Ce soir était l'un de ces soir où Uma se sentait d'humeur joueuse. Lancée par sa soif de sensations, la déesse alternait les changements de forme à un rythme affolant, s'ennivrant de la multiplicité de tous ses ressentis, les superposant dans sa mémoire, pour se créer une véritable symphonie sensuelle, un kaléidoscope sensitif. Arpentant les rues de la Ville-Etat, la Dimension passait innaperçu. Qui aurait pu soupçonner le chat rôdant ici de les épier ? Qui se serait inquiété d'un courant d'air passant dans sa nuque ? Sous les rayons de la lune, l'Infinie devenait le monde dans lequel elle évoluait... Le souffle de vent qu'incarnait Uma s'engouffra bien vite dans un des quartiers huppés, encore non touché par la révolte. Les gardes devaient mieux faire leur travail auprès de la bourgeoisie que de la pauvreté. Frôlant la porte d'un cabaret, la divinité sentit les vibrations d'une voix parcourir son corps éthéré. Alors la Sans-Formes s'arrêtait, se faisant fumée, plus lourde que l'air, s'écoulant lentement vers le sol. Y glissant comme un serpent fantômatique, Uma Shura passa entre les jambes du portier, se glissant sous la porte close, pour s'engouffrer dans le bâtiment. A peine à l'intérieur, la brume vivante se dirigea vers les toilettes pour femmes, traversant une atmosphère déjà chargée de la fumée des hommes richement vêtus. Il en était peu qui étaient venu en galante compagnie, à en juger par le contact des corps entre lesquels la déesse se répandait.
Une fois au petit coin, Uma reprit une forme plus humaine. La brume qu'elle était s'embrasa, comme une nuée de braises fines soufflées au vent. Sa silhouette s'embrasa l'espace d'une seconde, le temps pour la déesse de savourer le plaisir d'être la chaleur incarnée, avant de revêtir son corps unique. Se regardant dans le miroir, la Dimension sourit. Son apparence lui plaisait toujours autant, le rouge lui plaisant décidemment énormément. Glissant une main dans sa chevelure mouvante, la femme rajusta ses quelques vêtements déplacés, tirant un peu sur ses manches et replaçant son corsage. La voix féminine qui filtrait jusqu'ici, suave, mélodieuse, ravissait les oreilles nouvellement acquises de l'incarnation. Sa tonalité dans l'air était déjà enivrante, mais ce n'était rien à côté de ce qu'une incarnation dotée d’ouïe ressentait. D'une démarche chaloupée, la déesse rejoignit la salle principale, bien décidée à profiter du spectacle comme tout le monde.
Ce qu'elle vit, une fois au seuil des toilettes, lui coupa le souffle.
La créature qui évoluait sur scène était un pure chef d'oeuvre. Une silhouette des plus féminine, de longues jambes satinées, un buste arrogant, une crinière de feu et, pour couronner le tout, une voix chaude et envoutante. Se penchant sur un des spectateurs, la déesse demanda son nom. Sans détourner les yeux de la chanteuse, l'homme répondit rapidement, visiblement irrité qu'on l'empêche de l'admirer : Jessica Rabbit.
S'installant à une table vide, malheureusement trop loin de la scène à son gout, Uma Shura se délecta du spectacle, laissant son regard de feu glisser sur la croupe scintillante. Cette étrange demoiselle allumait les sens de la divinité, réveillant la seconde de ses deux motivations majeures : le désir. L'Infinie ne comprenait pas pourquoi le publique se constituait principalement d'hommes. Après tout, pareille beauté se devait d'être universellement appréciée. Mais la Dimension avait une approche un peu confuse de certaines choses... n'étant ni vraiment une femme, ni vraiment un homme, Uma ne comprenait généralement pas les distinctions sexistes que l'on retrouvait dans la plupart des domaines. La créature qui se déplaçait avec classe sur la scène, aguichant ses spectateurs au passage, lui plaisait tout naturellement. Mais cette vision enchanteresse n'était pas faite pour durer éternellement et, à la fin du morceau, la déesse sentit la frustration la gagner. Elle en voulait encore. Elle en voulait plus.
Se levant, Uma se faufila vers la porte de service, profitant de l'innatention du vigile pour s'y engouffrer. Une fois à l'intérieur, son regard de feu scruta les diverses portes. Ne sachant où aller, la déesse marqua un temps d'arrêt. Après une courte réflexion, elle se cambra, relevant ses reins, bombant la poitrine. Se remémorant de Jessica sur scène, du désir de posséder son corps, l'Infinie changea de forme. Sa crinière retomba dans son dos, cessant ses mouvements surnaturels, s'assombrissant quelque peu. Ses vêtements se volatilisèrent, la brume rouge qu'ils formaient autour du corps gracile de la déesse revenant s'y lover amoureusement, sous forme d'une robe identique à celle de la chanteuse, mais en plus sombre et plus aguichante encore. Là où le décolleté de la toon était arrondis, celui de la copiste était fait de deux flèches qui offraient un décolleté plus profond encore. Le reste de son corps changea de proportions, imitant celui de miss Rabbit.
(http://img11.hostingpics.net/pics/982759EvilJessica.png)
La déesse avait volontairement changé très sensiblement quelques traits. Notemment la chevelure : Celle de l'originale était plus orangée, plus solaire, moins rouge, moins ténébreuse que celle de ce clone. Ses iris, également, au lieu d'être verts, gardaient la même incandescence rougeâtre que le précédent corps de la déesse. Le reste se situait au niveau de la tenue : Outre l'aspect plus sombre et la coupe plus révélatrice de la robe, ses longs gants violets se finissaient en mitaines. Un observateur attentif aurait évidemment repéré les différences, mais il était tout naturel de la confondre. Se retournant pour ouvrir la porte, Uma Shura susurra au vigile d'une voix parfaitement identique, aussi belle, sensuelle :
- Excuse moi... J'ai perdu les clefs de ma loge, tu peux venir m'ouvrir ?
L'homme ne se fit pas prier, ravi de pouvoir aider si belle créature. Passant devant, en véritable chevalier servant, jusqu'à la porte. D'un geste rapide, il introduisit la clef dans la serrure, mais ne parvint pas à la tourner... preuve qu'elle était déjà ouverte. Le garde se gratta la tête pendant quelques secondes, l'air interrogatif, avant de se tourner vers la fausse Jessica. Cette dernière se pencha un peu, lui offrant une vision hypnotisant, souriant de manière mutine. D'un geste lent et fluide, les doigts féminins se refermèrent sur la clef, la tirant délicatement des mains puissantes de l'homme.
- Merci, mon beau. Je te les rendrais quand j'aurais retrouvé les miennes.
Puis, le plus naturellement du monde, l'imposteur s'introduisit dans la loge. La véritable Jessica Rabbit, elle, était à l'intérieur, comme après chaque représentation, très probablement. Uma Shura releva la hanche sur le côté, y appuyant sa main d'une manière si caractéristique que la toon aurait pu croire qu'un miroir venait d'être placé devant elle. Puis, après avoir verrouillé la porte elle s'approcha calmement, faisant tanguer son bassin d'une manière toujours très, trop familière, pour la somptueuse rousse.
- Bonsoir, Miss Rabbit, on m'appelle Jessica. J'ai longtemps eu envie de vous rencontrer...