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A 46 ans, Stanislav Siridov commençait à se faire vieux. Cela faisait maintenant presque 30 ans qu'il était au service de son pays. Il avait commencé en bas de l'échelle, conscrit volontaire pendant la guerre d’Afghanistan, avant de rapidement prendre du galon. Ses promotions, il était persuadé de ne pas les devoir à la chance, ou à de quelconques pistons. En fait, il n'y avait que deux choses qu'il pouvait remercier : sa patrie et lui-même. Et pour la première, il aurait sans hésité sacrifié la deuxième. Après une décennie d'expérience, encore jeune, il avait rejoint un commando d'élite. Le genre de groupuscule, qui, par nécessité, agissait vite et bien. A trente-huit ans, là où la plupart des militaires de son grade prenaient une semi-retraite paisible par le biais d'un confortable statut d'officier, lui n'avait pas voulu s'arrêter. Les défaites de l'armée, les crises politiques, les guerres civiles, rien ne l'avait fait dévier, ne serait-ce qu'un peu, de sa voie, de sa raison d'être. S'il avait survécu à tant de grands événements, ce n'était pas la loi d'une nation lointaine, et encore moins la présence d'une jeune femme, qui allaient l'entraver.
-Le kidnapping d'humain mademoiselle, fit-il courtoisement. Un japonais aurait détecté dans sa manière de parler un accent d'Europe de l'Est assez marqué, pour quelqu'un dont ce n'était pas la langue maternelle, le trait était moins évident. Hors, contrairement aux apparences, il ne s'agit que d'un monstre. Un monstre qui nous appartient. Nous nous assurons simplement qu'il ne cause pas de dégât à votre belle île du soleil levant. Sa voix grave savourait chaque mot de cette dernière phrase, comme s'il venait de déclamer un vers particulièrement recherché. Vous devriez nous en être reconnaissante.
Cependant, le soldat avait appris à ne pas sous estimer ses adversaires potentiels. Sa sacoche en travers de sa poitrine plus que plantureuse, son jean d'étudiante, elle n'avait rien de menaçant, malgré son origine certainement pas nippone. Et pourtant. Il avait lu soigneusement les dossiers sur la ville de Seikusu, et savait qu'elle concentrait tout le crime du pays. Sans que cela n'explique la multitude d'éléments étranges qui s'y déroulaient. De nombreuses disparitions, même de personnages importants, étaient restées insolvables. Dans un sens, cela lui était favorable. Personnage ne se soucierait de l'enlèvement d'un garçon qui n'était même pas inscrit sur les registres administratifs. Mais le mystère impliquait la prudence. Et Siridov n'avait aucune raison de prendre un risque en laissant la jeune femme libre de ses mouvements. Un signe bref de la main, sans desserrer l'étreinte qu'il exerçait sur sa proie, et son partenaire fut fixé. Il avait ordre de neutraliser l'intruse. Ce qu'il fit.
Ce qu'il tenta de faire. Même s'il n'était pas arrivé avec un angle favorable, comme c'était le cas, l'officier n'aurait pas parié une seconde sur la victoire de l'étudiante. Il connaissait ses hommes, la plupart, quoique jeunes, étaient sous son commandement depuis longtemps. C'était des gars efficaces, loyaux, pas du genre à se laisser casser la gueule par une pépé. En tous cas, pas en mission. Il n'y avait malheureusement pas d'autre terme pour décrire ce qu'y était arrivé à son sergent, il s'était tout simplement fait démolir par la poigne de son opposante. Siridov n'avait pas repéré dans son mouvement de faiblesse, et bien qu'il se savait faillible, et que l'obscurité n'aidait pas, il envisageait une explication prioritaire. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la jeune femme était sans doute plus forte que son assaillant.
Une goutte de sueur perla sur son front dégarni, mais il lui en fallait plus pour lui faire perdre son sang froid. D'abord, il devait garantir l'extradition d'ARCHIE, et ensuite seulement, assurer la sécurité de ses hommes. L'otage possible que l’intruse détenait ne l'intéressait pas, pas plus que ses menaces ne l'effrayaient. Dégainant d'une main le pistolet à son flanc, il donna un violent coup de crosse sur la tête de l'adolescent, qui poussa un gémissement de douleur et tomba à genou. Puis, imité par son partenaire, il pointa son arme sur l'étudiante. Par morale, il n'avait jusqu'alors pas prévu de la tuer, pour autant, il n'avait reçu aucune consigne sur d'éventuels dégâts collatéraux. A cette distance, il n'avait aucune chance de la rater.
-Je crains de devoir vous menacer à mon tour, mademoiselle. Nous n'avons pas pour objectif principal de vous blesser, je vous conseille donc de vous reculer calmement et de continuer votre chemin en faisant un petit détour. Il marqua une pause. N'allez pas gâcher votre vie pour quelque chose qui n'est même pas humain. Son sort ne vous concerne pas.
Si elle n'obéissait pas dans les prochaines secondes, ou si elle faisait un seul pas dans leur direction, le commando n'aurait pas la moindre hésitation. Dans le cas improbable où elle continuerait de constituer un problème, il savait pouvoir compter pleinement sur les renforts qui arriveraient dans moins d'une minute.