"Allô, l'excitation ? Salut, c'est l'Intuition. Ca va ? Hm ? Oui, okay. Barbecue avec l'Envie mercredi prochain. Non, je ne t'appele pas pour ça. C'est Amour qui m'a envoyé un texto, ça merde un peu avec la rousse. Met un frein, je contacte la Raison.
...Oui, je l'invite au barbec', t'inquiète."
Je n'ai jamais sû décrypter le comportement féminin, c'est un fait qui se veut avéré, une sorte de règle pour l'univers. Pourtant, je ne fréquente que des nanas ! Mais ça n'empêche pas : zéro pointé en décodage. Elles envoient pourtant pas mal de signaux, il paraît. Plus subtils que des claques, moins évidents que des mots clairement posés. Qu'Hitomi soit ma femme, celle que j'ai choisi pour compagne, ça ne change rien. Elle reste une inconnue parfois et me surprend dès qu'elle en a l'occassion. J'apprends ce que je peux, je tire des leçons de mes erreurs et veille à ne pas les reproduire, si ce n'est par jeu.
Alors inutile de vous dire qu'une fois parti dans cette folie érotique que provoque parfois l'excitation, je marche à l'aveugle et laisse mon corps prendre les commandes. Je ne supporte pas parler trop pendant l'amour, parce que ça me coupe et je galère à reprendre. C'est comme ça... Je suis humain, je suis limité peut-être. Mais si il y a un problème alors que je suis en pleine séance de bêtes à deux dos, je ne percute pas forcément dans la seconde et parfois si ça arrive, je pousse le vice jusqu'à feindre de ne rien avoir vu en me disant que je réglerais tout ça au calme.
Peut-être ai-je trop parlé ? Une petite voix dans ma tête me glisse que c'est là que ça a commencé à merdé et que je n'ai pas écouté mon intuition. J'ai continué à prendre Hitomi en longues et lentes pénétrations, appréciant de la voir ainsi soumise à mes seules envies. La forcer presque à me recevoir, la sentir récalcitrante et comprendre que son corps a abandonné la lutte... Quel putain de pied ! Quel putain de... de...
Quelque chose cloche. Quoi ? Je n'en sais rien, mais ça ne va pas. Mon rythme de copulation ralenti et se fait désordonné et je réalise dans un éclair désagréable que le mot "copulation" n'a rien à foutre là. Il est venu naturellement et fait tâche dans la phrase, rendant l'action indigeste. Voilà ce que je fais ? Je... copule ? Mes va et viens en elle n'ont plus de saveur et pour tout vous dire, je me sens débander tristement.
L'envie laisse place au rejet, parce que les traits d'Hitomi sont formels, me vrillent l'estomac : ça ne va pas.
Ce qui ne lui plaît pas, je ne pense pas que ce soit l'acte en lui-même. Je sais qu'elle aime ce mouvement mécanique et charnel. Ce qui coince, c'est autre chose que je ne comprends pas et que j'essaie de lire dans les yeux qu'elle ferme pour laisser éclore quelques larmes qui me font monter les miennes sans que je n'en capte le pourquoi. En elle, je n'y suis plus. Mon vit se montre plus malin que moi et redeviens rapidement sage et modeste, refusant de me lier à un corps qui attends autre chose que ce je daigne lui donner depuis le début. Je vois Hitomi se relever malgré mes avertissements précédents et je comprends que le jeu ne lui plaît pas, que JE ne lui plais pas. Pas...pas comme ça. Sinon elle me dirait pas ce qui vient ensuite, ces mots qui me désarment et me font sentir horriblement con.
- Prend-moi dans tes bras, Kyle... Tout de suite... Je t'aime... Si tu m'aimes plus fort... Ne te fais pas mentir...
- Je...
"Je" ne réagis pas plus, puisqu'il vient de perdre tout ses moyens et qu'il fixe sa Juliette d'un regard plein de détresse. Je devrais lui demander ce qui se passe, je devrais lui proposer de m'expliquer ce qu'elle attends afin que je m'y plie, mais je ne le ferais pas. Hitomi ne veut pas me prendre par la main, elle souhaite que j'agisse de moi-même, du moins je le pense.
Et je baisse les yeux, pour la contempler dans son ensemble, pour voir mon bassin contre le sien, découvrir ses cuisses écartée pour laisser passer ma queue qui maintenant n'est plus très vaillante. Je vois mon propre torse, ma respiration lourde.
Je ne vois pas la table, mais un capot de voiture et je me dis que si je relève les yeux trop vite je la découvrirais maintenue en place par deux lascars.
Quand je me suis retrouvé seul en Irlande, la première chose que j'ai faite avait été de maudire Hitomi en l'imaginant avec tout ses amants (que je pensais être au moins aussi nombreux qu'une bonne équipe de foot) et je la voyais baisée comme la dernière des putains, héroïne dépravée d'un mauvais film de cul. Une sorte de vengeance, de système de protection afin que mon cerveau parvienne à se convaincre qu'elle n'était qu'une traînée avec laquelle je n'avais rien à faire. Ca aura duré deux jours, avant que je ne me dise que ses amants devaient simplement la baiser. Après tout, ces types n'étaient pas là pour davantage, pas vrai ? Je leur avais voulu pour ça. Parce que mon Hitomi était une fille bien, à qui on devait faire l'amour. Elle avait eu ses coups durs et méritait plus, même si ses aventures auraient tendu à prouver le contraire. Je connaissais Hitomi, j'étais parvenu à la serrer contre mon âme et à l'y garder au moins un temps. J'avais maudit tout les types qui l'avaient touchée juste pour le geste.
Alors putain, qu'est ce que je foutais, là ?
Je m'étais comporté comme le dernier des connards sous prétexte que j'avais mûri et que je voulais lui prouver. Comme durant l'interview, je me contentais de rouler des mécaniques. Pas pour lui plaire, non. Pour la coucher.
Je l'aimais. Je me détestais. Si coucher avec moi était une épreuve pour elle lorsque je voulais me montrer performant et viril, je préférais redevenir l'amant maladroit et mal assuré.
La fixant, je me repris et me penchais à nouveau sur elle, lui caressant la joue avant de l'embrasser de toute la tendresse dont j'étais capable. Il n'était plus question de langue, non... Mes lèvres suffisaient pour essayer de me faire pardonner et elles s'appliquaient longuement sur celles d'Hitomi pendant que ma main libre rejoignait ses hanches pour filer contre ses reins en se frayant un chemin avant de remonter sur son dos pour qu'elle se relève tout contre moi, lentement.
Quand elle fût contre mon coeur, je séparais nos lèvres sans quitter sa proximité, avalant ma salive avant de me mordiller l'inférieure en la regardant.
- Je ne me ferais plus jamais mentir. Surtout pour ça. Excuse moi, mon coeur. Excuse moi....
Te prendre contre moi, plus fort. Faire de mes bras l'écrin de ton âme pour te faire ressentir ce que je ne suis pas capble de te dire. Te demander de pardonner mes erreurs, te crier que je t'aime et que tu vaux mieux que ce que je ne t'ai offert jusque là. T'embrasser enfin, de ce baiser qui en vaut mille, qui nous renvoie à notre première étreinte, notre première fois.
Je suis le seul et alors que je m'abandonne à toi durant cette étreinte d'une douceur qui te hurle mon amour, j'espère te le prouver pour de bon.
On va faire l'amour. Mais j'avais oublié qu'il y a de multiples façon de le faire et qu'elles ne passent pas toutes par le sexe.
- Je t'aime.
Et en cet instant suspendu, quoi de plus vrai que ces simples mots ?