Théme (http://www.youtube.com/watch?v=OlleM0sU7yg&feature=relmfu)
C'est un cri qui la réveilla. Un cri suraigue, qui eut le mérite de la faire grimacer comme une enfant contrariée. Le corps dissous de Ludmilla redevint celui d'une jeune femme, et elle atterit à nouveau sur ce matelas aussi froid et dur que le marbre, quittant à regret son statut d'étoile perchée hors de la réalité, au creux du cosmos. Son regard bondit vers la lucarne, là, à côté d'elle. Dehors, il faisait encore noir. La lune, dorée, dodelinait dans le ciel, et les étoiles semblaient s'entrechoquer silencieusement. La jeune fille remonta sa couette sur ses jambes, et se surprit à trembler. De froid. De peur. Elle n'en savait foutrement rien. Un battement de cils, et ses paupières se couchérent sur ses orbites. Puis ce cri résonna à nouveau dans cette immense salle, où dormaient tous les esclaves à vendre. Elle put sentir que certains remuaient sur leurs couches, intrigués et effrayés. Cette fois, elle se redressa carrément, cherchant à se diriger vers ce son inquiétant ... Mais elle tomba. Les liens à ses pieds, l'empêchait de remuer comme bon lui semblait. Elle serra les dents, s'emmitoufflant dans cette couette dont l'odeur la répugnait, lui rappelant celle de caves dans lesquelles elle avait pu se cacher, un jour, pour éviter des coups trop violents. Ludmilla secoua la tête. Cesse de penser. Il fallait qu'elle dorme. Cette nuit serait son dernier répit avant la vente.
Et bien, évidemment, elle ne parvint pas à se rendormir. Si bien que, le lendemain, lorsqu'à 7 heures, on installa les esclaves, enchainés dans des cages, sur le marché de Nexus, Ludmilla avait ce regard fuyant et épuisé propre aux insomniaques. Les mains et les pieds libérés de leur carcan, la petite s'agita dans cette cage bien trop grande pour elle. On aurait pu y faire tenir quatre comme elle en largeur, mais elle ne pouvait même pas tenir debout tant la cage était basse. Elle avait la sensation d'être un animal de foire, que l'on regarde en ricanant, à qui l'on jette des piècettes ou de la nourriture. Oubliant sa situation dégradante, la jeune fille prit la peine de bailler, quand son propriétaire s'approcha d'elle. Pour venir clouer, sur le devant de la cage, une pancarte. Les coups de marteau la firent couiner, tant la cage remuait, tant elle en était assourdie. Son unique réflexe fut de se replier sur elle-même, au centre de la cage, en espérant que cela cesse vite. Et cela se conclua sur un coup de pied rageur de son propriétaire, qui fit remuer violemment le carcan tout entier, et Ludmilla par la même occasion.
- Tu as intêrét à ne pas trop remuer, petite conne !
C'était son surnom, ça. Petite conne. Depuis un an, on la nommait ainsi, au point qu'elle en oublie son véritable patronyme. La jeune esclave se faufila vers un des coins de sa cage, pour espérer y lire ce qu'il y avait d'inscrit sur cette foutue pancarte.
"L. 20 ans. Née à Nexus. Vierge. Calme et docile."
Elle poussa un long soupir. C'était donc à cela qu'on la reconnaissait, maintenant ? C'était ces 10 mots-là qui décrivaient sa vie et ce qu'elle était ? Elle n'avait même plus de prénom, juste une lettre ... Elle envoya un coup rageur contre un des barreaux de la cage ... Mais cela lui fit plus de mal que de bien. A nouveau, elle couina, venant embrasser cette plaie comme l'aurait fait une mère qu'elle aurait pu avoir. Dans une autre vie. Je suis perle tombée d'un collier, au mauvais endroit, au mauvais moment, songea t'elle en baissant les yeux sur sa peau rougie. Je suis tombée sur du velours. Personne ne m'a entendue. Personne ne s'est baissé pour me ramasser. Puis elle se cala dans un des coins de la cage, proche du mur, en éprouvant la fraicheur un moment. Un vent frais, de ceux que l'on ne croise que le matin, vint la faire frissonner, tandis qu'elle remettait correctement son sari.
Une tenue rouge, orange, dorée, gravée de milles motifs exotiques. C'était là sa seule toilette. Le plus amusant, sur elle, ce n'était pas ce vêtement atypique, mais bien la quantité de bijoux qu'elle pouvait porter, pour une esclave. Des bracelets aux chevilles, dont l'un était couvert de clochettes qui tintaient quand elle dansait. Et puis, d'autres bracelets, en cascade, sur ses poignets fins. Une ribambelle de boucles d'oreilles. Et une myriade de colliers, comme des amulettes. Elle ressemblait à une princesse déchue. C'était aussi triste que beau.
Calée contre ce mur, elle ferma un moment les yeux, pour éviter les regards de ces gens qui la dévisagerait sans peine. Autour d'elle, tous les esclaves s'agitaient, hurlant, proférant des insultes dont elle ne soupçonnait même pas l'existence, cherchant à mordre ceux qui s'approchaient de trop près. Bandes de sots, vous vous ferez battre, pensa t'elle, sans le dire. Car, oui, Ludmilla ne parlait plus. Depuis presque un an. Elle couinait, parfois, pour exprimer sa douleur. Elle murmurait, souvent, des comptines pour rassurer ses comparses. Mais cela faisait un an qu'elle avait oubliée le son de sa propre voix. Cela n'embêtait pas plus que ça ses propriétaires, qui préféraient une esclave muette plutôt qu'une hystérique. On n'exige pas d'une esclave qu'elle ouvre sa gueule, juste qu'elle la ferme et qu'elle encaisse.Ce qu'elle faisait depuis sa naissance, en somme. Alors, elle resta là, immobile, les jambes repliées contre sa poitrine, maintenues par ses bras nus, le visage et les yeux fermés. Il était agaçant de deviner, tout de même, malgré ces barreaux et ce lieu insalubre - une sorte de préau immense suitant l'alcool et la sueur - qu'elle restait délicate, et presque noble.
... Hop (http://www.youtube.com/watch?v=Tpe4id7cLnU) !
Ludmilla l'avait entendu, dans la nuit, s'approcher de sa cage. Cet homme, qu'elle avait vaguement cherchée du regard tandis qu'elle ne parvenait pas à s'endormir. Ce type dont elle n'avait saisie que le regard. Il avait interrogé cette Terranide affolée au langage de charretière. Terranide qui s'était empressée de mentir, d'ailleurs. Mais, durant ce court interrogatoire, Ludmilla n'avait strictement rien dit. Si on avait pu voir son visage, on aurait pu y deviner un certain apaisement, comme si sa situation ne l'affolait pas. Elle se doutait que, que son maître revienne ou non, elle morflerait méchamment. C'était son lot quotidien. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle se prendrait à rêver de changement. Ainsi, elle n'avait - encore une fois - pas mouftée, tentant de ne plus éternuer. Elle avait bien trop peur de se prendre un coup en retour. Ce n'est que quand il lui offrit une large couverture de laine qu'elle osa remuer, sa main attrapant sans un seul mot le lourd morceau de tissu. La couette fraiche absorba petit à petit la tiédeur de la peau de la jeune esclave, pour devenir une seconde peau, dont elle s'enveloppa petit à petit. Cette nuit, elle le savait, elle ne dormirait pas. Aucune once de sommeil n'alourdissait ses paupières. Alors, elle se retourna dans sa cage, orientant son visage vers le ciel, pour le regarder s'éclaircir au fur et à mesure du temps.
Aucun écho d'ange ne la berça.[/url]
! Hop (http://www.youtube.com/watch?NR=1&feature=endscreen&v=5DUCKGyojpE) ...
C'est donc ainsi que Ludmilla attendit que la matinée s'éveille. Les corps, autour d'elle, remuèrent, gémirent, couinèrent même, alors qu'elle restait immobile, calme, dans sa cage. C'en devenait presque agaçant, tant de silence et tant de paix. Le souffle de l'aube, chaud, caressa ses joues. Et le soleil qui se levait amena vers le campement un de ceux qui ne lui manquait guère : son propriétaire. Elle devinait ses pas, lourds, sa voix, pesante, sa respiration, suffocante comme celle d'un fumeur en fin de vie. Alors qu'elle s'apprêtait à se relever pour lui faire face, cherchant comment parer d'éventuels coups ou comment les encaisser sans rien dire, elle sentit son odeur, là, dans l'air. C'était peut-être la première chose qu'elle détestait chez lui. Il lui évoquait une bande de lard grillée, cramée sur les bords, graisseuse et collante. Rien de très appétissant, en vérité. L'homme tourna patiemment la clé dans la serrure, tandis qu'elle soutenait son regard sans rien dire, laissant juste sa respiration affolée trahir ce qu'elle ressentait.
Ce n'est que quand il la jeta sur le sable, tirant comme un forcené sur la laisse qui l'entravait, que Ludmilla couina comme un petit animal. Sa peau, à ce niveau, était rougie à force de mauvais traitements. Pour elle, qui avait eu une peau douce et soignée pendant près d'un an et demi, c'était une horreur que de la voir ainsi séchée. Son corps s'abimait au fur et à mesure du temps qu'elle passait dans ces cages glauques. L'étreinte ne lui arracha aucun cri, tant elle serrait les dents, à s'en briser la mâchoire. Son corps fin remua contre celui de cet homme, la faisant ressembler à un vulgaire poisson arraché des eaux. Ludmilla encaissa le baiser sans tiquer, se contentant de cracher au sol quand il la cala sous son bras. Dieu, qu'il sentait la sueur ... La jeune femme en avait la nausée, aussi cracha t'elle sur le sol à trois reprises, tout en remuant tant bien que mal. La pression qu'il exerçait sur son corps pour la maintenir contre lui lui faisait un mal de chien. Mal en point, elle ne put saisir la conversation qu'au moment où elle fut relâchée sur le sol. Au regard de celui qui venait de la malmener, elle cru comprendre qu'il était passé du stade de "propriétaire" à celui d'"ex-propriétaire" ... Et Ludmilla ne pouvait dissimuler sa joie.
Elle ne put se retenir de lui sourire allégrement, quand il daigna lui adresser un dernier regard. Elle leva même timidement sa main, pour lui offrir un signe d'adieu rempli d'ironie. Enfin. Elle ignorait si son nouveau propriétaire serait aussi malsain et violent, mais préférait ne pas y penser. C'est alors elle passait une main sur sa taille pour palper sa peau endolorie qu'elle l'entendit.
" Venez. "
Ludmilla tourna sa tête vers celui qui lui avait parlé, et le reconnut. C'était ce même homme a qui elle devait son salut, l'autre fois, et surtout celui de sa virginité toute neuve. Et du peu de dignité qui lui restait. Son regard oscilla entre le sien, et sa main tendue. Était-ce un test ? Allait-il la gifler si elle osait le toucher, là, s'appuyant sur lui pour se redresser ? Même en cherchant bien, elle ne décelait aucune haine dans ce regard émeraude.
Alors elle s'appuya sur sa main, se relevant avec ce qu'elle avait de grâce. Un de ses os craqua, et elle laissa une de ses mains appuyée contre sa hanche, espérant calmer ainsi cette vive douleur. Il lui avait éraflé la peau, ce con. Puis elle relâcha cette main, pour la passer dans sa chevelure fine et couverte de sable. Ses cheveux étaient aussi secs que du crin de cheval. Un hochement de tête, pour exprimer sa sympathie, sans qu'elle n'ose remuer un seul muscle. Ludmilla demeurait debout, à demi voûtée, une main sur sa taille, l'autre dans le vide, ses yeux fouillant le paysage sans oser fixer ceux de son nouveau propriétaire. Quand elle chercha à remuer, une grimace apparut vivement sur son visage, déformant ses traits. Sa peau était à vif, sous ce sari aux couleurs enchanteresses.