Le Grand Jeu
Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Les alentours de la ville => Discussion démarrée par: Jackson Drago le mardi 02 mars 2021, 22:42:24
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La nuit, tous les chats sont gris.
Les wagons de train aussi.
Il était plus de vingt-deux heures passées quand Jaxx traîna sa carcasse jusqu'à la gare. Bouteille de Jack Daniels bien entamée à la main, perfecto en cuir sur le dos et jean élimé sale moulant son agréable petit cul musclé, il allait d'un pas un poil chancelant. Encore une belle soirée de n'importe quoi pour Drago et probablement pas la dernière -c'était bien ça tout le malheur de sa situation. Comme pas mal de soirs, Jackson avait débuté par se coller une énorme caisse en espérant vaguement qu'un coma éthylique lui ferait du bien. Puis, devant l'échec de la manœuvre, l'ancien boxer était descendu de chez lui pour rallier le Foufoune's Club, un bar à tapins de bas étage situé à quelques pâtés de maison de l'appart' miteux qui était à présent son domaine. Quitte à boire, finalement, autant ne pas le faire seul.
Il avait payé sa tournée puis s'était carrément payé une pute dont il n'arrivait à se souvenir du visage. L'idée avait été de la tambouriner dans les chiottes crasseuses du Foufoune's, une culbute rapide et précise... mais Jaxx avait dégobillé sur le dos de la pauvre fille alors qu'elle se foutait à peine à genoux face à lui pour lui sortir la tige du pot, le cœur soulevé par les effluves un peu trop capiteuse du parfum bon marché dont elle s'était aspergée. Les physios l'avaient, suite à ça, expédié à l'extérieur manu-militari. Un rouler-bouler dans les poubelles, un échange d'insultes et l'affaire en était restée là, Jaxx gratifiant les gorilles d'un doigt d'honneur avant de réajuster sa veste pour aller errer sans but dans les rues qui s'ouvraient à lui.
Le Jack, il l'avait tapé à deux petits jeunes posés dans un skatepark. Les petits cons étaient partis faire des figures sur la rampe en laissant le museau de la bouteille pointer hors d'un sac à dos. Drago l'avait raflée avant de décamper et se l'était envoyée tout en déambulant sans destination à travers le quartier pourri. Un bout de la Toussaint, pour ce qu'il reconnaissait. Le bout avec la petite gare qui laissait passer les derniers métros de nuit, qui remontait les travailleurs tardifs vers le centre-ville. C'était en voyant les wagons filer que Jaxx avait réalisé qu'il n'avait encore jamais essayé de se foutre en l'air sous un train. Ah ! Ca ferait bien chier les derniers connards qui poireautaient à quai ! Même si il se ratait encore (ce qui était une quasi-certitude, mais on était après tout jamais sûr de rien), ça le ferait marrer de voir les bonnes gens pousser des cris d'orfraies quand il passerait sous les roues.
Son idée macabre en tête et un sourire d'imbécile visé sur le visage, Jaxx avait donc entreprit de faire le resquilleur pour passer les guichets avant de se retrouver sur le bord du quai.
Il n'y avait pas grand-monde, à cette heure là. Dommage. Une fille, deux ou trois gentils papas en costume-cravate débraillés et complètement écrasés par la fatigue de la journée. Drago manquerait finalement de spectateurs, mais est-ce qu'il en avait sérieusement quelque chose à foutre ?
Crachée par des haut-parleurs grésillant, la voix fluette de la dame d'annonce se fit entendre.
"Le prochain train est sans arrêt, veuillez vous écarter de la bordure du quai. Je répète..."
Par-fait.
Drago s'envoya une fameuse rasade, cassant d'un coup un bon quart de ce qui restait du whisky, puis s'avança tout au bord du terre-plein. Si loin en fait que ses pieds dépassaient à moitié de la bordure de ciment et se trouvaient en suspension au-dessus des rails qui déjà tremblaient de plus en plus à l'arrivée du train dont on voyait déjà la lumière au bout du virage qui s'amorçait avant la gare même. Vacillant comme il l'était, Jaxx ne laissait aux badauds aucun doute sur ce qu'il préparait. On s'agita un peu et quelques têtes cherchèrent du personnel ferroviaire dans l'espoir que quelqu'un interviendrait. Surtout ne pas se mouiller, après tout : il avait vraiment la gueule du mauvais garçon prêt à sortir un cran d'arrêt. Le boxeur déglingué ne l'aurait toutefois pas fait. C'était sa tentative de mort à LUI et personne n'avait intérêt à l'accompagner, nom de Dieu !
Et alors que la corne de brume du train hurlait son arrivée très prochaine, son passage à une vitesse infernale et sans arrêt à la station, Jackson s'avança encore un peu. Le calcul était parfait. Au moment où la locomotive passerait à son niveau, elle le percuterait de plein fouet.
Ca allait avoir une sacrée gueule, en tous cas.
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- Desco, t’as pas envie d’une bière ?
Ichika, l’assistante de Phil Sugimoto son Directeur des Ventes, était passée déposer les parapheurs sur chaque bureau, comme elle le faisait tous les soirs avant de partir. Elles ne s’entendaient pas extrêmement bien : c’était une cafteuse. Tout le monde savait qu’elle balançait toutes les infos à Phil, même si c’était une source intéressante de potins. Déjeuner avec elle était sympa, toutefois, puisque c’était l’assurance d’apprendre quelques infos croustillantes sur les gens de la compta, ou pire, le plus palpitants, les mecs du service Pub.
« Tu bois d’la bière, toi ? » Avait-elle répliqué, moqueuse, avant de se souvenir qu’elle ne discutait pas avec ses collègues masculins des Ventes, des commerciaux assez balourds, à l’humour franc, et rectifia. « Euh, je veux dire, ouais. Ouais, carrément. Allons prendre une bière, ‘faut juste que je rentre pas trop tard… »
- Ah bon, t’as un rendez-vous après ?
C’était la question qu’elle entendait le plus au boulot. Ces gros cons des Ventes n’avaient que ça à la bouche, mais c’était généralement des tournures de phrases bien moins élégantes que ‘rendez-vous’… Kara ricana, hésitant à lui révéler qu’elle avait juste un stream de prévu avec des amis, mais se doutant qu’elle ne percuterait pas, haussa les épaules.
« Ah non, non non. Juste… »
Bon, ça suffirait. Elle ignorait encore pourquoi Ichika voulait sortir avec elle, mais c’était plus palpitant que rentrer manger une pizza réchauffée au micro-onde. Et ça lui changerait des pintes avec les mâles VRP dans des troquets miteux (parce que c’était là où les filles étaient les moins farouches, qu’ils disaient). Fermant soigneusement son ordinateur, récupérant son sac et sa veste de tailleur, assez repassée ce soir-là par miracle, Kara emboita le pas à la jeune Assistante, motivée d’un coup par la perspective de boire un verre ‘entre filles’. Bon, il fallait avouer qu’elle n’était pas habituée à ce type de convention sociale féminine, mais il y avait un début à tout !
Le métro les conduisit jusqu’à un bar, choisi par Ichika bien sûr, qui était loin d’être aussi lamentable que ceux choisis par Tetsu. Ah oui, cette soirée allait être cool ! A l’intérieur, de la musique un peu jazzy, des néons pas trop criards, une belle couleur framboise aux murs… Et les serveurs avaient l’air tous super souriants, attentifs, avec un petit tablier vraiment cute, tout blanc.
« Bah dis-donc, c’est salissant leur bordelllll… » Merde, t’es pas avec Tetsu et les gars, calme-toi. Ichika ricane, et elles s’installent.
- Bon, tu savais que Baku a couché avec la nouvelle de la Logistique, Emily ?
Ahhhh, parfait ! Au moment où les deux bières étaient déposées devant leur nez, l’Assistante s’était penchée en avant pour lui faire des confidences, sans attendre. Kara écoutait avec avidité, commentant en essayant d’être le moins vulgaire possible. Cet enfoiré de Baku était un queutard, c’était connu dans le Service des Ventes, mais peut-être par jusqu’au bureau de Phil, après tout ?
La soirée était passé vite, finalement, et Kara avait désormais du dossier sur pas mal de ses collègues. En échange, Ichika avait appris le passé supposé du fameux Baku, qu’elle ne pouvait pas encadrer, de toute façon… Vingt-deux heures. Quelques bières, et avec une petite gêne, la jeune femme se rend compte qu’elle a une meilleure descente que sa collègue, elle, elle titube.
« Bon, attends, j’vais te raccompagner chez toi. »
Ichika est bien plus ivre que prévu, et fort heureusement, Kara assure pas mal. Réussissant à extirper son adresse à l’Assistante hilare pour un rien, elle la ramène docilement jusqu’à chez elle, prenant soin d’éviter les rues moins éclairées, techniques de filles qui sortent le soir dans un monde parfait… Et étrangement, Ichika habite vraiment dans un quartier difficile. Elle n’en a pas l’air mais finalement, son appartement est en bordure de la Toussaint. L’angoisse… Il faut encore convaincre Ichika de lui donner ses clés, mais c’est tellement drôle de tenter de jongler avec… Elle perd un peu patience, ronge son frein, soupire… Puis enfin lui prend des mains un peu fermement, ouvre, constate qu’elle vit avec quatre chats dont les yeux luisent dans le noir, grosse angoisse.
« Hé salut les minets… » Balbutie Kara en allumant un spot, puis expédiant sa consœur dans son lit. Elle ne pousse évidemment pas le vice jusqu’à la déshabiller, ça, non, et ne s’attarde pas… Ichika ronfle sur sa couette. Ça suffira.
En sortant, claquant la porte derrière elle, un long soupir accompagne sa descente des marches du perron. La vache, quelle soirée… L’alcool qu’elle a ingurgité fait effet, mais pas suffisamment pour qu’elle se perde, et elle regagne une station de métro en suivant le trajet le plus court sur son smartphone… Il faut qu’elle se presse, d’ailleurs, la dernière rame va passer et si elle la loupe… Non, impossible, rentrer à pied est hors de question !
Pressant le pas, elle arrive un peu essoufflée sur le quai, s’éloigne savamment des deux mecs en costard-cravates par réflexe, et scrolle sur son téléphone pour patienter.
Sa vision périphérique est polluée alors par l’apparition d’un grand mec, cheveux longs et blouson en cuir. C’est plus fort qu’elle, Kara relève la tête avec curiosité, levant un sourcil devant ce Lorenzo Lamas qui a l’air de tituber. Oui, bon, la soirée a été dure pour tout le monde. Mais en s’apprêtant à reporter son attention sur l’article qu’elle lisait, quelque chose la dérange immédiatement.
« Euh… » Malgré l’annonce, ce mec s’avance, et pire, vu sa dégaine et son attitude, a tout l’air d’avoir des intentions funestes. Ah non hein ! Elle a un stream dans trente minutes, qu’il aille se flinguer ailleurs ! Son regard passe sur les autres personnes présentes, mais ils ont tous l’air d’ignorer la chose, et pourtant, elle est persuadée de les avoir vu regarder dans sa direction.
« Rah, putain ! » Peste Kara, grognon, avant de prendre la mesure de ce qui se trame. Au loin les lumières du métro approchent à vitesse grand V, et le Rebelle ne bouge pas d’un iota. La panique efface l’agacement en elle, elle s’approche vivement.
« Hé ! Hé, monsieur. » Sa voix est plus aigüe que d’habitude. « Monsieur, faut pas rester là. » Ce con avance davantage, à croire qu’il ne l’entend pas. Kara presse le pas, l’impact approche trop vite, lui tordant les tripes, et elle se jette alors sur l’inconnu suicidaire, le plaquant sur le côté n’importe comment. Ils roulent, elle s’écorche les genoux, troue ses collants et son front heurte le bitume alors qu’elle lâche un grondement douloureux suraigu.
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Il y eu bien un choc, mais pas vraiment celui auquel Jaxx s'attendait.
Gueule d'amour était prêt à sentir le métal crasseux de la locomotive lui concasser chaque os du corps au moment de l'impact, comme il s'attendait à voir ses entrailles éparpillées sur cent bons mètres le temps que le conducteur affolé ne serre à fond le frein après avoir vu la silhouette du suicidaire s'éclater sur sa machine comme un fruit bien trop mûr. On retrouverait ses molaires à l'autre bout de la ville et son sang constellerait pour plusieurs l'acier de la loco, comme s'il n'avait été qu'un gros moustique débile sur la trajectoire d'un boulet de canon. Jackson n'attendait pas mieux que ce genre de frisson, cette seconde purement extatique qui précédait le moment où le corps tout entier rompait sous la violence brutale et absurde. Il en était intimement persuadé : il se taperait une trique instantanée et absolument dantesque à la seconde même où son intégrité physique se désagrégerait sur la carlingue de la machine ferroviaire.
L'impact fut, en fait, foutrement moelleux. Agréable, comparé à ce qu'il s'était préparé à ressentir. Sortie du néant qu'était le reste du monde qui n'entrait pas dans son champ visuel, une silhouette fine avait foncé sur Jaxx une foutue demie-seconde avant que sa belle ganache ne fusionne avec l'acier lancé à toute vapeur sur les rails. Son visage s'était engouffré non pas dans de la mécanique mais dans de la graisse mammaire et tout son corps avait décollé en suivant le mouvement. Enlacé à sa sauveuse par la force des choses, Drago avait tourneboulé cul par-dessus tête avec elle. Le macadam du trottoir de la gare d'abord, puis la force de leurs corps noué les avaient entraînés à rouler dans le bas-côté dénivellé qui bordait le quai. Gravier, terre, boue, herbe et finalement branches des buissons qui avait stoppé leurs tonneaux en bas de la petite côte. Voilà que Jaxx et l'inconnue étaient saufs. A califourchon sur lui, au niveau de sa ceinture abdominale, la working-girl surélevée avait sacrifié ses jolis seins pour épargner le visage de l'immortel. Il fut tenté d'en profiter en réalisant leur posture mais, s'il déposa une main sur son cul, ce fut pour le dégager d'un coup un peu sec.
Elle se retrouva à côté de Drago qui se redressait en grognant, écrasant quelques jurons entre ses dents serrées.
- 'tain, mais on t'a demandé de jouer les sauveuses ?
Quelle emmerdeuse, lui gâcher sa nouvelle forme de suicide ! Avait-on idée, dans cette société pourrie et individualiste à crever, de venir en aide à son prochain ? Sûrement une originale avec le complexe du héros, quelque chose du genre. Son regard dur s'arrêta sur l'inconnue le temps de la mater. Peuh ! Madame Tout-le-monde, en plus ! Une probable bobonne pantouflarde que son mec n'enfilait qu'une fois dans le mois. Et encore, les semaines fastes !
Ouais, bon. Inutile d'être un connard. Elle avait été plutôt héroïque dans son genre et maintenant qu'elle barbotait dans ses fringues déchirées, Jaxx commença à s'en vouloir de l'avoir envoyée chier. La mésaventure, aussi, l'avait sérieusement dégrisé. Cela l'aidait à être moins con et pour la jeune femme à qui il proposait sa main pour l'aider à se remettre debout, c'était une bonne chose.
- C'était couillu, n'empêche.
La lueur dans le regard porté à son interlocutrice était assez éloquent sur la sincérité des mots qu'il venait de lâcher. Oui, ça l'était réellement, couillu. Aucun autre connard n'avait daigné se bouger le cul et d'ailleurs, personne n'était seulement descendu voir si tout allait bien pour eux. Hors de question de rater le train qui repartait déjà, après avoir balancé le sifflement aigu qui annonçait la fermeture des portes.
- Bon, ben on a tous les deux raté notre train.
Sa propre connerie le fit sourire, puis rire de bon cœur. Jaxx se laissa aller quelques secondes puis, une fois plus tranquille, remercia pour de bon la salary-woman en lui étreignant l'épaule de sa grande main forte. Il regarda ensuite alentour, voyant mourir l'essentiel de l'éclairage de la gare. La dernière rame venant de partir, il n'était plus utile de tout alimenter. L'endroit prit une allure sinistre, un peu fantomatique. Parfait climat pour se raconter des histoires d'horreur en se tripotant dans les fourrés... Mais il y avait fort à parier que ce n'était pas une proposition à faire à sa drôle d'héroïne.
- Tu veux que je te raccompagne ? lâcha t'il en haussant les épaules. Ca craint ici la nuit, pour les jolies filles.
Qu'elles soient jolies ou pas, ça n'était pas un quartier où il faisait bon traîner pour les nanas, de toutes façons. Jaxx n'imaginait pas qu'elle répondrait par l'affirmative et la voyait plutôt se casser pour aller se foutre dans la lumière rassurante d'un réverbère jusqu'à ce qu'un chauffeur Uber vienne pour la récupérer. Elle prierait Dieu et tout le saint Frusquin de lui éviter les mauvaises rencontres jusqu'à ce que la bagnole ne la récupère et remercierait chaleureusement son sauveur à elle de la mener à bon port.
Jackson lui devait tout de même bien ça, de lui proposer de faire un peu de chemin avec elle. Même si elle ne risquait rien, cette inconnue un peu frêle venait tout de même de lui sauver la vie. Cela méritait, de sa part, un minimum de considération.
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L’opération était un succès, mais Kara n’avait absolument pas réfléchi en se jetant sur lui. C’était plutôt un réflexe de survie, un héroïsme qui ne lui était pas très familier d’habitude, même si cela pouvait juste se traduire par appeler les pompiers si besoin, avant de paniquer totalement, en cas d’incendie. Elle n’avait pas calculé non plus que sa poussée irait les faire gambader plus bas, et à vrai dire, lorsqu’elle se retrouva poussée sur le côté si aimablement par le Suicidaire, la jeune femme ne ressentit plus que les écorchures et les bleus. En portant une main à son crâne, la piqûre de l’éraflure sur sa tempe la fit couiner, et elle tenta du mieux qu’elle put retirer brin d’herbes et terre qui s’y collaient déjà, alors même qu’elle se faisait engueuler…
Il était sérieux là ?! Elle venait de lui sauver la vie, et il râlait ? Si elle n’avait pas eu à se concentrer sur les diverses douleurs, Kara aurait sans doute répliquer plus vivement mais…
« Hein ?! »
Elle était hébétée par ce qu’il venait de se passer et s’occupait principalement d’épousseter son chemisier qui, super, était tâché, s’inspecter les trous de son collant et les belles croûtes qu’elle aurait aux genoux plus tard, façon gamine de cinq ans… Tout ça pour ? Se faire grogner dessus, odeur de whisky en supplément. Merveilleux.
Quand il proposa sa main, et évidemment sans avoir le temps de réfléchir, Kara s’en saisit machinalement, s’en voulant immédiatement ensuite. Non, fallait lui cracher dedans ! Elle venait de se montrer super héroïque et son orgueil en avait pris un sacré coup. Pourtant, en se redressant avec une grimace en dépliant ses membres endoloris, Kara constata de nouveau l’ampleur des dégâts sur sa tenue et… Son regard se releva vers le Blouson Noir, observant la main qu’elle venait de lâcher puis son visage. A part l’herbe dégueu des abords de quais, il n’avait pas l’air blessé par leur chute. C’était déjà ça !
Pourtant, voici qu’il se montrait presque aimable, ce qui la fit plisser les yeux, d’un air louche. Pour finalement la faire sourire un peu. Rah, merde, elle s’insultait intérieurement, garda le silence, cependant, avant d’entendre les sonorités stridentes si connues de..
« Oh non ! »
Le dernier train. Non. « Merde, non non non ! » Gronda-t-elle, entendant à peine cette fameuse blague qu’il venait de lancer, et tournant immédiatement sa tête vers lui en le dévisageant, alors que l’homme était hilare. Oh, oui, très drôle, vraiment… Et bam, la poigne sur son épaule. Kara écarquilla les yeux, eut un mouvement de recul, bien qu’elle perçoive la volonté première du geste, mais, méfiante, resta interdite. On allait difficilement contre l’éducation, aussi ne peut-elle pas s’empêcher de hocher légèrement la tête, pour accepter ses remerciements.
Elle se rendit compte qu’elle se trouvait alors dans un coin vraiment peu éclairé, en compagnie d’un mec qui puait l’alcool et qui avait tenté de se suicider. Cela pouvait signifier que sa confiance en l’avenir était assez réduite, sans doute assez pour ne pas craindre la prison ou juste des baffes, en cas de viol. Son visage pâlit d’un coup, faisant un pas en arrière en ramassant son sac qu’elle serra fortement contre elle. Trouver des clés, vite, dans sa poche.
Et lorsqu’il lui propose de la raccompagner, c’est sûr, c’est un piège. En déglutissant, calant ses clés entre ses doigts comme elle le faisait toujours quand elle rentre tard chez elle, la jeune femme hausse les épaules, pour gagner du temps de réponse.
« Euh… Bah… mais. Enfin... J’habite pas loin hein. »
Gros mytho, mais elle sait aussi qu’en règle générale, le mensonge se lit mal sur son visage. Enfin, nous ne sommes pas en temps normal, et la trouille donne un tic à sa lèvre à cet instant précis. Pourquoi il a rajouté que ça craignait ici ? Enfin, si c’est vrai. Sans doute, même. Mais… C’était pour qu’elle pleure ? Un courant d’air sur son front la fit grimacer.
« Pis, j’fais pas de moto. »
Elle avait lancé ça comme ça, comme un argument supplémentaire pour lui affirmer qu’il ne pouvait sincèrement pas la raccompagner. C’est vrai, quoi, il avait un look de motard, elle le savait parce qu’elle avait cette fâcheuse tendance à apprécier ce type de personne, à trouver cette aura de bad boy assez attirante. Pourtant, celui-ci avait eu envie d’en finir avec sa belle gueule… Lentement, Kara changea d’attitude, à cette idée précise, avant de faire une petite moue plus douce, préoccupée.
« Mais… Si je pars, vous… tu vas pas re-faire une connerie, hein ? »
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Mouais.
Si cette aimable conne habitait vraiment dans le quartier, ou pas loin, elle ne serait pas aussi flippée de se retrouver si proche de Gueule-d'amour. Drago était conscient de sa dégaine, de l'image qu'il renvoyait. Un peu surrané à sa façon, certes, le perfecto noir de motard n'en était toujours pas moins le symbole universel du bad boy par essence. Les cheveux gras de gomina, le cran d'arrêt dans une poche et le peigne dans l'autre... un indémodable que Jaxx tenait pour être une forme de virilité absolue. Le message qu'il renvoyait était clair : c'était un avertissement aux autres, aux prédateurs qui se croyaient plus gros que lui. Le balafré avait du punch et mauvais caractère. Tout ce qui faisait mouiller certaines petites minettes et flipper les autres, peu désireuses de se retrouver à portée de la sphère d'influence de ce genre de prédateur. Qui pouvait dire, après tout, s'il n'allait pas dérailler après vous avoir collé le plus sensuel des sourires ?
Pour autant, Jackson n'avait aucunement l'intention de porter préjudice à sa drôle d'héroïne. Son geste était dénué de sens, mais que pouvait-elle en savoir ? Elle avait cherché à lui sauver la peau, ne fut-ce seulement que par réflexe. C'était con. Mais honorable. Cela l'avait mis dans la merde cependant et le suicidaire estimait qu'il était normal de l'aider à s'en sortir. Aucune arrière-pensée particulière ne l'animait, simplement une forme de politesse ; "les singes sont plus forts ensemble (https://nsa40.casimages.com/img/2021/03/03/210303121055809900.jpg)". Et ces deux là étaient de curieux chimpanzés, dont un ne savait pas faire de la moto.
- Ah ouais ? Tu n'aurais qu'à t'accrocher à moi, tu sais, rétorqua t-il. C'est pas bien compliqué. Tu serres, tu fermes les yeux et hop ! T'es à ta porte en moins de temps qu'il n'en faut pour perdre ta culotte.
Son petit jeu avec les clefs n'avait pas échappé à Jaxx. Un vieux truc de bagarreur : serrer le poing autour d'un objet dur pour éviter que les phalanges ne s'enfoncent naturellement dans la main en frappant. Un bon coup avec un poing refermé autour d'un briquet, par exemple, c'était une chance supplémentaire d'étaler le gus d'en face pour le compte dès le premier coup. L'avantage des clefs, c'était que si elles étaient placées de façon à dépasser d'entre les doigts, ça ferait davantage de dégâts.
Cette fille avait assez de présence d'esprit pour penser à ça et Jaxx sentit la jauge de sympathie à son égard gagner deux petits points. Si bien qu'il ôta son blouson pour le lui tendre ; sa tenue à elle était en piteux état. Le cuir serait bien trop grand pour elle, mais ça n'avait aucun importance. Tant pis pour la légère odeur de sueur légère, d'après parfum musqué... Elle sentirait le mâle un temps, pour peu qu'elle accepte de foutre le perfecto sur ses petites épaules. Drago se retrouvait en t-shirt simple, dont l'étoffe soulignait agréablement le roulis de ses muscles dès qu'il bougeait. Ce qu'il fit en commençant à remonter jusqu'au quai, s'assurant que l'héroïne suivait le mouvement.
D'ailleurs, elle restait dans son rôle et s'inquiétait des projets suicidaires de Jaxx, qui esquissa un petit sourire amusé qui s'étira sur sa barbe naissante zébrée par les cicatrices qu'il portait à la gueule.
- Nan, répondit-il tranquillement. Tu m'as cassé mon groove pour ce soir. Et puis, hé, plus de train. Je verrai ça demain.
A force de tenter de se foutre en l'air comme si c'était devenu un lobby, Jackson en parlait un peu trop naturellement. Il faisait vaguement attention, la plupart du temps, pourtant ! Titiller la gentille conne du soir l'amusait, bien qu'il ne cherchait pas à se montrer cruel. D'ailleurs, la qualifier de conne, même si ce n'était qu'intérieur, ce n'était pas justifié. Arrivés au portail de la gare, Drago se retourna vers elle.
- Ecoute, ma belle. Si tu veux que je te raccompagne, il faut aller jusque chez moi pour que je sorte la bécane. Mais si tu préfères appeler un taxi et attendre ici, je peux aussi attendre avec toi. Je me foutrais sur le banc là-bas, si ça te rassure.
Fini de rire, se dit-il en désignant le banc à huit ou dix mètres d'eux, qui se trouvait éclairé par le réverbère à la lumière chiche sous lequel il était installé. Le suicidaire se doutait bien que sa compagne d'infortune devait plus où moins se sentir prise au piège et qu'il n'avait absolument rien qui puisse la rassurer. La proposition de l'amener jusqu'à chez elle ? Foutrement honnête. Il ne comptait pas se la faire une fois la porte passée (même si, bordel, ne pas s'être fait sucer par la pute du bar un peu plus tôt l'avait laissé sur une sacrée béquille), mais que pouvait-elle en savoir ?
La situation, du point de vue de la jeune femme, était probablement totalement moisie. Entre plusieurs maux, elle se devait de choisir le moindre sans aucune assurance d'accomplir le bon choix. Dans le quartier où ils zonaient tous les deux, c'était une erreur potentielle qui pourrait déboucher sur un sacré paquets de belles emmerdes bien fumantes.
Ayant veillé à se tenir à une distance raisonnable d'elle pour pouvoir discuter sans qu'elle n'aie trop l'impression qu'il cherche à l'envahir, Jaxx lui adressa un sourire poli qu'il espéra rassurant. Pas certain que ça touche au but, pourtant.
- C'est comme tu veux, finit-il par dire. Je t'en dois une, pas vrai ? Donc le moins que je puisse faire, c'est d'être sûr que tu gardes ta culotte jusqu'à chez toi.
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Hein ? Culotte ? Quoi ? Kara avait été choquée par la formulation, mais à vrai dire, elle en aurait presque souri, si la crainte de rester près d’un loubard des bas-fonds ne lui avait pas enserré le ventre. Mais comme une caresse suit une gifle, il semble que son Rebelle Suicidaire ait l’intention d’avoir l’air aimable… Lorsqu’il lui tend son blouson, évidemment, Kara a un regard méfiant, en plissant les paupières, tournant légèrement le visage sur le côté. Ouais, c’est louche. Pourquoi cette graine de soudard voudrait se montrer plus sympathique avec elle ? Est-ce que c’était une sorte de test pour savoir jusqu’où elle pouvait se faire avoir ?
Comme souvent dans sa vie, lorsqu’il fallait faire un choix, où qu’elle se trouvait à un croisement entre deux voies diamétralement opposées, Kara prenait la mauvaise décision. Sa vie était remplie d’exemples tel que celui-ci, résumé en « prends ce blouson, regarde sa gueule d’ange super ténébreux là». C’était juste un cuir, pas de quoi s’affoler. Une seconde, en le réajustant sur ses épaules, ses narines prennent en pleine face les parfums divers qui y sont incrustés et son cerveau vrille. Cela dure un instant, à peine, mais elle se sait sensible aux odeurs. Du calme. La situation l’aide à reprendre pied… Et elle presse le pas pour le suivre, sans vraiment savoir pourquoi, mais en quelques foulées plus rapides, elle l’a rattrapé qui grimpe la petite bute jusqu’à la gare.
« Ah euh. »
Et rien, il faut réfléchir avant de parler, à ce qu’il paraît. Mais c’est peu évident quand on suit un mec avec une telle carrure, pour Kara. Fort heureusement, après avoir soufflé le chaud, le Rebelle semble daigner lui répondre au sujet de cette fameuse tentative de suicide ratée. A première vue, il répond par la négative, bien, elle aurait pu être rassurée, s’il n’avait pas continué à parler.
« Hein ? Quoi ? Demain ? »
Merde, il continue de marcher et elle s’était arrêtée sous le choc de cette absurde phrase. Comment ça, il verra cela demain ? Comment on pouvait avoir envie de se flinguer et se montrer si inconséquent ensuite ? C’était comme s’il ne prenait absolument pas son geste au sérieux. Est-ce qu’il se rendait compte au moins ? Peut-être qu’il était trop bourré ? Quelques pas un peu plus vifs et elle est enfin à sa hauteur, constatant évidement que la gare est fermée, qu’il n’y a évidemment plus de rame pour la ramener chez elle, la mettant encore une fois au pied du mur.
Et voici que Lorenzo Lamas enchaîne comme si de rien n’était, en lui expliquant les étapes nécessaires pour la raccompagner -ah, vous voyez qu’il a une moto, elle avait raison !- et même, étrangement, lui propose de patienter avec elle le temps qu’elle appelle un taxi. Encore une fois, gringalette dans ce blouson trop large, la jeune femme plisse ses petits yeux en amande. Se tournant légèrement pour constater la présence du banc cité en exemple, elle a tout de même un gros doute. Il a l’air vraiment courtois, là. Un mec bien aurait proposé pareil, mais avec de plus jolis mots, sans doute. Si c’était un piège, ou un test, Kara choisit alors, délibérément, de se jeter dedans. A pieds joints. Sa poigne relâche son trousseau de clé dans sa poche, lentement, pour pouvoir tenir sur ses épaules le cuir noir.
« J’veux pas paraître malpolie… Mais j’ai l’impression que t’as un peu bu. » Un peu ? Elle était sûre qu’elle était loin de la vérité. « J’suis pas certaine que ce soit très raisonnable que tu conduises dans cet état. »
Et là, elle était sérieuse, même si elle prenait des pincettes, sans doute par peur de l’agacer. Certaines personnes avaient l’alcool violent, même si après son petit numéro sur le quai, elle pouvait supposer que, lui, avait le vin triste… Assez triste pour avoir envie de se foutre en l’air. C’était étrange qu’il s’en remette si vite, si bien… Curieuse, intriguée, l’office-girl tentait de ne pas se préoccupée des odeurs du perfecto tout en parlant.
« T’as pas froid ? »
Son petit visage se pencha sur le côté, en l’observant. C’était une mauvaise idée, en soi, de se montrer trop inquisitrice, mais il était aussi très irréaliste d’espérer rester à côté d’un mec aussi bien foutu sans en profiter un peu. « Non parce que, je peux te rendre ton blouson, hein. »
Un léger subterfuge pour lui laisser le temps de réfléchir… Appeler un taxi, oui, excellente idée. Mais Kara se savait non loin de la banqueroute, son salaire n’était pas glorieux, son appartement un peu trop près du centre-ville pour être véritablement dans ses moyens, mais elle se débrouillait. Le problème des primes de vente et des commissions… Elle faisait de petits mois, en ce moment, Phil le lui repérait suffisamment. Elle venait d’enchaîner les quartiers de merde pour refiler sa camelote à des vieilles, et évidemment, moins elle vendait, moins on lui attribuait les zones les plus cossues. C’était une stratégie discutable, et elle avait bien essayé de se plaindre à son Directeur, mais il avait répliqué, en buvant cette infecte eau gazeuse, que c’était lui le Dirlo, et qu’il ne la payait pas pour réfléchir mais pour vendre des crèmes.
Son petit nez se fronça, gênée. C’était toujours un peu délicat, pour les gens normaux, de parler d’argent. De problème d’argent, surtout.
« Naaaan mais... Finalement… J’pense que je vais rentrer à pied. Franchement c’est… c’est pas loin hein. »
Autre mensonge. Elle se racla la gorge comme pour faire passer son mytho, en haussant les épaules, faussement très sûre d’elle. La perspective de traverser une partie de la ville en pleine nuit ne l’enchantait pas, mais quelque chose la retenait à lui demander de faire le chemin avec elle. Sans doute la crainte qu’il dise non, se moque d’elle… Kara leva légèrement le menton, ragaillardie par cette notion de ‘je t’en fois une’ sur laquelle elle avait un levier intéressant, mais évidemment, elle avait tiqué à l’évocation de sa culotte. Encore.
« Hein ? Culotte ? Encore ? T’as un sacré problème avec les sous-vêtements toi… » Merde, pas la meilleure façon de lui réclamer de la raccompagner à pied. Hé bien tant pis elle fronça les sourcils d’un air faussement intimidant, avant de faire une petite moue. « Mais euh. Si ça t’intéresse vraiment de t’en assurer, bah, on peut marcher jusqu’à chez moi. »
Elle réalisa seulement après que cela ressemblait à une invitation et rectifia immédiatement. « Mon quartier, ma rue. Jusqu’à ma rue. »
-
- J’veux pas paraître malpolie… Mais j’ai l’impression que t’as un peu bu.
- Un peu ? Je suis plus imbibé de rhum qu'un baba, tu veux dire.
Pour le reste, elle avait raison. Sa tentative de suicide avortée l'avait fait dégriser, oui, mais de l'alcool continuait à circuler dans son sang. S'il s'était s'agit de prendre la route seul, cela n'aurait eu aucune espèce d'importance. En cas d'accident mortel, et bien... il ne mourrait pas. La moto, c'était moins sûr. Quant à la mignonne petite souris qui frémissait de méfiance face à lui, si elle montait en selle et qu'il les envoyait dans le décor, sa belle petite gueule et tout le reste irait probablement repeindre en rouge épais plusieurs dizaines de mètres d'une bande de bitume. Du sang sur les mains, Jackson en avait déjà bien trop à son goût.
La pensée le refroidit sérieusement et l'idée de jouer les chauffeurs motorisés le quitta pour de bon. Avec, aussi, un peu du degré alcoolique qui lui embrumait un peu l'esprit.
Ses yeux pâles s'étaient teintés d'un peu de nostalgie quand il les reporta sur elle. La salary-girl était là, à le fixer sous l'épaisseur rassurante d'un blouson de cuir noir qui embaumait sa sphère intime de toutes les informations olfactives associées à Jaxx. Son sillage odorant, mélange étrange mais accrocheur de virilité ferme et de loose ordinaire, la jeune femme pouvait s'en remplir les poumons. L'instant fut suspendu entre eux comme pour marquer l'image étrange de ces drôles de zigotos qui n'avaient pas la bonne méthode, l'un et l'autre, pour tisser un dialogue réellement satisfaisant. Deux neuneus qui se découvraient, au propre comme au figuré. Deux neuneus aux façons bancales qui, pourtant, les aidaient à faire avancer le petit scénario dans lequel ils s'étaient chacun bien involontairement embarqués.
Jaxx passa une main nonchalante dans sa tignasse mi-longue pour la repousser en arrière en dégageant son visage, puis adressa à la jeune femme un "non" de la tête. Il n'avait pas froid.
- Mieux vaut que tu le gardes, le temps qu'on est dans les parages. Ici moins t'en montre, mieux c'est.
Elle ne présentait rien d'aguicheur en soi, pourtant. Ses vêtements étaient ternes, ordinaires, fonctionnels. Les tarés de la bite n'en trouveraient pas moins un sujet de bandaison assez probant pour avoir envie de faire un sort à cette pauvre nana. Le perfecto lui donnait certes une drôle de touche, mais couvrait son allure. On pouvait oublier ses seins et il dissimulait son cul à moitié. Drôle d'armure, qui puait le mâle, le sexe tarifé, le parfum bon marché et les vieux relents d'alcool. Elle ne l'en protégerait pas moins des prédateurs qui ne manqueraient pas de guetter son passage.
Comme des ados incapables de se proposer d'aller faire un tour ensemble, les deux chimpanzés attendaient que l'un fasse un mouvement pour pouvoir rebondir dessus. Elle daigna accomplir le premier pas en se servant des propos de Drago comme tremplin. Ce fut, étrangement, une culotte qui lui servit comme prise d'élan. Jaxx n'était pas dupe de son petit jeu, bien qu'il ne lui fit pas l'affront de lui signifier qu'il avait compris depuis un moment ce qu'elle attendait de lui. Le boxer joua la même partie verbale que la salariée, faisant fleurir un petit sourire malicieux sur le fil de ses lèvres.
- Je t'accompagne jusqu'à ce que tu me dises de me casser. Les filles de ton âge qui portent des culottes se font rares, je ne voudrai pas qu'un enfoiré te tire la tienne. C'est que c'est un véritable trésor, à ce niveau là !
Et quoi ? A aucun moment elle n'avait seulement nié en porter une ! Pas que Jackson en avait quelque chose à carrer, du reste. Cela n'était néanmoins pas sans l'amuser que d'imaginer cette drôle de bringue le cul emmitouflé dans une innocente culotte de coton plutôt que souligné par un string aguicheur.
Un rire taquin, gentiment moqueur. Jaxx adressa à la fille un mouvement de tête pour désigner la rue qui se déroulait juste à côté d'eau, comme s'il s'était s'agit d'une rivière de macadam dont il suffisait de remonter le cours pour retrouver son chemin. Le duo se mit en branle, d'abord sans rien dire, jusqu'à ce que Jackson ne casse le silence. Il avait dans l'idée que le chemin serait un peu plus long que ce qu'elle cherchait à faire croire et ne s'imaginait pas parcourir la ville sans échanger quelques mots avec celle qu'il escortait.
- Dans quoi tu bosses, pour avoir des horaires aussi merdiques ? Surtout dans ce trou à rats qu'est ce quartier... Je sais pas moi, demande à ton mec de se bouger le cul pour venir te chercher ?
En journée, ce n'était pas bien plus glorieux, oui. Tout de même un poil moins risqué, ce qui paraissait à Drago être un poil plus convenable quand on se trouvait être pourvue d'une poitrine et d'un vagin.
Les mains dans les poches, il marchait à côté de sa sauveuse. La regardant au fil de ses mots, il n'en restait pas moins attentif à leur environnement et ce, surtout lorsqu'ils passaient à côté de ruelle ou de grandes bennes à ordures. Les coins glauques qu'affectionnaient toutes sortes de cafards urbains, en somme.
- Au fait, fit-il distraitement. Moi, c'est Jaxx. Enfin, Jackson.
Les présentations avaient tardé à se faire ! Aucun protocole de politesse ne s'était appliqué lors de leur drôle de rencontre. Tous deux ne pouvaient pas non plus passer leur temps à se désigner par des "tu' ou des "toi", pas vrai ? Cela aiderait, estimait également le balafré, à créer une atmosphère un peu plus détendue entre eux. Une fois qu'elle aurait daigné se nommer à son tour, on pourrait raisonnablement penser que la fille accomplissait un pas tacite pour accepter réellement la proximité du loubard qui cheminait à côté d'elle.
Jaxx n'en espérait pas plus que ça.
Un peu de chaleur humaine, même à feu très doux, ça ne serait pas sans lui faire du bien.
-
« Fille de mon âge ? » C’était une attaque ? Une insulte ? Comment interpréter ? Kara cilla, paranoïaque dès qu’il s’agissait de son âge, sentant son sang s’échauffer à cette idée. Non mais, à quel moment c’était opportun de souligner son âge ? Est-ce qu’elle avait l’air jeune ? Ah, est-ce que c’était positif ? Ou au contraire, un reproche ? Et quel rapport avec sa culotte ? Oui, c’était tout de même beaucoup plus confortable que les strings, merci bien. En général, ceux qui faisaient la remarque avaient des sous-vêtements de merde, de toute façon. La jeune femme allait grogner, un peu bougon, quand elle réalisa qu’il venait surtout d’accepter de la raccompagner.
Ainsi donc, il venait de garantir qu’il s’arrêterait lorsqu’elle le lui demanderait. Ça ressemblait peu, dans son esprit, à ce qu’un pilier de comptoir comme lui aurait pu répondre… C’était tout à la fois rassurant, et perturbant. Perturbant, car Kara se demandait sincèrement quels types d’ennuis un tel mec, grand, bien gaulé, belle gueule, fort charisme, bonne tchatche, pouvait avoir pour avoir comme seule envie un soir, ivre, de se jeter sous un train. Elle imaginait déjà toutes sortes de scénarios, digne d’Hollywood, qui faisaient intervenir la mafia, des affaires louches, de la drogue, des putes, des motos…
Peut-être que c’était un petit truand, la journée il est mécanicien dans un garage qui passait du grunge, et la nuit, il vole des sacs à main de vieille dans les quartiers plus huppés ? Peut-être qu’il fait partie d’un gang de bikers !
« Ah mais non, je sors pas du bureau, là. » Elle ne peut s’empêcher un petit ricanement. « Je travaille en centre-ville, je suis euh… commerciale. Mais j’ai raccompagné une collègue chez elle, elle était beaucoup trop pompette pour que je la laisse toute seule dans ce quartier de merd… euh, dans ce quartier défavorisé. »
S’il n’habitait pas loin, autant éviter de l’insulter, ou de railler son univers. Et d’autant plus s’il était membre d’une pègre, assassin ténébreux, peut-être proxénète ! Son cerveau travaillait à cent à l’heure, alors qu’elle marchait à ses côtés, se détendant étrangement malgré ses réflexions angoissantes. Il dégageait une aura particulière, et personne ne pouvait nier à quel point il y avait une sorte de magnétisme dans sa dégaine, sa démarche chaloupée de ceux qui se fichent de tout, comme si rien n’avait d’importance. A côté de lui, les petits pas de la jeune femme, les cheveux mal coupés parce qu’elle préférait le faire elle-même plutôt qu’aller chez un professionnel qui causait trop et lui foutait des produits à la con sur le crâne, Kara avait l’air d’une naine insignifiante. Un lion sur le retour, qui marche à côté d’une petite mangouste stressée.
« J’étais sortie boire un verre. » Souligne-t-elle, pour meubler autant que parce qu’elle se sent un peu plus à l’aise à mesure que le temps passe. D’autant que le Suicidaire semble vouloir lui aussi combler le silence et éviter de marcher plusieurs kilomètres avec pour seul accompagnement, les bruits nocturnes de la ville. Jaxx… c’est bizarre comme nom, elle en sourit, et cela fait plisser ses yeux en amande. Jackson aussi, d’ailleurs, elle s’attendait à ce qu’il s’appelle… Tony, peut-être. Un prénom italien, comme les Parrains.
« Je m’appelle Kara. »
C’est beaucoup plus rassurant de connaître son prénom, et étrangement, elle ne pense pas qu’il lui mente. Le blouson, le côté très solennel avec lequel il insiste pour payer cette sorte de dette qu’il a envers elle, quelques attentions touchantes, comme ces regards aux aguets qu’elle capte de temps en temps… Le Rebelle a l’air de ne pas avoir un mauvais fond. Pas du tout, même. Non non non, Kara, doucement. Il convient de garder la tête sur les épaules.
Un raclement de gorge se fait alors entendre.
« Et euh… J’ai pas vraiment de mec, tu vois. » Gênant. Elle déteste en arriver à avouer qu’elle vit sans personne, surtout lorsque c’est un homme qui lui demande ce type de renseignement… Oui, parfois, elle ment là-dessus, dans les bars surtout, pour qu’on la laisse tranquille, mais foncièrement, Kara estime qu’avoir quelqu’un dans sa vie ne devrait pas inciter les gros lourds à se détourner d’elle -même si elle est vraiment contente que cela marche presqu’à chaque fois- comme une vieille possession idiote. Elle est bien assez indépendante pour se débrouiller toute seule, de toute façon !
« Pis, imagine, il serait venu, il voudrait te casser la gueule, là. » Son rire détend l’atmosphère autour d’eux, même si en terme de discrétion lorsqu’ils passent des ruelles moins fréquentables, on a vu mieux.
-
C'était donc un premier "sauvetage" qui avait entraîné, de fil en aiguille, celui qu'elle avait prodigué à Gueule-d'amour. A croire que ce comportement, chez elle, était une façon de vivre. Jackson ne se retrouvait pas vraiment dans cette façon de faire, sans parvenir toutefois à la dénigrer. Des gens serviables jusqu'à la bêtise (ou pétri d'une naïveté touchante complètement archaïque, selon l'homme, pour les temps modernes actuels) rendaient le monde un peu meilleur. Mine de rien, cela se vérifiait : Jaxx se rendait compte que la présence incongrue de cette étrangère avait chassé pour ce soir l'essentiel de ses idées noires.
La compagnie d'autrui lui manquait, depuis l'accident. Ses proches restants lui avaient tourné le dos, ses amis également. La chaleur féminine qui occupait de temps à autres son pieu était celle d'une pute quelconque qu'il n'avait aucun mal à ramasser au pied même de son petit immeuble miteux. Une chatte anonyme, dont il ne retirait aucun réel plaisir. Ni même un semblant de compagnie. Cette fille là, qui marchait à côté de lui avec son cuir sur le dos lui avait procuré plus de satisfaction en ne faisant strictement rien d'autre qu'exister à proximité de lui. Possédait-elle une forme de super-pouvoir social, ou Jackson était-il encore plus seul qu'il ne se le figurait jusque là ?
La réponse lui semblait en fait évidente. Il la chassa rapidement de ses pensées, n'ayant aucune envie pour le moment de gamberger de façon stérile sur son sort.
- Tu peux dire de la merde que c'est un trésor, ça n'en reste pas moins de la merde. Un haussement d'épaules. Ce quartier c'est le tiers-monde. C'est pourri, le moindre coin de rue pue la pisse et si tu éternues dans une des pièces de n'importe laquelle de ces baraques, tu fait se décoller un morceau de mur.
Inutile qu'elle prenne des gants. Jackson n'en prenait pas le moindre. La Toussaint était un trou à rats et la zone qu'ils traversaient à la lueur blafarde des rares réverbères encore fonctionnels était la pire de toutes. Aucun d'eux ne faisait plus de dix mètres sans shooter dans une canette ou un détritus quelconque. Les poubelles qu'ils dépassaient dégueulaient, puaient violemment. Les formes qui se déplaçaient ça et là semblaient toutes prêtes à leur fondre dessus comme une nuée de corbeaux sur un cadavre farci de vers. Pour dissuader les mauvaises idées qu'il sentait germer dans les rares regards qui se déposaient sur eux, Jaxx serra un peu plus le côté de Kara et poussa la chose jusqu'à lui entourer un instant les épaules d'un geste protecteur. C'était moins pour la rassurer elle que pour confirmer que cette fille là était "à lui".
Son passé de boxer semi-pro avait conféré à Jackson une petite notoriété dans le quartier. Ca, et quelques soi-disant gros durs à qui il avait fait voler quelques chicots sur le pavé. Normalement, ils seraient tranquilles un moment.
Son bras glissa d'elle pour lui rendre sa tranquillité et l'intégrité de sa sphère privée dès lors qu'il gagnèrent les premiers pâtés de maison délimitant une zone un peu plus résidentielle et mieux éclairées.
- C'est pas une tare de pas avoir de bonhomme, souligna t-il en remarquant que le sujet semblait la gêner. Tu vis comme tu veux. Et t'as la paix, pas de compte à rendre. Bon, j'imagine que ça doit être chiant pour toi dès qu'il faut porter un truc lourd, avec tes bras épais comme des pattes de poulet.
Nouvelle taquinerie, d'un ton quasiment complice cette fois. Il se sentait à l'aise, la sentait assez réceptive à sa présence. Aucun ne se considérait comme l'ami de l'autre pourtant la discussion devenait assez détendue pour procurer un certain plaisir dans l'échange. C'était, à tout le moins, le cas pour Jaxx qui parti d'un bel éclat de rire sincère à la pique amusée que Kara décrocha à son attention. Sa voix, grave et suave, la gaité lui donnait un petit charme supplémentaire.
- Je l'aurai laissé faire en guise d'excuse, t'sais ? Quoiqu'une bonne petite baston, ça ne m'aurait pas fait de mal non plus. Ca aurait eu un peu l'air de la lutte des deux mâles pour la domination de la femelle. Il réfléchit. Y'a un côté grave sexe à voir ça comme ça, non ?
Aucun appel du pied, aucun sous-entendu. Lui-même s'en étonna après coup. Jackson n'avait pas plus cherché à tendre une perche qu'à prendre la température, ni même à faire comprendre à Kara que, bordel, il avait une féroce envie de baiser. Ce n'était qu'un échange presque quelconque, que l'évocation dans la situation dans laquelle ils se trouvaient rendait étrangement douteux. Un peu pervers. Le genre de petite épice sensuel à saupoudrer pour enflammer les sens à petit feu, mais appelait moins aux corps qu'à l'imagination.
- J'étais boxer, avant. C'était sorti seul, parce que ça avait un lien indirect avec la discussion précédente. Il continua. J'ai arrêté pour... enfin, j'ai arrêté. Depuis, je vis dans cette zone. Le seul truc qui soit bien, c'est que les putes ne sont pas bien chères. M'enfin elles sont aussi à l'image de l'état du coin, alors...
Depuis l'accident et son emménagement, Jackson se contentait de zoner. La vente de l'essentiel de ses biens lui assurait un petit train de vie sans fantaisie pour au moins deux ans encore. A l'origine, le mâle avait prévu de crever bien avant de voir ses finances complètement tondues. Et puis, quand il avait constaté que la mort ne voulait pas de lui, il n'avait plus su quoi faire. Ses tentatives de suicide étaient devenues la seule distraction qui arrivaient à le tirer un peu de l'état de mort-vivant dans lequel il se complaisait.
Kara avait tout du petit rayon de soleil inattendu au cœur d'une averse sans fin.
Ce qui ne devrait durer que jusqu'aux premiers abords de son quartier.
- Si jamais un de ces soirs tu rates encore ton train, on aura qu'à aller boire un verre. Merde, est-ce qu'il l'invitait ? Il tenta de désamorcer le côté solennel. Si le mec que tu te seras trouvé d'ici là n'est pas trop menaçant, hein. Je ne voudrai pas me faire emplâtrer la gueule pour une fille qui ne porte QUE des culottes ! Avec des petits oursons dessus en plus, je suis sûr.
Merde, après tout. Lui lancer une perche, cette fois volontaire, ça n'avait rien de méchant. Ils ne faisaient que s'échanger quelques mots, n'est-ce pas ? Cette balade ne prêterait à aucune conséquence et sûrement l'auraient-ils oublié tous les deux dans une paire de jours. En essayant de se convaincre de cela, Jaxx réalisait que la perspective le faisait chier. Il n'ajouta rien, ne sachant pas trop s'il espérait que Kara réponde par l'affirmative ou, au contraire, ne l'envoie chier poliment.
Sûrement serait-il rapidement fixé.
-
La description de son quartier était, assurée, sévère, mais juste. Kara ne s’était pas risquée à le contredire, ou à confirmer ses dires, en réalité, elle n’avait de ce quartier que des apriori, négatifs en plus, alors autant laisser seul juge celui qui y créchait. A vrai dire, c’est moins la qualification des lieux que ce bras qui passe sur son épaule qui focalise toutes ses pensées. Une sorte de petite cloche sonne le tocsin dans sa caboche, lui faisant écarquiller un peu les yeux, mais n’osant absolument pas faire une remarque là-dessus. Si, lui, n’en mentionne pas l’existence, Kara se dit que ça doit être anodin… Ou alors un très mauvais plan drague ? Et pourtant, rien dans l’attitude de Jaxx ne laisse penser qu’il a l’air intéressé. Ne pigeant pas particulièrement la stratégie là-dessous, elle enfonce légèrement sa tête dans ses épaules, comme pour se faire encore plus petite.
Bon, d’accord, il y a un côté assez sympa de l’avoir un peu plus près, ce bras musclé, de plus près, a l’air vraiment fort… Elle tourne juste les yeux à peine, pour confirmer ses pensées. Ah oui. Oui, ça semble bien musclé. Elle déglutit, continuant de marcher, et, merci mon dieu, il la relâche, et il change de sujet.
« Ouais, mais… » Mais quoi ? Il a beau rôle de dire qu’on peut très bien vivre sans homme, lui n’a aucun souci pour ouvrir les bocaux de cornichons… Elle éclate de rire à sa petite pique, en se penchant légèrement en avant. Ah, voilà, on y est ! « Ah ah, super drôle, je sais même pas si c’est une blague sexiste ou juste nulle. Ou les deux… » Son visage de petite souris se tourne un peu, ses yeux se plissent avec un air de remontrance, mais elle est hilare et pire, son regard pétille de malice. Après un instant où elle ricane, tentée de lui tendre son majeur comme elle l’aurait fait avec un de ses collègues, puisqu’ils passaient leur temps à se foutre d’elle, Kara lui tire simplement la langue de manière vraiment très mâture.
C’est assez étrange, mais depuis qu’ils marchent ensemble, le courant passe beaucoup mieux. Elle se sent à l’aise, en plus bien sûr d’avoir l’impression d’être en sécurité. Pas très dur, quand on ne se balade pas toute seule, en tailleur et talons, en pleine nuit… Mais, et même si elle ne connaît finalement rien de ce Jaxx, Kara estime qu’elle a très bien fait de ne pas le laisser sauter sur les rails. Un sujet qui lui tord l’estomac, d’ailleurs, à chaque fois qu’elle y pense, mais n’ose absolument pas aborder le sujet… Le voir rire donnait à son visage un éclat particulier, et même si elle ne pouvait nier l’avoir trouvé séduisant lorsqu’il tirait la gueule, au moment où il avait souri, Jackson s’était métamorphosé aux yeux de la jeune femme.
Il fanfaronne alors, expliquant qu’il aurait sans doute laissé son éventuel petit ami se battre avec lui, en compensation. Compensation de quoi ? C’était tellement macho comme réplique, elle leva les yeux au ciel en gloussant un peu, puisqu’évidemment, l’image évoquée à la fin de sa phrase lui avait amené immédiatement une rêverie sympa. A son tour de l’accompagner en riant, même si quelque chose désapprouvait, en elle, ce machisme idiot.
« Grave ! Mater deux coqs tout gonflé de testostérone sans avoir le choix, attendre de savoir lequel gagne le concours de biscotos, franchement… Qui n’en rêve pas ? »
En réalité, au-delà de l’image animale loin du féminisme qu’elle arborait, Kara trouvait cependant cette scène fantasmée assez attirante. Dans l’imaginaire des petites filles, les chevaliers se battent pour la princesse… Et même à l’âge adulte, il était difficile de se défaire de cet idéal viril… Enfin, dans le cas de Kara, sans doute aurait-elle était bien plus attendrie par le perdant que le gagnant du duel ! M’enfin, pas de fiancé pour réparer son honneur et protéger sa vertu, juste un loubard aux cheveux longs qui sentait le Jack Daniels, jusqu’à chez elle. On avait vu meilleur début de film, mais… Bah on avait ce qu’on pouvait.
Un léger silence retombant après leurs éclats hilares, le son de leurs pas résonne autour d’eux, alors qu’enfin ils ont l’air de quitter le quartier le plus craignos de la ville, non sans soulagement. On le voit aux déchets qui jonchent moins le trottoir, aux espaces verts un tout petit plus présents, aux tag moins évocateurs sur les murs…
La révélation, surtout le ton que Jackson emploie, la terrasse un peu. Ca sonne comme très personnel, d’un coup, une confidence qu’elle n’est pas sûre d’être digne d’accueillir. Baissant les yeux, un peu mal à l’aise de ce que sous-entend ses silences entre les mots, ou lorsqu’il bute sur certains autres, la jeune femme ponctue d’un très léger « oh » étouffé, et sincèrement touchée par cet aveu. Mais il balaye tout ça en parlant de prostituées, la faisant légèrement tiquer. Oui, ma fille, tu croyais quoi ? C’est un mec à putes, ça crève les yeux. Kara pince les lèvres et hoche la tête, lentement, un peu penaude même. Elle sait qu’elle devrait répondre, dire quelque chose, n’importe quoi… Et tout ce qui lui vient, c’est le sarcasme, son arme secrète pour éviter les sujets sensibles.
« Ah bah, dans ce cas, t’aurais aligné fastoche mon mec imaginaire, alors… »
Mais immédiatement, elle regrette d’être aussi nulle. Il attendait peut-être un peu d’empathie ? Se raclant la gorge en continuant de marcher, la proposition qui suit la force, cependant, à s’immobiliser d’un coup.
Un quoi ? Un rencard ? Vraiment ?
Elle regarde son dos, sa dégaine avec les mains dans les poches, nonchalant. Il vient vraiment de lui proposer d’aller boire un verre, tous les deux ? C’est un genre de date ? Ou pas ? Est-ce qu’il est sérieux ?
For heureusement, il continue de parler et à son ton plus enjoué, Kara se déride un peu, plus choquée qu’autre chose à cette proposition incongrue, et plutôt inespérée, en fait. Un petit sourire nait sur ses lèvres, son visage prenant alors une expression taquine, pour accompagner ses mots.
« Des lapins. » Gronde-elle.
« C’est des lapins, pas des oursons. Et y a des types qui adorent ça, je te signale. Pleins. T’imagine même pas. Mais c'est sûr que tu dois pas en voir beaucoup sur ces nanas que tu fréquentes... »
Pour noyer le poisson, elle fronce le nez et fait une petite moue comme pour lui tirer à nouveau la langue, de défi. A vrai dire, quand elle a rencard, elle fait un effort, monsieur je-sais-tout, mais son petit égo en a pris un coup… Pourtant. Ça lui plait. Une petite voix lui ordonne de l’envoyer chier. Et très honnêtement, est-ce qu’elle avait besoin dans sa vie de s’enticher d’un bad boy, qui vit dans une zone miteuse, qui a visiblement des casseroles au cul, qui a paumé son rasoir et dont le coiffeur est en taule, alcoolique, suicidaire ? Un ancien boxer, musclé, aux yeux magnétiques, drôle, charmant, gentil, protecteu…. Stop ! On cherchait des défauts.
« D’accord. »
Hein ? « D’accord, ouais, allons boire un verre ensemble. » Ah, ok, on avait dit oui alors. Etrangement, comme quand on craque pour prendre un énorme gâteau au chocolat plutôt qu’une salade au restaurant, en sachant qu’on va sans doute le regretter, mais qu’il est vraiment trop tentant, Kara se sentait un peu euphorique d’avoir accepté. Une sorte de petit picotement dans le ventre. Comme quand elle achetait un jeu de sa licence préférée, alors que tous les sites de tests disaient qu'il était buggué...
« Ce qui veut dire que tu vas pas faire d’autre connerie, d’ici-là, hein ? » Malicieuse, elle planta ses deux petites billes brillantes et bleues dans l’argent de ses yeux, levant le visage pour le fixer, très sérieuse, et visiblement ravie de l’avoir acculé.
-
En plus de sa sympathie et de son ouverture, Kara avait même le bon goût d'apprécier l'humour au ras des pâquerettes de Jaxx. S'il ne pouvait pas s'en apercevoir lui-même, la réponse de la jeune femme à sa saillie machiste beaucoup trop facile à placer l'avait énormément égayé. Ses traits normalement si durs et sévères s'étaient naturellement assouplis tandis que Kara lui répondait tout en riant, faussement boudeuse. L'armure pourtant épaisse de Jackson se fendillait, là, au fil des mètres avalés en compagnie d'une parfaite inconnue. Le fait de la raccompagner jusqu'à chez elle qui aurait dû être une purge interminable pour tous les deux se muait en sortie agréable, si bien qu'ils traversaient déjà le second quartier de leur périple nocturne sans même le réaliser. Le malabar accuse la surprise en voyant sa partenaire lui tirer la langue et, une fois l'étonnement passé, lui adresse un rire nasal tout à fait amusé. La manie lui plaisait pour son naturel proprement désarmant.
Autour d'eux, depuis quelques minutes, les immeubles miteux aux façades démontés par le manque d'entretien et la malveillance ont laissé naturellement la place à des maisonnettes presque toutes identiques, munies d'un jardin que les deux vagabonds du soir ne remarquent même pas. Leurs pas les entraînent sur des trottoirs déjà un peu plus propres le long desquels s'alignent les voitures classiques et familiales des honnêtes familles ouvrières. Sur les capots se peint le passage de leurs silhouettes associées dès qu'ils les dépassent et les reflets dans les vitres font remarquer discrètement que Kara et Jackson s'échangent à présent beaucoup plus de regards. En pleine face quand ils parlent, de biais quand ils scrutent les réactions de l'autre, discrets quand leur curiosité les poussent à détailler l'autre pour s'imaginer comment peindre le corps qu'ils ne connaissent pas.
Ce n'est pas un réel jeu de séduction, c'est vrai. Ils n'en restent pas moins des adultes torturés par le désir qu'ils sentent, lui autant qu'elle vraisemblablement, picoter leurs entrailles. Jaxx essaie de se figurer le galbe des seins de Kara, le renflement de ses fesses à chaque mouvement de ses jambes dont il tente de deviner le fuselage. Et soudain, un peu confusément, il réalise qu'il y a une chose qu'il guette encore plus que le reste.
Son sourire.
Bon Dieu, il adore son sourire.
L'idée qu'on se batte pour elle la fait fantasmer autant qu'elle l'amuse. L'aurait-il fait ? Sûrement, oui. Jackson s'était bastonné pour bien moins que ça par le passé. Dans sa jeunesse, plus d'une fois pour corriger le mec d'une fille qui lui plaisait. Peut-être bien que si un homme avait débarqué à cet instant pour emmener Kara, il se serait battu encore une fois.
Il n'avait pas envie qu'on lui vole la fille. Ou seulement le moment agréable qu'il passait. Merde, il n'en savait rien et était incapable de se décider, se trouvant satisfait qu'aucun Jules ne risques (au moins pour ce soir) de venir lui ravir la salary-girl coincée sous son perfecto.
Bien que Kara ne réagisse pas à la vague confidence de Jackson, celui-çi n'en fait pas grand-cas. Il avait ressenti le besoin de dire à cette fille qui trimait comme une abrutie pour gagner sa croûte qu'il n'était pas -n'avait pas toujours été, plutôt- le branleur alcoolique et suicidaire qu'elle avait rencontré. Pourquoi est-ce qu'il avait ressenti ce besoin de ce justifier, ça...
C'est elle qui laisse passer l'ange entre eux et chasse le silence par un trait sarcastique qui ramène vite leur discussion amicale à la vie et Jaxx l'en remercie d'un énième petit rire assorti d'un haussement d'épaules comme pour lui signifier que, peut-être, le mec imaginaire aurait eu ses chances malgré tout. C'est après ça que part sa proposition d'aller un jour boire un verre et la réponse que la tirade entraîne.
Kara se trouve à présent assez à l'aise pour le tâcler ouvertement. Excellent point !
- Tu sais ce qu'on dit sur les lapins, hein ? Foutre ça sur ta culotte, pardon, mais c'est un signal. Sans compter tout ce que ça amène comme parallèle sur les carottes...
Un nouvel éclat de rire tonne, mêlé à la langue tirée. Sa voix se répercute sur la devanture de la boulangerie devant laquelle ils passaient à ce moment précis. Une véritable image d'Epinal d'un jeune couple en goguette et, si quelqu'un les avaient croisés à cet instant où ils se trouvaient aussi complices, il n'aurait pas eu à douter que les deux larrons se connaissaient depuis toujours.
Eeeeeeet... ELLE ACCEPTE ! Dans les tribunes imaginaires placées dans la tête de Jackson, d'où on mate la rencontre sur écran géant, c'est l'explosion de joie. Le point décisif de la partie a été marqué et c'est le début d'une ola débridée. On jete les seaux de pop-corn en l'air, on se prend dans les bras avant de revenir au match, qui n'est pas encore terminé pour autant. Pour ça, pour se déclarer vainqueur de cette première manche, il faudrait au moins récupérer un numéro de téléphone.
Si jusque là la défense adverse formait un mur compact, les échanges l'ont assez ouvert pour que l'attaque de la team Drago tente une nouvelle action. Voilà que son attaquant dribble et récupère la balle que Kara a placé dans le jeu.
- Pas de conneries ? Hm. Je ne peux pas promettre. Mais bon, si tu veux t'assurer que tout va bien jusqu'à qu'on aille boire ce verre, tu peux toujours prendre des nouvelles par téléphone.
Son regard s'est fixé dans le sien. Il brille d'un feu étrange, entre espoir et inquiétude. Elle pourrait balayer poliment ses avances et Jaxx en est conscient. C'est un pas de géant qu'il l'invite à faire à présent et ceux, pour tous les deux. Il pourrait bien tenter de se flinguer encore cent fois d'ici à ce qu'elle accepte de sortir un nouveau soir -une vraie sortie. Kara n'en saurait rien. Toutefois, l'ancien boxer noue une promesse avec lui-même, comme si ça pouvait influencer la décision qu'il attend que sa sauveuse prenne. Si ils se mettent à échanger ne serait-ce qu'un putain de SMS juste poli, il ne fera plus aucune tentative jusqu'à ce fameux verre. Deal !
Le quartier résidentiel traversé, les voilà au bord d'une avenue. Alors que le trafic est calme, Jackson prend Kara par la taille et la fait traverser d'un pas pressé tandis qu'un bolide passe derrière eux, klaxonnant comme un dératé. Sur le trottoir, Jaxx le gratifie d'un superbe doigt d'honneur alors que la bagnole s'éloigne dans la nuit. Ses phares arrières disparaissent au loin et le duo reprend sa route jusqu'à la fin de plus en plus proche de ce bien étrange moment partagé.
Autant ne pas y penser pour le moment.
Autour d'eux, le quartier commerçant n'est plus animé que par les néons coloré. Les magasins sont fermés, les restaurants aussi. Il y a toutefois plus de passage autour d'eux. Des groupes d'amis, des couples qui se hâtent. Plus autant de menace et un décor qui les plonge dans une forme de bulle un peu plus sécuritaire. Ce n'est pas pour autant que Jackson cherche à s'écarter de Kara. D'ailleurs, est-ce qu'il se trompe où est-ce qu'ils sont bien coude-à-coude depuis un moment ? La working-girl ne lui donne pas l'impression d'être gênée par la proximité. Ni même de se trouver intimidée face à lui.
- J'aurai pu te ramener en moto, je suis sûr. Ce n'est que partie remise, t'en dis quoi ?
Marchant dans les pas indiqués par Kara, Jackson ne fait que la suivre. Il ignore où elle habite, après tout. Mais, franchement, si elle lui disait habiter même dans la ville voisine, ça n'aurait pas d'importance. Tant qu'il pouvait grappiller un peu plus de temps, comme ça... non, la distance n'aurait aucune espèce d'importance, tant qu'elle était faite avec elle.
-
Oui, elle savait très bien ce qu’on disait sur les lapins, mais avait choisi, sciemment, de ne pas relancer, ne pas remettre une pièce dans le jukebox, d’autant que ça allait amener sur des blagues lourdes… C’est sûr qu’en temps normal, Kara ne les fuyait pas, au contraire, elle en était familière, notamment dans son service avec ces collègues, jamais avare d’un bon mot potache, d’une allusion sexuelle, d’un double sens à connotation, d’un second voire d’un troisième degré… Mais sans savoir vraiment pourquoi, le fait qu’il ait, sans doute, voulu l’agacer, la taquiner, se moquer de ses culottes avait tout de même touché un brin son égo. C’est vrai, c’était confortable, et puis ben… ah, et puis merde !
Heureusement qu’elle avait eu à se concentrer sur sa réponse à cette proposition de rencard. Kara se demandait encore si elle avait bien fait, incapable de savoir si elle assumerait cette décision, si elle ne tombait pas directement dans un piège de truand. Peut-être qu’il avait tout calculé depuis le début, et qu’il fait le coup à toutes les filles qui rentraient tard le soir ? Après tout, avec son minois, sa dégaine à faire frémir autant les minettes que leurs papas, son passé de boxer, l’espèce de ténébreux mélancolique qui veut en finir avec la vie, c’est un combo que beaucoup de femmes pourraient trouver charmant. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle tombe sur des gens peu recommandables, ou bizarres, au moins dysfonctionnels ? Elle fréquentait au bureau des hommes bien, en costume, avec une cravate et un attaché-case, des chaussures cirées, des qui lisent le journal le matin et qui rêvent d’acheter un monospace pour toute leur gentille famille. Pourquoi, ça, ce n’était son rêve à elle aussi ?
Et puis, sans doute, elle avait ce symptôme classique chez pleins de gens, inconscient, enfouis, celui qui prétendait pouvoir changer les autres, arranger quand même les choses, ou du moins, essayer. Sans même s’en rendre compte, Kara était intéressée par ce qu’il avait révélé, au compte-goutte, de son passé, et tentait de réfléchir aux raisons qui pourraient pousser un grand baraqué comme lui à se jeter tête la première contre une locomotive, comme ça, un soir banal, devant des gens en plus. Est-ce qu’il cherchait un public ? Dans tous les cas, elle pensait avoir un levier pour peut-être l’empêcher de réitérer ses bêtises… Sans doute de manière très naïve, Kara espérait qu’il était assez sincère, du moins, en accord avec les impressions qu’elle avait de ce bandit aux yeux clairs, pour réellement l’inviter à sortir et tenir une sorte de promesse… Pas de TS jusqu’à ce qu’ils se voient. Jaxx semblait avoir bien percuté, mais ne promettait pas… et le regard qu’il avait ancré dans le sien la déstabilisa légèrement ; en retenant un frisson, elle se racla la gorge pour faire bonne figure.
« Par téléphone ? » Bonne idée, elle hochait la tête en réalisant que c’était une manière détournée de lui demander son numéro. Trois réactions possibles. L’envoyer paître, rougir, rire.
L’éclat de sa voix s’éleva de sa gorge en découvrant ses dents et faisant plisser ses yeux, résonnant autour d’eux, se rompant dans les haies de plus en plus entretenues des jardins. Pour s’en tirer honorablement, Kara utilise le sarcasme, cela a toujours été, et ça la sort de certaines situations gênantes… Ca lui évite d’avoir à se concentrer sur ses pommettes qui risques de se colorer, ce qui ce verrait de mieux en mieux à mesure qu’ils entrent dans le quartier plus vivant, du moins, bien plus éclairés, avec les grandes façades illuminées, les écrans, les publicités qui fonctionnent H24…
« Hé mais… ha ha … Tu sais que t’as l’air de me draguer, là ? » D’un ton malicieux, complice même, elle veut enchaîner mais voici qu’il l’enlace… non, d’accord, il passe juste vite fait sa main dans son dos, pour traverser. Black-out total, son corps se raidit d’un coup, alors qu’elle tente de se convaincre que tout est normal, mais une chose est sûre, elle a ravalé sa petite note d’humour assuré. D’un coup.
En revanche, elle sursaute en entendant la voiture qui manque de les faucher, trop perdue dans des pensées rendues floues par ce simple contact -pathétique- et alors qu’elle perçoit le mouvement du Motard Suicidaire, elle, réagit aussi quart de tour.
« Hé ! CONNARD ! Viens-là, gros lâche ! »
Un peu interdite, l’interlude motorisé aura eu l’avantage de faire passer le malaise qu’elle ressentait, trop perturbée par la proximité de plus en plus flagrante de Jackson, au point qu’elle se demande si leurs épaules ne se touchent pas, de temps en temps. Sans doute le fruit du hasard. En tout cas, Kara s’en persuade, avant de réaliser qu’elle n’a pas vraiment répondu à cette demande de téléphone… Qu’avait-elle à perdre à lui filer son numéro ? Au pire, elle pourrait le bloquer, si finalement il s’avérait être un gros lourd, ou la harceler. Et puis, c’était tout de même plus pratique pour s’organiser, savoir comment elle allait le retrouver plus tard, pour ce rencard. Non, juste un verre, ça compte comme un rencard ?
« Donne ta main. » Dans la poche de sa veste, Kara extirpe un vieux stylo avec une encre idiote, violette, ou plutôt parme, comme la réclame le vante si bien. Il sent même le lilas, une fantaisie immature pour signer les bons de livraison… Arrachant le bouchon avec les dents, elle se saisit de la main du Bad Boy, et écrit comme elle peut son numéro de téléphone sur sa paume. Evidemment, l’encre ne sèche pas, elle garde précieusement ses doigts pour elle, souffle en fronçant les sourcils, avant de se rendre compte que l’incongruité de son geste.
En pinçant les lèvres, elle le lâche derechef, en déglutissant. Et avec un petit haussement d’épaule faussement désintéressé, fait une moue un peu disgracieuse.
« Voilà, bah. Secoue ta main, ça va sécher. » Avant de vite ajouter, au cas-où. « C’est mon numéro. »
Pour se donner du courage, consciente qu’elle commence à avoir des comportements bizarres, du moins irrationnels à mesure qu’il lui semble perdre l’avantage sur ce qui était raisonnable de faire, ou de penser, la jeune femme ricane un peu, sautille au-dessus une bordure de trottoir, et accueille avec reconnaissance ce changement de sujet que Jaxx propose. Ce n’est plus du tout un manque de confiance, ni même de la méfiance, qui la rend mal à l’aise, et Kara fait un gros effort pour chasser de son esprit quelques désagréables pensées.
« J’vais pas faire de la moto dans cette tenue… Remarque, foutu pour foutu, mes collants ont déjà rendu l’âme. » Son nez se fronce, tournant le visage vers son accompagnateur nocturne, guidant un peu davantage les directions à prendre, de manière tacite. « On n’a qu’à dire que tu viendras me chercher à moto, quand on ira… » oui ? « Bah, quand on ira se prendre une bière à un moment. »
Son appartement ne se trouvait pas encore dans ce quartier, trop cher pour sa petite bourse, à vrai dire. Même si la vie dans les rues commerçantes l’attirait, et surtout cette rue merveilleuse où se trouvaient tous les magasins de jeux vidéo, et de produits high-techs. Habiter à côté voudrait dire y passer ses soirées, et la ruine était assurée… Ses yeux s’attardèrent sur l’angle qui menait à cette allée de perdition pour elle, avant de se concentrer de nouveau sur l’aura que dégageait Jackson. Sa démarche faisait la part belle aux mouvements d’épaules, il avait vraiment l’air baraqué… Pourquoi un beau garçon comme lui voulait en finir ? C’était un peu gâché…
« T’as une idée de l’endroit où tu vas m’emmener ? Pas dans les endroits où tu vas pour te faire sauter, hein ! »
-
La draguer, qu'elle avait dit. Est-ce qu'il le faisait ? Jaxx n'en savait pas grand-chose mais devait bien admettre que ça y ressemblait. Pourtant il lui semblait n'avoir aucune espèce d'intérêt à éveiller celui de Kara. Célibataires tous les deux, sexuellement disponibles, leur nécessité à partager aurait dû se limiter à quelques baises saupoudrées de politesse de circonstances parce que le courant passait bien. Du cul pour le cul, mais pas tout à fait. Et là, de ce Jaxx semblait voir émerger, l'un des deux aurait apporté les croissants à l'autre au réveil et la levrette-café aurait eu un petit goût de tendresse diluée dans l'arabica.
Tout ce qui pouvait mettre les indicateurs d'avertissement au rouge donc, avec en plus la sirène et les lumières clignotantes.
Jaxx s'était convaincu, à la suite de l'accident et du vague deuil qu'il avait entreprit selon sa manière, que les femmes ne représentaient plus pour lui que de la bidoche. Non pas que le boxer les détestait pour autant. C'était simplement plus simple de faire les choses ainsi, pour s'éviter des émotions que son instabilité pouvaient rendre incontrôlables. Comme si une pointe d'attachement aurait être l'allumette craquée dans une pièce baignée de gaz. Réduire les nanas à leurs attributs sexuels primaires, les ramener à un état de barbaque à consommer, c'était donc une considération raisonnable pour éviter l'explosion. On avait pas idée de s'intéresser au foutu gigot du dimanche, n'est-ce pas ?
Dans cette optique, Kara n'aurait dû être que la viande dans laquelle il aurait enfilé la sienne. Simple, efficace. Du lâcher-prise animal, étouffé comme sa petite gueule engouffrée dans le moelleux de l'oreiller pendant qu'il la pilonnait. Alors pourquoi, BORDEL DE MERDE, avait-il cette étrange satisfaction à la voir sourire, la voir s'ouvrir alors que la confiance fleurissait petit-à-petit dans sa gestuelle et sa conversation ?
Le micro-évènement de l'accident évité lui coupa toute réflexion. Ouf. Le système trouvait là une soupape, bien qu'il s'amusa de voir gueuler Kara au cul du chauffard, poing brandit et volonté de le lui foutre sur la gueule bien imprimée sur le visage. Etrangement, Jackson ne doutait pas qu'elle l'aurait bel et bien fait si le type avait eu l'idée de freiner pour venir imposer son point de vue. Ca aussi, ça n'était pas sans lui plaire.
Merde. Dans son esprit, il avait lâché le mot.
Elle lui plaisait.
BORDEL.
DE.
MERDE.
Intérieurement interloqué d'avoir baissé sa garde à ce point, Drago tendit sa main à Kara. Un mouvement automatique, qu'il regretta presque. Si elle lui avait refusé l'information, la transmission du numéro... il aurait été un peu soulagé. Fin des tergiversations, merci bonsoir et va te faire tringler ailleurs.
Pourtant, en secouant la main provisoirement tatouée de pourpre clair, Jaxx se retrouva à réaliser qu'il venait de remporter une nouvelle petite victoire que les spectateurs placés dans ses gradins imaginaires saluaient par une nouvelle exultation de joie. A ce stade là, un paquet de connards en était à déferler sur le terrain et le service de sécurité ne se trouvait plus en mesure de juguler la marée. La sirène d'alarme avait beau beugler jusqu'à s'en péter les haut-parleurs, personne n'avait plus envie de l'écouter.
- On fait comme ça. La moto dans le soleil couchant avant de prendre la bière en se racontant des bonnes grosses blagues de cul et de parler de mécanique. Il feignit de marquer un doute. C'est le genre de programme que tu veux, hein ? Je peux rajouter un coup de garage sale et une giclée d'huile aussi, t'sais. Pour le folklore. Pendant le coup de la panne, tu vois. Je ferai semblant de tripoter le moteur avant d'aller mettre les mains dans le tien.
Moins d'une heure en arrière, ce genre de tirade aurait poussé Kara à détaler, il le savait. Ce genre de mot l'aurait clouée sur place et toute tentative de dialogue entre eux s'en serait trouvée rompue. Peut-être même aurait-elle choisi de traverser la Toussaint seule, considérant qu'elle s'y trouverait plus en sécurité qu'à proximité de ce type là. Maintenant, tandis que leurs pas les faisaient évoluer devant les devantures des bars fermés et des boutiques dont les devantures sombres laissaient deviner leur contenu bariolé, Jaxx était quasiment persuadé qu'elle allait en rire.
Oui, c'était certain.
Les deux paumés semblaient s'attirer comme des aimants. Toujours plus proches. Leurs traits respectifs s'assouplissaient, l'armure fermée qu'ils représentaient se fendillant à mesure que la trajectoire des deux satellites en perdition se mettaient à coincider. Ils déambulaient là, découpés dans la nuit par les halos colorés projetés par les néons. Les ombres que Kara et Jaxx laissaient derrière eux s'enlaçaient parfois. A vagabonder ainsi, presques collés, Jackson avait la nette impression de protéger Kara. C'était stupide.
Elle lui plaisait pour sa faiblesse.
Bien entendu, elles étaient toutes plus faibles que lui. Toujours. Mais Kara ne minaudait pas, Kara ne cherchait pas à se ratatiner pour flatter l'égo du mâle afin qu'il prenne soin d'elle. Elle jouait simplement son rôle au naturel. Cela le rendait fort lui, mais sapait paradoxalement toutes les défenses qu'il avait péniblement érigées après la perte de Trisha. D'une certaine façon, il en voulait à la working-girl pour ça. Le genre de chose qui amènerait de délicieuses représailles si le duo arrivait à casser la distance pour se tomber dans les bras, entre les cuisses.
Une bonne colère à évacuer par le truchement des coups de bassins.
- Alors, hein. Tu apprendras qu'il y a de très bons bars à putes et qu'on peut y aller pour l'ambiance. En fait tu y vas surtout pour l'ambiance, parce que les putes... Ben, disons que si les prix sont bas c'est parce que les articles sont pas mal esquintés.
Il n'avait pas dit ça cruellement. Ces filles là avaient été abîmées par la vie. Fort. De la porcelaine propulsée contre de la brique bien solide. Parfois, bourrées, les tapins racontaient leurs histoires en divaguant. En pleurant, aussi. Et la plupart avaient vécu une existence si merdique que Jaxx n'aurait pas osé la proposer en scénario, s'il avait eu un petit talent pour la rédaction.
D'une certaine façon, Jackson avait de l'affection pour elles. Ca ne l'empêchait pas de les baiser pour autant. L'alcool, ça noyait aussi les remords.
Enfin. Ce n'était pas autant qu'il fallait y traîner Kara non plus. Sûrement n'aura-t-elle pas embrassé comme lui la mélancolie crasseuse de ces petits bouges souvent décorés de bricoles issues de décennies passées, dont la musique traînante dégueulait d'une vieille stéréo plus poncée parfois que certaines gonzesses qui tenaient le zinc dans l'attente du chaland.
- Je connais un pub, enchaîna t'il alors qu'ils viraient à un carrefour, passant devant une boutique de lingerie. J'y allais après mes matchs. La bière est pas chère et ils servent des tacos à te foutre les papilles en érection.
Son repaire, à l'époque. Jamais remis les pieds depuis Trisha, depuis l'accident. La honte d'avoir tout perdu. Mais, quitte à aller boire un verre avec une nana qu'il n'envisageait sérieusement de baiser qu'à l'issue d'une soirée honnêtement structurée, Jackson se disait qu'un lieu où il se sentirait à l'aise était nécéssaire. Et puis, si Kara décidait de se casser après la bière, elle pourrait rentrer en sécurité. Sûrement même s'y trouverait-il bien un type très bien, le genre athlète à la con en jeans basket et t-shirt volé à son petit frère pour se mouler les pecs qui se proposerait de jouer les chevaliers-servants.
Jaxx jeta un oeil sur l'encre sèche qui s'étalait sur sa main. Il attrapa son portable, véritable relique de l'ère des débuts du smartphone et composa le numéro de Kara pour la faire bipper. Ceci fait, le boitier de plastique retrouva la poche arrière de son futal. Le quartier commerçant était à présent derrière eux et le duo s'avançait sur une petite avenue tranquille, sur les trottoirs de laquelles s'alignaient des petits logements et parfois de modeste pavillons. Le genre de coin où il avait habité par le passé. Peut-être bien à une ou deux rues de leur positon à ce moment là, songea t-il en s'adressant à Kara.
- Vu que tu bosses, tu choisiras quand on ira. Moi, j'ai tout mon temps. Tu m'envoies un message et je passerai te prendre où tu veux.
"C'est toi qui a les rênes, ma poule. Tu peux ne jamais appeler. Ca serait même mieux pour nous deux". Le message avait cette saveur. Kara en aurait conscience, sentit-il confusément. C'était le dernier panneau que Drago pouvait mettre avant le prochain rendez-vous. Un VRAI rendez vous. Calculé, choisi en conscience. A bien y penser, c'était un comportement de lâche que de laisser la responsabilité de ça à Kara, non ? Ouais... ouais. C'était lui refiler la patate chaude et les conséquences qui iraient avec. Il fallait corriger un peu la trajectoire, pour adoucir le fardeau honteusement refourgué.
- Mardi, ça serait pas mal, fit-il enfin. Y'a toujours un groupe d'amateurs ou deux qui viennent pour se faire quelques billets, tu vois. Comme ça on pourra avoir un truc pour combler les blancs gênants quand tu feras tomber ta culotte de rechange de ton sac. Je te promets, je dirai rien sur le motif. 'fin, je le dirai pas trop fort. Respect, quoi.
Un sourire.
Il réalisa trop tard que c'était le genre complice, carrément chaleureux. Il avait hâte d'être à ce putain de mardi et ça se lisait carrément sur sa gueule.
Pour chasser sa gêne de s'être abandonné comme ça, Jaxx réajusta sa crinière grasse dans un mouvement de main vague qui ramassa ses cheveux en arrière, accordant à Kara le luxe de voir son biceps se contracter, de voir jouer le pectoral sollicité sous le tissu pas assez lâche. Il essaya tant bien que mal de se composer un masque de neutralité quand il revient à sa partenaire de galère.
- Allez, courage, t'es bientôt débarrassée de moi.
C'était vrai.
Normal.
Pourquoi ça l'emmerdait, alors ? Connasse en culotte à lapin. Ah... si elle n'avait pu être que cela, finalement.
-
C’était de plus en plus cliché. Chaque nouveau pas à l’unisson les faisait avancer dans une atmosphère plus complice et la tension paraissait fluctuer, parfois, laissant de temps à autre une sorte d’ange passer, tendu, incertain, mais fatalement agréable. Kara avait fait beaucoup d’erreurs dans sa vie amoureuse, en choisissant systématiquement les hommes à ne pas fréquenter, ceux qui étaient mariés, ceux qui étaient trop potes, ceux qui étaient manipulateurs… Elle s’abandonnait parfois, rarement en vérité, dans le jean d’un type croisé dans un club, après s’être assurée d’avoir suffisamment bu pour ne pas réfléchir davantage et comptait sur les effets de l’alcool pour réussir à s’esquiver ensuite, sans avoir ni remord, ni regret. Et si possible, sans avoir besoin de lui demander son prénom.
Finalement, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas connu cette sorte de tension bizarre. Parce que, oui, Kara ressentait les étranges regards qu’ils s’échangeaient parfois, et pire, elle les cherchait de plus en plus, et vraiment pire, se disait qu’elle les provoquerait bien… Que ce soient les petites répliques qu’ils s’envoyaient, pour se tester, et cette impression de devoir tout de même se montrer parfois plus sérieux, pour rassurer l’autre.
Elle lève encore les yeux vers son visage, mais évidemment il se montre grossier lorsqu’il évoque le futur programme de leur euh… soirée ? rencard ? Est-ce qu’on est censé parler de giclée d’huile et de tripoter son moteur lors d’un rendez-vous ? C’est vrai qu’elle avait éclaté de rire, nerveusement, par réflexe, mais une partie d’elle, surement la plus raisonnable, s’était demandé si c’était bien prudent d’aller à une soirée avec un homme qui, d’entrée, annonçait aussi bien la couleur ?
Si c’était pour se faire un Biker, pourquoi attendre plus tard ? C’était assez illogique, Kara en avait conscience et pire, se trouvait un peu troublée par tout cela, incapable de faire de l’ordre dans son esprit… Lorsque Jaxx lançait une réplique grasse, en ricanant, la jeune femme se sentait proche de lui, avait presqu’envie de lui taper dans le dos en lui faisant remarqué qu’il était vraiment trop con, comme deux potes, et comme si elle le connaissait depuis plus longtemps que… quelques heures, à tout casser.
Et il en remettait une couche en évoquant les bars où il devait sans doute se payer des prostituées. Est-ce qu’il faisait encore sorte de cocher toutes les cases d’une sorte de bingo pour qu’elle refuse finalement de sortir avec lui ? Elle lui accorda une grimace des plus évocatrices, et fronça même carrément les sourcils à la fin de la phrase.
« Sérieusement ? Tu devrais être plus respectueux avec celles qui doivent se taper des sales types dans ton genre, et pour pas grand-chose en plus. »
Sans pouvoir se l’expliquer, Kara se sentait mal à l’aise en se disant que ce mec, là, à côté d’elle, qui l’attendrissait un peu, qui l’attirait physiquement assez clairement, était un client régulier de travailleuses du sexe. Quel intérêt de lui proposer un verre ? Il voulait peut-être changer des putes ? Un frisson lui secoua l’échine, et la jeune femme rentra un peu sa tête dans ses épaules, plus sombre. Mais en réalité, comme soufflé d’un coup, ce petit nuage disparut dès que le timbre de cette voix grave reprit, Jackson lui sembla cette fois plus sérieux, moins fanfaron… Du moins au début.
« Un pub ? Cool. » Commença Kara, avant de ciller longuement, ralentissant sans s’en rendre compte, le temps d’encaisser encore son ton, l’équilibre bizarre entre une révélation et une connerie obscène, et de rire légèrement, plutôt un gloussement idiot de pintade. « J’adore les tacos, et la bière, du coup, va pour le pub. » Et subtilement, Kara avait évité de parler d’érection. Est-ce qu’il la draguait vraiment, ou c’était là sa façon de s’exprimer ? Il rapportait toujours tout au sexe ? En penchant la tête sur le côté, un peu plus souriante, peut-être légèrement bienheureuse de savoir qu’il avait en tête un lieu particulier pour l’y amener et espérer passer une bonne soirée, Kara se rattrapa un peu, en trottinant et faisant sauter sa frange irrégulière.
Quand soudain, son portable vibre dans son sac, en la faisant sursauter. Ce n’est pas un appareil dernier cri, évidemment, mais il est plutôt récent… Elle s’est fait avoir par le commercial, et puis c’était un tout petit crédit, hein ? Il tenait vraiment mieux la charge, et l’écran était plus grand que l’ancien. Ah, et il y avait bien plus d’espace pour pouvoir stocker les photos de ce qu’elle mangeait ou télécharger les épisodes de série. Une affaire, Miss Desco. Une affaire.
Rapidement, en jetant un rapide coup d’œil au Rebelle Suicidaire à côté d’elle -il s’était rapproché non, d’ailleurs ?- Kara inscrit ce nouveau contact dans son smartphone, sous le nom de LORENZO Jaxx LAMAS. Elle ne peut s’empêcher de suivre le mouvement de ce téléphone archaïque qu’il manipule, jusqu’à ce qu’il le remette à sa place, forçant la jeune femme à observer, silencieusement, le portable à la main et la bouche légèrement ouverte, l’emplacement rêvé et bien galbé de l’appareil.
« Euh… Ouais… D’accord… » Il a dit quoi, déjà ? Elle cille se semble se reprendre, tentant de se souvenir du sujet abordé, et une petite voix lui soufflant au loin qu’il avait souligné qu’elle bossait, elle, et qu’elle aurait donc à choisir le jour le plus approprié pour se revoir. Passer la prendre où elle veut ? Merde, son cerveau a l’air de vriller un peu, Kara a du mal à savoir à quel moment il a l’air de lui faire passer des messages. Mais… est-ce qu’il lui fait vraiment passer des messages ? Elle avait l’impression de se faire des films, d’imaginer beaucoup trop de choses, ou d’en louper énormément. En se raclant la gorge, consciente qu’elle avait été perturbée par la vision de ses fesses moulées dans son jean, s’en voulant sans doute un peu, elle se gratta la joue.
Le silence qui suit ne l’aide pas à se sentir moins fautive, comme si de plus en plus, dire ou faire quelque chose de maladroit pourrait l’ennuyer. Elle, comme lui. Pourtant, Jackson semble revenir sur sa décision première… Un remord ?
« Mardi, c’est bien mardi. Ouais. C’est bien mardi. » De toute façon, ce n’était pas comme si Kara avait beaucoup de soirées de prévues, c’était assez loin pour ne pas faire trop pressé, et pas excessivement long pour qu’il ait le temps d’annuler. Pas forcément que cela l’embarrasserait mais… Si, en fait, si. En quelques secondes, elle lui fut étrangement reconnaissante d’avoir proposé ce jour précis, de ne pas lui laisser la responsabilité de cette décision importante… Parce qu’il aurait pu ne jamais répondre à son sms. S’il te plait, réponds à mes sms.
Comme si l’affaire était des plus importantes, le regard de Kara ne se détachait plus que rarement de celui du Bad Boy, même si elle ricana à l’évocation de la culotte de rechange.
« Ça s’est smart, t’es vraiment un gentleman. Je prendrais les petits Pikachu cette fois. »
Mais pour finalement s’arrêter de marcher dès qu’il lève le bras pour se recoiffer, après ce sourire à tomber qui vient de l’achever.
« Oh, merde. » Elle ne se rend pas compte qu’elle a pensé à haute voix, avalant difficilement sa salive en admirant la découpe ciselée des muscles contractés dans un geste si anodin. Il savait. Il devait savoir quel pouvoir de séduction sauvage il dégageait… Il ne pouvait en être autrement, et il agissait ainsi volontairement pour qu’elle craque…
Mais dans quel but ? S’il avait voulu l’allumer tout de suite, il ne se serait pas donné la peine de l’inviter plus tard, si ? C’était une technique ? La bouche ouverte comme une carpe hors de l’eau, Kara réalisa qu’elle devait avoir l’air vraiment cruche, se mordit la lèvre en se traitant intérieurement de godiche, et courut presque pour le rejoindre. Reprends-toi ma grande, ce sont juste des biscotos.
« Ah ah, ouais. » Petit rire nerveux. C’est vrai qu’en relevant le nez, ses petits yeux en amande constatent que, non seulement ils ont bien avancé, mais que les nuages qui s’étaient éparpillés semblent de nouveau menacer au-dessus de leur tête. Avec une moue, la jeune femme réajuste le blouson qui l’enivre de cette fragrance mâle, comme consciente qu’elle devra, prochainement, le lui rendre.
« Encore deux avenues, et c'est bon, ouf. » Précise-t-elle, en levant une épaule, mais désignant bientôt le ciel de la nuit teinté de gris. « Mais j’crois qu’on va se manger un grain… Tiens. » Pour rapidement retirer le cuir de son dos, une foulée plus rapide pour venir se coller devant lui, lui interdisant d’avancer davantage, et lui tendant son bien.
« S’il pleut, prends-le. ‘Fin, il est à toi, quoi. » Mais elle rectifie le tir, rapidement, en grondant. « J’ai pas envie que tu l’oublies en repartant, et que j’sois obligée de te le rapporter une autre fois, après mardi ou.. , ou un truc du genre. Imagine, en fait, mardi ça se passe vraiment mal, et du coup bah… » ploc, ploc... Les premières gouttes l'obligent à fermer les yeux et baisser le visage en pestant.
-
- Pikachu, hein.
Il ne put s'empêcher de sourire, l'écran géant de son esprit affichant aux spectateurs agglutinés le cul rond de Kara strappé dans un tissu aussi jaune que la bestiole à raies noires et joues rebondies. Comme les lapins, Jackson devait bien admettre qu'il se figurait tout à fait sérieusement la working-girl porter ce genre de fantaisies en coton. Si Jaxx ne doutait pas qu'un string souligne assez fiévreusement le derrière un poil hautain de la jeune femme, son imagination le poussait à estimer que la culotte lui allait encore mieux. En vérité, la bonne vieille culotte était bien trop souvent négligée.
Mince, est-ce que son futal lui paraissait soudainement un peu plus étroit à l'entre-jambes ? C'était... oui, il bandouillait ! Pour une conne à culotte. Certes, le manque et la frustration devaient jouer sur l'érection naissante, mais de là à ce que la prise de densité de son calibre le satisfasse autant à simplement IMAGINER le séant de Kara...
- Ca tombe bien, fit-il. Je suis un vrai gosse, j'adore foutre les doigts dans la prise.
Cette vanne là n'était même plus glissante ; c'était une descente à pic sur un tremplin lisse et verglacé. Jackson aurait pu s'en passer, choisir un autre angle pour caser sa réplique mais non ! Naturellement -un peu trop, en vérité- le Rebelle sans moto ni copain amérindien avait opté pour le chemin le plus casse-gueule. Kara faisait montre d'une tolérance tout à fait respectable à l'humour gras, c'était à mettre à son crédit. Sauf que là, c'était carrément mettre un coup de bélier contre la porte de sa patience. Qu'il se mange une gifle et Jaxx n'aurait pas bronché. Allez, même : il l'aurait méritée.
Malgré tout, cette perche tendue n'en restait pas moins un bon test. Pousser les boutons de la sauveuse du dimanche pour voir quelle charge elle pouvait supporter avant de péter.
Elle ne lui emplafonna pas la gueule de sa petite main même pas manucurée.
La gonzesse était restée un poil en retrait, peut-être pour digérer ce qu'il venait de lui balancer ou juste pour avoir un prétexte de mater son cul dont Jackson savait très bien que les muscles qui assuraient la fermeté sportive de son fion étaient une arme redoutable dans certains jean's. Quand ils épousaient juste bien le galbe mâle pour le sublimer de façon à ce qu'il accroche le regard comme les tentations, ce n'était jamais sans faire un minimum de dégâts. Et que Kara n'essaie pas de lui faire croire qu'elle n'avait aucun appétit à son égard ! Le boxer, habitué à suivre les mouvements des épaules et des yeux surtout, l'avait percée à jour. Elle matait et il le lui rendait bien. Quelle forme pouvaient avoir ses seins, sous le haut sans âme qui les cachaient ? Qu'en était-il du fuselage de ses cuisses ? Son très joli petit cul, serait-il bien comprimé dans sa poigne sévère s'il venait à se l'approprier d'une main conquérante ? Les deux égarés du vendredi soir se livraient à un petit jeu de chat et de la souris et ne faisaient que semblant d'en être dupes.
Kara rêvasse et Jackson s'arrête pour l'attendre. Elle confirme qu'ils approchent bel et bien de la fin du voyage et le ciel, comme accordé à l'humeur morose d'un Drago qui n'a aucune envie de laisser sa partenaire de randonnée sur le pas de la porte, se charge de moutons de poussière. L'orage gronde au loin, illuminant le coton sombre des nuages amoncelés quand le premier éclair claque. Quelque part. Ca n'importe pas vraiment ; ils ont quelques minutes avant d'être saucés. Pas assez pour avaler au sec les deux avenues évoquées par Kara, toutefois.
La voilà enfin revenue à son niveau, même quasiment dans ses jambes puissantes. Jackson s'arrête pour ne pas la renverser, refermant la main sur le perfecto que cette petite gonzesse en culotte de gosse lui rend.
- Tu n'aurais qu'à me le rendre mardi en arrivant. Comme ça, même si tu n'aimes pas les tacos ou mon eau de toilette et que tu joues les courants d'air, j'aurai quand même récupéré mon cuir.
Voilà... la pluie est sur eux. Elle s'entend d'abord sur la carrosserie des voitures avant de les toucher, puis que cela s'arrête. Pour Kara qui a fermé les yeux, il n'y a plus qu'un étrange bruit un peu sourd et diffus. En revanche, l'odeur de mâle s'est amplifiée et, contre son nez, c'est le t-shirt de Jaxx. S'étant collé la culottée au plus près, le boxer à levé les bras un peu au-dessus de leurs têtes pour tendre le blouson de cuir comme un simulacre de auvent. Il sent le tabac froid, bien que l'odeur soit masquée par le musc plus brutal de sa sueur qui garde une trace du sillage boisé de son déodorant. Un cocktail explosif pour les narines sensibles à ce genre de dégagement ; celui du parfum de l'Homme dans sa forme la plus barbare. Le protecteur brutal, le sentimental maladroit, l'amant délicieusement violent.
Ce genre de salaud qui pourrait coller la joue de Kara contre la vitre de la caisse juste à côté d'eux avant de la prendre sous la pluie battante au beau milieu de la rue. Ce genre de salaud qui saurait faire du mal pour faire du bien, comme le disent si bien ses yeux qu'il ne peut plus s'empêcher à présent de plonger dans les siens.
Jackson sait très bien ce qu'il y cherche.
Une étincelle de consentement.
Il lui semble la voir luire, bien que noyée dans le doute qui inonde les petits yeux en amande. Allez, Jackson, ne prend pas le risque ! Ne...
Trop tard.
Le dos de Kara rencontre la portière de la première bagnole venue -un foutu Hummer noir se dit confusément Jackson alors que le perfecto tombe à terre, sur le macadam trempé. C'est que ses mains ne le tiennent plus, trop occupée à empoigner les fesses de Kara à pleines paumes pour la soulever à la seule force du poignet, coller son bassin au sien si fort qu'elle pourrait bien qu'elle pourrait saisir toute l'ampleur de l'érection en dépit de leurs vêtements. Il l'embrasse sous la pluie battante, soumettant ses lèvres à un coup de langue vif destiné à appâter la sienne. Et alors, Jaxx s'engouffre dans un baiser sulfureux, gluant de l'envie que le boxer n'est absolument plus capable de contraindre au silence.
Sur leurs corps joints s'abat avec morgue le rideau de pluie, que déchirent parfois les éclairs auxquels Jackson n'accorde pas la moindre importance. Ses mains à la poigne d'acier malaxent le cul emprisonné, en menaçent l'intégrité sous les doigts crispés. La langue -les langues- s'unissent dans un ballet obscène et salivaire.
Le voilà trempé, maintenant. Son haut lui colle au corps et lui colle à celui de Kara. Le tissu imbibé dégueule d'eau, sculpte chacun des rouages musculaires qui s'activent pour qu'il s'approprie la jeune femme et déchire son espace intime. Peut-être qu'il regrettera ce geste si elle commence à vouloir se dégager. Peut-être qu'il s'en voudra d'avoir cédé à cette pulsion animale sous prétexte que Kara lui plaît.
Il n'en sait rien mais, promis, il la laissera aller.
Mais s'il te plait, Kara, ne t'échappe pas. La nuit est encore longue et mardi bien trop loin.
-
Rends-lui son blouson. Il est près non ? Rends-lui son blouson. Il s’est rapproché ou… ? Rends-lui son putain de blouson ! Mais le cuir, il l’a récupéré Kara; et il se trouve au-dessus de leurs crânes, maladroitement, alors qu’elle ouvre les yeux pour se figurer visuellement de l’étrange contraste entre la fraicheur qui envahit l’atmosphère autour de ce parapluie improvisé, et d’une sorte de vapeur étrange qui se créée entre eux deux. Il est super près d’elle. Il a les bras levés bien haut, au-dessus de leurs têtes, et il est impossible de passer à côté de l’explosion de phéromones qui lui pète à la figure. C’est démentiel, il pue, il sent ce type d’hommes qu’il faut fuir et ses narines vrillent, vrillent tellement qu’il lui semble qu’elle en a la tête qui tourne. Son parfum capture ses sinus avec une violence primitive qui lui coupe la respiration.
« Je. »
Kara ne sait pas ce qu’elle a envie de dire, elle n’arrive pas à réfléchir, même si quelque chose lui dicte de parler, de briser net ce moment trop tendu, où les éclairs n’ont pas l’air de fuser uniquement autour d’eux. En plus d’avoir l’impression d’être minuscule face à lui, la jeune femme perçoit plus clairement la chaleur de sa peau, d’autant plus attirante que la pluie a fait baisser la température de la rue.
Elle devrait fuir, maintenant, à défaut de savoir quoi dire. Mais elle plonge sciemment son regard dans le sien. Elle devrait le couper net maintenant. Maintenant. Mais elle a déjà la bouche entrouverte. Elle devrait s’écarter au moins poliment, lui dire qu’il sent la clope et l'alcool bon marché, qu’elle n’aime pas vraiment ça. Mais cette effluve virile et brute l’enivre. Kara tente d’y résister, elle cherche dans ses yeux clairs quelque chose pour se défendre, à défaut d’attaquer, la force de le renvoyer dans ses pénates, même de manière un peu brutale, peut-être en l’insultant. En lui faisant remarquer que, là, il dépasse une limite, et qu’elle n’a jamais dit qu’elle avait envie de…
Est-ce qu’elle en a envie ?
Vite, Kara, réponds à cette question. Elle sent ses pas reculer jusqu’à ce que son dos bute contre une voiture. Aller, Kara. Réponds, t’as quelques secondes pour dire non. Elle essaye de réfléchir à la question, vraiment, mais autour d’elle plus rien n’existe, la pluie tombe sur son front, son visage est levé pour fixer les joues mal rasées de Jackson, elle ne peut pas détourner son regard flou de ses lèvres -d’où ça vient cette cicatrice ?- qui ont l’air de s’approcher, de la réclamer, d’appeler les siennes sans avoir même besoin de bouger. L’averse laisse de grosses gouttes rouler sur sa bouche, et ça lui semble être la chose la plus excitante qu’elle ait jamais vu.
Son corps tendu est soulevé si facilement que la jeune femme lâche un hoquet de surprise, et par réflexe, alors qu’elle sait parfaitement que la seconde qui va suivre, elle sera dévorée par son aura, passe ses mains sur ses flancs, ses doigts suivent le dessin de ses muscles et ses côtes, remontent dans une synchronisation rendue maladroite par le désir chaotique. Et au moment où leurs corps se rencontrent bien plus concrètement, explose toute trace de volonté. Impossible d’ignorer la bosse qui a percuté son bassin, et a soulevé une vague de chaleur dans son bas-ventre, mais elle n’a pas le temps de vraiment bien se questionner sur ce qui se passe, qu’elle agrippe le tissu imbibé de son t-shirt en même temps que ses lèvres s’emparent des siennes goulument, comme une affamée.
Son esprit tente bien de protester en lui rappelant qu’il allait se foutre en l’air y a pas deux heures, qu’il a bu, qu'il baise des putes, que c’est un type vulgaire et dépravé, qu’il n’a même pas de scrupule à abuser d’une jeune femme en pleine rue, et qu’il a dû tout orchestrer depuis qu’elle s’est jetée sur lui, pour tenter de le sauver. Il a tout manigancé, ils font toujours ça. Est-ce que ce serait grave de juste profiter de ce moment-là ? Parce que c’est de loin de type le plus furieusement sexy qu’elle a croisé depuis un siècle, qu’il dégage quelque chose de puissant, qui devrait sans doute lui mettre la puce à l’oreille. Mais, juste un baiser, c’est pas si grave… si ?
Son cœur tambourine dans sa poitrine, répondant aux martellements de l’ondée, et ses tempes boxent à un rythme fracassant, suffisamment pour couvrir les bruits du tonnerre alentour, plus rien n’a d’importance, juste compte cette langue qui chevauche la sienne dans un rodéo torride, trempé, sonore. Kara a l’impression étrange qu’elle se fait dévorer et qu’elle se goinfre tout autant, après une traversée du désert. Ses doigts tirent sur les fibres transparentes et alourdies par l’averse dans son dos, sentent si bien rouler les muscles, et leurs bassins soudés sont si proches, qu’elle semble omettre qu’ils sont encore habillés.
Il faut qu’elle l’arrête, maintenant.
« V… Viens chez moi. »
Une main crispée par l’extrême tension qu’elle réfrène fait machine arrière, effleure son ventre, remonte entre ses pectoraux, lui tirant un soupir de midinette contre sa bouche mouillée, et s'empare de sa nuque et la jungle naissante de ses mèches sombres. Jaxx est un fantasme ambulant, elle tente une seconde de reprendre son souffle, lèche la commissure de ses lèvres comme pour elle-même saboter sa faible maîtrise de la situation, qui se disloque. C’est trop tard, elle le veut tellement puissamment qu’elle en a mal, et empoigne ses cheveux trempés pour qu’il lui révèle son cou.
Il n’y a pas grand-chose qui l’empêche d’aller plus loin, tout de suite, sans attendre, tant elle se sent fiévreuse et capable du pire. Le temps a arrêté sa course depuis qu’elle a pris une décharge de son regard d’acier, un rail de son parfum dans le nez, un shot de ses mains larges et bestiales qui s’approprient ses fesses sans ménagement, sans gêne. C’est un salaud ma grande, ne sois pas si facile.
Kara l’entend grogner, et juste ce son l’électrise, au point qu’elle y répond d’un râle presque agacé, témoignage enragé de sa Raison qui n’accepte pas la défaite, et aurait préféré qu’il se contente de prendre son dû, l’écume de ses lèvres, et qu’il file dans la nuit. Elle saurait retrouver le chemin, maintenant, ce n’était plus si loin, et les rues étaient plus sûres. Va-t-en Jaxx Jackson. Va-t-en maintenant. Mais malgré cette invitation à aller chez elle, qu’elle a gémi de manière presqu’implorante, Kara ne bouge pas, n’impulse aucun mouvement qui pourrait faire croire qu’elle veut vraiment qu’il se détache d’elle, pas d’un pouce. Au contraire, le bras dans son dos se contracte pour compresser sa poitrine sur son buste, les tissus détrempés donnant l’illusoire impression que leurs peaux se touchent, et affermir la prise qu’elle garde sur son cuir chevelu qui goutte.
Son cerveau panique un peu, il sait qu’il a perdu depuis un moment, et il est prêt à jouer le tout pour le tout, lui envoyant des signaux de survie absurdes et faisant palpiter quelques angoisses qui assèchent sa gorge soudainement. Retirant sa langue de sa bouche dans un bruit obscène, Kara ouvre de grands yeux sincères, plonge sans filet dans le gris de ses iris et balbutie.
« Me… Me fait pas d’mal… S’il te plait. »
-
Elle lui a proposé quelque chose.
Impossible d'en être sûr.
Jaxx n'en a plus grand-chose à foutre pour le moment. Son esprit n'a pas envie d'entendre Kara parler, parce que Kara pourrait le ramener sur les rails de sa triste réalité. Leurs langues enlacées, occupées à lutter l'une contre l'autre dans une chorégraphie violente et gourmande, génèrent présentement trop d'électricité pour que les informations parviennent à cheminer correctement. Son cerveau est noyé imbibé d'alcool et cette galoche goulue a enflammé les vapeurs. C'est un incendie qui ravage les neurones du boxer. Le petit foyer qu'il avait tenté de contenir un peu s'est transformé en feu de forêt et c'est Kara qui a joué les pyromanes. Ou c'est lui ? Ou un peu des deux ? Franchement, Jackson n'a pas envie de désigner un coupable. Il n'a envie que de baiser la bouche de la working-girl à grands rouleaux linguaux dans lesquels, par ailleurs, elle ne se prive pas de plonger aussi. Les deux affamés ne s'arrêtent que pour reprendre un semblant de souffle, sans que leurs lippes ne se descellent vraiment, puis reviennent se manger la goûteuse.
Il semble à Jaxx qu'il bave. Que la petite gueule Kara dégouline aussi. Sous le ruissellement de la pluie fraîche qui bat sur eux, la chaleur de la salive n'est pas facile à distinguer. Pourtant, leurs mentons qui se touchent parfois lui donnent l'impression de coller. Un peu. La texture des lèvres de la jeune femme n'est-elle pas un peu gluante ?
Kara est barbouillée de lui, et lui d'elle.
Merde.
Ca affermit encore la raideur de sa triquasse.
Quand Kara lui fait écarter la tête pour se payer sa gorge, Jackson ne fait rien pour résister. Lui fait déjà un sort à la chair ferme de son cul, qu'il massacre de palpations dures. Ses mains, larges et puissantes, ont une poigne solide. Les doigts impriment probablement une trace rouge sur la chair blanche du fion que le mastard s'approprie. Ecrasant chaque masse charnelle contre l'autre, les séparant parfois, Jaxx impose sa domination. Bloque le bassin de Kara.
<Tu ne t'échapperas plus, maintenant.>
Ses paumes conquérantes presque aussi bien que sa langue. Cette femme est à lui. C'est un papillon rare qu'il convient d'épingler et il se trouve que son aiguille est déjà toute disposée à la clouer au mur -ou plutôt contre la portière du hummer. Contre l'abricot de Kara, que le tissu trempé sculpte probablement, le bosselage furieux de Jaxx frotte avec insistance. S'il avait été un surhomme, sa tige veinée aurait déchiré le jean pour surgir gland en avant.
Mais Jaxx n'est jamais qu'un looser.
- Me… Me fait pas d’mal… S’il te plait.
- Je n'peux rien te promettre.La voix est un râle rauque, chaud. Mâle.
Pourquoi lui mentir ? L'un et l'autre savent pertinemment qu'ils se feront du mal, à eux comme à l'autre. C'est un duo de fracassés dont les fêlures les rendent fragiles tout en blessant ceux qui ont l'audace de passer le doigt dessus. La porcelaine brisée tranche la chair plus profondément que l'acier.
Les pieds de Kara retrouvent le sol et son cul, sa relative liberté. Jaxx n'a besoin que d'une main pour faire glisser le zip de sa braguette avant d'aller déloger sa queue à la turgescence nerveuse. Le jaillissement de la masse fait tapoter le casque corollé contre le pubis de la secrétaire. Le roulis pressé des hanches de Drago fait aller et venir une partie de la raideur contre la culotte, comme pour faire des présentations à peine polies avant de plonger plus avant dans leur relation.
Un tâtonnement des doigts entre leurs sexes aide le boxer à trouver le bord de la culotte qui repose contre l'aine. La jupe, elle, est relevée au-dessus de la rondeur des fesses de Kara depuis long. Jaxx écarte le tissu d'un coup un peu sec, pour s'assurer de dégager l'accès aux lèvres intimes qu'il sait enflées. Elles salivent certainement autant que les deux autres, que le boxer est revenu déguster avec délice pour distraire Kara. Plus question qu'elle pense à se dérober, maintenant.
Dégagée sur le côté d'une des pétales du con qu'elle recouvrait, la culotte n'empêche plus la fusion que Jaxx opère en guidant sa verge par un mouvement de hanche. Si le premier essai ne fait que glisser sous l'empressement de l'homme à se saisir de sa partenaire, le second est un coup au but.
L'action de la partie.
Le membre turgescent s'engouffre dans les chairs moites, gluantes d'un désir brûlant. D'une poussée unique, Jackson s'unit à Kara du gland jusqu'à la garde.
La satisfaction d'avoir encombré la matrice de la travailleuse lui fait s'arrêter. Le temps se suspend pour que Jaxx puisse déguster cette intromission et la palpitation qui bat la mesure autour de sa pine. Le suicidaire se sent avalé, comme tété par la fente qu'il a forcée. Cette chatte là... cette chatte là, ce n'est pas celle d'une pute. Elle procure une sensation différente, que Drago n'avait pas éprouvée depuis des lustres.
Le désir partagé.
Son front collé à celui de Kara, Jaxx la fixe dans les yeux et plie un peu les genoux pour pouvoir saisir les cuisses de sa partenaire. Bientôt, cette dernière est maintenue par la poigne ferme et sûre du boxer. Le salaud l'épingle sur sa queue et s'en délecte.
- J'ai envie de toi.
C'est aussi évident que de dire que la pluie les mouille. Pourtant, lorsqu'un éclair zèbre le ciel et vient illuminer son visage, Kara peut y découvrir une douceur inattendue. S'il lui assure avoir envie d'elle, ce n'est pas pour enfoncer des portes ouvertes.
C'est pour la rassurer.
C'est pour se rassurer.
Alors, lentement, ses hanches commencent à imprimer le mouvement qui fait jouer le calibre roide dans la délicieuse gaine dont il comble tout l'espace disponible.
Et le hummer, peu-à-peu, se met à tanguer sur ses essieux.
-
Son souffle est déjà court alors qu’elle a l’impression paradoxale d’avoir peu agi, et en même temps, d’avoir couru un marathon. Il lui semble qu’elle met tant d’énergie dans si peu de mouvements, qu’ils sont si intenses, si raides, et à la fois si fougueux, que ça lui pompe toutes ses forces. Il faut dire qu’elle ne contrôle rien, qu’elle a perdu la tête quelque part entre son regard métallique et son cuir, qu’elle perd tout espoir de sortir indemne de cette lutte. D’autant qu’elle a cru l’entendre dire, mais c’était lointain et flou, parce qu’elle a son propre battement de cœur qui pètent ses tympans, que Jaxx ne promettait même pas de ne pas lui faire de mal.
C’était le signe, c’était le signe qu’il fallait se barrer. Et vite. Quel enfoiré, Kara, va-t’en ! Même si elle en avait envie, son bassin est soudé au sien, violemment, comme un aimant, et la jeune femme suffoque déjà comme une démente trempée. Vraiment trempée. Est-ce que c’était finalement un gage d’honnêteté d’avoir avoué qu’il ne pouvait pas garantir sa sécurité ? Son sarcasme y vit un double sens, se raccrocha à cette idée, voulut répliquer en mordant la peau à portée, attaquer à son tour, coûte que coûte.
Kara arrivait difficilement à percevoir les mouvements qu’ils s’acharnaient à opérer, ses sens étaient ivres d’avoir dans le pif autant de ce parfum mâle et dégueulasse, la tension dans ses reins prenait trop de place de cerveau disponible. Elle ne sentait même pas la carrosserie froide frotter contre sa peau, seule comptait la brûlure des mains qui prenaient possession d’elle. C’était comme s’il n’avait aucune peine à la revendiquer et à la conquérir par la force, ce sentiment d’impuissance la laissait comme une flaque idiote, excitée comme jamais, tremblante. C’était à peine si elle se reconnaissait.
En un instant, ou peut-être après de longues minutes de combat grotesque, pressé, elle croit qu’elle a grogné en faisant courir sa langue le long de sa mâchoire où leurs salives se sont mélangées, Kara se retrouve dévoilée. Ca aurait dû lui soutirer quelques protestations, c’était pas son genre, pas en pleine rue, pas avec un inconnu, comme ça. Un suicidaire bourré de testostérone qui n’avait même pas la décence de la rassurer.
« Fais-moi mal, alors. »
Il n’est plus permis de douter qu’il va la prendre sur le capot de cette bagnole, elle en rêve, elle le veut si fort, que ses doigts blanchis tirent ses cheveux sombres pour s’approprier sa tignasse et boire les gouttes de pluie mêlées de sueur à son cou en raclant ses dents sur sa peau. Une réponse désespérée à son membre qui presse désormais contre son intimité brûlante. Elle le désire avec force, avec ses tripes, dans une pulsion animale qu’il serait mesquin de vouloir contrôler. Kara n’en a plus les moyens depuis longtemps, ils sont trop viscéralement liés désormais.
Retrouvant ses lèvres dans une pelle ardente, jugulant ses gémissements, bâillonnée par sa langue qui l’entrave avec fièvre, Kara sursaute en fermant férocement les paupières lorsqu’elle se sent envahit par son sexe dur, reflet parfait de cette ébullition, tension, explosive qui les secoue. Un instant, elle sent Jackson s’immobiliser et ouvre les yeux lorsque son front cogne contre le sien maladroitement. Ils sont trempés, elle cille en plongeant son regard dans le métal froid, s’y perdant trop longtemps, comme cet instant où l’on se sait perdue, et où il est trop tard. Et pourtant, Kara ressent une plénitude franche, qui fait rougir ses joues autant que ses cuisses. Le temps suspendu lui renvoie un pouls brutal dans ses tempes, et elle croit bien sentir un tambour semblable dans la poitrine du Biker. A cet instant, elle aurait été capable de lui dire n’importe quoi pour qu’il la saute.
Lorsqu’il parle, la jeune femme manque un battement de cœur, hoquète d’entendre cette voix si grave, si virile, qui déglingue ses oreilles et la fait frémir. Cette évidence qu’il vient de déclamer la percute de plein fouet, une baffe en pleine poire, qu’elle ne cherche même pas à esquiver…
« Jaxx… »
Sa voix, à elle, est un filet suppliant pathétique.
Mais étrangement, ça l’a rassurée. Elle aurait répondu quelque chose de caustique en temps normal, mais là, quelques mots soufflés avec une haleine de camionneur et elle se sent mieux. C’était déjà fichu, de toute façon, il était en elle, et c’était là la sensation la plus salvatrice de la terre. Elle avait envie de lui, elle aussi, cette nuit comme si c’était la dernière. C’était peut-être la dernière pour le Boxer, en plus. Pourquoi il voulait crever ? Pourquoi il voulait en finir ? La ferme. Une seconde, elle lit sur le visage de Jackson une expression de vulnérabilité qui la flingue. Droit au cœur. Elle aura mal.
Il lui semblait que la pluie se réchauffait à peine arrivée sur leur peau fumante, quand le bassin du Rebelle vint cogner entre ses jambes pour mettre fin à cette session invraisemblable, hors du temps. Dans une position inconfortable, dont elle se fiche éperdument, Kara relève les cuisses pour clarifier les coups. En quelques instants après un démarrage en douceur, elle doit s’accrocher à son cou pour supporter le rythme auquel répondent ses hanches avec fermeté, accompagnant les assauts en soupirant trop pour que cela puisse rester discret ; Les vapeurs d’alcool de sa respiration rauque s’écrasent sur la pulpe balafrée de ses lèvres, qu’elle refuse de quitter, forçant sans peine cette barrière de sa langue. Leurs cheveux collent à leurs joues comme des chiens dégoulinants et puants, ses doigts les repoussent parfois, pour libérer une mèche venue se perdre dans le rodéo de leurs baisers obscènes.
Il prend tant de place au-dessus d’elle, il renvoie une telle image de mâle, que Kara peine à réaliser qu’il s’agit de la réalité, quand bien même les coups de boutoir qu’elle encaisse en couinant lui suggèrent parfaitement qu’elle ne dort pas. Ses abdominaux brûlent, mais bien moins que l’intérieur de ses cuisses du frottement bouillant de leurs peaux moites, et moins encore que l’intérieur de son sexe qui bout à gros bouillon. Le bruit grinçant de la caisse investie s’ajoute aux râles du Blouson Noir Suicidaire qui s’acharne au-dessus d’elle, en maintenant ses hanches avec une telle force, qu’elle sent la marque de ses doigts tatouer sa peau tendre. Au fer rouge.
S’agrippant d’une seule main à sa nuque qu’elle a ferré de ses ongles, sa seconde paume descend le long de son épaule, son omoplate au tissu qui crisse, ses côtes qu’il a dû se péter un nombre incalculable de fois… Son seul but est t’atteindre ses fesses, en glissant sous n’importe quel obstacle sans réfléchir, en chargeant tête baissée, pour se saisir d’un morceau musclé, ferme, et gémir de contentement rêveur.
-
Pour coincer la silhouette de Kara contre la carrosserie noire, Jaxx est contraint de mobiliser toutes ses forces.
Sous les vêtements trempés, ses muscles nerveux sont aussi tendus que la trique qui fouille les entrailles vaginales de la jolie secrétaire. Les câbles d'acier roulent sous la peau abîmée du boxer, qui fait montre autant de la puissance de ses bras qui maintiennent tout le poids de Kara que de la capacité de son bassin à imprimer ses mouvements malgré la position. Sa queue, pareille à un piston au réglage chaotique, s'enfouit dans les chairs trempées à chaque fois que Drago serre les fesses. Voilà ce que Kara parvient à saisir : la dureté du cul ferme du mâle. Un séant de sportif, entraîné et vigoureux. Ce con pourrait casser une putain de noix entre les deux hémisphères qui ceignent l'évacuation de ses intestins. Il en monopolise toute la puissance en grognant ses râles profonds et, dans un coin de sa raison confuse, remercie Kara de se mêler à l'échange en roulant du bassin autant qu'elle peut. Les roulis n'en sont que meilleurs, les pulsations pinassières dans le fourreau chaud plus profonds.
Merde, cette salope est un bon coup.
Oui, c'est une salope. Pourquoi ferait-il semblant qu'elle est, à cet instant précis, autre chose ? Kara accepte de se faire fourrer en pleine rue tout en y prenant du plaisir.
Et en quoi serait-il mieux qu'elle, lui qui s'est empressé de lui enfourner sa viande triquée au premier signe d'ouverture ? Alors très bien. Ils sont un duo de salopes. Qu'est-ce que ça peut foutre, s'ils se s'embrasent furieusement pour se consommer l'un l'autre ? Jaxx avait besoin de Kara et le sait parce que la chaleur du ventre de sa partenaire lui procure mille fois plus fort la sensation de vie et d'extase que n'importe laquelle de ses morts. De plus en plus, quand sa verge toute-puissance s'engouffre dans le goulot moite, Jaxx essaie de s'assurer que sa partenaire en tire le même plaisir que lui. C'est une salope, SA salope. Le balafré ne veut jamais que la remercier pour ça.
Etre sa salope à elle.
Voilà que les ongles de Kara s'enfoncent dans sa nuque, labourent la chair et y laissent sûrement un petit sillage ensanglanté qui se mêle aux ruissellement de la pluie. Le carmin caracole sur les aspérités des fringues, des muscles, des doigts de la tigresse.
Merde, qui en a quelque chose à foutre ?
Les doigts de Jaxx, eux, empoignent si violemment les cuisses de Kara qu'elle en aura des bleus. Chacun son souvenir temporaire de ce tringlage putassier contre la portière d'une caisse aux essieux qui grincent à chaque fois que le tronc veineux du boxer s'engouffre dans le bois charnel pour en ravager la moindre once d'espace. Jackson n'est pas assez large pour pousser sa partenaire à la dilatation parfaite, ni assez long pour lui frotter l'estomac. Jaxx n'est qu'un homme dont le volume est bien suffisant pour profiter du délicat étrangelement qui lui étreint la queue. C'est délicieux. La fente de Kara le tète, l'aspire.
<Putain... mais elle me baise ?>
Le constat le fait sourire dans un de leurs baisers, qui se rompt non sans une forme de tendresse animale. Le front de Jaxx rejoint celui de Kara et leurs regards se fondent dans un magma étrange de désir primaire et d'affection profonde. Du coup, le mastard se sent d'humeur à glisser quelques mots doux à la jeune femme. Les lettres roulent péniblement sur sa langue, engluées dans la salive et la douce obscénité.
- J'vais jouir.
Un véritable poète du trottoir, ce connard à la belle gueule.
Sentant approcher les prémices de la tempête du coït, Jaxx retourne fourrer Kara. Sa prise contre le gras des cuisses ouverte se réaffirme pour un dernier tour de piste. Son bassin retrouve la vigueur des premières secondes et, comme un derrick dans le désert, la pine tendue s'en revient forer à la recherche d'un pétrole nommé jouissance.
La leur, espère t-il, sa langue déjà tendue sur les lèvres de Kara afin qu'elle daigne lui accorder la sienne. Elles échangent hors de la barrière des lippes, se caressent en se joignant sous la pluie avant que leurs gueules ne se retrouvent encore scellées.
Voilà qu'il jute.
Après, dans un effort de volonté surhumain, s'était dégagé du confort de la fente de la secrétaire. Un coup de hanche ferme en arrière a délogé sa trique pour que le gland vomisse ses gerbes chaudes l'instant d'après. L'éjaculation empoisse les lèvres intimes de Kara, souillent le tissu de sa culotte. Merde, peut-être même que le magma génétique lui colle dans les poils pubiens, en fait. Jaxx n'en a pas grand-chose à foutre, c'est le cas de le dire.
Il se trouve que ce genre de détail l'excite.
Sale. Indécent. Un vice sordide à taille humaine.
Les doigts de ses mains, crispés dans la peau des cuissots de sa partenaire, relâchent leur prise pour que Kara remette en douceur les pieds sur terres. Pourtant, elles n'ont pas abandonné sa silhouette puisque Jaxx lui verrouille délicatement les hanches de ses paumes. Enfin, d'une seule.
L'autre est montée d'abord étreindre un sein, l'écrasant sans réellement s'éterniser puisqu'elle se trouve déjà contre la gorge de la secrétaire. Son index, son pouce, son majeur : les trois sommets de ceux-là reposent sur la ligne de la mâchoire de Kara pour l'enfermer. Ferme mais pourtant délicat, Jackson la retient le temps d'un long ballet de langue.
Un baiser profond, furieusement goulu et terriblement possessif. Une putain de galoche de cannibales. Ce soir, cette femme là est à lui, au moins jusqu'à ce qu'elle ne cherche à s'échapper.
Et, comme il n'a pensé qu'à lui et n'est pas trop capable de dire si la belle a jouit aussi, autant lui proposer des excuses enrobées de salive.
-
La pluie entre dans sa bouche et l’oblige à fermer les yeux régulièrement. A moins que ce ne soit l’ardent brasier qui pompe toutes ses forces, la poussant à contraindre son corps, une seconde, ou deux, à chercher à faire le vide vainement, pour récupérer une once de lucidité. Kara a l’impression d’être sous alcool, une liqueur puissante, le type de boisson qu’on se tape en shooter, petit et sec, parce qu’on ne peut supporter plus qu’une petite dose qui déglingue. Si elle s’étouffe avec la langue, qui la soumet en la réduisant à un silence parfaitement relatif vu les gémissements qui roulent tout de même dans sa gorge, la jeune femme se débat avec un entêtement bestial.
Malgré le rapport de force incontestable, les jambes repliées enserrent ce bassin et sa main sur cette fesse divine impriment le mouvement avec autant de frénésie que les coups de pilon qu’elle accueille sans se ménager. A chaque passage de cette trique furieuse, Kara enfonce ses doigts dans le muscle, encourageant l’effort voire le provoquant, en suffoquant contre sa bouche, cherchant de l’air comme une démente humide et fiévreuse. Sa seule pensée, unique, exclusive, qui tyrannisait ses esprits, c’était de le garder entre ses cuisses, quoi qu’il arrive, parce qu’elle avait besoin de cet enfoiré qui empestait le whisky de supermarché, la sueur, qui puait le mauvais plan.
A cet instant, plus rien ne comptait en dehors de son regard gris à tomber, et elle y lisait parfois une trouille incommensurable, pour n’y déceler la seconde d’après qu’un désir sale, primal, qui la dévorait toute crue. Kara avait l’impression d’être à lui, complètement sous son emprise, que ce soit par son corps d’athlète qui la surplombait, s’affalait sur elle, la retenait pour qu’ils fusionnent davantage ; ou que ce soit par le lien inqualifiable qu’opérait le plaisir sauvage qu’ils partageaient. Et, pire, la jeune femme jurait qu’il ressentait la même chose, et qu’elle-même malgré la situation, se sentait le possédait plus encore qu’il ne le faisait en la baisant aussi brutalement contre cette bagnole.
Un sentiment de toute-puissance faisait briller ses yeux, dès qu’il avait feulé atteindre bientôt ce stade de non-retour pour lequel on se battait tous, tous les jours.
« Viens. Viens ! »
Elle ne savait rien du Boxer, mais elle avait l’impression de le contrôler alors même qu’il l’empalait en râlant comme un bœuf avant de tout lâcher. Un sursaut la fait tressauter en le sentant d’extirper trop vivement, et une rechute dès que la semence chaude la macule sans distinction, dans des spasmes chaotiques qui la font suffoquer.
Son petit corps ravagé et sale tremble d’un contentement étrange de l’avoir poussé à bout, de l’avoir fait jouir avec une intensité folle, que ce soit vrai ou non, à lui crever les entrailles sous la lave, en réveillant un volcan, le liquide brûlant goutte sur l’une des chaussures lorsque Kara peut espérer reposer un pied sur le bitume trempé et glissant. Les bruits autour d’elle reviennent petit à petit, la pluie lui semble plus froide.
Elle déraille, à l’impression de chavirer mais Jaxx la tient pourtant si puissamment qu’il est impossible que la petite Commerciale se casse la gueule maintenant. Elle s’abandonne, son corps si tendu se fait guimauve dès qu’ils se respirent à nouveau au plus près de leurs souffles de voraces paumés, en s’accrochant vigoureusement à ses avant-bras. Elle a mal au cul d’avoir été labourée par ses doigts, elle sent même des courbatures, mais aspire ses lèvres comme pour se les approprier une bonne fois pour toute. Tout ce qu’il sait faire, c’est être crade et obscène, Kara, est-ce que c’est vraiment ce que tu veux ?
Sa gorge tire, ses muscles hurlent à la mort d’avoir été aussi sollicités, et elle refuse de retirer ses serres de l’avant-bras musclé du Biker. A elle. Kara réalise seulement maintenant qu’elle s’étouffe presque du manque d’air, et d’une gorge à vif. Sa voix est trop grave, elle tousse en voulant parler, ferme les yeux une seconde pour chercher à remettre de l’ordre dans ses pensées.
« Nom de dieu… »
Ses jambes sont en spaghettis mous, elle s’en rend compte douloureusement en perdant l’équilibre et en percutant à nouveau Jackson alors qu’elle cherchait à légèrement s’écarter pour respirer, peut être se rhabiller un peu. Mais il semble qu’elle soit vouée à entrer violement en contact avec lui, ce soir. Son front cogne contre le sien, ses genoux déjà bien amochés ripent contre son jean sale et imbibé d’averse.
L’air frais de l’ondée leur fait amèrement réaliser qu’ils sont de pauvres bêtes trempées qui dégagent une vapeur à l’odeur vulgaire, qu’ils sont misérables et tremblants. Une minute pathétique laisse le temps à la pluie de faire couler contre ses cuisses les fluides dégueulasses qu’il a lâché n’importe comment. La jeune femme déglutit, en se frottant le visage, avant de lever les yeux pour chercher une solution miracle qui n’existe pas à tous leurs problèmes immédiats.
« Tu. » Elle doit se racler la gorge pour ne pas être secouée d’une quinte de toux. Kara se sent étrange, et le regard qu’elle lui balance en pleine figure doit être si miteux qu’elle se dégoûte un peu. Il est temps, aller, casse-toi maintenant. T’es près de ton appartement, il pourra bien aller se faire voir plus loin, ça lui fera les pieds de marcher sous la pluie. Il t’a baisée, c’était bien, serrons-nous la main.
Mais elle n’avait pas envie qu’il parte.
Ou de fuir.
En regardant le visage balafré de cette gueule cassée, cette mâchoire si carrée, ces yeux si magnétiques, la carrure qui prenait l’eau… Le goutte à goutte le long des mèches noires qui roulaient sur l’arête de son nez pour s’écraser sur ses lèvres rougies par leurs galoches de claque-faim, lui donnait des airs de chiens errants, de pouilleux minable dont le maquillage s’écaille finalement si facilement. Ton armure est au sol, Guerriero, elle trempe dans une flaque à tes pieds. Et ce, quand bien même il vient de la posséder comme un Berserk, qu’il a des muscles moulés dans son t-shirt mouillé, qu’il pue le macho.
« Viens te sécher chez moi. »
C’est plus fort qu’elle, c’est instinctif. Comme lorsqu’elle s’est jetée sur lui pour l’empêcher de se manger la locomotive, Kara ne peut pas résister à cette détresse qu’elle perçoit sans savoir l’expliquer. Peut-être que c’est juste le pouvoir magique des hommes qui viennent de jouir, cette petite mort qui les rend vulnérable et qui, au contraire, lui laisse à elle un sentiment de puissance ?
Oui, leurrons-nous.
Mais en voulant faire quelques pas, elle tangue et s’immobilise finalement de nouveau, pour prendre le temps d’inspirer, et tenter de remettre de l’ordre dans son apparence, au moins vestimentaire. Elle se sent gluante et sa propre odeur lui revient aux narines pour lui rappeler comme c’était sauvage… Et lui tire un sourire niais, qu’elle chasse en se penchant pour récupérer le blouson noir imbibé, se tournant vers le Rebelle. Elle croit que c’est le mec le plus beau de la terre, là. Au secours.
-
Au final, ils ne sont pas décollés tant que ça.
Kara a retrouvé la terre ferme mais, fourrée comme elle l'a été, galère à retrouver l'usage convenable de ses jambes. Le centre de gravité chez la femme se trouvant quelque part dans le bassin, peut-être bien que Jaxx le lui a flingué à grands coups de bitasse. Son gland a tabassé pour un moment toute notion d'équilibre physique et ça pousse la jeune femme à ne plus marcher correctement, ne plus savoir tenir sur ses guiboles. Pour autant, Jackson ne dit rien. Même quand le front de sa partenaire de baise publique frappe contre le sien dans ce qui lui semble être un "CLOCK" un peu sourd.
Il s'est contenté de la retenir, mains larges sur flancs fins, presque osseux comparé au sien où à celui des putes grossières qu'il s'enfiler quand il a gratté assez d'argent pour ça. <Elle est toute fine>, pense t-il vaguement. <Je pourrais la briser comme un rien>.
Oui, il pourrait. Et elle, hein, qu'est-ce qu'elle pourrait y faire ? Cette conne est gaulée comme un tubercule -ce qui ne veut rien dire, bien que l'image lui semble confusément pertinente. Jaxx s'est vidé et ça lui fait du bien. Ce coït là n'était pas gâché et tout ça devrait se limiter à ça et la satisfaction obscène de savoir que la surface de sa confortable petite chatte est collante du ruissellement épais de son foutre.
Voilà, oui.
La fille est tronchée, la soirée largement gagnée. Elle lui fera même un bon souvenir pour se branler tristement au-dessus de l'évier de la salle de bain. Donc, y'a plus qu'à se casser comme un prince. Certes, celui des fils de pute mais, hé ! C'est toujours du sang royal.
Seulement, quelque chose l'empêche de bouger de la proximité de la bagnole. Oh, trois fois rien, un détail quelconque. Qui n'aura aucun impact, haha, lol, mdr.
Kara lui fait de l'effet, à tel point que le boxer n'est même pas certain qu'elle baise bien (ou, en fait, qu'il l'ait bien baisée lui-même) mais l'union n'en a pas moins été furieusement bonne. Electrique. Cette putain de conne génère en lui tellement de choses confuses que Jaxx est incapable de dégager une réflexion adulte. Enfin, si. Une seule et, EVIDEMMENT, la pire de toutes.
Il veut prolonger le moment. Encore, please, Kara. Dis oui, allez.
- Viens te sécher chez moi.
...C'est pas mal aussi.
C'est drôle, la vie. A cet instant précis des scénarios navrants que sont leurs vies respectives, les deux acteurs qui se tiennent toujours sous la pluie d'orage froide savent très clairement qu'en se prenant la main pour écrire la suite du script, ils vont faire une connerie. Ce serait un peu comme tringler la femme de votre meilleur pote : ça va être un bon moment mais ça ne le sera jamais assez pour justifier toute la vague de merde bien poisseuse qui va inévitablement tout saloper, du sol au plafond.
La redescente du coït semble avoir rendu Jackson un peu moins con, assez pour ne pas répondre immédiatement. Il réalise toute la portée du mot qu'il prononcera ensuite. Qu'il dise oui ou non, ça finira en chialant en silence sur la cuvette des chiottes une bouteille à la main et le portable ouvert sur une page YouPorn. La seule chose qui va changer, ce sera le temps d'arriver jusqu'à cette conclusion. Là, ça pourrait arriver d'ici une paire d'heures. Mais selon ce qui se passera chez Kara, et bien... il y aura un différé de plusieurs jours. Semaines. Mois.
Et une dégringolade d'autant plus féroce qu'elle se fera probablement de beaucoup, BEAUCOUP plus haut.
- Non.
BOUM, KARA ! Tu ne l'avais pas vue venir celle là, hein ?
- On va aller se mouiller sous ta douche, plutôt.
Il vient carrément de s'inviter dans sa salle de bain. La réplique a claqué dans l'air comme si c'était l'évidence même, comme si ils étaient de vieux potes se connaissant assez pour considérer la baraque de l'autre comme une extension de la leur. C'est tellement naturel, cette connexion entre eux, que Jaxx ne fait même pas semblant d'attendre la permission ou le consentement de Kara. Pas plus que, dès qu'il la voit penchée, le boxer ne se prive pour prendre l'une de ses fesses en mains pour l'honorer d'un écrasement léger en comparaison de ce qu'il a infligé à ses cuisses un peu plus tôt.
C'est autant par envie d'elle que par besoin de se réfugier derrière son masque de macho nullard, qu'il a fait ça.
En revanche, c'est de façon complètement inconsidérée que son bras passe autour des épaules de Kara. Pour la protéger. Du monde extérieur ? Du mal qu'ils ne manqueront pas de se faire bien assez tôt l'un à l'autre ? Drago n'est pas capable de le savoir lui-même.
Il ne s'est jamais contenté que de faire ce qu'il a fait de toute la soirée.
Céder à une envie.
En l'occurrence, celle de la sentir contre lui, de la tenir pour sienne.
Parce que ça le fait se sentir bien.
Merdemerdemerdemerdemerde.
-
Non.
Ça résonnait difficilement dans ses tempes et ça avait serré sa gorge aussi puissamment qu’une poigne de fer qui l’étrangle sans une once de pitié. Elle est persuadée qu’elle vient d’ouvrir la bouche comme une carpe hors de l’eau, comme une carpe idiote qui vient d’être désarçonnée sans prévenir, alors qu’elle aurait dû s’en douter.
Ça se sentait que c’était un salopard, et qu’il allait la jeter comme un mégot sur lequel on a déjà un peu trop tiré. Pourquoi avoir été aussi naïve pour lui proposer de prolonger un peu le moment, pour espérer ne pas se faire remercier, même pas poliment, aussi facilement qu’il devait se barrer des camionnettes miteuses où il sautait des prostituées ?
« … »
Aller parle, insulte-le au moins, ne soit pas si gourde ! Dis-lui que tu t’en fiches, de toute façon t’avais pas vraiment envie de l’inviter chez toi, hein ? C’était pas la meilleure des idées d’inviter un alcoolique suicidaire, un blouson noir, un type louche à souhait, dans son appartement quand on était une femme seule. C’était sans doute la pire des idées à vrai dire, donc autant tout de suite pousser un petit rire sarcastique et conclure par ‘Ah ah j’étais pas sérieuse en fait.’ Evidemment.
Une boule au ventre lui butait l’estomac, et un sentiment dégueulasse qu’elle connaissait bien revenait la hanter en ricanant dans sa tête. Le dégoût. Le dégoût d’elle-même, quand elle se jette tête baissée dans les mauvais bras, dans la mauvaise décision, délibérément en sachant que le mur sera brutal et sans matelas bien moelleux pour la récupérer. C’était couru d’avance ma grande, colle-lui ta main dans la figure.
Mais il lui dit qu’il va plutôt investir sa douche. Et il a visiblement des plans qui la concernent aussi. La jeune femme referme sa bouche dans un claquement de dents incontrôlé et nul ; Il… Il veut bien venir chez elle, c’est ça ? Un instant, elle a l’impression d’avoir douze ans et de se faire balader par Akio Watanabe qui se fout de sa gueule mais accepte de l’embrasser si elle lui file son goûter.
« Ah. » En se raclant la gorge, elle reprend une sorte de contenance. Autant qu’on le peut quand on est poisseuse et trempée. Et elle sursaute quand il lui fout une main au cul, fronçant les sourcils avant de se rappeler combien il a maltraité ses fesses et combien elle a aimé. Combien ça semble résonner encore en elle profondément, la laissant pantoise. « On t’a déjà dit que t’étais un connard ? »
Défense classique, Kara n’a pourtant pas la tête de quelqu’un qui attaque avec violence, son petit sourire sur ce petit minois dégoulinant de pluie semble cependant vouloir le taquiner, pour faire passer une atmosphère étrange.
La Commerciale avait parlé avec une franchise naturelle, cette même aisance dans leur relation malgré tout, celle de pouvoir parler sans filtre. Mais est-ce que ça voulait dire qu’il ne valait pas la peine qu’elle s’emmerde avec des politesses ? Il ne se gênait pas, lui.
Son bras musclé, bordel, tellement musclé, s’écrase avec possessivité sur ses épaules et elle tourne ses petits yeux en amandes vers lui, en coin, et c’est à son tour de paraître se foutre de sa gueule. Pourtant, au fond d’elle, ce mouvement la flingue de cette faiblesse qu’on a après les endorphines et autres merdes qui pullulent dans tout son corps, grillant sa Raison déjà pas des masses sollicitée en temps normal.
« Tu prendrais pas un peu la confiance, toi ? »
Elle glousse alors mais ne fait aucun geste pour s’éloigner de lui, hein, bien au contraire. Elle reste contre son corps chaud alors que le monde entier est froid et humide. L’averse n’a pas l’air de vouloir les laisser tranquilles, et leur offre une excuse supplémentaire, si besoin était, pour rester collés comme des aimants. Elle serre contre sa poitrine son cuir comme s’il lui appartenait, qui dégorge de flotte. Kara avait l’impression qu’il fallait qu’elle parle, qu’elle dise quelque chose d’intelligent sur ce qui venait de se passer, un truc mâture qui prouverait qu’elle a une grande maîtrise de la situation.
« Du coup, tu veux quand même qu’on se voit mardi ? J’veux dire, bah, tu peux changer d’avis après euh… » Elle fait une moue énigmatique. « tu vois. » Elle hausse une épaule. « La baise quoi. »
Et elle le conduit le long de la dernière avenue avant son antre, jusqu'à se retrouver devant la porte de l'immeuble.
-
La confiance du connard en perfecto était, de fait, au beau fixe.
En comparaison des standards usuels pour Jackson, en fait, elle crevait même l'essentiel des statistiques habituelles. Si l'éjaculation et l'orgasme avaient été proprement délicieux, soulageant ses couilles autant que son humeur de ce qu'il vous aurait décrit comme étant "plusieurs kilos de merde", autre chose affermissait son moral : Kara n'était pas partie. La commerciale ne le négligeait pas, ne s'offusquait pas, ne fuyait pas. Elle était toujours présente à ses côtés, assez confiante pour ne pas dégager le bras que Jaxx lui avait passé autour des épaules. Ainsi cheminaient-ils collés l'un à l'autre, abandonnant la carrosserie du Hummer noir encore marquée du dos de Kara s'était retrouvée contrainte d'y plaquer. Dans les égouts se diluaient paisiblement le marasme de leurs fluides mêlées, qui n'en souillaient pas mois encore l'intérieur des cuisses de la jeune femme.
C'était une pensée des plus excitantes pour Jaxx de l'imaginer ainsi, cette fille ordinaire à la gueule de gentille. Sa peau encore gluante des coulées du magna blanchâtre, le sexe à laisser exsuder les derniers sillons de leur union bestiale au fil de ses pas. C'était la faim et le désir viscéral qui lui labourait les entrailles et Jackson le savait. Kara réclamait la même chose que lui mais d'une façon différente. Elle voulait qu'on l'accepte avec ses défauts et tout ce que sa vie avait de bancal. La commerciale avait envie d'abandonner le combat contre la réalité, contre SA réalité. Pas de façon définitive, non. Peut-être n'était-elle ni assez lâche ou résolue pour cela.
Seulement, d'après Drago, Kara ressentait le besoin de goûter au repos du guerrier. Le véritable, autour du feu de camp bienfaisant, le checkpoint entre deux vagues de monstres. En cela, les deux déglingués étaient assurément faits l'un pour l'autre.
C'était Kara qui menait le pas, à présent. Collés l'un à l'autre pour se protéger d'une pluie qui ne pouvait pas les tremper plus qu'elle ne l'avait déjà fait, Desco et Drago remontaient une nouvelle rue. Au-dessus de leurs têtes, l'orage grondait un peu moins fort sans être spécialement décidé à partir. La météo, peut-être, avait averti d'une tempête qui durerait longtemps ? Bah. Qu'est-ce que ça pouvait foutre ? Ce n'était jamais que de la flotte et aucun d'eux ne risquait de fondre comme du sucre plongé dans un verre, pas vrai ?
- J'suis p'têt un connard, mais pas un fils de pute, fait-il en réponse à l'interrogation de Kara. On avait rendez-vous, pourquoi je l'annulerai sous prétexte qu'on a baisé ? L'idée c'était qu'on baise mardi soir aussi. On a pris un peu d'avance, mais j'ai plutôt envie de remettre ça.
Pourquoi jouer les jolis cœurs maintenant ? Kara doit avoir compris son fonctionnement, à présent. L'hypocrisie n'en fait pas vraiment partie, ni même le romantisme. Ils savaient tous les deux à quoi le rendez-vous pouvait mener. Probablement désiraient-ils aussi fort l'un que l'autre arriver à ce résultat. Seulement voilà, ils viennent de baiser et Jaxx entend bien recommencer. Kara aussi, du moins l'espère t-il. Le sexe n'est plus tellement un tabou à présent, plus un point tout à fait essentiel de leur curieux tandem.
Il existe, reste central, mais ce n'est plus un sujet délicat à aborder.
Et quelque chose d'autrement plus profond que la fente de Kara doit à présent les préoccuper.
- On va aller baiser chez toi, là. C'est autant une question qu'une affirmation. Mais... mardi, on pourrait... t'sais. En profiter pour passer du temps ensemble. Je veux dire, ça me dirait bien de t'emmener au bar dont je t'ai parlé. S'enfiler une bière, aller faire un tour. Tu vois, quoi. Le classique.
Etrange, hein ? C'est s'assurer qu'elle veuille bien sortir avec lui qui le pousse à marcher -à sa façon- sur des oeufs. Il lui proposera de lui jouir sur la gueule aussi facilement qu'il lui demandera l'emplacement des chiottes pour aller poser sa pêche, mais affirmer sa volonté de passer un soir, un VRAI soir ensemble, ça lui paraît être une épreuve. Se comporter comme un animal, c'est plus évident que de jouer l'homme civilisé.
- ....promis, je parlerai de bite et de nichons pour te mettre à l'aise. On fera même un concours de rots. Enfin avec ta grande gueule, je suis presque sûr de perdre mais bon, tu ne me battras pas sur les blagues de merde et la descente de mousse. T'es qu'une pétasse, on le sait tous les deux.
Oui oui. Il vient bel et bien de la complimenter tout en argumentant pour qu'elle cède, elle aussi, à l'envie de le revoir. Une soirée à taille humaine, cela fera du bien à Jackson. Le bras passé autour des épaules frêles de Kara le lui assure étrangement : même si, inévitablement, ils se feront mutuellement du mal, et bien... ils sont appelés, c'est certain, à se faire aussi beaucoup de bien.
Reste à savoir ce que Kara en pense de son côté, maintenant qu'elle retrouve la sécurité du pied de son logement et que la présence de Jaxx devient accessoire.
-
La confiance était clairement prise, retournée, et sautée, sans gêne aucune. Le Rebelle avait une attitude de parfait tocard, en effet, et agissait avec un tel naturel, qu’il désarçonnait légèrement Kara, qui profitait d’être légèrement guide dans leur marche, pour masquer ce qu’elle pouvait de son trouble. Sans se l’expliquer, elle se sentait désormais davantage étrange du fait d’avoir le bras du Biker autour des épaules, et plus vraiment d’être dégoulinante et poisseuse, de laisser sans doute comme le petit poucet des traces de son itinéraire… L’euphorie d’ivresse retombait, aidée largement par la pluie qui n’aidait pas à rester dans des dispositions plus langoureuses, et quelque part, la jeune femme craignait que Jaxx se foute de sa gueule et lui confirme qu’il allait abandonner leur petit date de mardi prochain, sous prétexte qu’il avait déjà eu ce qu’il voulait.
Il avait beau lui affirmer qu’il n’était pas un fils de pute, Kara leva un sourcil comme pour en douter, tournant légèrement le visage vers lui, mais n’osant pas continuer à l’observer quand il aborda le sujet du rendez-vous. Et sans grande surprise, un léger sourire tira sa bouche en l’entendant palabrer sur leur prochaine rencontre. C’était assez vrai… avec la tension entre eux, si rapidement, se voir mardi aurait sans doute amené à cette même issue. Et il parlait de « remettre ça », ce qui lui arrachait toujours un étirement de lèvres, niais, content, idiot. Il voulait bien la revoir ! Quelque chose en elle se demandait si c’était vraiment une bonne nouvelle.
« Cool. Cool cool. J’ferais peut-être un effort mardi alors. » Elle se rendit compte de son expression faciale et fit une moue désabusée. « Genre, m’épiler. »
En réalité, la perspective du date tournait dans sa tête comme une source d’angoisse. Se laisser aller à ses instincts parce que l’atmosphère puait le sexe entre eux, qu’il avait bu, qu’elle avait bu légèrement aussi, et qu’elle avait l’adrénaline de ce sauvetage mémorable, c’était assez facile. Pas besoin de réfléchir à tout ce qui tournait autour d’un rencard. Pas besoin de savoir comment on s’habille, si on met du rouge à lèvres, si on se serre la main ou si on s’embrasse à pleine balle en se retrouvant…
D’un revers de main, en lâchant le blouson qu’elle serre contre elle, elle s’essuie le front où l’averse chamboule sa frange coupée à la va-vite, toute seule, devant le petit miroir de sa salle de bain. Par flemme d’aller chez le coiffeur. Mais elle sursaute lorsque la voix grave, qui la fait chavirer, retentit de nouveau. Hein ? Ah, ok. Ils allaient baiser chez elle. D’accord. Kara cilla, tournant cette fois complètement la tête vers lui, levant les sourcils comme si elle allait le contredire tant cette perspective était saugrenue. Mais ses mots ne sonnèrent pas exactement en adéquation avec son comportement.
« Ah ouais, on va baiser, là ? » Vite, un fion à lui lancer. « Dans tes rêves. »
C’était un peu digne du collège, mais elle avait des circonstances atténuantes, d’accord ?! Elle avait encore le cerveau embourbé dans les vapeurs de leur étreinte qui avait grillé une partie de ses neurones et ses capacité cognitives. Et puis, ce qu’il disait était assez troublant. Jaxx était le roi de l’ascenseur émotionnel, lançant une horreur et l’adoucissant ensuite, pour tenter d’équilibrer ses propos avec des mots obscènes. En vérité, elle réalisa qu’il avait à peu près la même stratégie qu’elle… Naturellement, elle était assez vulgaire dans ses propos, naturelle… Et lorsqu’il fallait parler de manière un peu trop honnête, elle se cachait souvent derrière des tournures argots pour noyer le poisson, et lorsque, par hasard, elle réussissait à s’exprimer sincèrement en se mettant en danger, elle se rattrapait aux branches n’importe comment, souvent en attaquant pour se défendre inutilement.
Ce constat donnait à son petit visage une sorte de sourire mièvre, mais moqueur, comme si Kara l’avait percé à jour, posant sur lui de petits yeux de fouine rusée dont le maquillage coulait avec l’ondée.
« Le classique ouais. Pas mal. T’as l’air d’être ultra classique c’est vrai. Tu vas quand même pas m’apporter des fleurs ?! »
Et heureusement, il enchaîne sur une horreur, qui la fait exploser de rire et étrangement entre eux, détend l’atmosphère bizarre de ces gens incapables de dire clairement qu’ils crèvent d’envie de se revoir et d’apprendre à se connaître. Kara prend le temps de rire, se secouant contre Jaxx, allant jusqu’à lui taper sur le ventre de sa frappe de mouche, pour souligner à quel point il est bête.
« Ah ah, t’es con. J’pense que tu vas te faire laminer, jvais m’entraîner jusqu’à mardi pour le concours, et niveau blagues daubées, c’est sûr, t’es le champion. »
C’était vraiment un compliment ça ?
« Niveau descente, t’en fais pas, on croirait pas comme ça, mais j’encaisse carrément, j’te prends même aux fléchettes, ou au flipper. » Pétasse, vraiment ? Elle grogne un juron. « Pétasse ? Va te faire foutre, Jaxx, en attendant la pétasse te ramène chez elle, sois reconnaissant, tu devrais plutôt t’estimer heureux que je sois aussi charitable. »
L’envie de le revoir était bien présente en elle, même avec les insultes ou les piques. Quand il tournait son regard froid de paumé sur elle, Kara avait peur de ne rien pouvoir lui refuser, d’autant plus maintenant qu’elle avait sur elle sa marque odorante et collante. Elle trouille, au fond d’elle, vraiment, de faire une magistrale connerie, vu la dégaine de ce Bad Boy, mais contre lui, elle n’arrive pas à avoir peur de la minute d’après.
Enfin, si. Parce qu’elle tapait déjà le code de l’entrée de l’immeuble, et que c’était quelque chose de marcher dans la nuit en parlant un peu de tout et de rien, c’en est une autre que de l’amener dans son antre, sa safe-zone à elle. La Commerciale se souvenait désormais de l’état lamentable de son appartement, qui n’était pas destiné à recevoir quiconque à part elle, et la honte lui empoigna l’estomac, la forçant à se justifier.
« J’te préviens, j’avais pas l’intention de ramener un gonze chez moi, si tu fais la moindre réflexion sur le rangement, je te fous à la porte. »
Une menace en l’air ? Elle-même l’ignore, mais pour le principe, elle se blinde un peu… Kara se racle la gorge en lui tenant la porte, goûte le plaisir d’être au chaud dans le hall aux néons soudainement trop puissants pour ses petits yeux. L’ascenseur les attends, elle tourne un œil interrogateur vers le Blouson Noir, comme si elle avait une chance encore de lui dire qu’en fait, il pouvait rentrer chez sa mère, et qu’elle avait changé d’avis. Pourtant, elle s’engouffre dans l’ascenseur et sursaute.
« Putain, pourquoi y a des miroirs là-dedans ? »
Elle est immonde. Ses cheveux collent à son visage, elle a des coulures de mascaras noir qui zèbrent ses joues… Kara s’approche de la vitre pour mieux regarder, en fronçant les sourcils, l’étendue des dégâts, pour pousser sa frange, frotter sa pommette en faisant plus de marques d’autre chose, en étalant le noir, et s’en foutant sur les doigts. Elle a sept étages pour tenter d’avoir l’air présentable…
-
- T'épiler, ouais, ce serait pas mal. Quand on te touche les cuisses, on dirait que tu vas te mettre à grogner. T'es une sorte d'ours urbain, non ? J'ai pas envie de m'afficher avec Winnie, t'sais.
Qu'elle soit poilue ou pas, à la vérité, Jaxx s'en foutait pas mal. Il savait ne pas être un modèle exemplaire de masculinité aprrêtée, qu'on pouvait sortir sans honte ni jugement de la part des autres. Kara faisait plus "humaine" que lui, qui était le véritable fauve associal et pestifiéré de leur étrange petit duo. Mais ne pas tâcler Kara ? Le boxer ne savait pas faire ça. Il n'était pas assez à l'aise avec cet abandon qu'il ressentait face à elle pour se départir de son épée de déconne. Peut-être espérait-il même, dans un coin de sa tête embrumée par les derniers serpentins de brumes alcooliques, que cet humour lourd la fasse fuir. Assurément, Jaxx en aurait voulu à la secrétaire. Une fois le dos tourné, probablement l'aurait-il insultée de tous les noms d'oiseau qu'il possédait à son catalogue. Il aurait remonté tout le film de leur singulière soirée jusqu'à ce que ce soit Kara qui possède tous les torts.
Cependant, la petite chatte encore grasse de foutre n'avait pas vraiment l'air décidée à se casser. Et ça, ça plaisait à Jackson autant qu'il sentait que ça l'inquiétait. Ca va peut-être trop loin, espère de connard. Tu l'as baisée, c'est bien, c'est le moment de la planter là et merci bonsoir.
- Dans mes rêves, ou dans les tiens ? Un sourire narquois éclaira son visage. J'veux dire, regarde toi, tu marches pas tellement droit tellement tu sers les cuisses d'envie.
Il lui semble que c'est vrai, en plus ! Ceci dit, Jaxx est mal placé pour ouvrir sa grande gueule sur ce sujet là, puisque sa trique que la fin de la baise n'avait que vaguement fondu est déjà entrain de reprendre de l'ampleur. Le boxer sent les tissus biteux enfler, durcir et coller contre son aine et son boxer. C'est que sa bite était encore vernie du jus de Kara et du sien, qui dégueulait encore légèrement de son gland, quand il l'avait fourrée dans son calbut. Putain, cette sensation gluante... c'est encore plus excitant. Jaxx sait que c'est sale, que ça en dégoûterait plus d'un. Pourtant, il est intimement persuadé que Kara serait prête sur la seconde à lui extraire la queue de ses petits doigts sans même sourciller en se tapissant la pulpe des phalanges sur l'amalgame visqueux.
Immanquablement, donc, le voilà à triquer très sérieusement à cette image.
- Des fleurs ? Tu me prends pour qui ? Je suis beaucoup plus classe que ça. Je te ramènerai une paire de capotes et un peu de lubrifiant, ça aidera à ouvrir ce redoutable petit cul comme une fleur.
....Quoi ? Elle se traînait vraiment un beau fion, il fallait bien le souligner ! Il était prêt à le remarquer et à en prendre soin, puisqu'il ne proposait pas non plus de l'enculer à sec. Le soin à la Jaxx, en somme. Quand il l'aurait fessée (putain, oui, abattre sa grosse main sur ce galbe là !), il apaiserait le feu des claquements en lui jutant sur le cul.
Voilà un projet qui le tentait affreusement, mais que Jaxx eu pour une fois le bon ton de conserver pour lui seul. Kara aurait le plaisir de la découvert en temps réel, comme ça.
Il ne répond rien à la saillie de la commerciale, se contentant de la considérer avec amusement. Elle le ramène chez elle et, effectivement, il a envie d'y monter. Oh, faire la route en sens inverse ne lui ferait pas spécialement peur. Toutefois, il est trempé, ses fringues lui collent dessus -regardez son t-shirt, qui sculpte le roulis agréable de ses muscles comme une seconde peau- et seul après ce moment assez privilégié, Jaxx sait qu'il plongera dans une petite dépression momentanée qu'il soignera à grand renfort d'alcool bon marché. Mais, s'il a bien envie de s'enivrer, ce n'est pour le moment pas de ça.
Tandis que les doigts fins de Kara pianotent sur le cadran du code, Jaxx remarque ce qui semble être une pointe de nervosité. Est-ce que c'est son imagination, ou est-ce que Kara tremble un peu ? Cela se comprend. Maintenant, pour elle, ça va être dur de reculer. Normal que la jeune femme se sente un peu anxieuse et voilà que son compagnon de l'instant décide d'agir en lui plaquant une main presque douce sur l'orbe d'une fesse. Une pression sur la chair, légère mais présente. Comme pour la rassurer. A sa façon à lui ; si Jaxx connaît d'autres manières, il les a oubliées depuis belle lurette.
Et voilà que, comme les cuisses de Kara sur le hummer un peu plus tôt, la porte de l'entrée s'abandonne pour s'ouvrir au passage qu'on leur propose.
- Putain, meuf, t'es entrain de me dire que le palais n'a pas été entretenu ? Son air faussement choqué est encore plus déplacé que la remarque, tant il est abusé et mal joué. Je vais peut-être bien me casser alors. C'est que je suis habitué au grand luxe, moi !
Rien qu'à le voir, à constater son jean crade, son t-shirt un peu tâché, sa barbe mal taillée et ses cheveux qui étaient gras avant d'être surtout chargés d'eau, il n'est pas bien difficile de se faire une idée de la façon du boxer d'entretenir son propre logis. Même si elle s'avouait foutraque et un peu négligée, Kara présentait toujours mieux que son partenaire. Il y avait peu de chance que son appartement se trouve être aussi flingué que celui de Drago, qui se figurait encore les cadavres de bouteilles et de canettes ainsi que les cendriers plein et les sacs poubelle pas descendu.
Il n'allait toutefois pas lui en parler maintenant ; autant conserver encore un peu de mystère, pas vrai ?
La cabine d'ascenseur est relativement exigüe et, de fait, cernée par les miroirs. Où qu'ils se tournaient, les deux amants du dernier train pouvaient constater l'état avancé de leur ruine vestimentaire. Kara et sa gueule de raton-laveur triste et débraillé et Jaxx son air de malfaiteur paumé prêt à bouffer du raton à même le sol de la cabine. Un assortiment de paumés dégoulinants de flotte, qui ne ressemblent qu'à des caricatures qu'un scénario de série B n'aurait pas osé mettre en avant.
Au-dessus de leurs têtes, les câbles de la machinerie se mettent en branle après que Kara ait pressé le 7 incrusté dans la plaque positionnée sur l'un des murs.
Voilà que la commerciale se moire, cherchant péniblement à limiter les dégâts que Jaxx a déjà oublié. Est-ce qu'il doit la rassurer, encore ? Est-ce qu'elle a envie qu'il le fasse ? Ca n'a pas d'importance, maintenant que le boxer est déjà derrière elle. Son buste contre le dos de Kara, ses mains glissent sur les hanches de la belle et ses doigts remontent le tissu de la jupe. Mi-cuisses d'abord, puis jusqu'à l'aine, puis finalement elle ne sert plus à rien.
C'est le bassin de Jackson qui dissimule les courbes de son fessiers tandis qu'ils s'y presse, faisant découvrir à la jeune femme toute l'ampleur de la trique emprisonnée dans son pantalon. La queue roule, s'étale, s'enfonce même légèrement dans le gras.
Sur le miroir, à hauteur de poitrine, les seins de Kara se retrouvent écrasés. Leur volume s'étale, lentement poussé par un mouvement lent de Jackson qui s'est collé à Kara. Encore une fois, elle est à lui. Elle ne pourrait que difficilement lutter, même si son envie de se dégager émergeait.
Pourtant, dans le reflet du miroir maintenant humide, la commerciale peut constater que Jaxx ne se dérobe pas. Il l'observe par le truchement du verre poli, ses yeux délavés accrochant les siens alors qu'il s'approprie son corps sans vergogne ni réelle hésitation.
- Je te trouve très bien comme ça, fait-il simplement.
Ce qui est la vérité toute nue. Dépouillé des artifices qu'elle s'obligeait vainement à rétablir, le naturel de Kara éclabousse son reflet. Est-ce qu'elle est belle à proprement parler ? Jaxx ne le sait pas trop, mais n'en a pas vraiment cure. Elle lui plait, à lui. Pour elle, il trique, pour elle, il remet en question ses choix de solitude. Ca paraît peu, ça paraît surtout être le comportement d'un animal sauvage dont la bite érigée crève la dalle.
Si ce n'est pas entièrement faux, ça n'en pas non plus l'entière vérité.
Son bassin joue sur son cul ; il veut qu'elle sente pleinement l'épanouissement viril du sexe qu'elle connaît pourtant déjà, pour l'avoir encaissé un peu plus tôt. Les mains de Jaxx retiennent ses hanches, son souffle lourd et rauque coule à côté de son oreille dont il s'est rapproché tandis qu'il lui parlait. Comme si cela n'était que confidences et secrets d'alcôve.
Quand la porte de la cabine s'ouvre dans un petit bruit de clochette, Jackson ne bouge pas. Les battants, au bout de quelques secondes, ont tôt fait se se refermer pour les maintenir prisonniers et simplement caressés par le faible éclairage de sécurité.
- Si tu veux garder ton chez toi secret, on peut rester ici. Et tant pis.
Tant pis pour quoi ? Pour la douche qu'il espérait ? Tant pis pour le refus qu'il lui laisse la possibilité d'émettre, une dernière fois ? Tant pis pour ce qui pourrait se passer dans cette cabine d'ascenseur au beau milieu de la nuit ? Tant pis pour ceux qui pourraient les surprendre ?
Les questions fleurissent dans son esprit, et Jaxx décide de les chasser de la plus singulière des façons : en approchant son visage de celui de Kara, à la recherche d'un baiser. Peut-être qu'il a besoin de se rassurer, lui aussi.
Peut-être que la magie de la baise pluviale est retombée en même temps que les filets de foutre le long des cuisses de la commerciale et qu'il n'y a plus entre eux aucune mèche à allumer.
Il va probablement vite le savoir, maintenant.
-
A plusieurs reprises, les réponses de Jackson lui avaient inspiré un seul et même geste. Son majeur levé bien haut, en lui réitérant d’aller se faire foutre. Il était étonnant qu’elle soit attirée, encore maintenant, par un tel connard. C’était le pire type qu’elle n’avait jamais rencontré, et pourtant, elle avait l’habitude des gros lourds au bureau… Baku, à côté de Jaxx, c’était un enfant de chœur. Chaque réponse paraissait être choisie pour la choquer, la pousser dans ses retranchements, et pire, elle se demanda s’il ne faisait pas beaucoup d’efforts pour se faire détester d’elle.
Pourtant, elle était quand même là, coincée contre le miroir de l’ascenseur qui devait la mener à son appartement, stressée de devoir lui ouvrir sa porte, mais le cerveau tourné vers une préoccupation plus animale. Une réaction incontrôlable que cette grosse main caleuse sur ses fesses faisait naître d’instinct, alors qu’elle aurait dû râler qu’il prenne la liberté de relever sa jupe sans même lui en demander la permission. Elle ne lui appartenait pas, pour qui il se prenait, ce rustre ?!
Cependant, lorsqu’elle croise son regard, et qu’il avoue qu’il trouve ça « très bien », Kara manque un battement de cœur. Ça sonne tellement franc et sans filtre, exactement comme lorsqu’il cause d’habitude à vrai dire, mais cette fois, il y a un accent bizarre qui la fait déglutir, la bouche entrouverte. Sa gorge est immédiatement sèche, alors qu’elle sent clairement cette bosse rigide qui s’écrase contre l’arrondit de ses fesses, qu’elle cambre par réflexe. Dis-lui qu’il ferait mieux de s’écarte tout de suite. Il a l’air tellement excité… C’est une bête sauvage, et elle se sent comme un pauvre petit lapin pris au piège dans les grands phares d’un pick-up qui lui fonce dessus, qui va lui rouler sur le museau sans une once de considération. Kara se sent petite, faible, et tremblante.
Mais cette crainte d’être dévorée toute crue, étrangement, souille sa culotte déjà parfaitement impropre, faible barrière pour absorber les miasmes précédents, et qui semble vouée à être inutile entre eux. Quelque chose les pousse à se coller, c’est impossible d’y résister. Est-ce que la physique a expliqué ce phénomène, déjà ? La Commerciale lui lance un regard de victime déglinguée, une seconde, comme si elle le suppliait tout à la fois de ne pas lui faire de mal, et en même temps, de ne pas la ménager. C’était ce qu’elle ressentait au fond d’elle sans réussir à faire un choix. Elle avait envie de le baffer, autant pour lui dire à quel point elle le détestait, comme il la dégoûtait, et combien elle avait envie de fusionner avec lui pour former un seul et même amas de magma dégueulasse qui crame tout sur son passage.
La faible lumière électrique créé sur le visage anguleux de Jaxx des lignes saillantes qui soulignent encore plus l’animalité virile de son faciès. Bordel, ce qu’il est charismatique. Comment c’est possible ? En réagissant un peu vivement à la pression de son membre qui toque à son cul, Kara esquisse trop vivement un mouvement de bassin et fait balancier, cognant son front à la vitre, sans s’en plaindre. Elle est trop prise par la sensation renouvelée et c’est pire… Parce que désormais, ils savent tous les deux ce que ça fait, la sensation de Drago dans Desco. Et ce souvenir pourtant pas si vieux augmente son trouble, la faisant se dandiner et serrer les cuisses avec envie.
Il y a cependant une once de gêne, à être le postérieur à l’air dans l’ascenseur de chez elle, avec ce risque constant d’être surpris. Un petit quelque chose là-dedans l’excite, et une voix moqueuse lui rappelle qu’elle s’est fait sauter en pleine rue. Merde. Kara se mord la lèvre, la joue contre la froide surface qui lui renvoie une sale image de sa gueule noircie, et marque le miroir de son mascara dégoulinant.
« Non. » C’est soudain, elle a un éclair conscient et assuré. Ses épaules se déplient sensiblement, elle a l’air sûre d’elle, pour une fois, mais en tournant le visage, butant son cou pour se contorsionner et le voir, elle se fait voler un baiser, et sans se laisser abattre, s’en trouve immédiatement électrisée. C’est physique, ou chimique, elle n’a jamais bien su la différence, et s’en cogne… Il pose sa bouche sur la sienne, et elle lui livre ses secrets, son code de carte-bleue, son journal intime de quatrième, et lui achète une paire de pantoufles pour chez elle. Sa langue s’étire pour venir taquiner la sienne, elles se répondent avec un naturel alarmant qui devrait leur faire dire à tous deux que, non, ce n’est pas une bonne nouvelle. C’est le signe évident que ce sera douloureux, plus que d’habitude.
Sa main se lève pour venir poser la paume sur la joue qui pique de Jaxx, l’emprisonner de ses doigts comme des serres possessives, avec la sensation viscérale qu’elle veut le dévorer sur place. Comme s’ils n’avaient plus le temps… Comme s’ils en avaient déjà perdu trop. Soudainement, pour Kara, sa salive qui se mêle à la sienne devient vital. Et elle trouve que le goût de ses lèvres d’alcoolique loser, de suicidaire macho, a le parfum du miel et des brioches chaudes à la fleur d’oranger. Qu’est qu’il ne faut pas entendre… Son soupir vient s’écraser dans un bruit obscène de succion.
« Suis-moi. » Une seconde, sa voix a sonné comme un ordre, mais c’est Kara, elle ne peut s’empêcher d’ajouter un léger « S’il te plait. » plus doux, se décrochant de sa ventouse, se penchant suffisamment pour le faire reculer de ses fesses… C’est vrai, ce serait vraiment excitant de faire l’amour ici, mais maintenant qu’ils sont au septième étage, pourquoi hésiter ? C’était contre le hummer qu’il fallait se poser des questions, ma Grande, c’est trop tard, assume. Quelque chose lui dit qu’elle fait une connerie, et quelque chose lui dit qu’elle en a déjà fait de toute façon, et qu’il vaut mieux aller jusqu’au bout…
Kara rappuie sur le bouton d’ouverture des portes en reprenant sa respiration, et essuyant son menton d’un revers de main peu gracieux, avant d’éclater de rire en échangeant un regard malicieux avec son Rebelle d’amant. Ne pas se perdre dans la contemplation de ses pectoraux, ne pas se perdre dans…
« Putain. » Son sourire laisse la part belle à ses dents quand elle l’observe, en entendant les portes s’ouvrir. « T’es une bête. »
C’est un compliment, elle en est sûre. Un monstre, plutôt. Un monstre de testostérone et un fantasme sur patte. En lui tournant le dos, la jeune femme tente de replacer tant bien que mal le tissu imbibé d’eau et de liquides plus douteux, histoire d’être présentable, un peu, dans le couloir qui mène à son appartement. Et, comme si elle avait peur qu’il n’obéisse pas à son commandement, sa main vient se saisir de la sienne. Ses doigts enlacent les siens de manière idiote, pour l’emprisonner totalement, et s’assurer qu’il la suive bien.
Son autre main lui fait signe, de l’index, de marcher dans ses pas, alors qu’ils remontent un couloir plongé dans la pénombre, où seules les lumières vertes des issues de secours éclairent les lieux. A-t-elle volontairement évité d’allumer les plafonniers ? Sans doute pour éviter d’éveiller les voisins, les commères, et qu’il n’ait pas à voir davantage son état lamentable… ? Même s’il a dit que ça lui allait, Kara ressentait une sorte de gêne à mesure qu’ils avançaient jusqu’à son chez-elle, qui n’accueillait pas tant de monde que ça, finalement. Le connaissant, il irait de ses commentaires, et elle savait que cela la toucherait plus qu’il ne le fallait.
La clé entre dans la serrure, et elle sent dans son dos la respiration du Biker, qui lui donne des frissons, impatients, comme anxieux. Elle avale difficilement sa salive, se racle la gorge.
« Jaxx, au premier commentaire, je décommande mardi, c’est clair ? »
Pour appuyer ses mots, Kara se tourne complètement et lui fait face, en levant le menton pour paraître plus grande et plus impressionnante. Mais le voir comme ça, deux bonnes têtes de plus qu’elle, la jeune femme se sent à nouveau minuscule et friable. Il a trop de pouvoir sur elle, c’est dangereux. Sa main ne l’a pourtant pas lâché, et d’une pression, elle l’attire contre elle, sent la porte dans son dos. Là, maintenant, elle a envie de ses lèvres, encore. Son visage se tord en une grimace de dégoût, de dégoût d’elle-même et de sa faible capacité à lui résister, lui, ce connard fini. Alors, pour se venger, sa main libre vient se plaquer entre ses jambes, pour se saisir de cette bosse qui tire les fibres imbibées de son jean. En pressant et insistant comme une menace, il lui semble nécessaire de réitérer ses mises en garde.
« J’te promets que j’le ferais. »
-
- Suis-moi.
Il te suivra, chérie. Au bout du palier ou jusqu'à Mars si tu demandes en minaudant encore un peu avec tes petits yeux suppliants. Tant que tu presses ton cul contre sa virilité érigée, triquée comme une colonne de temple grec, Jaxx suivra.
Ca n'est jamais qu'un homme après tout, commandé par le radar implanté quelque part dans sa bite et directement relié à son cerveau.
Est-ce qu'il ne s'agit vraiment que de ça, en fait ? Baiser, c'est déjà fait. A la sauvette, contre une bagnole en pleine rue. Jackson s'est soulagé du poids de ses couilles dont le marasme poisseux doit encore alourdir la toison pubienne de Kara. Il a l'esprit clair, les idées relativement fraîches. Ce n'est pas sa bitasse qui est aux commandes actuellement -même si elle gueule dans le cockpit pour faire valoir sa mission. Ce qui dirige Jackson, c'est autre chose que cette simple excuse. La curiosité ? Un peu.
La complicité ?
...
Merde, on dirait bien.
Même si c'est pour l'écarter, le contact appuyé des fesses contre la raideur mâle de son bassin fait frémir le boxer. Prêt à en finir à même la cabine d'ascenseur avec la cohérence physique de ce joli fessier rond, Jackson est arrêté dans ses projets de démolition par la petite formule de politesse qui suit directement l'injonction. L'avortement de ce genre de saut de l'ange, qui aurait propulsé son gland à l'intérieur de Kara et Kara contre la paroi de la cabine aurait pu lui déplaire mais Jaxx obtempère finalement, tandis que la commerciale plonge le délavé de la prunelle de ses yeux dans son regard à lui.
Aucun d'eux n'est en sécurité lorsqu'ils se retrouvent à échanger de cette façon et Jackson, confusément, le réalise à cet instant.
Ils se regardent.
Echangent un sourire satisfait, puant la fierté d'avoir mis la main sur l'autre.
Elle lui dit que c'est une bête.
Il rit doucement.
- Attends que je te bouffe la chatte, fait-il sur le ton de la fausse confidence. Tu verras, je suis même le putain de roi de la savane.
Complimenter ouvertement, Jackson ne sait pas vraiment faire. Il a oublié la méthode afin de se protéger, d'éviter de s'accrocher à une gonzesse quelconque pour un peu de cul et le partage d'un sourire humain et chaleureux qui passerait un onguent doux et sucré sur ses plaies encore un peu à vif. Seulement voilà, c'est déjà trop tard pour conserver intacte ce genre de belle résolution qui, face à Kara, résonne terriblement creuse. D'autant qu'elle lui prend la main pour le guider dans le corridor plongé dans le noir, sorte de parfaite allégorie de ce qu'il craignait : qu'on ne le guide à travers ses ténèbres jusqu'à une lumière si aveuglante qu'il en aurait peur.
Ce serait le moment de partir, Jaxx. De la planter devant la porte de sa cabane, presque gentleman à disparaître avant que la princesse à l'abricot couvert de foutre ne t'ouvre les portes de son palais.
Les mots sont au bord des lèvres de Drago, à présent. Il a fait l'effort de leur trouver une tournure presque aimable qui les ferait bien glisser. Alors que Kara s'arrête fourre sa clé dans la serrure, Jaxx tend la main pour lui attraper doucement la nuque.... mais voilà qu'elle se retourne et que, pour ne pas se trouver con, le boxer arrête son geste sur la joue de la commerciale qu'il dépose dans sa paume.
S'il était un Chevalier du Zodiaque, sa constellation à cet instant précis serait celle du Canard.
Parce que cet étrange contact, empreint d'une douceur qui n'avait jamais existé entre eux jusque là, lui plait. Merde, pourquoi est-ce que son pouce lui caresse la pommette, hein ? C'est N'IMPORTE QUOI, là ! ....Vite, on peut encore enculer Kara de force contre sa porte, non ?
Parfaite stratégie de repli, faisons ça.
- Jaxx, au premier commentaire, je décommande mardi, c’est clair ?
- Hein ? Ah, euh. Ouais. D'accord.
De quoi est-ce qu'elle parle, déjà ? Jackson croit le savoir, bien qu'il fasse mouliner son cerveau à toute allure pour lui imposer de vite faire les bonnes connexions afin de retrouver le fil de la conversation. Un commentaire sur quoi ? Son cul ? L'ascenseur ? Le hummer ? Sa gueule au maquillage plus rincé que la surface de sa chatte qu'il imagine fort jolie même sous les restes gras de son propre foutre ?
Il allait bien émettre une suggestion, seulement voilà : Kara prend les rênes en l'attirant à lui. Sa petite main aux doigts graciles se referme sur sa pine raide (à quel moment a-t-elle raidi ? Dans l'ascenseur ? Là, contre le battant de la porte ? Est-ce qu'elle a seulement vraiment débandé depuis la baise ? Impossible de s'en souvenir) et Jaxx se sait prisonnier.
Contre la main impérieuse de la jolie commerciale, la bite enfle d'une pulsation supplémentaire pour mieux emplir l'espace. Comme un animal de compagnie qui viendrait réclamer sa dose de caresse. C'était une sensation tellement nette et plaisante que Jackson sait d'instinct que sa partenaire a pu saisir la raideur s'amplifier nettement.
Maintenant, ça va être dur de la repousser.
Comme pour se venger d'elle, la main posée sur la joue humide vient caracoler vers la nuque de Kara. Passée sous le rideau de ses cheveux trempés, la digitale se referme l'arrière de la tête et la pousse vers celle de Jackson, qui vient l'embrasser.
Férocement.
Sa langue ne perd pas de temps ; ils savent tous les deux ce qu'ils veulent d'un baiser pour le moment. Ils veulent sentir leurs rosées jouer la cavalcade des affamés, pour mêler leurs salives avec tellement d'empressement que ça va dégueuler. Le lourdaud galoche, patine la langue et les lèvres, sait qu'ils bavent ensemble et l'un sur l'autre.
Ce qui achève de tendre sa queue dans une fameuse érection que Kara n'a toujours pas lâchée.
- Il n'y a qu'un moyen pour que tu me fasse fermer ma gueule, pour le moment.
Sa voix est rauque d'envie grondante, de doute à peine muselé. Il sait qu'une fois cette porte passée, les choses prendront un tour plus sérieux. Pourtant, c'est sa main à lui qui fait jouer la poignée et qui pousse le battant. De l'autre, Jackson retient Kara en revenant lui baiser la bouche de sa langue -ou lui laisse baiser la sienne, il ne sait plus trop- tandis que l'antre bordélique de la jeune femme s'ouvre à eux.
Pourtant, Jaxx ne fait pas davantage et se détache même un peu de la maitresse des lieux, le temps de lui désigner son domaine d'un mouvement de menton.
- On y va ?
Aucune idée de la destination, le petit train a déjà quitté les rails depuis belle lurette. Ils vont baiser, se souiller, se trouver beaux et remettre le couvert. Mais, au matin, quand la magie de la nuit et les hormones auront déserté la scène... où seront-ils ? Que seront-ils ? A nouveau des étrangers, simplement englués dans les reliquats organiques d'un autre ?
Ou deux âmes un peu plus liées qu'avant, au bord d'une erreur dans laquelle ils plongeront à pieds joints, main dans la main et langues dans la bouche ?
Jackson, intimement, croit avoir une idée de la réponse.
Et finalement, entraînant Kara avec lui, fait le premier pas pour passer le seuil de son appartement.
-
L’appartement n’avait en effet pas vocation à accueillir quelqu’un d’autre que la maîtresse des lieux, du moins, pas cette nuit. Elle était partie ce matin sans intention de sortir, qui plus est. Elle avait été à la bourre, pour ne pas changer aux jours précédents. Mais on ne pouvait pas se coucher tard et bénéficier de toutes les heures de sommeil nécessaires à la survie ET être à l’heure au bureau. L’entrée où ses godasses traînaient en vrac, en dehors d’un petit meuble pourtant conçu pour les ranger proprement, donnait directement sur un salon-pièce à vivre, pas si petit, ouvert sur une cuisine. Sur la longueur, les fenêtres aux carreaux loin d’être propre donnaient sur l’avenue et étaient pour le moment la seule source de lumière de son antre.
Dans la faible clarté électrique des réverbères, le visage de Jaxx était encore plus envoûtant. Et il était surtout très très près du sien, alors que Kara marchait à reculons de quelques pas, la main toujours agrippée à la seule rampe qu’elle avait envie de saisir, mais de moins en moins sûre d’elle à mesure qu’ils dépassaient la porte. Elle avait eu un sacré coup de chaud lorsqu’il avait évoqué un truc vulgaire au sujet de lui bouffer l’entre-cuisse, mais dans sa tête, les conventions sociales revenaient un peu trop brutalement pour ne pas être entendues. Ton appart c’est chez toi, dictes tes règles, montre-lui que s’il est un lion, toi t’es une lionne, et ce sont les lionnes qui commandent !
Elle le savait, derrière elle, les coussins du canapé étaient éparpillés dans la pièce, surtout devant l’immense téléviseur où les manettes diverses de ses consoles se perdaient au hasard de ses rages de fin de game. Des verres, parfois vides, parfois avec un fond de liquide douteux, attendaient leur heure de nettoyage sur la table basse aux traces aléatoires des précédentes sessions de bières-jeux-pizza avec des potes. Un paquet de chips aux crevettes mourrait d’une longue agonie sous le divan un peu vieux, d’innombrables tasses de café désertes ponctuaient chaque meuble… Pour tout le reste qui attestait qu’il s’agissait de l’antre d’une jeune femme célibataire et virtuellement active uniquement, des sous-vêtements sur le dossier de son fauteuil de bureau, véritable paradis de l’appartement, qui semblait assez entretenu. Tout son salaire semblait passer dans son ordinateur et périphériques, témoins de sa vie de gameuse. Plusieurs gadgets idiots de marchandising décoraient, vite fait, son tapis de souris ou une étagère avec des livres de cuisine qui prenaient la poussière.
Mais Kara se disait que, tant qu’on n’allumait pas la lumière, elle pourrait parfaitement faire illusion, et tant qu’elle attirait l’attention du Bad Boy sur quelque chose de tout aussi en bordel, mais moins gênant -quoi que- elle pourrait éviter qu’il ne découvre l’horrible vérité ! De quoi on a peur ? Qu’il se rende compte qu’elle n’était qu’une pauvre fille solitaire et désordonnée ? Qu’elle avait une vie pathétique de ces gens adultes incapables de faire bouillir de l’eau pour manger autre chose que des plats industriels ? Ou commander de la bouffe grasse à de pauvres gens exploités ? La bonne nouvelle, songea-t-elle, c’est qu’elle n’habitait pas avec quatre ou cinq chats, virant déjà un cliché.
Pour se rassurer, et mettre son plan diabolique à exécution, la Commerciale évita royalement d’appuyer sur l’interrupteur de l’entrée, claqua la porte maladroitement d’un coup de pied peu averti, qui manqua de s’écraser sur le tibia de Jaxx plutôt que sur le bois au vernis vieilli. Ses doigts se refermèrent plus avidement contre la trique qu’elle gardait jalousement à mesure qu’elle le sentait réagir vivement, durement, à leurs galoches de l’enfer. Elle s’étonnait encore un peu de voir à quel point chaque coup de langue pouvait avoir un impact saisissant sur ce Rebelle charismatique. Et si elle n’avait pas eu une boule au ventre, et les reins en feu, elle aurait sans doute ricané pour le lui faire remarquer, en fanfaronnant. Ce qui était étonnant, aussi, c’est que cela faisait un moment que ce sale type aux cheveux gras ne lui avait pas envoyé une pique à la gueule… Soudainement, cette évidence la fit d’autant plus angoisser. Est-ce que c’était mauvais signe ? Elle cilla pour chercher à faire le point, sa main libre venant encadrer son menton et l’écarter de sa bouche une seconde, séparant deux escargots gluants de salive.
« Retire tes pompes, j’veux pas de traces de tes vieilles grolles sur mon lino, j’ai pas l’intention de passer la toile cette semaine. »
Un rééquilibrage vif, alors qu’elle sentait un peu l’ambiance tourner. Rapidement, son petit sourire a l’air de dépasser un peu la pointe de malaise et lui redonner une dose de confiance, lorsqu’elle le chambre. Le stress est toujours là, mais les voix qui lui souligne qu’elle est chez elle, que c’est son territoire, et qu’elle gouverne cette terre réussissent à la convaincre qu’elle n’a pas à être aussi gauche. Ou alors, quelque chose dans l’absence de fion envoyé par le Biker depuis un petit moment, la façon qu’il a de la regarder, son attitude à lui… lui renvoient une image de faiblesse où elle s’engouffre pour ne pas avoir l’air d’être encore plus vulnérable. Un ping pong sans fin, pour deux tarés bouffis d’orgueil et de traumas, pour ne jamais s’avouer vaincu.
« Oh, pis, t’sais quoi ? Retire tout l’reste. » Cette fois, c’est sûr, son regard délavé encadré de noir qui coule pétille de malice. « Pour la douche, Jaxx, la douche. »
Bah, oui. Quoi d’autre ? Pour l’encourager, après une dernière pression sur son sexe qui déforme le jean, elle s’assoit par terre en lâchant sa belle prise tendue, incapable de tenir trop droite après la soirée surréaliste qu’elle vient de se manger, pour retirer ses escarpins abimés et trempés. Ses orteils sont bleu-noirs, le cuir bon marché a déteint sur sa peau, Kara glousse devant ce spectacle qui augmente encore un peu son état de délabrement qui suinte de partout.
« Putain, la lose… » Son petit nez se redresse alors, en se pétant le cou pour pouvoir observer l’immense Boxer. Elle est à ses pieds, déglutit. Quand elle le regarde, quelque chose lui dicte de le toucher, elle y résiste quelques secondes, avant de venir juste poser sa main sur son mollet. « Aller, à poil Trésor, ou alors t’as peur que je voie ton corps d’athlète ? » Aller, ça, c’est fait. Elle fait sa maline mais sa main n’est pas des plus affirmée sur le muscle qu’elle sent rouler sous ses doigts, moulé dans un denim humide.
-
Il flottait dans l'appartement de Kara une effluve diffuse, un peu lointaine.
Un parfum distant qui charriait les relents de la graisse saturée de la malbouffe, des poudres déshydratées des pots de ramens instantanés. Le boxer reconnaissait aussi les picotements de la sueur légère, du parfum bon marché et de la mauvaise aération. C'était un élixir olfactif qui n'était, en fait, pas déplaisant : il évoquait le célibat moderne d'un ermite peu désireux de s'aventurer hors du réconfort simple et personnalisé de sa caverne. C'était une senteur très ordinaire, finalement. Une senteur de vie quotidienne sans fioritures ni ménage excessifs. La vie très classique d'une personne qui vivait seule, confite dans l'aspect rassurant et quelque peu libertaire du "J'le f'rai d'main".
En fait, à part les piquettements désagréables si caractéristique de la nicotine froide et les notes plus entêtantes encore d'une poubelle jamais sortie et en plein développement de son propre écosystème auto-suffisant, Jaxx avait peu ou prou l'impression de pénétrer sur un territoire familier. Le sien.
De quoi le mettre à l'aise sans trop d'efforts, bien qu'à ce stade la commerciale n'en avait plus trop à fournir.
Leurs galoches langoureuses d'affamés qui se partageaient inlassablement la même quantité de salive. Ils allongeaient ainsi le chemin de la porte d'entrée au vestibule. Cela faisait fermer sa gueule à Jackson, plus intéressé à cartographier du bout de la langue le palais de Kara que de commencer à se repérer un peu dans l'antre mobilière qu'on consentait à lui ouvrir.
Sous les doigts serrés de Kara, la pine rude et épaisse du boxer était parvenue à une bandaison définitive. La petite merdeuse à la chatte souillée pouvait apprécier tout le volume qu'elle avait déjà encaissé et cela plaisait à Jaxx : c'était une seconde présentation après un apéritif pourtant bien chargé. Lui serait bien resté là, comme ça, à se faire pignoler à travers le jean jusqu'à ce que l'envie de monter Kara ne devienne trop féroce. Sa petite bouille aurait découvert la fraîcheur du carrelage en s'y appliquant pendant que Jackson aurait proposé à sa fente de devenir un parc d'attraction pour un seul visiteur, mais la maîtresse des lieux l'invita à se désaper.
A poil, donc ? Okay.
- La douche, hein ? Fit-il, la défiant d'un sourire de morveux insolent. C'est vrai que tu mouilles sacrément, mais on va augmenter le débit de la cabine.
Voilà qu'elle s'accroupit pour virer ses pompes et singe involontairement la famine. Elle n'aurait qu'à ouvrir sa bouche pour que le seigneur Jaxx dépose le bout enflé de sa grosse hostie sur sa langue. Elle pourrait communier à fortes succions, jusqu'à ce que le vin de messe ne lui barbouille le menton et ne lui coule dans la gorge.
Mais, hé, on peut jouer un peu.
Dans un bruit de tissu trempé, presque spongieux, le t-shirt de Jackson tombe parterre. Une sorte de merde incolore qui dégorge l'eau de pluie.
L'eau, elle court aussi sur le torse de Jaxx. Le ruissellement souligne les esquisses de sa musculature, dessine un peu dans la pénombre le jeu des abdominaux et des pectoraux. L'eau colle le poil noir sur la peau -Jaxx est un mâle, assurément. Pas un minet délicat et glabre et le panache qui s'épanouit légèrement au-dessus de sa ceinture laisse clairement envisage la couronne qui surplombe le sceptre érigé.
Quelques claquements métalliques, un bouton qui cède : voilà que le pantalon glisse le long de jambes puissantes, qui dégage presque dans un même mouvement chaussures usées et futal à peine plus vaillant pour ne plus laisser à la hauteur du visage de Kara qu'un boxer épousant l'aspect de la verge qui tend l'élastique. Crochetant du pouce la bordure du sous-vêtement, Jackson commence à l'abaisser légèrement avant de stopper son geste.
- C'est là qu'on va voir si ta grande gueule te sert à autre chose qu'à blablater.
Un mouvement du poignet et l'élastique du boxer caresse le membre en le quittant, jusqu'à ce que le gland ne soit passé. La verge s'érige d'un coup, comme un diable expulsé de sa boîte. Un démon oblongue, terriblement droit, scarifié par l'épaisse veine dont on pourrait presque capter le battement. Ce n'est pas une queue spécialement massive, spécialement imposante. C'est un sexe ; un beau sexe masculin, ode à la virilité triomphante dans sa bandaison violente. Le darde marque quelques petits spasmes d'ailleurs. L'excitation est assez puissante pour que le sang continue d'affluer, comme dans l'espoir vain de pouvoir se glisser dans des centimètres supplémentaires à densifier.
- Je crois pas que je vais être capable d'attendre la douche.
Cela pourrait ressemble à une menace, vu le ton assuré. La main qu'il tend vers la joue de Kara, toutefois, dément rapidement le dérapage incontrôlé qui aurait pu s'amorcer dès cet instant. En lui flattant la mâchoire, en glissant vers sa nuque qu'il pourrait incontestablement saisir de force, Jaxx fixe la jeune femme. Il guette, à sa façon de prédateur, une permission de transformer la commerciale en avaleuse de sabre.
Son consentement.
- On n'allume pas la lumière.
Ce n'est pas tellement une demande. Il n'a pas envie de découvrir dans le regard de Kara une affection qu'il sait pourtant partage mais qu'il n'est pas en mesure d'assumer pleinement. Qu'elle le suit dans le clair-obscur de son vestibule, ça la déshumanise un peu. Ca lui donne un peu moins d'emprise sur lui -même si ce n'est qu'un garde-fou complètement hypocrite, au stade où les deux perdants se trouvent ensemble. Quelque chose dit néanmoins au boxer que ce sera aussi plus facile comme ça pour Kara, pour le moment. Qu'elle n'accorde que l'importance nécessaire au gland qu'il glisse sur ses lèvres, pas davantage. Qu'elle embrasse langoureusement la tête de son second cerveau, qu'elle se jette sur sa bite comme une morte de faim.
Qu'ils redeviennent, à la faveur du noir, des bêtes prêtes à se consommer l'une l'autre sans vergogne ni sentiment.
-
Elle s’était sentie puissante, maline et même plutôt en situation de lui dicter ce qu’il devait faire. Et la faiblesse du Rebelle n’avait pas mis énormément de temps à s’évader pour qu’il reprenne du poil de la bête. Un petit gloussement sort des lèvres de la Commerciale quand il évoque la douche, et l’état lamentable de sa petite culotte… pas faux, elle serait presque tentée d’acquiescer, mais son souffle est coupé d’un coup, lorsqu’elle a les yeux englués sur la vision ruisselante de ce torse qu’il lui dévoile.
Oh, elle l’avait déjà presque vu buste nu, avec la pluie battante qui avait moulé le tissu imbibé sur ses pectoraux à tomber. Mais c’était autre chose que de l’avoir au-dessus d’elle, si mâle, si haut, si…
« Oh putain. » Souffla-t-elle comme si ce moment précis marquait l’instant où elle savait qu’elle avait fanfaronné un peu trop. Prise à son propre jeu, comme souvent. Kara déglutit, en ne prenant pas la peine de suivre des yeux le jersey qui s’éclate au sol, près d’elle, qui va laisser une marre dégueulasse. Il lui est impossible de détourner son regard dégoulinant de mascara de supermarché de ses abdominaux, les cicatrices qu’elle perçoit, l’eau qui ruisselle comme au ralentis, pour la narguer. Ce torse est à l’image de ce qu’elle fantasme depuis qu’elle a croisé la dégaine crasse du Boxer. C’est un signe supplémentaire qu’elle devrait le virer de chez elle à coup de pied bleuté.
Ses dents croquent un peu fort ses lèvres dès qu’il met la main sur sa ceinture. Merde, il est sérieux, le con. Il va le faire. Et c’est elle qui lui a demandé… Kara tente de retenir un frisson, pour rester digne, même si elle est à ses pieds et se transforme en flaque. En levant le menton, elle donne le change, qui croit-elle berner ? Le son de la ceinture qu'il dompte est une musique qui pue l’érotisme facile d’accès, elle est aux premières loges pour dévorer des yeux ce qu’il dévoile en direct. Un strip-tease de bas étage, vite fait dessapé dans un garage. Et plus il lui expose ses muscles, ses poils, sa peau de soulard, plus Kara ouvre la bouche. La Carpe n’en mène pas large lorsqu’elle suit en fixant nerveusement ces doigts qui abaissent son boxer.
Il la flingue d’une réplique, qui lui fait refermer la bouche d’un coup, dans un son de dents mal calibré. Incapable de faire autre chose que loucher sur son membre qui lui arrive entre les yeux dans un rebond caractéristique. Evidemment, elle l’a déjà rencontré de manière bien plus brutale, mais l’avoir sous le nez, puissant, érigé, offert… La jeune femme lâche un soupire d’anticipation. Sa simple vue lui fait serrer les cuisses par réflexe. Merde. Répliquer quelque chose, un sarcasme grognon, une pique, n’importe quoi. Remets-le à sa place. Sa gorge est trop aride pour réussir à articuler quoi que ce soit, et rien d’intelligent ne lui vient en tête. Seule cette queue la fascine.
Jaxx annonce la couleur, et à vrai dire, il enfonce une porte ouverte. Comment espérer atteindre la salle de bain alors qu’elle est presque à genoux devant lui. Sans s’en rendre vraiment compte, Kara hoche la tête lentement, et son regard paumé se transforme peu à peu en braise. On va arrêter de se mentir, ma Grande, et cette main sur sa nuque l’électrise un peu plus. Plus rien ne tourne rond, elle essaye de l’écouter parler, mais elle se fiche royalement de ce qu’il peut lui dire… Cause toujours, Lorenzo Lamas, j’entends rien.
Il ouvre la bouche, ses lèvres bougent, et inconsciemment, elle a déjà tendu le cou assez pour poser sa bouche contre son sexe. La sensation, le parfum enivrant de cette peau de Biker viril lui explose de nouveau les sinus, en l’achevant, si besoin était. Un baiser, à peine, juste le temps de se racler la gorge, et ses lèvres s’ouvrent trop peu pour le laisser la pénétrer… Il faut qu’elle reprenne pied avant de réussir à se concentrer, ferme les yeux un court instant.
Ce type la rend dingue, il n’a rien à faire, juste à être devant elle. Il sent le mec, le danger, il pue le foutre et les fluides qu’ils viennent d’échanger n’importe comment en pleine rue. Lorsque sa langue vient flatter ce gland qui toque à ses lèvres, elle s’assure qu’il en a également le goût. Une explosion sur ses papilles, et sa main remonte de son mollet à cette tige qu’elle empoigne pour forcer elle-même le passage de sa bouche, trop peu ouverte pour s’y glisser sans heurt. Kara souffle par les narines comme une acharnée, un soupir cogne contre la trique qu’elle engloutit lentement. Et qu’elle ressort en gémissant. C’était juste pour dire bonjour… Elle relève alors les yeux tout en haut, vers son visage de connard puissant et son regard d’acier, et malgré sa posture, quelque chose la fait frissonner, invulnérable. Elle le tient.
Boostée par un sentiment de faire de lui ce qu’elle veut, la Commerciale serre davantage le membre qui lui pulse comme une ruade entre les doigts, et revient à la charge, pour l’avaler et y répandre la salive qu’ils échangeaient peu de temps avant comme des dalleux. L’absence de lumière dans l’appartement dessine un Rebelle plus beau qu’en réalité, taillé dans un marbre de statue, alors qu’elle le dévore avec avidité, incapable de se retenir. Sa main libre vient claquer sur ses fesses, oh, bordel, si fermes, pour accompagner ses mouvements.