré sa faible protestation, l'hypnotisé ne fit pas un mouvement pour se dégager ; au contraire ses mains se faisaient de plus  en plus baladeuses. Alors Laura se mit lentement à fredonner air apaisant tout en tentant d'ignorer la main qui passait sous sa robe pour caresser ses fesses. Finalement, il sembla que les ardeurs de l'homme se calmaient, et celui-ci ne tarda pas à resserrer son étreinte sur la prisonnière, jusqu'à y laisser reposer une partie de son poids, tout en chuchotant des paroles insensées où il était question de maisons, d'enfants, de la mer et de couchers de soleil. Enfin, il posa son front sur l'épaule de la Sirène et sa respiration se fit plus régulière. Laura sentit alors la carrure de son geôlier peser sur elle ; elle le retint de toutes ses faibles forces, mais il s'affaissa malgré elle sur les genoux, et elle ne put que l'accompagner pour chuter avec lui dans une douceur toute relative. Enfin, il dormait, c'est tout ce qui comptait.

Elle caressa machinalement les cheveux du mâle endormi, avant de se souvenir qu'elle lui vouait une haine profonde. Alors elle s'extirpa lentement tout en chantonnant sa berceuse, pour se remettre sur pied et se retourner vers sa complice d'évasion en époussetant sa robe et ses bras. Elle aurait dû être fière de sa réussite, et pourtant elle se sentait plus ridicule qu'autre chose.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le lundi 13 mai 2013, 04:32:16
Il y a des choses que je ne peux pas saisir. Malgré toute ma bonne volonté, la sagesse, le discernement dont j'essaie de faire preuve, il y a des mystères que, par inexpérience, par manque d'informations, je suis incapable d'appréhender. Je sens, alors que j'ai à peine terminé de satisfaire mon envie naturelle, quand Laura me prend le bras, qu'elle n'est plus dans le même état d'esprit. Son attitude a changé, elle semble plus agitée, plus nerveuse plutôt, que quelques secondes auparavant. Je suis incapable de comprendre ce qui s'est passé, et se passe à présent dans sa tête, quel tourment la hante encore. J'avais espéré que notre étreinte l'avait un peu rassurée, l'avait faite oublier dans quelle situation nous nous trouvions. Je constate qu'il n'en est rien, mais je mets un moment, jusqu'à ce qu'elle se saisisse de mon poignet et me donne une consigne précise, avant de me rendre compte qu'elle a une idée en tête.

-Est-ce que ça va ? je m'enquière simplement.

J'ignore pourquoi elle se place au milieu de la cellule. Le fait qu'elle n'apporte à ma question aucune réponse ne me rassure pas. La perplexité se lit sur mon visage, toutefois je n'ai aucune raison de lui résister. Je ne vois pas vraiment, en réalité, comment elle pourrait empirer la situation, même en y mettant beaucoup du sien. Mais même sans cela, elle n'a jamais manifesté à mon égard la moindre agressivité, et si elle n'avait pas assassiné un homme sans défense sous mes yeux, j'aurais la plus profonde envie de lui faire confiance. Je reste assise où elle m'a indiqué de la faire, silencieuse après ma remarque. Je l'observe plus que je ne la surveille. Je n'ai rien à craindre, et seule sa propre appréhension me tend un peu.

Ma tension s'évapore aux premiers sons qui sortent d'entre ses lèvres. Cette musique, je l'entends à peine, au départ, puis, sans que je m'en rendre réellement compte, elle accapare toute mon attention. Je prête de moins en moins d'intérêt à son corps qui se balance lentement, et me laisse captiver par la mélodie douce, un peu plaintive, qui prend peu à peu possession de tout l'espace sonore. En des années d'aventure à travers les plans, je n'ai jamais entendu un tel chant, et pourtant, il me semble étonnamment familier : étrangement évident, malgré sa complexité, chaque note appelant naturellement la suivante, de telle sorte qu'aucune autre ne paraîtrait y avoir sa place. Je me laisse bercer par l’œuvre, je ferme les paupières sans y penser, je ne sens plus l'odeur de crasse, je l'oublie. Je ne fais plus attention au temps, je ne réalise pas davantage le caractère surnaturel que peuvent revêtir certaines intonations.

Lorsque Laura s'arrête un instant, je me sens étonnamment vide. Je n'ai qu'une envie, que son chant reprenne, et m’emplisse de nouveau. Ma tête vrille un peu, mes oreilles bourdonnent, ma volonté, mon attention, vacillent. Je remarque très tard qu'elle s'est mise à parler avec un garde, et si mes yeux, entrouverts, voient que ce dernier est entré dans la cellule, mon cerveau se refuse à le prendre en considération et à agir en conséquence. Enfin, elle ouvre de nouveau la bouche et d'avance, je m'attends à l'entendre reprendre là où elle s'était arrêtée. Pourtant, c'est sur un tout autre ton qu'elle reprend. Cette musique, cette fois, me met plus mal-à-l'aise. Je suis étonnamment tiraillée entre l'irrésistible désir de l’étreindre et celui de fuir le plus loin possible d'elle.

Le changement de chant m'hébète légèrement. Je perçois que cette mélodie là n'est pas pour moi, et finalement, que le soldat repose à présent dans les bras de la divine chanteuse. Je tente de me lever pour l'écarter, pour la protéger, mais, je ne serais dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mon corps me paraît soudainement trop lourd pour être bougé. Je résiste tout juste à l'envie de refermer les yeux, de détendre mes membres, et de m'endormir là. Elle m'a indiquée de rester assise après tout. Pourquoi lui désobéir ? Je risque de tout gâcher. Elle se retourne vers moi. Je suis adresse un sourire un peu stupide. Elle ne m'a jamais paru aussi sûre d'elle, à part peut-être quand elle plongeait une longue aiguille dans la chair d'un cou exposé.

La pensée, l'image mentale, me tire brusquement de mes rêveries. Je me pose enfin la question du sens de ce que je viens de voir, de ce que je viens d'entendre. Je réalise que tout cela ne peut être le fait d'une humaine, aussi douée soit-elle. Qui est-elle ? Je n'ignore pas qu'une telle chose peut aussi bien être l’œuvre du Diable que celle de Dieu ; les deux sont capables d'engendrer un chant aussi envoûtant. Mes espérances, bien sûr, vont vers le second, hélas, ma raison n’exclut pas le premier. Attirer ainsi dans ses filets un homme est un système dont le Malin userait avec délectation. L'idée me trouble, je l'éloigne du mieux que je peux, néanmoins, je trouve la force de remettre debout. Sans trop être consciente de ce que je fais, guidée par mon instinct alors que mon esprit, lui, est ailleurs, j'invite Laura à me suivre, la saisissant par la main avec une vivacité qui m'étonne moi-même.

-Il faut partir, je murmure, comme si ça n'était pas évident.

Nous traversons en sens inverse les couloirs. Les soucis d'il y a quelques minutes, les perspectives effrayantes semblent restées derrière, leur agréable perte tout juste contrebalancée par la discrète angoisse de croiser un autre milicien. À cette heure de la nuit, il est possible que le poste de garde ne soit surveillé que par l'un d'entre-eux, toutefois, plus vite nous irons et plus le risque d'en rencontrer un sera faible. D'autant que j'ignore combien de temps son maléfice fera effet sur celui qu'elle a plongé en léthargie. L'air froid de la nuit mord ma peau nue, et dissipant l'impression que j'avais d'être simple spectatrice de mon corps.

J'entraîne encore la jeune femme quelques centaines de mètres plus loin, dans les rues d'une Nexus mal éclairée. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à craindre d'une éventuelle alerte. Les soldats pourront bien donner notre signalement. En cet instant, je m'en fiche. Un coin de rue, à l'abri des regards en provenance de la plus grande avenue, suffira bien à nous abriter pour le moment. Il n'y a guère rien dans cette endroit que quelques caisses de bois plus ou moins réduites à l'état de lattes, dont le contenu, s'il y en a un, est dans l'obscurité indiscernable. Nous ne sommes plus dans un quartier très à risque, je crois, et même les soûlards, à cette heure, dorment, blottis contre une bouteille vide.

-Qu'est-ce que... c'était ? Enfin, c'était, par Josaphat, tellement beau. Je soupire. J'en sais si peu sur toi.

Je m'appuie sur le mur de briques à côté de moi, et je contemple le sol quelques secondes. Qui qu'elle soit, quoi qu'elle soit, je ne peux pas lui en vouloir. Je devine que l'aura de mystère dont elle s'est entourée a peu de chance de cacher une nature très saine, et cependant, je ne suis même pas sûre que la réponse à cette question m'intéresse. Son geste était, je le crois, totalement désintéressé. Est-ce mon discours qui l'a ainsi changée en si peu de temps ? Même si tel est le cas, il n'aura fait que mollement réveiller la bonté qui sommeillait déjà en elle. Tout le mérite de cet acte lui revient. Je n'en suis pas moins fière d'elle, à un point un peu ridicule. Au-delà de l’inquiétude, mon regard qui se relève vers elle reflète mon émoi. J'attrape ses mains ; cette fois, l'initiative ne viendra pas d'elle.

-Merci. Je ne sais pas si c'était dangereux pour toi, pour moi, mais... je suis heureuse que tu l'ais fait... Merci. Je n'oublierai pas : si je peux faire quelque-chose pour toi, alors tu peux compter sur moi.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mercredi 15 mai 2013, 22:01:40
L'esprit de Telka semblait ailleurs. Laura n'avait pas l'habitude de provoquer de telles réactions chez les femmes, mais après tout, peut être que celle-ci était sensible à la musique. Peut être même qu'il y avait là une faille à exploiter... enfin ça n'était pas le moment d'y penser, car déjà la guérisseuse était sur pieds et l'entrainait par la main à travers les couloirs et les rues. Marchant d'un pas vif dans les allées mal éclairées, la peau caressée par la fraicheur de la nuit, la Sirène avait l'impression étrange que leur escapade n'était qu'un jeu, et que finalement rien de bien dangereux ne s'était passé. Elle ne gardait aucune marque des coups qu'elle avait reçus, et ses mésaventures lui paraissaient quelques peu irréelles. Elle suivit sa complice jusque dans la ruelle que celle-ci avait élue refuge provisoire.

Le compliment de la jeune femme traça une un sourire sur son visage. Certes elle avait déjà entendu ce type d'éloges venant d'humaines, mais l'opinion de celles-ci lui importaient peu. Aujourd'hui c'était bien différent, elle était à l'affut du moindre signe d'approbation. Elle tenta de rester légère bien que les questions de la guérisseuse soient à la fois gênante et excitante. La prudence l'incitait à ne pas s'étendre, mais elle brulait d'envie de révéler sa nature. Elle en avait assez de devoir mentir. Elle répondit d'une voix presque enjouée :

-Merci, je... ça me flatte, vraiment. Si ça peut te rassurer, elle n'a de pouvoirs que sur les hommes. Tu peux l'écouter sans crainte... enfin je t'en parlerais plus amplement si tu veux, si on en trouve le temps.

Tout cela risquait bien sûr de la conduire à la question épineuse de ses origines, mais elle ne pouvait pas parler beaucoup d'elle même en évitant le sujet, et si Telka avait entendu des choses sur les Sirènes, ne serait-ce qu'en tant que créatures imaginaires, elle ne tarderait pas à faire le lien de toute façon.
 
De plus Laura était touchée par cette soudaine démonstration d'affection, et elle eut du mal à rester stoïque lorsque les mains de la jeune femme se saisirent des siennes. Tant de reconnaissance... c'était plus que tout ce qu'elle aurait pu imaginer quelques minutes auparavant. A vrai dire elle ne se souvenait pas avoir été confrontée à un tel regard au cours de ses quatre décennies. La Sirène pataugeais dans le bonheur.
 
-Oh tu sais... je ne pouvais pas te laisser là alors que tu m'avais sauvé la vie deux fois. Je ne veux pas que tu te sentes obligée envers moi.
 
Malgré la sobriété de sa réponse, elle ne pouvait empêcher sa voix de trembloter. Le cœur battant, elle avait refermé ses mains sur celles de Telka et s'était approchée alors qu'elle parlait, un peu malgré elle. Elle était maintenant trop près pour que sa position ne soit pas ambiguë, son corps à quelque centimètres de celui de la guérisseuse qui ne pouvait reculer. Elle n'avait qu'à pencher la tête pour capturer ses lèvres... son esprit répétait le mouvement sans cesse, sans que jamais son corps ne passe à l'action. Si elle avait osé, si elle avait été sûre... elle aurait dévorée l'ingénue à l'instant. Un demi pas en avant et leurs bustes seraient collés l'un à l'autre. Elle n'avait qu'un geste à faire pour passer ses mains sous la tunique de l'aventurière... elle déglutit et se reprit. Elle ne pouvait pas tenter sa chance ici et maintenant ; elles n'étaient pas en sécurité, et rien ne lui garantissait que son amie ne ressente ne serait-ce que le dixième de la passion qui l'habitait, elle. Elle se contint, au prix d'un effort presque physique et reprit d'une voix plus basse et assurée ;
 
-Je ne connais pas grand chose aux villes... tu penses qu'ils vont nous poursuivre ? Est-ce qu'on va devoir se cacher ?
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le lundi 08 juillet 2013, 18:07:38
J'ignore si ce sont nos aventures récentes qui ont placé dans sa voix tant d'émotion et de trouble. Est-ce possible que son chant, si céleste, l'ait elle aussi atteint, et bien qu'elle en soit à l'origine, l'est bouleversée presque autant que moi ? Je crois que la mélodie en avait le pouvoir, peut-être même la chanteuse l'a-t-elle ressentie plus puissamment encore, peut-être cela a-t-il épuisé son être. Ou a-t-elle ressentie une élévation, dans son art, ou dans son geste ? A-t-elle frôlé la félicité, perçu un signe furtif du divin, a-t-elle embrassé, l'espace d'un instant, la piété que j'ai essayée de lui enseigner ? Ou est-ce la tension, la peur d'être rattrapée, de croiser un milicien et que tout cela recommence ? Je ne peux jurer de rien. Je préfère envisager le plus beau des ravissements, et ça n'est pas tellement grave si mon impression n'est pas la bonne. À défaut de béatifier son être, ma croyance enchantera le mien, et, j'en suis sûre, cela finira bien par atteindre le sien, même juste un peu.

Très doucement, je reprends la position que nous avions quitté peu avant, moi plus petite, la tête contre son épaule. J'essaie de me montrer forte, lorsque je doute, que je faibli, je refuse de le montrer à ceux qui croient en moi. Révéler ma fébrilité ou ma confusion serait faire une insulte au Seigneur qui a placé en mon pauvre être tant de sa grâce et de sa faveur. Mais je ne suis qu'une humaine dans des temps difficiles, et si je sais que Dieu me donnera dans les épreuves les plus terribles la foi dont j'ai besoin, le reste du temps, quand la pression retombe, quand ma détermination n'a plus d'objet, je ne suis plus aussi fière. Alors j'ai besoin de réconfort matériel… pourtant, je n'en trouve presque jamais. Telle est la vie que je me suis choisie. Celle qui me distrait le moins de l'amour que je porte au créateur de toute chose.

Nos corps se serrent tendrement. J'ai froid, la nuit me fait frisonner. J'ai besoin de sa chaleur, de sa présence. J'entends dans sa poitrine son cœur battre, vite et fort. Le mien aussi, mais finalement, il finit par se calmer. Tout, ou presque, est terminé. Il n'y a plus de peur à avoir, plus que de la sérénité et du soulagement à ressentir. Je ne sais pas exactement combien de temps je reste ainsi, ma vision trouble, les oreilles écoutant le bruit d'une ville qui dort. Un instant, je pense m'être laissée moi-même tombée dans un léger sommeil. Je ne réponds que tard à sa question.

-Je ne sais pas combien de temps va mettre le soldat pour donner l'alerte… Mais en pleine nuit, ils n'ont pas assez d'hommes pour nous traquer correctement. Nous sommes déjà loin. Peut-être nous signaleront-ils demain ? Il n'y a que trois personnes qui ont vu nos visages, ça ne fait pas beaucoup… et leur signalement ne risque pas d'être très précis. Enfin… tu as quand même raison. On devrait se faire discrètes dans les prochains jours. Je sais qui peut nous cacher ! Viens.

Je ne lui dis pas qu'il serait plus sûr d'éviter de se montrer ensemble, pour correspondre encore moins aux avis de recherche. J'ignore pourquoi, mais je ne peux m'y résoudre. Je ne crois pas que ce soit très important. Je ne fais pas courir beaucoup de risque à qui que ce soit. Combien de fugitives sont à déplorer dans une ville aussi grande que Nexus ? Je garde sa main dans la mienne, et je l'entraîne encore une fois. J'essaie tant bien que mal de retrouver mon chemin, nous faisant arrêter dès qu'une lueur de lanterne apparaît au coin d'une rue. Je cherche l'auberge de l'homme dont j'ai sauvé la fille. C'est le meilleur refuge dont je dispose, mais je peine à reconnaître les routes que j'ai prises. J'ai peur que nous tournions en rond.

Que mon cœur soit pur, ô Seigneur, que mon esprit soit digne encore une fois,
Enlève tous mes pêchés, prends moi avec Toi, élève moi dans Ta grâce,
Rends moi la joie d'être sauvée, fais que j'entende les chants et les fêtes,
À ceux qui pêchent j'enseignerai Tes chemins, vers Toi reviendront ceux qui se sont égarés,
Libère-moi des sangs versés, Dieu sauveur, et ma langue acclamera Ta justice.


Je répète à voix basse une traduction libre de quelques psaumes repris par le Miserere Mei. La récitation empêche mon esprit de s'embrumer. Le latin, bien sûr, aurait été plus fort, mais je ne désespère pas que Laura en saisissent un peu du sens. Je m'explique :

-Dans les maisons du Seigneur, ce chant est repris par des chorales d'enfants. Je pensais que leur voix était le son le plus céleste au monde… jusqu'à ce que j'entende la tienne. Où as-tu appris ? Y a-t-il beaucoup de chanteuses comme toi sur l'île d'où tu viens ? Ce doit être un endroit magnifique…
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le dimanche 14 juillet 2013, 16:40:38
Laura étreignit la jeune fille comme si elle espérait l'absorber en elle, se nourrissant de la moindre odeur, du moindre mouvement, du moindre souffle s’échappant de ses narines. Elle sentait parfois celle-ci frissonner et ne savait à quelle émotion attribuer cette réaction du corps, ne connaissant elle même pas le sens de l'expression "avoir froid" ; les Sirènes ne souffrant pas des basses températures, elle ne pouvait que constater qu'il "faisait froid", sans comprendre la gêne que cela occasionnait à son amie. Peut être celle-ci était anxieuse ? Son attitude ne le laissait pas transparaitre par ailleurs, et puis la jeune Sirène aurait été bien en peine de faire plus qu'elle ne faisait déjà pour la rassurer, n'étant elle même pas dénuée de nervosité.

Enfin Telka finit par parler ; elle semblait savoir quoi faire, et son calme redonna un peu courage à Laura, qui se laissa guider à nouveau dans le dédale des rues où elle ne reconnaissait, pour ainsi dire, plus rien. Ces maisons étaient toutes si semblables... est-ce qu'elles étaient déjà passées par tous ces endroits qu'elle croyait reconnaitre à chaque angle de rue, ou était-ce seulement son esprit qui lui jouait des tours ? Parfois sa guide lui faisait changer de direction brutalement, pour échapper, semblait-il, à une menace invisible. Il fallut un certain temps à la Sirène pour comprendre les enjeux de ces lumières qui indiquaient une lanterne et un danger potentiel. Plus le temps passait et plus l'anxiété s'emparait à nouveau d'elle. Elle la contenait, pour ne pas avoir l'air trop faible et pour ne pas déconcentrer la guérisseuse. Tous ses espoirs reposaient sur elle après tout, et si celle-ci se trouvait incapable de les mener en lieu sûr, Laura ne pourrait rien faire pour les sortir de là : elle avait la désagréable impression d'être une enfant ignorante au milieu d'un monde dont toutes les règles lui échappaient.

Elle ne prêta guère attention, tandis qu'elles avançaient en hâte, à cette prière dont le sens lui paraissait des plus obscurs. Les questions de son amie quant à elles arrivaient à un moment bien étrange... n'auraient-elles pas le temps de se poser ce genre de questions une fois qu'elles seraient à l'abri ? Fallait-il absolument parler de ça maintenant ? Le défilé des rues et des croisements, auquel elle essayait en vain de donner un sens, lui donnait le tournis. Elle répondit néanmoins, d'une voix hésitante. Elle n'était déjà pas une très bonne menteuse, alors si elle essayait en plus de réfléchir à autre chose dans le même temps...

- Je... eh bien sur mon île on apprend aux enfants à chanter très jeune... et ... bon, je suis considéré comme une très bonne chanteuse parmis les miens... il faudra que tu me montres tes chorales d'enfants. Là d'où je viens il arrive que les enfants chantent en accord certaines musiques... elles ont une voix qui... qui s'y prête bien... EH ATTEND !

Elle venait de s'arrêter brusquement, stoppant leur avancée à toutes les deux. De sa main libre elle pointait du doigt la devanture d'un commerçant ; au dessus de sa porte d'entrée pendait un panneau en bois sur lequel était représenté une... chose qui l'avait intriguée lorsqu'elle l'avait aperçue deux jours auparavant. Elle avait passé une bonne minute immobile, à tenter de comprendre ce que l'immonde gravure pouvait bien représenter - il s'agissait en fait d'une chaussure à la forme extravagante, dont la peinture verte commençait à s'écailler salement. Elle jeta son regard en tout sens pour reconnaitre l'endroit, et celui-ci lui apparu enfin clair comme lorsqu'elle y était passée, en plein jour.

- Je reconnais ça ! C'est un... un homme qui fait des chaussures dans cette euh... maison. Nous sommes dans la rue qui... qui... l'auberge du coucher de lune est à quelques minutes, par là bas... et de l'autre côté il y a des gens qui vendent des vêtements de toutes les couleurs, mais je ne sais plus à quelle distance...

Elle se tourna à nouveau vers son amie, espérant voir son visage s'illuminer, bien qu'elle n'eût pas vraiment une idée précise de la valeur de ses indications pour le moins floues.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le vendredi 06 septembre 2013, 18:47:23
-Oui, on est revenues dans les quartiers marchands. C'est bon, suis-moi !

La tension nerveuse descend alors que mon esprit se situe dans l'espace. J'ai été assez de fois à Nexus pour localiser ces ruelles : si je ne les connais pas dans le détail, je les sais adjacentes aux allées principales. On y trouve des magasins plus petits et plus locaux, où les artisans travaillent seuls, souvent sans le support d'une guilde et avec assez peu d'ambition. Ils servent des clients moins aisés, et quelques rares fois, ils présentent des articles qu'on ne trouve pas ailleurs, ou à des prix inhabituels. Lorsqu'il n'y a personne, comme c'est le cas cette nuit, ces petites venelles semblent plutôt étroites, mais c'est sans compter la foule bruyante qui ampli les grandes avenues les jours de marché, et qui rend au bout du compte ces dernières bien pires que leurs homologues plus confidentielles.

Je fais en sorte que nous ne nous attardions plus trop et, longeant avec prudence les murs d'une large artère, je nous fais engouffrer dans une ruelle presque semblable à celle où nous étions, et parallèle à elle. Nous nous retrouvons devant une bâtisse en bois brut, modeste et simple dans son architecture, mais néanmoins assez imposante. Au-dessus de l'épaisse porte en chêne est dressée l'enseigne, peinte d'une seule teinte de blanc, qui reflète un peu la rare lumière : une grande croix surmontée d'un toit triangulaire, puis la mention « Ad Veniat, coucher et dîner ». Je souris à cette vue familière, puis toque à l'huis.

-L'aubergiste est un homme pieux et bon, je m'explique. J'ai soigné sa fille il y a quelques années, et depuis il m'aide à chaque fois que je viens à Nexus. Il nous offrira la chambre, et nous cachera si c'est nécessaire.

Au bout de deux bonnes minutes, le bruit d'un loquet se fait entendre, et celui que je sais être le propriétaire ouvre. Il s'agit d'un plutôt curieux personnage, bedonnant et qui ne doit pas dépasser le mètre quarante. D'autant que j'en sais, c'est pourtant bien d'un humain. Même si je me sens toujours coupable de penser ainsi, je dois avouer que c'est un homme objectivement assez laid, avec une barbe hirsute noire tirant sur le blanc, à la crinière éparse, aux yeux bleus presque globuleux et toujours rougis, au visage où se devine les dégâts de l'alcool et à l'âge indéfinissable, quelque-part dans la cinquante ou soixantaine. Pour autant, s'il ne semble pas beaucoup s'entretenir, il n'est pas sale pour autant, et son habit, une tunique brune sans doute enfilée à la va-vite, n'a rien de particulièrement négligé. Il ouvre une bouche à la dentition usée et irrégulière, surpris, et tente de cacher derrière son dos l'arbalète qu'il tient à la main.

-Bonsoir monsieur Eylo, je murmure. Je suis confuse de vous déranger au milieu de la nuit. Voilà, pour être honnête, nous avons eu quelques soucis avec la garde. Une sorte de malentendu, vous voyez ?

Je sais pertinemment que les chances qu'il me refuse sont inexistantes, et pourtant, je suis soulagée lorsqu'il hausse les épaules et répond :

-Où c'que ça traîne les jeunes filles d'nos jours ? Et ça s'attire des ennuis, bah. J't'attendais pas si tard. Bah.
-Vous... vous êtes conscient des risques, n'est-ce pas ?
-Bah ! Pas b'soin d'ça pour savoir que les gardes sont tous cons.

Sa voix est encore pâteuse, et il détache ses syllabes plutôt mal, ce qui ne le rend pas particulièrement compréhensible. Eylo sourit, et je trouve malgré moi son rictus inquiétant. Il recule d'un pas, pour nous laisser entrer, et je guide Laura à l'intérieur. La température rien que sur le seuil doit être supérieure de cinq bons degrés à celle de l'extérieur. Une odeur de légumes bouillis, sans doute le repas ayant été servi le soir même, flotte encore. Le mobilier de l'auberge est semblable à sa charpente : rustique, dénudé. Quelques tables et quelques chaises sont disposées près d'un âtre et dans le fond, un escalier monte vers l'étage et les chambres. Le propriétaire glisse avec une certaine vivacité derrière un comptoir rectangulaire, et en sort une bouteille, étiquette griffonnée à la main, remplie d'un liquide trouble.

-Jus de châtaigne pour les tit'dames qu'ont froid, fait-il en présentant des verres dans le même temps. Bah, hein, ça s'refuse pas, hein ?
-Tibi Gratias mille vicibus carissi ! Ça va nous faire du bien.

Je m'approche à mon tour du comptoir. Je peux me remémorer exactement quel goût a la boisson qu'on nous propose. C'est toujours la même, quelque-chose d'assez proche de la liqueur, avec un arrière goût sucré qui fait passer sans problème le haut taux d'alcool. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas un grand cru, mais ça se boit facilement. Eylo doit en avoir des dizaines identiques, car il en ouvre une de ce type à chaque fois que je viens. Je me retourne vers Laura et lui glisse :

-Vous avez ce genre de chose sur ton île ? Te sens pas obligée de boire si tu trouves ça fort...

Il faut dire que ce n'est pas davantage une boisson de femme, ou même une boisson raffinée. Je ne me sens pas très à l'aise de devoir confronter un être si fin à une denrée si brute. Dans le même temps, j'ai aussi peur de vexer l'aubergiste en ne recommandant pas son alcool. J'essaie de faire comprendre par le regard à Laura que je suis dans une situation un peu difficile. Bientôt, le malaise est brisé par une question du vieil homme.

-Alors en voilà une autre étrangère, hein ? C'est-elle une sainte guérisseuse comme vous mam’zelle Telka ?

Je secoue la tête, négative, et bois une première gorgée du breuvage.

-Mais elle a d'autres dons.

Suite à cette affirmation, il la dévisage, puis la détaille de haut en bas, ce qu'il ne semblait pas s'être permis jusqu'ici. Je réalise seulement l'état dans lequel nous sommes, et celui de nos vêtements. Le mien est est crasseux et déchiré sur tout un côté. Heureusement, le propriétaire ne fait pas plus de commentaire.

-Mouais... j'en doute pas. Bah, t'sais où sont tes affaires, t'sais où est la chambre de ma fille si vous passez la nuit ici.

Finalement, empreinte une porte derrière le comptoir, et s'éloigne par le couloir qu'elle révèle en grommelant :

-C'est qu'y en a qui bossent, figurez-vous, bah.

J'attends qu'il ait disparu pour parler de nouveau à Laura.

-Je me sens un peu coupable de lui faire prendre des risques pour nous, mais je crois qu'ils ne sont pas trop grands. Personne ne nous cherchera ici... Tu ne crois pas ?

J'ai essayé de me montrer assurée jusqu'ici pour éviter la panique et la confusion. Toutefois, maintenant que je suis posée et que j'ai plus de temps pour réfléchir, je commence à douter un peu. Je peux au moins à présent me permettre de faire un peu tomber le masque : je ne suis pas tellement plus avisée que n'importe qui lorsqu'il s'agit de fuir la garde. Ce n'est pas vraiment ma spécialité, et en règle générale, mes activités n'éveillent pas leur attention d'une telle manière. Je trempe une seconde fois mes lèvres dans la liqueur de châtaigne, et laisse le liquide me réchauffer l'intérieur de la bouche, puis la gorge.

-En tout cas, on sera bien ici pour la nuit ! Et au matin, on verra bien ce qu'on fait.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le samedi 07 septembre 2013, 10:30:50
C'est bon, elles étaient sauvées ! Enfin, c'est le sentiment qu'eut Laura quand son amie lui répondit avec calme et la guida avec assurance dans une suite de petites rues. Avait-elle été utile à l'aventurière ?... c'était une question secondaire, mais tout de même, l'impression d'être un fardeau lui était pénible.

Les deux femmes arrivèrent finalement devant une porte surmontée d'un panneau dont la Sirène mémorisa le pictogramme sans que celui-ci n'ait plus de sens pour elle que les écritures qui le complétaient. La brune hocha la tête comme une élève attentive face aux explications de sa guide qui venait de cogner la porte, comme le commandait l'usage chez les humains - du moins pour certaines portes. Elle ignorait ce que signifiait "pieux"... ça devait être une qualité pour la jeune terrienne. Dans le silence gênant qui s'installa ensuite, elle tanguait doucement d'un pied à l'autre, balançant entre la peur de voir un garde surgir à tout moment et l'envie d'entrer à nouveau en contact physique avec la guérisseuse...

Enfin la porte s'ouvrit, laissant apparaitre un vieux mâle minuscule et dégoutant, qui portait les stigmates de
dégénérescence de la vieillesse. Une expression de dégoût à peine perceptible passa brièvement sur le visage délicat de l'ondine ; elle n'avait pu la contenir, et de toute façon l'homme, qui ne la regardait pas directement, ne l'avait certainement pas relevée. Elle avait déjà vu nombre d'humains laids et vieux, voir mal-formés, mais celui-ci l’écœurait particulièrement. Et dans le même temps elle ressentait une sorte de pitié pour cette créature au physique si ingrat. Comment pouvait-il supporter un tel état ? Ne serait-ce pas un soulagement pour lui et ceux de son espèce si l'on mettait tout simplement fin à ses jours ? La vue de cette nature disgracieuse et en incessante désagrégation était difficilement supportable pour la Sirène. Celle-ci lança un regard en coin à son ami, étant soudain étreinte par une certaine angoisse. Est-ce que cette petite humaine au visage si doux allait subir le même sort que cet édenté ventripotent ?... Elle chassa la pensée de son esprit. C'était là des considérations bien lointaines, elle avait d'autres soucis pour l'instant.

Elle se laissa entrainer à l’intérieur ; un intérieur d'auberge comme elle en avait déjà vu, où flotte une odeur qu'elle avait déjà sentie auparavant, mais qu'elle ne parvint pas à reconnaitre. Le maitre des lieux se hâta de déplacer son gras jusque derrière le comptoir afin de se saisir d'une bouteille qu'il présenta aux deux femmes. Du "jus de châtaigne"... Laura se dirigea avec son amie devant le meuble qui les séparait - et s'était très bien ainsi - du petit homme, et saisit son verre qu'elle observa avec circonspection, avant d'en humer le contenu. Une odeur assez puissante se dégageait du liquide : du coup, elle était assez curieuse de savoir à quoi ressemblaient les fameuses châtaignes dont on tirait un jus qui sentait si fort.

Elle se tourna vers Telka et lui sourit légèrement avant de répondre à sa question :

- Non, c'est la première fois que je vois du jus de châtaigne... , puis, adressant un regard timide à leur bienfaiteur si mal fagoté ; merci...

Elle porta le verre à ses lèvre et prit une toute petite gorgée qui lui fit comprendre en quoi ce breuvage était "fort" ; le liquide laissa derrière lui un goût à la fois agressif et sucré sur sa langue, ainsi qu'une sensation de chaleur dans sa gorge. Étrange. Heureusement, en tout cas, qu'elle n'avait bu qu'avec parcimonie...

Elle ne savait pas bien quoi répondre aux questions de cet inconnu dont elle peinait à cerner les intentions, aussi elle se contenta d'opiner du chef pendant que sa seule alliée en ce monde parlait pour elle, tout en sirotant sa boisson pour se donner une contenance. A son grand soulagement, l'homme finit par les laisser à nouveau seules ; son acolyte lui adressa à nouveau la parole, et Laura laissa ses lèvres s'étirer dans un arc radieux, franchement soulagée et heureuse qu'elles soient à nouveau en sécurité, délivrées de la présence oppressante d'un quelconque mâle, poursuivant ou bienveillant. Elle croisa le regard de la jeune femmes un instant puis se détourna, un peu mal à l'aise, camouflant sa fuite oculaire en reportant son attention à son verre. Elle commençait à s'habituer à cette substance, voir même à l'apprécier, non pas pour sa saveur mais pour la chaleur qui se déployait dans son œsophage et son estomac.

Elle reporta son attention sur la discution ; est-ce qu'on viendrait les chercher dans cet endroit ?

- Oui, non... je... aucune idée...

Dans ce lieu si calme, la possibilité d'être à nouveau agressée par des gardes lui paraissait bien lointaine, mais pour autant elle ne savait vraiment pas s'ils auraient l'idée de venir les débusquer ici. Elle jeta un œil au niveau de son verre ; elle en avait "déjà" avalé la moitié. "Au matin, on verra bien ce qu'on fait"... ces mots l'emplissaient de joie et la rassuraient ; elle n'allait pas se retrouver seule à nouveau.

- N'importe quel endroit me convient, du moment qu'aucun homme ne nous veut du mal... mais s'ils viennent jusque ici ?... Qu'est-ce qu'on fait ?

Sa question avait en fait plus pour but de prolonger la conversation que de palier à une réelle inquiétude. Depuis que la peur l'avait quittée, Laura ne pensait plus qu'à une chose : retourner dans les bras de la jeune femme, et peut être l'embrasser : ici, là... dans le cou, sur le visage, sur les lèvres. Elle imaginaient déjà ce visage ingénue prendre une teinte rosée, cette étreinte se faire plus passionnée... elle fit un pas en avant, comme pour s'approcher, mais eut soudain l'impression que son geste était maladroit, et elle stoppa immédiatement sa progression, replongeant le nez dans son verre et se détournant pour promener sa silhouette gracile à travers la pièce d'un air nonchalant. Elle observait tout ce qui était observable autour d'elle, maudissant sa gaucherie. C'était tellement plus facile avec les hommes... Finalement elle pivota à nouveau vers sa cible qu'elle dévisagea en pinçant les lèvres pendant quelques secondes. Elle aurait voulu trouver quelque chose d'intéressant à dire, mais elle se contenta de lancer une petite pique avec un sourire en coin :

- Ton Dieu ne te commande rien en ce qui concerne la manière de dormir, au moins ?

Après tout, Telka semblait beaucoup aimer parler de son Dieu...
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 11 septembre 2013, 14:31:01
Je suis un peu surprise de l'attitude de Laura vis à vis du liquide trouble que nous a servi l'aubergiste. La plupart des autres femmes que je connais auraient froncé le nez rien qu'en sentant l'odeur du breuvage : elle n'est décidément pas aussi délicate, je songe, qu'elle en a l'air. Les épisodes de l'arrestation, de l'emprisonnement, puis notre fuite, m'ont presque fait oublier la cause fondamentale de notre situation. Alors que j'y pense de nouveau, le meurtre commis par l'îlienne me paraît presque incongru, et tellement éloigné de ce que nous avons vécu ensuite… Une large part de moi-même me prie d'ignorer ce crime, et de la considérer ainsi que je l'ai connue ensuite, timide, réservée, reconnaissante… envoûtante aussi. Sans oublier le fait qu'elle ait pris des risques pour m'extraire de la prison. Je crois de tout cœur à la rédemption. Pourtant, cela ne fait même pas vingt-quatre heures que ce soûlard a rejoint les cieux. Puis-je dire alors, c'est pardonné ? Je n'ai pas ce droit. C'est ma conscience, cette fois, qui me l’ascèse.

-Le mieux, c'est quand même d'espérer qu'ils ne viennent pas. Sinon, le plus important, c'est qu'ils ne te prennent pas là. Moi, je ne reste jamais longtemps au même endroit. Pas même en prison.

Je bois une nouvelle gorgée, puis une autre, presque à la suite. Suite à ce traitement, ma conscience, enfin, me laisse un peu tranquille. Dans le même temps, l'alcool qui commence maintenant à faire un peu d'effet sur moi me donne la réponse à mon interrogation de tout-à-l'heure. Je ne suis pas le Christ, je ne suis pas prophète, je ne suis même pas un membre du clergé au sens strict ; je ne peux pas parler au nom du Seigneur et assurer le pardon des pêchers. En revanche, je peux lui pardonner à titre personnel, et laisser le reste à Dieu, à plus tard. Au moins, cela réglera les derniers scrupules que j'ai encore à la considérer à présent de plus en plus comme une amie. Il lui reste encore toute une vie, peut-être même cette vie sera-t-elle longue si elle évite à l'avenir certains quartiers, pour s'illustrer dans la vertu. Est-ce la détente causée par la boisson sur mon esprit qui me fait aussi bien accepter une telle perspective ? Je suis incapable d'évaluer quelle part l'alcool prend dans ma décision. Je sais que l'alcool, toutefois, est un révélateur, qu'il ne fait pas mentir. Je sens que j'y crois, au plus profond de moi.

-En fait, de temps en temps, Dieu m'appelle et… je mime avec mes mains une petite explosion : …zwip ! …je disparais !

Je jette un œil au verre déjà à moitié vide de Laura. Le degré d'alcool du jus de châtaigne est difficile à quantifier, et doit varier, je pense, un peu, entre chaque bouteille. Cependant, même si le goût est un peu traître, je ne lui donnerai pas moins de 40° pour les crus les plus sucrés. La quantité bue, en si peu de temps, serait considérée comme alarmante sur Terre, et un peu moins sur Terra, où les gens sont en général plus rude. Je n'ai pas le sentiment d'être en danger, car je sais assez bien les effets qu'a l'alcool sur moi, en revanche, je réalise que je n'ai pas pris la peine d'en informer mon interlocutrice. À jeun et avec une dose aussi importante absorbée en si peu de temps, sur elle comme sur moi, les premiers signes d'ivresse ne tarderont sans doute pas à se faire sentir.  Heureusement, nous ne courrons aucun risque majeur : mon pouvoir est capable de détruire la moindre molécule d'alcool superflue dans un corps. Je n'ai plus beaucoup de doute sur le fait que mon comportement est dors et déjà changé, de toute façon. Il n'y a rien de malhonnête, après tout, à rendre la conversation un peu plus intéressante, d'autant que ma curiosité me titille.

-C'est pénible, au début, mais on s'y fait assez vite ! Enfin, tu sais le plus gênant ? Je baisse d'un ton, et pouffe : c'est que je réapparais complètement nue. Parfois au milieu des gens, ou dans des endroits terriblement… Une fois dans un vestiaire de foot, avec plein de garçons qui se déshabillaient. Huhu.

Je me rends bien compte qu'il s'agit exactement du genre d’anecdote que je n'aurais jamais même évoquée sobre. D'un autre côté, contrairement au comportement plus discret que j'adopte sur Terre, je n'ai jamais vraiment essayé de cacher mes pouvoirs sur Terra, où ils sont relativement courants. J'essaie simplement d'éviter d'attirer l'attention sur moi, et d'en faire trop l'étalage, car évidemment, ils entraînent aussi des convoitises. Le degré d'intimité concerne plutôt la situation dans laquelle je me retrouve après manifestation du phénomène. Avec Laura, je n'ai de toute façon rien à craindre. C'est ma grande amie, et je me sens prête à tout lui dire si elle me le demande.

-Non ! On peut faire des prières avant d'aller se coucher, et quelques fois, on doit veiller mais… Oh, ça n'est pas intéressant. Huhu. Parle-moi plutôt de… comment tu es arrivée à Nexus ou alors… Je secoue la tête, jugeant la question trop sérieuse et ennuyeuse. …de la chose la plus gênante qu'il te soit jamais arrivée ?

J'esquisse un grand sourire. Je me sens légère.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le dimanche 15 septembre 2013, 18:36:56
Elle fixa d'un regard étonné les mains de Telka dans leur mime ; "zwip !". Zwip ? Comment ça ? À tout moment ? Était-ce une blague ? Après tout la jeune aventurière soignait par le simple toucher... Laura imaginait l'angoisse que ça devait représenter, de pouvoir être arrachée à tout moment à sa tranquillité et recrachée dans un endroit inconnu. Comment pouvait-elle vivre ainsi, condamnée à être ballotée de place en place ? C'était comme si elle même ne s’appartenait pas, mais dépendait du bon vouloir de son Dieu, qu'elle continuait malgré tout à juger bon... mais c'était une faiblesse typique de certains humains que d'éprouver de l'amour pour leurs maitres, quels qu'ils soient. Et pourtant cette petite avait l'air tellement différente de ses semblables...

L'anecdote du "vestaire de foot" - du quoi ? - lui fit hausser les épaules, avant qu'elle ne se souvienne de l'attrait que la nudité exerçait sur les humains...

Une femme, totalement nue, entourée d'une horde de mâles... pour une Sirène, cette situation était le pire des dangers à éviter : plus les hommes étaient nombreux, plus il était difficile de les éliminer. Certaines, plus audacieuses, attiraient parfois les marins par deux, et rapportaient à leurs consœurs que cette expérience était plus intense qu'une copulation à deux.

Toujours est-il qu'une terrienne n'avait pas à se soucier de tuer ses amants, et bien que Laura ait toujours entendu dire que les humains étaient monogames, elle pouvait supposer que la guérisseuse ait apprécié ce moment. Après tout, une femme qui disparaissait sans cesse pouvait difficilement être attachée à un homme. Elle ne pouvait s'empêcher de jouer la scène dans sa tête, tout en écoutant son amie parler ; son ventre se noua, tandis que son cœur frappait ses côtes avec ardeur. Telka, haletante, caressée par trois paires de mains, débordée et fébrile. Un mélange de d'excitation de jalousie l'emplissait toute entière : elle imaginait son ami grognant de plaisir, les cheveux collés par la sueur, alors qu'ils la prenaient à tour de rôle... rouge écarlate, sur le point de se tordre de plaisir. Encore plus rouge que Laura à cet instant.

Cette dernière piqua à nouveau vers son gobelet, comme si elle avait peur qu'on lise dans ses pensées.

- Ah, c'était ... tu... c'était pas un peu... trop ?

Elle posa cette question d'un air qu'elle voulait nonchalant, mais sa voix était trop haut perchée et ses gestes trop nerveux pour qu'elle puisse réellement faire illusion. Dans tous les cas, elle voulait en savoir plus, même si cela relevait d'un certain masochisme. Elle fit quelques pas silencieux en direction de la religieuse, jusqu'à se trouver en face d'elle, toute proche, bien plus proche qu'elle n'aurait du l'être lors d'une conversation innocente. Elle ne savait pourquoi, mais elle ressentait une sorte de vertige, comme si sa poitrine envoyait trop de sang dans ses tempes, menaçant de la faire évanouir, comme si on courant imprévisible faisait tanguer le monde autour d'elle. Et malgré ça, elle avait l'impression que tout était sous contrôle, qu'il lui suffirait de se pencher sur la demoiselle et d'y apposer ses lèvres pour lui transmettre son transport.

- Une situation gênante... haha... bien... quand je suis arrivée dans Nexus, j'ignorais ce qu'était une maison... je voyais les gens ouvrir des portes et entrer, puis sortir... j'ai essayé de faire pareil... les portes que je voulais ne s'ouvraient pas... j'ai passé plusieurs heures à tourner en rond, avant de rentrer dans une auberge. Et là je ne savais pas quoi faire. Je me suis juste assise, comme les autres, mais toute seule...

Son histoire, certes, n'avait pas de chute, mais elle avait connu peu de moments plus gênant depuis son arrivée en ville. Et elle ne pouvait pas raconter d'histoire impliquant des Sirènes... de toute façon elle n'avait répondu que pour faire plaisir à son amie qui semblait curieuse. Elle avait bien d'autres choses en tête : elle brûlait d'un désir qu'elle n'avait plus la volonté de contenir à présent ; tant pis, après tout. Elle posa son verre presque vide sur le comptoir, obligée de presque se coller à sa proie pour se faire... et une fois les deux mains libérées, se saisit délicatement de ses épaules minces mais fermes, la couvant du regard.

- Je suis perdue ici tu sais... si tu n'avais pas été là...

Elle stoppa sa phrase. Inutile de préciser ce qui serait arrivé, et de reprendre encore cette conversation. Elle allait en venir au fait, maintenant ; elle approcha doucement son visage pour déposer un baiser, tendre et légèrement humide, sur le front de la jeune femme. Elle se retire ensuite, n'osant même plus respirer et la dévisage d'un regard plein d'espoir. Nul doute qu'au moindre signe de consentement, ou même d'hésitation, elle repassera à l'attaque et dévorera son visage en entier : ses pommettes rosées, son menton si fin et même l'arrête de son nez... et bien sûr, enfin, ses lèvres tant convoitées. Tout y passera et il n'en restera rien, lorsque la faim de la Sirène sera assouvie.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 18 septembre 2013, 20:33:25
L'alcool ne m'aide pas beaucoup à réfléchir, c'est certain. En revanche, j'ignore si à cette dose, il me rend aussi plus tolérante à l'incompréhension. En réalité, je ne sais pas exactement si c'est mon interlocutrice qui a mal interprété mon propos, ou si c'est moi qui suis incapable de saisir ce qu'elle veut dire lorsqu'elle évoque un trop. Un trop de quoi ? Elle-même n'en semble pas très sûre. Je fronce les sourcils, en proie au doute. Je remarque la couleur rouge écarlate de son visage, et émet l'hypothèse qu'elle vient de changer de sujet d'un seul coup. Je lie facilement les deux. Après tout, cela n'est pas très loin de ma propre réflexion, et je trouva ça légitime. N'en étant pas certaine, je ne peux cependant faire qu'une réponse assez évasive.

-Je… oui, fais attention à ne pas en boire trop. C'est un peu enivrant, tu sais. Huhu.

Une incitation à la modération que je ne trouve pas nécessairement bienvenue, et qu'en fait, j'oublie assez vite. Maintenant que nous avons échappé au danger, il me semble naturel de décompresser, et de nous offrir un peu de détente, tout en sachant, bien sûr, que les éventuels excès seront sans conséquence. Pour autant, je me heurte encore une fois à la personnalité singulière de Laura. Son histoire est étrange, et elle ne paraît pas manquer de bonne volonté pour se confier. Hélas, elle est étrangement éloignée du ton que j'aurais voulu instaurer, et qui est commun lors de ce genre de discussion. En même temps, si elle ignore tout de l'alcool, je suppose que je ne peux pas lui demander d'être parfaitement en phase avec moi… Peut-être l'apprendra-t-elle plus tard. Je ne parviens pas à me faire de soucis. Elle part de loin. Dans quel genre de pays n'a-t-on pas de maison ? J'ai déjà rencontré des peuples nomades, mais ils avaient au moins. Et puis. Je chasse la question.

Je me retiens in-extremis de faire une remarque légèrement moqueuse sur le sujet, me servant de ce que la boisson m'a laissé d'inhibition. Elle pourrait encore se montrer vexée. Du reste, elle ne m'en laisse pas franchement le temps, opérant un changement d'attitude que je trouve soudain.  Elle s'approche de moi avec une émotion troublante. De mon point de vue, le frisson de l'action, l'exaltation de notre réussite, étant passés depuis quelques temps, nous allions plutôt parvenir à un certain calme, une certaine harmonie. Pourtant, elle quand elle me fait à nouveau part de sa gratitude, je sens que quelque-chose n'est pas tout-à-fait normal. L'alcool a parfois des effets étranges sur les gens, je songe, alors que ses lèvres touchent mon front, y laissant une petite sensation mouillée.

Je cligne des yeux, ne m'attendant pas vraiment à ce type de rapprochement maintenant. Je me rends compte de ce qui se passe réellement seulement assez tard, en vérité. Je reste une bonne seconde avec un air surpris, sans toutefois perdre mon sourire. Les choses se bousculent dans ma tête, et je réalise la probable véritable raison de son rougissement. Je ne me sens pas mal-à-l'aise, comme je l'aurais certainement été si j'avais été sobre. Je refuse de prendre l'événement de façon dramatique. Après tout, l'idée à bien du m'effleurer, moi aussi. Je me forçais jusqu'ici à considérer nos embrassades comme chastes, et ne souffrant d'aucune ambiguïté, parce que nous étions toutes deux des femmes. Je balayais toute pensée qui aurait dévié de cet axe, par principe, et j'en venais à considérer, ou au moins à espérer, que Laura en faisait de même. La perplexité s'accentue sur mon visage.

Est-ce que je réalise que j'ai été sotte ? Pas vraiment. Je cherche à me justifier, et vite. Tant pis pour la cohérence. Je repasse en revue les quelques arguments que j'ai. Il ne faut pas s'attacher à une seule personne, car cela empêche de se consacrer à toutes les autres. Il faut remettre son plein amour à Dieu, pour pouvoir le redistribuer entre chaque homme. Oh oui, mais qui souffrira, à la fin, si j'en donne un peu de supplémentaire à l'individu qui est devant moi ? Qui a décrété qu'on avait une jauge d'amour limitée ? Quel sage a mis l'amour en équation ? En lui en donnant, ne pourrais-je pas le démultiplier ? Si j'en ai envie ? Quel mal cela fait-il à mon prochain ? Qui me le reprochera ? Et si c'est une faute ? Tant pis. Le Seigneur n'est-il pas miséricordieux ? Je m'en fiche. Et si je me sens coupable ? Je n'y pense pas. J'ouvre la bouche.

-Je, hm. Alors.

Je bégaye, sans trouver les mots. Mon sourire, qui avait disparu un temps, revient plus large. Puis je n'y tiens plus vraiment. Je mets mon verre de côté. J'approche mon visage du sien. Cela me paraît fou, interdis, excitant, à la fois. J'accole mes lèvres aux siennes. J'espère ne pas me tromper. Je pense ne pas me tromper. Non, je ne l'envisage même pas. Je n'ai plus beaucoup d'appréhension. Elle n'est que technique. Je n'ai jamais embrassé quelqu'un. Je reste les lèvres entrouvertes, sur les siennes, sans trop savoir quoi faire de plus. Sans autre choix, je me laisse guider, presque malgré moi. C'est mouillé. Je ne pensais pas que ça l'était autant. C'est chaud, aussi. Sur sa chair, il y a un goût d'alcool. Et quelque-chose en plus. Je trouve ça érotique. Je frisonne, je me sens faible, j'ai un peu l'impression de chuter. Mes mains attrapent ses épaules. J'hésite à fermer les yeux. Finalement, je les ferme. Puis, je les rouvre. Je fuis son regard. Je me sens obligée de le croiser. Le trouver fait battre mon cœur vite, et fort. Ma respiration se coupe. Je panique. Mais tout va bien. Je crois.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le dimanche 22 septembre 2013, 18:57:02
La jeune fille semblait surprise, réellement. Il faut dire... qu'il y avait de quoi. Chez les Sirènes comme chez les humains, ce genre de comportement n'était pas courant entre deux femmes... le sourire de l'aventurière disparut, puis revint, et ce fut dans les entrailles de la Sirènes comme une chute puis une aspiration. Elle s'était mise à trembler quelque peu, ces quelques secondes d'attente s'étirant dans un cortège interminable de spéculations ; puis enfin : la joie, la peur, l'excitation, tout à la fois. Telka s'approcha, les lèvres entrouvertes, à la rencontre desquelles Laura se précipita : leurs bouches se heurtèrent avec douceur. La guérisseuse était quelque peu maladroite, tandis que son amie... l'était aussi. Celle-ci aurait voulu se montrer plus sensuelle et lui offrir un baiser plus langoureux, mais ses gestes étaient fébriles et, malgré son expérience en la matière, elle était loin de déployer un art du baiser en mesure de faire honneur à son espèce. Et puis la tête lui tournait... jamais elle ne s'était sentie ainsi. Quelque chose lui disait, au fond, qu'elle venait de trouver ce pourquoi elle avait quitté l'océan. C'était pour cette petite. Celle qui l'avait sauvée, et qui à présent semblait perdue. A la seconde où Laura avait embrassé son front, l'aventurière avait comme perdu sa contenance. C'était maintenant au tour de l'ondine de servir de guide.

Elle s’approcha encore plus, jusqu'à ce que leurs poitrines et leurs hanches se rencontrent, jusqu'à ce que Telka soit forcée de reculer et se trouve piégée, le dos collé au comptoir et le menton relevé. Laura prolongea leur joute labiale ainsi, profitant de sa taille légèrement supérieur pour assoir symboliquement son autorité bienveillante. Elle pouvait sentir la fermeté athlétique de la jeune femme tandis qu'elle se pressait contre elle. Elle tempérait ses ardeurs pour ne pas l'écraser contre l’arête du meuble, et la passion quelle ne pouvait déployer dans un écrasement mutuel de leurs enveloppes charnelles rejaillissait dans l'ardeur de ses baisers. Ceux-ci devinrent progressivement plus lents et plus doux, Laura déployant enfin ses décennies d'expériences en la matière. Elle sentait le soulèvement régulier de la poitrine de sa bien aimé contre son propre buste à chaque inspiration. Elle finit par saisir délicatement la lèvre inférieur de son amie entre ses dents et la maintint captive quelques instants, immobile, comme si elle hésitait sur le sort qu'elle allait lui réserver.

Puis, traçant son chemin par une suite de bécots humides sur la joue de sa dulcinée, elle se dirigea jusqu'à son cou, sous son oreille, pour titiller cette zone stratégique du bout des lèvres. Elle effectuait ses mouvements avec la fluidité d'un pianiste qui connait sa partition par cœur et qui se délecte de l'attention de l'auditoire ; chaque variation dans le souffle de sa captive était une récompense à ses caresses dévouées. Elle commença à descendre le long de la gorge de son amie, embrassant délicatement sa peau... lorsqu'elle perdit l'équilibre. Elle piétina sur place et agrippa le bras de la guérisseuse pour retrouver sa stabilité, et ne put retenir un rire stupide tandis qu'elle se lançait dans une nouvelle étreinte affectueuse.

"Eheh... désolée... oooh... je me sens bizarre..."

Elle fit pleuvoir un déluge de baisers passionnés et hasardeux sur le visage de l'humaine avant de l'embrasser à nouveau sur les lèvres, poussant un grognement d'aise et se blottissant de plus belle contre elle. Pendant ce temps ses mains glissaient sur les hanches et la taille de la religieuse, cherchant un chemin à travers ses vêtements. Elles ne tardèrent pas à le trouver et à faire glisser leurs doigts fins sur la peau de la jeune femme, explorant les courbes de son dos et des ses flans. Elle n'hésitait pas le moins du monde : si Telka avait accepté de l'embrasser, elle ne doutait pas que tous les gestes à venir lui plaisent.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mercredi 25 septembre 2013, 00:45:02
J'ai le sentiment que ce baiser est l'une des choses les plus intenses de toute mon existence. Je n'ai pas de point de repère. Pourtant, j'ai la certitude que Laura embrasse merveilleusement bien. Je sens sa langue, tiède et humide, alors que la mienne rencontre timidement la barrière rigide de ses dents, sans oser aller au-delà. Je suis contente d'être guidée avec autant d'adresse. Si elle ne m'avait pas entraînée, elle, je n'aurais jamais su comment m'y prendre. J'aurais rompu l'embrassade après une seconde, gênée, et ne trouvant pas quoi faire de plus. Nos bouches se décollent à peine que déjà, la sienne revient à l'assaut de mes lèvres. Les choses s'arrangent, deviennent un peu moins chaotiques, la technique qu'elle déploie nous faire tendre vers l'harmonie. J'ai l'impression d'un contact qui se prolonge à l'infini, et qui pourrait encore durer aussi longtemps.

-Je n'avais jamais, avant… oh.

Depuis combien de temps n'ai-je pas ressenti ça ? Une telle excitation, jamais, je crois. Une telle exaltation, peut-être quelques fois, en écoutant les messes papales, ou celles, en japonais, lues par le Père Emmanuel. Que penserait-il de moi ? En un moment aussi inattendu, je repense à la retraite du saint homme, parti retrouver ça famille loin de Seikusu, et remplacé par un missionnaire français que je ne connais pas encore très bien. Leurs sermons me paraissent bien loin, eux-aussi. Plus que par la distance, nous sommes séparés par les dimensions. Aussi stupide que cela puisse paraître, cela parvient à faire taire un peu ma culpabilité. Et pourtant, pour sûr, ni l'ancien ni le nouveau prêtre n'aurait approuvé ce que je suis en train de faire.

Laura est plus grande et plus fine que moi ; elle a certainement moins d'entraînement physique, moins de muscles à mettre à l'épreuve. Pourtant, je la sens si forte quand elle me pousse contre le bois du comptoir. J'ai l'impression que mon dos va rompre, et aussi, celle, plus floue, de ne plus toucher le sol, ou du moins de ne plus en dépendre. Mon équilibre devient un peu précaire, la boisson n'aidant pas. Toutefois, ça n'a aucune importance. Elle me serre trop bien pour que j'ai la moindre chance de chuter. J'ai un petit mouvement nerveux lorsque je sens ma lèvre inférieure prisonnière de sa mâchoire, mais je me retiens de reculer. Je ne veux pas donner l'impression d'être effrayée. Quand je constate qu'elle commence à quitter ma bouche pour d'autres zones plus exotiques, je ne peux m'empêcher de douter.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je sais très bien ce que je suis en train de faire. Je cherche à me le cacher, d'une certaine façon. Je n'en suis pas très fière. C'est parce que je suis saoule, ça aussi, je le sais bien. Il me faut des excuses, l'ignorance, l'émotion, l'alcool, pourquoi pas. Je me dis que dans quelques heures, je le regretterai sans doute ; ça n'est qu'une petite voix dans ma tête, comme une conscience profonde que je cherche à éteindre elle aussi. Je suis prête, pourtant, à lui dire dans la seconde que nous devrions arrêter. Au moment où je vais lui indiquer ma réticence, la pression change brusquement. Elle tombe, et je manque de tomber avec elle.

-Je… Moi aussi, hein.

Sans savoir pourquoi, le court flottement, dissipant peut-être la peur, me fait changer d'opinion. Je réalise que j'aimerai être tranquille. Mettre enfin de côté toutes ces règles qui pèsent insupportablement sur mon existence. J'en viens à des invocations d'une telle brutalité que je parviens à me choquer toute seule. Dieu m'a choisie, et alors ? Même les apôtres ont des vacances. J'irai au confessionnal, je me corrige bien vite. Oui, et tout rentrera dans l'ordre. L'étreinte reprend. Ses mains se font plus audacieuses. Elles passent sous ma tunique. Une tunique d'homme, brunâtre partiellement déchirée par… Par qui, déjà ? Elle est grossière, rêche, peu souple. Rien à voir avec la robe fine dont Laura est vêtue. J'ai presque honte. J'aurais honte si autant de sentiments différents ne se bousculaient pas à l'intérieur de mon crâne. Je frémis. Ne faisait-il pas froid, cette nuit là ? Je suis bouillante. C'est contradictoire. Non ?

-C'est tout pourri, de toute façon ! je m'exclame en tentant de rompre un instant le contact.

Avec un sourire timide, je tente de détacher les boutons qui maintiennent le chasuble fermé. Très vite, l'exercice m'énerve : je n'ai pas le temps pour ça. Enfin, je mets à profit les dégâts faits au vêtement pour m'en débarrasser en quelques secondes. Le haut tombe, sans me laisser, je n'arrive pas à déterminer si c'est un mal ou non, très découverte. Ma poitrine est enserrée dans une large bande blanche ; mon pantalon est assez haut. Mon dos, mon ventre, je pense, sont tout de même nus. Ça n'est rien. Je suis habituée à la nudité. Enfin, d'habitude, ça n'est rien. En une situation comme celle-là, mon corps, usuellement neutre, asexué, revêt une signification différente. J'en viens presque à craindre qu'il ne soit pas à la hauteur des espérances de Laura. Je suis si loin d'être aussi jolie, aussi plantureuse, aussi harmonieuse, qu'elle… En comparaison, chez-moi, tout me paraît presque rustre.

Je reviens vers elle, avec l'idée de ce que je vais faire en tête, mais comme si y songer trop directement aurait risqué de l'éteindre, ou de me blesser, je n'arrive pas tout-à-fait à m'y projeter. Quelque soit le domaine, ma nature n'a jamais vraiment été la passivité. J'agis, même quand il serait peut-être plus sage de se laisser faire. Je sais de quoi j'ai envie, moi aussi. Son être, sa chair, sa peau, brûlante, proche, contre la mienne. J'ai du mal à croire que toutes ces pensées cavalent en liberté dans mon esprit, sans aucune inquisition pour les neutraliser de force. L'inquisiteur est ivre mort depuis longtemps.

-Huhu, rien là-dessous, pas vrai ? je fais, d'une voix plus aiguë qu'à l'habitude.

Mes mains agrippent sans beaucoup d'assurance, mais avec volonté, le tissu de sa robe. Contrairement aux siennes, les miennes ne savent pas trop où passer pour se frayer un chemin vers le corps chaud. J'essaie de reprendre un peu le dessus. J'enlace sa nuque, son dos, mais je ne parviens à rien d'autre. Extatique, joueuse, un peu vexée, comme une petite fille ne trouvant pas comment déballer un cadeau très convoité. Ma bouche atteint son cou malgré tout, tentant de reproduire les quelques baisers dont je garde encore le souvenir. Je ne sais plus si c'était une bonne idée de prendre les devants. Je lance un regard vaguement implorant. J'ai besoin d'aide.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le mercredi 25 septembre 2013, 21:59:13
Tout pourri ? Quoi ? Sa bien aimé se dégagea de son étreinte, et Laura la fixa sans comprendre ;

- Mais ...

Elle l'avait sentit frémir sous ses doigts, soupirer sur ses lèvres... comment ça, tout pourri ?! Elle se serait presque mise en colère, mais elle était trop atterrée pour ça. Pendant ce temps la demoiselle se débarrassait de son grossier tissu : c'était sans aucun toute qu'elle souhaitait continuer ? Ou alors simplement pour se mettre à l'aise ? Tout pourri... le vêtement ? Ça devait être ça. Ouf : Telka était à nouveau dans ses bras. Laura mit un moment à se rassurer et reprendre ses marques. La soudaine brutalité de son amie l'avait quelque peu effrayée, et elle avait cru un instant avoir été rejetée pour incompétence.

L'humaine semblait bien plus volontaire en revanche, si bien qu'elle commença à triturer la robe de sa vis-à-vis avec une certaine fébrilité. Est-ce qu'elle cherchait, elle aussi, à s'introduire sous l'habit ? L'idée ne pouvait qu'émoustiller la Sirène. La jeune fille semblait maladroite, cependant, et peinait à trouver une faille par laquelle se glisser ; Par dessous, bon sang... Ça n'avait pourtant rien de compliqué ! La brune sourit, amusée par les déboires de son amie qui semblait à son tour habitée par une impétuosité aveugle.

- Non, jamais, c'est bien plus supportable ainsi...

La jeune fille avait rebroussé chemin devant la difficulté, et la voilà qui se trouvait à nouveau pendue au cou de sa corruptrice. Elle était adorable. L'air perdu... fragile malgré ses talents pour le combat rapproché. Laura lui saisit délicatement le visage des deux mains, frôlant ses joues d'un mouvement caressant des pouces tandis qu'elle la maintenait avec délicatesse. Elle la couva du regard quelques instants, sans rien dire, afin que chacune puisse lire le trouble de l'autre dans ses yeux. Les siens semblaient vouloir dévorer Telka de leurs iris marrons grand-ouverts. Elle cilla ; elle avait beau diriger l'échange, le croisement de leur regard était intimidant et la faisait se sentir vulnérable face à sa proie...

Elle lui prit à nouveau les lèvres ; ses mains descendirent sur les épaules de son amie, palpèrent la douceur de ses bras, avant d'envahir sa taille et le creux de son dos. C'était un buste mince, dur et chaud, comme Laura n'en avait jamais connu. Il avait quelque chose d'exotique ; différent de ce qu'on pouvait observer chez les Sirènes... mais tout ça avait peu d'importance, quelque part. Quoi que Laura eut trouvé sous les fripes de la jeune fille, elle l'eut gardé et cajolé. Alors qu'elle embrassait la jeune femme, le monde entier tanguait autour d'elles, comme si elles avaient été lancées toutes les deux dans une valse folle. Les mains de l'une formaient un ballet chaotique sur la peau de l'autre et le long de la bande qui lui enserrait la poitrine, cherchant à la défaire de son carcan de tissu. Elle avait conscience qu'un certain déséquilibre allait se créer, lorsque Telka serait effeuillée alors qu'elle même aurait gardé son armure d'étoffe, mais elle en jouerait... et puis son amie n'avait qu'à être plus dégourdie. Comment est-ce qu'on défait cette chose ? Par ici, par là, comme ci, comme ça ? Eurêka !

Le ruban se déroula et glissa le long du corps de plus en plus dépouillé de l'adolescente, laissant apparaitre deux seins timides. Laura s'était légèrement reculée, afin de mieux voir de quelle matière l'humaine était faite ; cette vision mit le feu à ses poudres. Elle se laissa tomber à genoux devant la guérisseuse qu'elle saisit à la croupe et déposa une séries de baisers fiévreux près de son nombril, décrivant un arc pour le contourner, de bas en haut ; le temps d'effectuer ce chemin, le pantalon avait déjà quitté sa place et gisait aux chevilles de sa propriétaire. Laura voulait la voir nue, entièrement nue. Ses deux mains délicates zigzaguèrent sur les deux jambes fines au galbe contracté par la station vertical. Seul un pauvre morceau de tissu protégeait encore la pucelle d'une nudité totale. La séductrice lui laissait un peu de répit et faisait glisser ses lèvres, caressant presque sans le toucher le ventre qui lui était offert.

- Tu es... belle... lâcha-t-elle dans un murmure plein de dévotion.

Bien sûr qu'elle était belle, magnifique, merveilleuse, parfaite. La Sirène en ressentait une sorte de fascination. Elle était partagée entre l'envie de la souiller et la peur de la toucher ; finalement elle se contentait de la vénérer, un peu. Sans trop le montrer. La bouche entrouverte, comme captivée par le mouvement qu'elle allait elle même exécuter, elle attrapa le dernier vêtement du bout des doigts et l'abaissa, d'un geste calme et régulier.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Telka le mardi 29 octobre 2013, 01:26:22
Pour sûr, ce qui m'arrive n'est pas juste... L'acte d'amour, n'est-ce pas quelque-chose de réciproque, de symétrique ? Lorsqu'il s'agit d'une femme et d'un homme, alors la création a posé des différences anatomiques qui empêchent dans une certaine mesure ce type de relation, mais lorsqu'il s'agit de deux êtres de même sexe ? Ne pourrais-je pas espérer que cela doive se passer d'une façon différente, plus équitable pour les deux partis ? Je sais que je ne dois pas trop y réfléchir. Sous peine d'arriver à la conclusion que cela ne devrait pas se faire du tout. Il n'en reste pas moins que mes habits choient un à un, arrachés à mon corps par les longs doigts de Laura, alors que le sien reste parfaitement couvert. Je n'arrive plus à être gênée par la situation elle-même. J'ai presque hâte que cela se termine. Que je sois nue, et elle aussi, et que cela n'ait, du coup, plus d'importance.

Le seul sentiment désagréable qui me reste encore, la peur du jugement. Je n'ai pas cette peur au quotidien, être jugée par les autres, quelle importance, lorsqu'on sait que le seul verdict qui compte relève du divin ? Mais je ne peux m'empêcher de me demander combien de femmes a-t-elle connues avant, et comment elle me situe par rapport à elle. J'ai la presque certitude qu'elle va me trouver ridicule, laide, inexpérimentée. Je n'ai pas un corps fait pour l'amour, cela me paraît évident. Au contraire du sien. Est-ce pour ça qu'elle le laisse couvert ? Pour ne pas que j'ai honte ? J'essaie de me sortir ça de la tête. Si je ne suis pas la meilleure des amantes, quelle importance cela peut-il bien avoir ? Une angoisse de plus à mettre de côté ; je n'y parviens pas aussi facilement que je l'aurais cru. La seule chose que je me crois en droit d'espérer, c'est qu'elle ne va pas tout stopper, que tout ne va pas s'arrêter brusquement. Pas tout de suite. Pas maintenant.

Dans l'auberge, il ne fait pas vraiment froid, mais le tissu qu'on dénoue de ma poitrine est brûlant et imbibé de sueur. Je sens mes seins, désentravés, qui pulsent légèrement, pèsent soudain un peu plus lourd. Un peu seulement ; en temps normal, il serait facile de les rater. Je les regarde un instant, comme si je les découvrais. Ma peau diaphane et fine laisse apparaître quelques veines bleues, sous mon cou. Je ne suis pas habituée à voir mon corps réagir ainsi. Ils sont dressés, presque cabrés, je les imagine durs. Ils pulsent légèrement, au rythme fulgurant des grands coups que donne mon cœur. La vue de ma propre anatomie me fait ressentir une sorte de dégoût envers moi-même. Puis, je croise le regard de Laura, et l'émotion se révèle pour ce qu'elle est vraiment. De l'excitation. Mon pantalon tombe. Un compliment. Je souris timidement.

Mon ventre se contracte inexplicablement quand les doigts de mon amante en viennent à le toucher. Je sursaute, et je ne peux retenir un son qui se situe entre l'exclamation de surprise et le gémissement. Mes bras résistent à l'envie de venir cacher ma poitrine. Mon exhibition me paraît soudain délicieuse. Des idées étranges pénètrent mon esprit. Je me vois nue, ainsi, devant une foule, sans ressentir la moindre gêne, ravie, extatique d'être exposée dans mon plus simple appareil et dans un tel état. Les caresses de Laura me font vibrer. Je suis fébrile, je n'arrive pas à lui rendre l'appareil. Je me vois juste m’affaisser sur un tabouret, écarter un peu les jambes. Mes sens sont presque tous éteints, l'alcool, le plaisir, y ont étalé comme une sourdine. Il ne me reste plus que le toucher. Je me rends compte qu'il a, dans ma vie, été beaucoup trop délaissé. Pourquoi interdire aux gens de se toucher ? Bientôt, je songe, je serais complètement dévêtue. J'écarte un peu plus les jambes. Ce n'est qu'une question de secondes.

-Non, non.

La culotte de lin n'est pas encore tombée que je me redresse. J'en ai assez de me laisser faire pour l'instant. Mon refus se limite à ça. Je n'ai pas la force de le faire plus général. Pas la volonté non-plus, pour tout dire. Je ne serais sans doute pas une amante formidable, mais on ne pourra pas dire que j'aurais été une amante passive. Si je suis plus petite, j'ai aussi un peu plus de force que Laura ; je n'ai pas grand mal à m'imposer. Ma taille plus modeste a un autre avantage. Je me baisse, les jambes fléchies. J'ai l'impression de faire une énorme bêtise, de braver tous les interdis. Pourtant, je suis décidée à montrer que je ne suis pas aussi naïve que j'en ai l'air. Ça n'est pas parce qu'on a fait vœux de chasteté qu'on est une parfaite idiote ! Mon cœur cogne, ma tête me fait mal.

J'attrape les jambes de Laura, je me glisse sous sa robe, puis je remonte.  Mes mains font de même, en des mouvements parallèles, frôlant toute la peau incroyablement douce, pour s'attarder un peu sur le poplité, et gagner encore en altitude. Je frisonne. J'entoure ses cuisses, ses fesses. Elle ne peut plus s'enfuir. Elle est à moi. Elle m'est soumise à mes désirs. Au moins pour quelques minutes. La situation me semble improbable, irréelle. J'ai du mal à croire ce que je suis en train de faire, et pourtant, je le fais. J'ai le sentiment que de lui donner du plaisir est la seule manière saine que j'ai d'en ressentir. La visibilité est loin d'être optimale. Je ne distingue que quelques étendues de chair rendues brunes par l'ombre de la jupe. Mais je sais très bien où se situe mon objectif. Mes connaissances en anatomie sont optimales. Je ne peux pas le rater.

Mes lèvres sur les siennes se font d'abord prudentes, se glissant entre l’étau de ses cuisses, n'osant qu'un frottement furtif, puis un autre, en sens inverse, et encore un autre, remontant, et un autre, un peu plus appuyé. Enfin, ma bouche vient s'accoler sans autre forme de procès à son sexe. C'est chaud, c'est palpitant, c'est humide. C'est agréable. Elle n'en décolle pas. Ma langue n'a qu'une vague idée de la façon dont il faut s'y prendre. Heureusement, étrangement, je trouve cela étonnement naturel, et elle vient parcourir dans toute sa largeur la vulve. Elle retrouve, imite les mouvements buccaux pratiqués une minute avant, tourne, tente, en formant un U, de s'enfoncer un peu. Je renforce la prise de mes bras sur son bassin. Le soucis, c'est que ça n'est pas vraiment, bien... écarté. J'ai l'impression de n'avoir accès qu'à une partie superficielle. C'est peut-être la position... Après une vingtaine de secondes, je m'interrompt. La communication, c'est important.

-Est-ce que... ça va ? je fais, hésitante.

Je suis brûlante. Avide de savoir de ses émotions, de ses sensations. Leur simple évocation, je le crois, me ferais plus d'effet peut-être que de les ressentir par moi-même. J'ai besoin d'être rassurée, aussi. D'avoir la confirmation que je suis sur la bonne voie. Je sors la tête de sous sa jupe, toujours accroupie. J'essaye désespérément de lire quelque-chose de cet ordre dans ses yeux.
Titre: Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
Posté par: Laura le vendredi 08 novembre 2013, 18:28:33
Un petit cri de surprise s'échappa de sa gorge : Laura avait failli tomber, surprise par l'initiative de la jeune terrienne. Elle ne résista pas pour autant et accompagna le mouvement de la téméraire par les caresses de ses mains, jouant avec ses cheveux tandis que cette dernière enlaçait ses jambes. La sirène ne comprenait pas exactement ce que son amie pouvait avoir en tête... mais la laissait faire avec joie cependant. Les petites mains se promenèrent sur ses jambes dont l'alcool engourdissait les muscles et faisait chauffer l'épiderme, et le visage de la belle disparu sous sa jupe. La brune émit un gloussement, devinant que son sexe était finalement la cible. Ça n'était pas pour lui déplaire, ça non...

-Ooh...

Le fantôme de sa jupe glissait doucement sur elle, et elle haletait à mesure qu'il montait. Elle pressentait aisément ce qui allait advenir, et elle l'attendait avec une impatience fébrile : Telka s'était arrêtée, un instant, comme si elle dévisageait l'intimité de son amante... puis elle plongea, enfouissant son visage entre les cuisses de sa victime. Celle-ci poussa un soupir qui en réclamait d'avantage : les lèvres de la petites tâtonnèrent d'abord avec précaution, sans oser entrer dans le vif du sujet... puis les attouchements se firent plus appuyés. Maladroits, certes, mais agréables, et suffisamment insistants pour que le sourire laisse place, sur le visage rose de l'ondine, à une expression chargée de désir au premier degrés. Les lèvres mollement entrouvertes, les yeux dans le vague, elle s'abandonnait autant qu'elle le pouvait. La position était frustrante, quelque peu désagréable, et Laura craignait parfois de basculer en arrière, emportée par le roulis étrange qui s'était installé dans sa tête. Elle aurait préféré pouvoir profiter pleinement de ce moment, les mollets détendus.

Son amour sortit finalement la tête de sous sa cachette de tissu pour la dévisager ;

-Est-ce que... ça va ?

La Sirène ne put s'empêcher de commettre un petit rire étonné : comment cela aurait-il ne pu ne pas aller ? Était-ce de l'anxiété sur le visage de l'aventurière ? Elle répondit au regard de celle-ci par un sourire bienveillant. Elle saurait la rassurer et la guider, cette petite. Et lui montrer l'étendue de ses talents en matière d'étreintes amoureuses, cela allait de soi. Elle se saisit des pans de sa jupe et retroussa son vêtement jusqu'à le faire passer au dessus de sa tête, dans un mouvement où pointait l'impatience, et jeta la robe de côté en agitant la tête pour débarrasser ses yeux des mèches noire qui lui étaient retombées en travers du visage. Elle était, soudain, totalement nue, la chair enfin libre.

-Oui.

Les mots étaient superflus, et Telka ne tarderait pas à le comprendre : Laura fit un pas en avant, écartant les jambes et forçant son amie à basculer en arrière. Rendue un peu plus rustre qu'à son habitude par la boisson, elle la fit tomber sur les fesses et plia les jambes pour la pousser vers le sol ; à moins de lutter activement, la jeune fille n'avait nul autre choix que de s'allonger sur le dos. L'entre-jambes brulant de la Sirène poussant sur son menton, elle finit le crâne posé sur le sol. La pataude s'était mise à genoux et pouffait bêtement, sans vraiment savoir pourquoi : elle caressait les cheveux de sa prisonnière, dont elle n’apercevait plus que le haut du visage, puisqu'elle en recouvrait la bouche de son sexe humide. Son souffle saccadait déjà, et elle n'avait pas l'intention de faire taire le grondement de sa respiration. Bien au contraire. Elle avait toujours su appuyer ses gémissements de plaisirs afin de guider les mâles sur la voie de sa propre jouissance, et, sur ce plan, sa précieuse captive leur était semblable : maladroite mais pleine de bonne volonté. Ses coups de langues avaient déjà donné à la brune un avant goût des plus exaltant, jusqu'à la rendre impatiente et pressante.

La recherche égoïste du plaisir n'entamait cependant en rien chez Laura le désir de combler sa dulcinée ; elle déplaça sa main droite derrière ses fesses pour palper tendrement la poitrine de la fillette : ses seins étaient petits et fermes, chauds. Elle les capturait un à un dans sa paumes pour les masser, jouant par intermittence avec leurs extrémités érigées qu'elle compressait parfois du pouce.