L'alarme retentit très exactement trois fois dans le système des nanomachines, pour m'indiquer qu'il est maintenant dix heures précise...
- Monsieur Flynn? Permettez-moi de vous rappeler que d'après votre agenda, qu'il est maintenant l'heure de vous rendre pendant encore cinquante-neuf minutes et cinquante-quatre secondes, à la salle de sport.
C'est en relâchant un soupir, que je finis d'envoyer en ligne le tout dernier rapport que les agents du huitième m'ont envoyés, à propos de l'avancée d'un nouveau prototype de bras robotique baptisé Zx3Q. Un rapport très technique et sans intérêt envoyé à la chaine parmi un tas d'autres du même genre, au nom d'une société qui a récemment demandé nos services. Je ne cherche même pas à savoir quelles sont ses réelles intentions, je suis passé bien au-dessus de ce genre de détails depuis déjà un bon moment... Et comme toujours, mon "fidèle" assistant me rappel avec exactitude parfaite, le programme suivant à devoir exécuter. Je lui avais pourtant expliqué un nombre incalculable de fois, qu'il n'était vraiment pas nécessaire de me le détailler à la seconde près, mais il semblerait que les machines ont la notion de la précision chirurgicale, à toutes épreuves. Quelques instants après m'être étiré, je sors du bureau et je passe devant celui de mon très cher secrétaire, dont la porte reste généralement ouverte.
- Bonne séance, monsieur.
Sans prêter attention à ses commentaires aussi téléguidés et redondants que ses chiffres, je me dirige vers mon ascenseur privé. A l'intérieur où se diffuse éternellement une musique qui est censé relaxer un peu les nerfs, j'appuie sur le bouton pour me rendre au niveau du premier étage, là où m'attendent bien sagement mes éternelles affaires spécialement mises au propre, pour chaque séance sportive. L'ascenseur commence ensuite à descendre lentement derrière les vitres transparentes. A chaque instant, je pouvais voir la vue de la zone industrielle qui tantôt montait, tantôt redescendait comme maintenant. Bien que j'avais inévitablement suivit le programme demandé par miss Sky, je ne comprenais toujours pas pourquoi il a fallut que la boite quitte les états-unis pour venir ouvrir ici, dans cette ville. La seule réponse que j'ai eu de sa part, a été un bref commentaire évasif et toujours teinté de mépris... Comme toujours, elle détestait qu'on lui pose des questions. Et aujourd'hui, je me retrouve engagé je ne sais où, en travaillant d'arrache-pied pour cette espèce de dingue au cerveau artificiel. C'est pathétique... Pendant que l'ascenseur continue de descendre, je suis sortis de mes réflexions hasardeuses, en entendant quelqu'un crier. Effectivement, plus j'arrive vers le point de ma destination et plus une voix désagréable et reconnaissable, parvient désagréablement jusqu'à mes tympans. Cette andouille était en train de crier si fort, qu'il en arrivait à couvrir le son de la radio, avec ses foutues musiques lancinantes. L'exact inverse de ce qui se passe en ce moment même, en somme. Et puis lorsque j'arrive à l'étage d'où proviennent les cris de l'hurluberlu, j'appuie sur l'interrupteur pour forcer l'ascenseur à s'arrêter. Le second étage. Comme prévu...
- Il y en a marre, tu entends? On t'a déjà prévenu une fois qu'on allait pourtant te virer si tu continuais comme ça et tu recommences encore? Espèce d'incapable! Attends un peu! Je vais m'en référer au responsable du troisième! Parce que lui contrairement à toi, ce n'est pas n'importe-qui! On n'accepte certainement pas des gamines idiotes et incapables comme toi là haut! Ha!
Au fur et à mesure que j'entends l'imbécile qui ne parle pas, mais qui hurle sur sa subordonnée, j'ouvre les yeux. A côté de lui, je vois une fille. Certainement une stagiaire, au vu de son âge. Je profite alors d'un très bref instant pour la scanner et obtenir immédiatement des informations à son sujet, qui apparaissent juste au-dessus de sa tête.
Scan en cours... Rapport terminé en 0,07 secondes.
Identité : Sydney Hutchins « Fire Spear »
Âge : 32 ans (17 ans physiquement)
Sexe : Femme
Race : Humaine (Avatar)
Sexualité : Bisexuelle
Humeur : Indifférente
Status particulier : Double identité détectée
Voilà qu'il se passe enfin un truc vraiment intéressant, depuis le début de cette matinée de routine. Pourquoi avait-elle une double identité?... Le temps que je prenne la parole, le système extrait de manière plus approfondit le dossier complet de mademoiselle Sydney, que je mets aussitôt de côté pour plus tard. Pour l'instant, il fallait que je m'occupe d'abord de cet idiot.
- Stop. Monsieur Ilerd? Encore vous?
- Mon.. Monsieur le président?...
- Monsieur Ilerd? Combien de fois vais-je encore devoir vous rappeler d'arrêter de vous en prendre à ceux que vous dirigez sous vos ordres? Dois-je aussi vous rappeler que nous avons dut nous séparer de la moitié de nos éléments, peut-être plus utiles encore que vous, lors du transfert de l'entreprise? Ou peut-être que vous avez juste envie d'être le suivant, à nous quitter?
- Monsieur le président! Je... Je suis désolé! Mais... Mais à cause de cette fille! Cette gamine n'écoute rien de ce qu'on lui dit! Elle fait exprès de ne pas comprendre... Elle est lente et en plus, on l'a vue trainer sans autorisation à l'étage supérieur en... en se cachant et en essayant en plus de certainement voler l'un nos précieux robots ménager! Quelle honte!... Mais ne vous inquiétez pas, elle sera mise dehors dans l'heure qui suit! Elle...
- Taisez-vous, si vous ne voulez vraiment pas que ce soit vous qui preniez la porte, dans l'heure qui suit. A votre place, j'essaierais plutôt de me demander pourquoi vous ne risqueriez jamais d'avoir de promotions...
Je pose un peu plus sur le regard sur cette jolie jeune demoiselle. J'ai alors une petite étincelle d'amusement en la voyant... Parfait! C'était juste ce qu'il me fallait, pour égayer cette nouvelle journée. Juste à temps. Au moment idéal.
- Je vais prendre en charge mademoiselle Sydney Hutchins, pour lui rappeler le règlement. Maintenant retournez travailler immédiatement, monsieur Illerd! Et si j'entends encore une seule fois le son de votre horripilante voix atterrir dans mes tympans, je laisserais cette fille ici présente vous botter personnellement l'arrière train, directement depuis la porte de sortie!
- Oui! Pardon monsieur! Pardon! Je vous en prie, donnez-moi encore une chance! J'ai une famille à nourrir et avec les temps qui courent, c'est parfois dur et...
Sans bouger, je regarde intensément cet espèce de fouteur de merde, qui n'est surtout plus qu'un indésirable obstacle entre cette fille et moi. Deux secondes après, le voilà en train de prendre ses jambes à son cou.
- Enfin... Allez venez avec moi mademoiselle Hutchins, n'ayez pas peur.
Je fais ensuite un signe de main à la jeune femme. Je me demande toujours comment pouvait-elle avoir une apparence aussi jeune, pour son âge réel. Tout en m'appuyant tranquillement sur la rambarde, je la regarde entrer avec amusement. Mais aussi, avec quelque chose de délicieusement alléchant et saupoudré par quelques pensées bien plus indélicates. Une fois montée à mes côtés, je rappuie sur le bouton du dernier étage.
- Mademoiselle Sydney Hutchins, si vous vouliez tant monter voir les bureaux du dessus, il suffisait tout simplement de me le demander. Je ne doute d'ailleurs même pas un seul instant, que mon secrétaire personnel sera plus que ravit de vous faire visiter l'intégralité de notre entreprise, qui malheureusement n'abritera pas de secrets qui vont vous renverser. Sauf peut-être si vous êtes vraiment une grande férue de la technologie robotique, dans ses moindres petits détails.
En quelques instants, l'ascenseur s'arrête au dernier étage. Lorsque je m'y engage, mon inévitable secrétaire s'inquiète pour moi en me voyant revenir plus vite que prévu.
- Monsieur Flynn? Vous n'êtes pas encore partit à la salle de sport?...
- Mon secrétaire personnel. Loyal, fidèle, robotique et très bavard aussi. Il a tout ce que j'aime.
- Monsieur Flynn? Il reste encore Cinquante-quatre minutes et dix-sept secondes, avant la fin du temps impartit...
- Merci, je suis au courant. Disons que j'ai rencontré un imprévu en descendant. Soyez gentil de ne pas me déranger, pendant que j'utiliserais les très exactement cinquante-quatre minutes et maintenant douze secondes à bon escient, en m'entretenant personnellement avec mademoiselle Hutchins.
- Bien monsieur...
- Et soyez aimable de nous apporter aussi deux cafés.
- Très bien monsieur.
Lorsque je m'approche du bureau verrouillé, le système reconnait ma présence et la double porte métallique s'ouvre. A l'intérieur où se trouvent sommairement mon grand bureau en forme de U arrondit, avec mon ordinateur personnel perdu en plein milieu et mit en état de verrouillage automatique par détection oculaire comme pour la porte du bureau, j'invite la jolie miss à s'asseoir.
- Allez-y. Prenez place sur la chaise qui vous plaira.
Le temps que la fille avec son allure d'étudiante prenne place, je m'assois sur ma chaise habituelle. Puis je jette tranquillement un oeil en direction des immenses fenêtres qui éclairent radieusement la pièce, mais aussi la belle jeune femme qui me fait face, avant de lui adresser un petit sourire, les coudes sur le bureaux, mains croisés sous le menton. Je la regarde un instant très en détail. En plus d'être particulièrement séduisante, me demander pourquoi elle se cachait sous une double identité, la rendait encore plus appétissante à mes yeux. Fuyait-elle quelqu'un? Etait-elle venue en tant que qualité d'espionne? Je n'en avais aucune idée mais en attendant, je savais exactement où j'allais l'emmener.
- Parlez-moi un peu de vous, mademoiselle Hutchins. Dites-moi ce qui vous a motivé à venir travailler ici et pourquoi vous avez tant mit en colère votre supérieur. J'ai entendu le plus gros, mais quand je traite un problème, j'aime bien avoir tous les éléments en main.
- Monsieur Flynn? Voici les cafés que vous avez demandé.
- Bon sang... Oui apportez-les ici. Merci...
Mon secrétaire nous perturbe un instant, déposant les cafés sur le bureau avant de repartir.
- Allez-y. J'ai encore exactement cinquante et une minutes et 47 secondes à potentiellement vous consacrer, miss Hutchins. Buvez à votre aise et allez directement à l'essentiel. Cependant sachez que les mensonges seront inutiles ici, car votre café contient un puissant sérum de vérité, qui vous fera dire absolument tout de vous.
Tout en plaisantant à moitié, car il n'y avait évidement aucun sérum dans les cafés, je me rapproche d'elle, les bras croisés sur le bureau et le sourire toujours parfaitement en coin.
- Absolument tous vos petits secrets. Autant ceux que vous n'aimeriez pas dire chez Mecha Corps Inc, que ceux que vous ne voudriez pas me dire personnellement...
Tout en essayant de la faire douter, je fixe sa jolie petite bouche, avec une envie prononcée de la gouter toute entière. Autant que de vouloir savoir pourquoi cherchait t-elle à tromper tout le monde, avec sa double identité.
Trop calme, Ralph partageait le même café qu’elle, les risques étaient minimes MAIS il avait été donnée par autrui. Machine ou pas, ça aurait été assez facile de donner le café drogué à la bonne personne pour le peu que celui qui lui donnait savait jouer à la fois de discrétion et de tour de passe-passe. Alors oui, elle se contenta de «rire» à la blague lorsque le Président lui donna le surnom du-dit café, en jouant à la fois sur les qui-propos du nom de café, ça ne changeait rien au fait que Sydney n’était certaine de rien. Elle s’était relâchée, avait baissé sa garde et n’avait guère fait attention à la distribution de café au moment où le robot s’en était chargé.
«Surtout si le-dit café permet de mettre les choses au clair avant une réunion.»
Et si Sydney avait suivi le ton de l’humour, à en juger par son rythme cardiaque, ce n’était pas pour cela qu’elle était rassurée. Bon au moins, elle buvait son café, et le savoir dans la bouche ou l’estomac, c’était toujours que de le savoir en plein visage si elle se sentait trop agresser!
La suite, le temps d’avoir le dossier professionnel de la «vieille Sydney», elle s’était vendue sans le savoir. Peu probable qu’elle ait les moyens d’acheter un robot aspirateur avec la paie qu’elle touchait en tant que stagiaire mais ce n’était pas le cas il y a sept ou huit ans.
Responsable des études Marketing de Star Buy.
Dossier irréprochable
A démissionné d’elle-même pour des raisons familiale et un départ précipité aux USA
La raison ne collait pas car à en juger avec son passeport qui s’affichait petit à petit sur les nanomachines de Ralph, puisqu’elle était partie aux Etats-Unis seulement deux ans plus tard. Son divorce ? Seulement une année après son départ de Star Buy. Mais à 26 ans, avoir réussi à décrocher le poste de Responsable des études Marketing d’une boite d’import-export spécialisée dans les ventes flash sur internet aussi jeune, Sydney avait su tirer la bonne carte à un moment où l’entreprise à laquelle elle appartenait était encore jeune. Maintenant, cette entreprise avait sa petite importance dans le milieu, jouant dans la cours des entreprises intermédiaires. Alors jouer sur le fil de la fille qui avait été méprisée, c’était certain que ça allait fonctionner puisque les ragots sur la réussite d’une femme qui jouait sur son physique de jeunette, même si ce n’était pas le cas, ça pouvait aller vite chez les jaloux. Sous-estimée ? Si on raisonne dans le même manière, elle passait surtout pour une opportuniste qui avait les dents longues. Oui, à cette époque là, le robot aspirateur, elle pouvait se l’acheter, mais clairement pas actuellement avec sa paie de stagiaire ! Pas étonnant que Ilerd ait été content des premiers dossiers fournis par la miss : elle avait plus d’années expérience que lui en plus d’être plus compétente !
Oui, le flan flan habituel sorti à n’importe quel employé, si Sydney le connaissait, il eut surtout le mérite de la mettre plus à l’aise. Surtout la première partie un peu longue, la seconde elle le connaissait par cœur.
«Ce que j’aime ? Ma tante m’a léguée sa vieille voiture, il y avait quelques problèmes de mécanique mais je m’en sors. J’avoue, ça ne fait pas très féminine comme passe-temps, à Mishima on me le dit souvent. Comme le Japon ne veut pas entendre parler de double nationalité, j’ai préféré garder ma nationalité américaine, pour au moins garder mon permis international. Sinon les sorties mais j’ai l’impression que le bon terme dans cette entreprise, c’est des galas ou ce qui s’y approchant»
Parce que... ah oui, Madame aime les belles bagnoles en plus, à en juger de la carte grise de la Dodge Challenger à 8 cylindres ! La féminité on repassera mais ce n’était clairement pas une espionne. Pour que Sydney Hutchins ait légué ça à Sydney Hutchins, soit c’était de l’amateurisme, soit c’était de la moquerie pur et simple envers l'administration japonaise pour voir jusqu'où elle était lourde, car le pire et à en juger les documents c’était passé crème ! Sinon, il était clair qu’elle mentait vu les données : Tata Hutchins n’a jamais existé car c’était tout simplement elle. Quant au sortie, elle tentait de rebondir pour éviter de se faire griller en mentant trop de façon flagrante, car à en juger le rythme cardiaque, elle avait l’air d’en avoir fréquenté professionnellement. Du moins avant d’être mise à l’écart pour éviter un ex patron embarrassé d’avoir une employée qui prenait de l’importance d’apparence aussi jeune.
Sinon niveau bancaire, même la banque avec laquelle elle traitait ne savait pas trop où passait son argent. Juste que sa dernière folie était visiblement une paire de jumelles nocturne de qualité militaire venu tout droit des USA. Sans être dans la grande illégalité, il était naturel de se demander comment elle avait réussi à traverser les douanes sans être confisqué ou payé un droit de douanes phénoménales. Ah non, c’est une question conne en fait : sa mère, Esumi Nagasi travaillait dans les douanes, cette «mioche» avait certainement quelques contacts voir passe droit.
«Je n’en doute pas, avec l’incident de tout à l’heure, j’ai dû vous prendre plus de temps que je ne l’aurais dû. Vos conseils sont très bon, je vous en remercie mais je crains que ça ne résous rien à mon problème. Dès que je retournerais à mon service, Monsieur Ilde risque tôt ou tard de me renvoyer après cette événement. Il a perdu la face devant ses collègues, même si il fera mine de passer l’éponge pour cette histoire, il en trouvera une autre pour me faire renvoyer.»
Les humiliations au sein du travail, elle connaissait plus que bien et dorénavant son supérieur l’avait dans le viseur. A ses yeux, le Président Ralph lui avait sorti de beaux discours mais ça ne résolvait rien à la situation. Un statut quo qui n’en était en réalité pas un.