(https://www.aht.li/3949798/ban-elfette-Clochette.png)
Cela faisait maintenant quelques jours qu'une Clochette déboussolée avait été projetée dans ce monde sans rien d'autre que les vêtements -faits de feuilles tissées entre elles- qu'elle portait sur le dos et sa débrouillardise. La fée blonde avait voleté dans les rues polluées, toussant à en cracher ses poumons, avant de trouver refuge dans un parc. Attirée par la verdure, elle avait vite déchanté en constatant la superficialité des lieux.
Les arbres étaient enclavés dans des parterres, taillés régulièrement dès qu’ils dépassaient les limites imposées, maltraités par la pollution d'un air qu'ils peinaient à rendre respirable. Les fleurs étaient sans originalités, nettement plantées et implacablement prisonnières d'un terreau appauvri, quand elles n'étaient pas arrachées par les doigts gourds d'enfants insouciants ou d'amoureux transis. La pelouse était soigneusement tondue, sans égards pour son besoin de grandir. Les mauvaises herbes étaient déracinées sans pitié, inondées de produits chimiques néfastes pour les sols.
Partout où Clochette se posait, elle ne voyait que misère et désolation. Neverland lui manquait plus que jamais.
Malgré tout, la présence de cette créature pleine de magie, et intrinsèquement liée aux éléments naturels, faisait déjà des miracles. Les jardiniers de la commune se plaignaient que les mauvaises herbes repoussaient plus vite que jamais, que les fleurs semblaient décidées à changer l'ordre méticuleux dans lequel elles étaient plantées, que les racines des arbres remontaient et détruisaient le goudron sous lequel elles étaient enterrées. Et la petite fée, pas plus grande qu'une main humaine moyenne, prenait un malin plaisir à encourager cette rébellion. Bientôt, se promit-elle, la nature aura repris ses droits sur ce petit bout de verdure.
Quand elle n’était pas occupée à fomenter le soulèvement des plantes dans ce petit parc planté au milieu de la ville, l’exilée de Neverland tentait de se familiariser avec l’air pollué des rues sous sa forme humaine, avec le dialecte de ces gens si normaux et fades. Peut-être était-ce parce qu’elle était un être fondamentalement magique, mais l’apprentissage de la langue ne fut pas si ardu que cela. Non, ce qui était le plus laborieux, c’était de se fondre dans la masse. Ses deux paires d’ailes ne lui facilitaient pas le travail, bien sûr, mais la réaction la plus récurrente était de la féliciter sur son cosplay, quoique ça veuille dire. Bien entendu, c’était ensuite suivi de questions sur son bien-être, les gens cherchant à comprendre pourquoi elle n’avait pas froid avec ce temps glacé qui s’était abattu sur la ville juste à temps pour les fêtes de fin d’année. Ses pieds nus soulevaient beaucoup de questions aussi. Mais, en définitive, personne ne s’en souciait assez pour y faire quelque chose et la fée était libre de repartir dès que la conversation l’ennuyait.
Il n’y avait pas que des prétendus bons samaritains, cela dit, et la blonde dû plusieurs fois courir puis reprendre sa taille de fée alors que des pervers en tout genre essayaient de l’attraper. Elle était la source de ces rumeurs selon lesquelles il y avait un esprit qui hantait la ville, qui aguichait d’honnêtes gens pour ensuite les laisser en plan.
Mais Clochette n’écoutait pas les rumeurs, facilement distraite par tout ce qu’elle voyait, qu’elle découvrait. Elle ignorait les gens qui s’étaient emmitouflés dans de grosses doudounes pour subir le froid, réchauffée qu’elle était par la magie de son être et son lien avec la nature.
Ce jour-là, la blondinette avait tenté de braver le centre commercial. Son regard d’émeraude s’émerveillait sur toutes ces lumières festives, ces monticules de sucreries, ces paquets brillants tout enrubannés. Elle flânait, le regard distrait, quand une femme l’aborda soudain.
« Oh, ma chérie, j’adore ton costume ! Est-ce que tu aimes te déguiser ? Parce que je peux te proposer un petit boulot sympa, si tu veux ! La fille qui devait m’aider n’est jamais venue. Elle serait malade, apparemment… Tss, on ne trouve plus personne de fiable pour ces petits boulots… »
Pleine d’entrain, la brunette qui venait de lui parler aidait à monter un stand où, une pancarte le promettait, le Père Noël viendrait plus tard pour prendre des photos avec ceux qui le voulaient, pour une somme tout à fait modeste.
« Oh, et ces ailes font plus vraies que nature ! Tu pourrais même les garder, pour aller avec le costume… T’es partante, ma belle ? »
Sans vraiment comprendre comment, voilà que Clochette se retrouvait embringuée dans l’installation des décorations de Noël du magasin, habillée d’une tenue d’elfette qui lui allait délicieusement bien, selon Mariko (https://www.aht.li/3949801/Mariko.png), la brunette qui s’était auto-proclamée sa meilleure amie du jour. Elle passa un moment à débattre de si elle devait reprendre sa taille de fée pour fuir, ou bien endurer le spectacle encore un peu. Ce qui la décida, finalement, ce fut l’apparition du Père Noël. L’homme, immense et large d’épaule, attisa sa curiosité immédiatement. Il se dégageait de lui une étrange aura. Il avait un je-ne-sais-quoi qui attirait son attention.
Mariko, à ses côtés, se pâmait déjà devant le colosse vêtu de rouge et de blanc. Elle alla se présenter, toute pimpante, en traînant une Clochette médusée derrière elle.
« Aaah, enfin, la star de ce stand ! Enchantée de vous rencontrer, Papa Noël, minauda-t-elle. Je suis Mariko, je serais l’une des elfes qui vous aidera aujourd’hui. Et voici… »
La brunette tourna la tête vers la blonde, ses grands yeux en amande brillant de curiosité et d’un peu de culpabilité.
« Oooh, je suis désolée ma belle, je ne t’ai même pas demandé ton nom !
- Clochette, répondit simplement la fée en adressant un sourire à Mariko, le ton de sa voix portant un léger carillon dans l’air.
- Oh, j’adore ! Ça te va tellement bien ! S’extasia la japonaise en sautillant presque sur place, avant de se tourner de nouveau vers le Père Noël. Voici donc Clochette, la deuxième elfe à votre service pour aujourd’hui. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas ! Nous sommes là pour ça. Une petite soif ? Nous arrivons avec une boisson de votre choix. Un petit creux ? Vous aurez l’embarras du choix ! »
La fée osa un petit sourire vers l’homme costumé, inclinant la tête dans une parodie de servilité. Elle ne cessa pas de l’étudier pour autant, son regard caressant presque le corps musclé du colosse barbu. Pour une raison mystérieuse, la libido de la fée -dont elle avait été rendue consciente par Crochet- se réveillait en la présence de ce géant à la carrure impressionnante. L’après-midi s’annonce particulièrement intéressant, songea-t-elle en lissant la jupe de son costume tandis que ses doigts de pieds se recroquevillaient puis se détendaient dans ces chaussures imposées par le costume.
Mariko était définitivement en train de dévorer le « Père Noël » du regard, qui que ça puisse être. Clochette, plus mesurée, se contenta de sourire à l'homme tandis que la japonaise se pâmait, s'éventant même avec ses mains.
« Oh, mais vous ne méritez rien de mieux que le meilleur, enfin ! Protestait la brune à la limite de s'accrocher au bras du colosse. »
Du regard, la blonde essayait de savoir ce qu'on attendait d'elle exactement. Mais si elle avait assimilé la langue locale parlée, la lire était une autre paire de manche.
Mariko, devant la question du barbu, lui offrit un grand sourire ravi.
« Bien entendu, vous êtes le roi ici ! Nous sommes vos humbles servantes ! Pas vrai Clochette ? Oh, je vous en prie, on va s'installer en salle de pause. Nous ne devrions pas entrer en scène avant une demi-heure, juste le temps de vous détendre un peu ! Suivez-moi ! »
La japonaise était un vrai moulin à parole. La fée resta un instant stupéfaite en voyant la brune passer un bras sous celui de l'homme, l’entraînant avec elle en direction de la pièce fermée en face du stand. Secouant la tête, et faute d'autre chose à faire, elle leur emboîta le pas.
« Ah, tenez, installez vous sur le banc de massage. Il est normalement réservé pour Mila, notre masseuse officielle, mais elle est en congés pour les fêtes. Vous retirez votre haut ? Je vais chercher les huiles de massage et-
- Mariko ! On a besoin de toi aux pâtisseries. D'urgence ! Héla une nouvelle fois, faisant sursauter Clochette qui observait la brune se saisir d'une bouteille dans un casier au mur.
- Oh… Le visage de la japonaise se décomposa brièvement avant qu'elle ne reprenne une expression joyeuse et avenante. Bon, tant pis, faut que j’ailles voir ce qu'ils ont encore foiré. Ce n'est pourtant pas compliqué de foutre des pâtisseries au four et de les en enlever… Clochette, chérie, tu veux bien te charger de détendre le Père Noël ? Tu es une bénédiction, ma belle ! »
Avant même que la blonde ne puisse répondre, Mariko lui avait fourré la bouteille d'huile dans les mains et se dirigeait vers la sortie d'un pas presque martial.
Cillant un instant, bouche bée, la fée observa la japonaise s'éloigner dans son costume d'elfette sexy avant de se tourner vers l'homme.
« Um… Une chance que je sache masser ? »
Le regard émeraude de la jeune femme se posa alors sur le barbu, superposant presque sa silhouette massive à celle -plus féline, plus étroite- de Crochet. Non seulement le capitaine pirate l'avait initiée au sexe, mais il lui avait aussi appris tout ce qu'elle savait sur le massage. Bien qu'en général, peu importait qui massait qui, l'ouvrage se terminait avec des ébats enfiévrés.
Constatant que le géant -elle ne lui arrivait pas aux pectoraux- avait suivi les instructions de Mariko, la fée agita ses ailes un petit peu -faisant entendre un bruit de clochettes dans la pièce et tomber un peu de poussière de fée au sol- et s'approcha en débouchant la bouteille. Elle fit couler un peu d'huile dans la paume de sa main et reposa l'huile à côté. Se frottant les mains, elle esquissa un sourire.
« Si vous voulez me guider pour que je masse plus particulièrement où vous êtes tendu ? »
Vraiment, elle n'avait rien de mieux à faire. Déjà, elle se félicitait d'avoir accepté l'offre de Mariko. Ne serait-ce que pour la vision offerte à ses prunelles.
Ses mains huilées commencèrent alors à s'arrimer sur les épaules larges du Père Noël, ses doigts s'employant déjà à masser les muscles et les nerfs qu'ils trouvaient. Clochette se voyait déjà offrir un massage complet au colosse. Inexplicablement, elle l'associait au désir, au plaisir des sens.
Les mains de la fée ne tarderaient pas à se réchauffer alors qu'elles s'employaient à caresser la peau nue des larges épaules du colosse. Ses doigts agiles tâtaient un peu, puis appuyait et malaxait doucement, presque tendrement, les nœuds qu'elle trouvait.
A en juger par la réaction de l'homme, elle ne devait pas trop mal se démerder. Même si le seul homme qu'elle ait jamais massé était physiquement très différent, moins colossal, les gestes revenaient vites.
« Mmh-mmh, laissa-t-elle échapper tandis que la pulpe de son index appuyait sur un muscle un peu trop tendu à son goût. C'est parce que j'en suis une. Les ailes ne vous ont pas paru suspectes ? Répondit-elle distraitement en se focalisant sur le muscle un instant. »
Quand elle fut satisfaite, ses mains reprirent leur vagabondage à la recherche d’autres soucis similaires. Peu à peu, dénouant en quelques gestes les nœuds -probablement à cause du stress- les mains de la blonde faisaient leur chemin dans le dos immense du Père Noël.
« Vous vous appelez comment, au fait ? »
Oui, parce que c'était bien beau de l'appeler Père Noël dans sa tête, mais elle est censée l'appeler comment en vrai ? Elle se voyait mal l'appeler « Père » ou « Papa », d’une part. Et, d'autre part, « Noël » semblait étrange, pour la jeune fée. Mais, c'était peut-être un nom, en plus d'être une fête ? Qu’est-ce qu'elle en savait, après tout ? Elle venait de débarquer ici…
« Et comment vous êtes-vous retrouvé à faire ce… travail ? »
Peut-être qu'il était comme Mariko et qu’il travaillait dans l'évènementiel ? Ou comme elle et il s'était fait alpaguer dans le magasin ?
Les deux paires d'ailes de Clochette battirent l'air alors qu'elle se détendait en faisant le massage, provoquant un petit carillon presque sur l'aile de « Jingle Bells ». Les plantes vertes de la pièce semblaient s'orienter vers la fée blonde tandis que la poussière dorée scintillait dans l'air.