Les sirènes s’éloignaient, et P’tit Tommy soupira. P’tit Tommy, c’est ce type qu’on croise parfois en journée dans le métro. Il est grisonnant, porte une grosse moustache, souvent un chapeau beige. En général, on le voit avec une chemise hawaïenne ouverte sur un débardeur blanc crasseux. Les plus attentifs peuvent facilement voir une lanière de cuir, on devine aisément un holster et donc un flingue. « P’tit Tommy » c’est le surnom ironique d’un type d’une taille colossale, et du nom de Thomas Fudge. Un pourri, escrocs, gros bras, et surtout dealer. Les flics sont loin maintenant, les sirènes ne s’entendent même plus de là où il est. Il s’arme alors d’un sourire, et lance un coup d’œil à son partenaire en ricanant grassement. Son partenaire, c’est Viny. Un criminel tout droit venu de Little Italie qui s’est toujours pris pour un mafioso et qui s’habillait comme les bandits connus des temps de la prohibition américaine. Un type qui aime qu’on parle de lui, mais qui ne vaut pas grand-chose. En fait même en tant que criminel c’est un raté. Mais sa tchatche lui permet de donner l’impression d’être quelqu’un… certain s’y laisse berner, et du coup, ce type connait du beau monde. La méthode est simple. P’tit Tommy possède la came, et Viny avec sa grande gueule trouve les clients.
Ils filent finalement dans les ruelles sombres, retrouvant des gens moins importants. Des hommes de main lambda qui sont là pour jouer les gros bras. P’tit Tommy a l’air fier de lui lorsqu’il allume sa clope. Viny ne fume pas. Il fait partie de cette génération de frimeurs qui veulent préserver leur santé à tout prix et qui suivent à la lettre « Un Esprit sain dans un Corps sain. » L’esprit de ce type est pourtant forcément détraqué, vu la manière dont il se comporte. Les deux revendeurs saluent les deux gros bras. Deux truands de Seikusu, certainement. Les quatre s’enfoncent alors dans les ruelles sombres, s’imaginant y être planqués.
Le noir, Viny en a peur depuis qu’il est gosse. Il se gratte le bras nerveusement, bouge la tête dans tous les sens comme une poule et croit voir un truc bouger à chaque fois qu’il tourne la tête. Ils passent un second croisement, et un troisième s’enfonçant toujours un peu plus dans les ruelles sombres. En général, seules les grosses avenues sont surveillées, les patrouilles de police ne s’aventurent jamais à pied dans ces dédales-là. Trop de risque, les flics ont des familles à nourrir, et mourir dans le noir ça ne fait pas parti des choses qu’ils souhaitent. Un nouveau mouvement sur la droite et un bruissement étrange. Viny a déjà la main droite sur son flingue, la gauche est crispée sur sa chemise.
Tout arrive vite alors. P’tit Tony, le Colosse en tête de groupe est soudain happé dans l’obscurité. On l’entend crier de surprise, et plus rien. Viny et les deux types cherchent de quoi s’éclairer. Les deux s’aident de leur téléphone, tandis que le natif de little Italie sort un briquet. Les deux téléphones des hommes de main volent finalement en éclats. Deux objets en formes de chauve-souris plantés dans les écrans.
Sans comprendre ce qui lui arrive, Viny et alors soulevé dans les airs, tenus fermement par les épaules. L’idiot se fait même dessus tant il est terrifié. Quand il finit de geindre, il est sur un toit, à genou, les mains devant les yeux et les genoux tremblotants. Face à lui, une masse sombre, drapée dans une longue cape. Deux pointes sur le sommet du crâne. Il ne le sait pas, mais il vient de rencontrer Batman. Le détective semble de bien mauvais poil d’ailleurs, et n’a pas l’air d’avoir envie d’être patient. D’un pas rapide, il s’approche de ce pauvre Viny, qu’il attrape par le col, et qu’il remet debout pour… le pousser vers le bord, et le mettre dos au vide. Le détective, fidèle à lui-même, secoue ce pauvre Viny qui bat des jambes pour que ses pieds restent en contact avec le rebord du toit, terrorisé qu’il est à l’idée d’être lâché dans le vide.
« Qu’est-ce qui se passe dans cette ville ? Qu’est-ce que vous mettez dans vos produits. Parle, ou même les empreintes dentaires ne pourront pas aider les autorités à savoir qui tu es. »
Une nouvelle secousse. Batman n’est pas en ville depuis longtemps. Alfred, Barbara ainsi que Bruce étaient arrivés hier en début de matinée. Alfred avait tout prévu, louant une résidence à l’écart de la ville sur les hauteurs. Bruce avait parfait son alibi en se montrant à divers endroits de la ville, pendant que le majordome installait tout le matériel. Ce soir, tout était en ordre, et Batman était de sortie, afin de mener son enquête sur ce qui pouvait bien se passer ici. Viny avait, en quelque sorte, la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment.
« Je… je sais pas de quoi tu parles… »
Le justicier relâche lentement la pression de ses doigts sur le col de Viny…
« Alors tu ne me sers à rien… »
« Arrête arrête… j’bosse pour P’tit Tommy… je lui amène des clients et lui il leur donne la dope… mais y a rien dedans… peut être un peu de farine ou d’aspirine pour la couper quand on a à faire à des types qui n’y connaissent rien ! »
Le Justicier recule d’un pas, éloignant Viny du bord.
« Est-c qu’un certain Crane, à quelque chose à voir là-dedans ? »
« N… nan, c’est une femme qui nous… »
« Linda Friitawa ? » Coupe le détective, sèchement en attrapant de nouveau ce pauvre Viny qui pousse un glapissement.
« Nan, je la connais pas, j’te jure… me tue pas j’te jure que je sais rien d’autre, je suis là que pour appâter les clients, Tommy revends la came, on la stock dans un entrepôt sur les dock, j’t’en prie, épargne moi. »
Bizarrement, le détective se permet un sourire, et sort de sa ceinture un petit enregistreur vocal ou sont à présent les aveux du criminel. Criminel qu’il envoie dans le pays des songes avec un direct du droit en pleine face. Viny se réveillera en bas, dans la ruelle, ligoté à une poubelle ainsi qu’à P’tit Tony, avec les preuves audio scotchées à son front. La police recevra un appel anonyme et ces deux-là iront pourrir en taule. Le détective lui, prenait déjà la direction des Docks…