Sourire lippu accroché aux lèvres, l’amant fier et exigeant darda sur sa concubine toute trempée un regard défiant, tandis qu’elle exécutait la plus farouche des fellations sous son œil juge. « Gare à ce que tu dis, ma chère. Je suis très tenté de te prendre… au mot. » Il en était ainsi de la nature orgueilleuse de ce Demi-Dieu arrogant et plein de suprême assurance, il jugeait, estimait ou méprisait, et il était rare qu’il s’épanche dans l’administration de ses jugements ou fasse dans la nuance timorée. En l’occurrence ici, l’exilée de Marmo était plutôt estimée. Le cas échéant, il ne s’ingénierait pas à lui procurer du plaisir. Un étalon digne de ce nom, conscient de son haut-lignage, s’abaisserait-il à monter une ânesse ? Non. Par inférence, Vittorio traitait-il Pirotess comme une vulgaire putain ? La réponse à cette question était plus qu’évidente : c’était un non absolu, catégorique. Elle lui ferait grande offense si elle le suspectait d’abriter de telles intentions à son endroit.
La vue de cette splendide créature en train de lui dévorer goulûment l’obélisque lui arracha un émoi mâle, puis même un hoquètement de plaisir ; et soudain, ce fut comme une révélation, l’inspiration s’insuffla en lui comme une évidence par les actions de l’amante vorace ; les doigts du Néréide s’agitèrent, confectionnant à partir du creux de sa blanche main un petit billet en papier de chanvre qui faisait la paire avec une belle plume noire à l’encre orientale. « Mais oui, pour te répondre, il me plaît de te voir ainsi, toute nue, imbibée de mon essence. C’est ta façon commode et symbolique de sceller ton allégeance. » Sans dire un mot, le Titanide composait son cantique poétique, les premières lignes noircirent la feuille, enfantant ultimement un petit texte.
« Quand la Passion t’interpelle, suis-là, bien que ses chemins soient sombres, raides et escarpés. Si elle t’enveloppe de ses noires ailes, livre-toi à elle, même si le fil acéré de son pennage lacère ta chair. Et quand elle te parle, accorde-lui foi. Lors même que sa voix casse tes rêves comme la Bora saccage ton jardin. Comme la passion te couronne, elle peut te crucifier ; comme elle est croissance, elle peut t’embrancher. De même qu’elle se hausse à ton altitude et joue avec tes branches le plus finement frémissantes au soleil, de même elle peut te rabaisser jusqu’à tes racines et les ébranler tandis qu’elles s’agrippent à la terre. Comme brassées de blé, elle te ramasse et te rassemble en elle. Elle se battra pour te dénuder. Elle te passera au crible pour te libérer de ta vieille mue ; elle va te moudre jusqu’à la blancheur ; elle va te pétrir jusqu’à te rendre tendre. Puis elle te balancera en son feu sacré, jusqu’à ce que tu sois pain bénit pour le festin sacré des Dieux. » Et Vittorio jugea opportun d’ajouter ce sinistre avertissement à lui-même, histoire de se provoquer : « Mais si, dans ta pusillanimité, tu réclames seulement de la passion les plaisirs et la sécurité, mieux vaut cacher ta virilité et déserter le champ de bataille pour rejoindre un monde sans saisons en qui tu riras, mais point tous tes rires, en qui tu jouiras, mais point toute ta jouissance. » Il en était ainsi du tempérament de Vittorio ; il avait besoin d’un défi à sa hauteur, d’une épreuve à sa mesure pour se fortifier et devenir le conquérant qu’il aspirait être depuis la montée aurorale de son existence. Et cette belle Elfe noire en proposait un, à juste titre.
Elle détenait une immense expérience martiale, une proximité avec certains cercles de pouvoir et un passé visiblement prestigieux, mais elle avait sa part de faiblesses qu’un être semi-divin et partiellement affranchi des préoccupations terrestres comme Vittorio avait repérées. Ce n’était cependant pas un problème ; il voulait l’assumer comme il l’avait trouvée au premier jour et ne pas la dénaturer pour des raisons qui lui appartiennent. Aussi s’était-il soumis au fantasme de Pirotess, malgré tous les conflits identitaires que cela occasionnait pour lui, le parfait hybride coincé entre deux mondes, entre mer et terre et terre et ciel. Le mortel Vittorio aurait sans doute désiré une relation plus conventionnelle avec la belle, le divin Vittorio s’impatientait plutôt de son esclavage et la fin de son libre-arbitre. Il fallut trancher – et nous devinions aisément à quel point il était contradictoire pour lui de faire dans la nuance – la poire en deux : elle deviendra sa concubine, libre de se soumettre à lui, traitée avec ménagements, sans jamais friser le funeste tabou de l’abus, mais tenue en sujétion. Par contre, il ne ressentait pas non plus l’envie de se perdre en envolées lyriques et lui chanter la sérénade à tout bout de champ ; les mièvreries, très peu pour lui, sauf si l’occasion s’y prête. En l’occurrence ici, pour l’heure, il n’avait aucune envie de la caresser dans le sens de son pelage : elle le cherchait, elle le provoquait, elle s’ingéniait à exercer sur lui une insupportable emprise physique, notamment par cette maudite gorge profonde qui sonnait comme une pompe funèbre. Elle se prenait pour une guêpe qui butinait allègrement une rose appétissante ; trop, c’était trop ! La donzelle méritait de recevoir un châtiment approprié à cette « offense ».
Calmement, dans un silence de cathédrale strié par ses frissons de plaisir, le Néréide déposa, avec une tendre solennité, sa courte poésie en prose libre sur la douce surface de sa table de nuit en osier tissé. Un dessein coupable montait à ses lèvres facétieuses, tandis qu’il proférait d’une voix mi-fâchée, mi-sournoise, la savoureuse menace suivante : « Pirotess, tu t’es suffisamment amusée avec moi. Il est temps d’assumer. » La cérémonie des préliminaires s’était achevée ; il était l’heure de passer à la seconde phase du rituel, la plus torride d’entre toutes ; et le beau mâle, sans coup férir, leva sa jambe roide et altière, telle une spire adressée aux divinités du stupre : prélude au nouveau torrent, un nouvel épanchement de générosité, honora le palais assoiffé de l’amante primesautière comme une offrande trop belle pour être vraie. Un jappement sortit aussitôt de la bouche de Vittorio, plus sincère qu’à l’accoutumée dans l’expression de ses orgasmes. Le bellâtre se tut, laissant croire que sa hargne s’assoupissait…
Mais nenni, voyons. Il devait se montrer cruel avec son amante. La jambe du Néréide, par le biais d’une contorsion inhumaine, s’abattit sur l’Elfe noire comme une guillotine, sapant l’emprise de cette dernière. Ainsi la demoiselle bascula, de nouveau. Et bien vite, l’arrogant Vittorio remonta à la surface de cette marée de douce luxure pour toiser sa concubine d’un air hautain et jubilatoire, tel un monarque victorieux. « Idiote, je ne suis pas un vulgaire jouvenceau que tu dévores. » Là, bercés tous deux dans la chaleur du zénith, seuls quelques rideaux de soie protégeaient cette pièce des lames ardentes de l’astre solaire, mais nullement Pirotess des prunelles mordorées de son maître et amant qui la foudroyaient à cet instant. Deux sourcils froncés de rage au sommet de deux yeux sublimes lui faisaient face. « Mais tu me plais horriblement… J’aime ton audace, Pirotess ! » Il s’empara ensuite de sa douce main droite pour la gratifier, d’une ribambelle de baisers fous. « J’adore ta peau noire », susurra-t-il comme une confession, guignant sur elle l’un de ces regards de mauvais garçon… avant de la fixer d’un œil passionnel. Il se redressa alors, ne laissant à la donzelle aucune issue salvatrice. Elle fut ainsi purement et simplement plaquée sur le sol, tandis que le Titanide lui offrait la plus belle des vues plongeantes : sous la lumière dorée du soleil levant, son torse qui se dévoilait comme une œuvre d'art sculptée par les dieux eux-mêmes. Sa peau, d'un hâle profond, semblait caressée par les doigts délicats du soleil, révélant des nuances dorées qui dansaient à la moindre variation de lumière. Chaque muscle, chaque sinuosité de ce torse était une déclaration silencieuse de force et de virilité. Ses pectoraux, ces montagnes de puissance, se dressaient fièrement, telles deux collines majestueuses dans un paysage vallonné. Leurs contours se dessinaient avec une précision saisissante, évoquant la perfection d'une sculpture classique. Les ombres et les reflets dans la pièce accentuaient leur fermeté, créant des jeux de lumière qui semblaient les animer, comme si une énergie mystique les habitait. Chaque muscle ondulait en harmonie, comme une symphonie de puissance et de grâce. Les lignes définies des abdominaux s'étiraient vers le bas, formant un sentier d'admiration vers des hanches mâles énergiques. Tout cela évoquait une force à la fois sauvage et maîtrisée, une promesse d'aventure et de protection pour le plus grand plaisir de la veuve d’Ashram. « Jure-moi que tu me seras fidèle, jure-moi que tu m’appartiens désormais. » lâcha-t-il avec cette outrecuidance qui le caractérisait, tandis que ses doigts entrelaçaient ceux de l’assassine afin de la maintenir en respect, dans cette posture soumise, par leur force implacable. Puisque l’hubris s’emparait d’un Vittorio en pleine incandescence, il fallait s’y attendre, qu’elle subisse les conséquences de ses actes à présent ! La suite des événements se déroula avec la grâce et toute la minutie qu’on imaginait d’un être comme lui, qui traita cet acte sexuel comme une guerre à mener rondement. Puisque son opposante, ne sachant pas où se trouve exactement sa place, redoublait d’orgueil, il n’y alla pas de main morte, infligeant à cette dernière le savoureux supplice du pal au plus profond d'elle-même : ce fut alors une succession de rageuses embardées qui eut lieu dans cette aspérité féminine tant convoitée, comme si cette dernière était une place-forte dont il devait défoncer la porte à grands coups de bélier ô combien vigoureux ! ô combien nombreux !...