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« Bon, une signature ici et cela devrait être bon pour l’instant. L’ensemble des documents seront communiqués au Rectorat pour valider définitivement votre scolarité. Avez vous quelque chose à ajouter ?
- Non, non, pas de problème je vous fais ça. »
Un petit coup de crayon, et voilà, elle mettait enfin un terme aux deux heures de rendez-vous extra-scolaire qu’elle avait dût se coltiner afin de clore son dossier scolaire. Enothis n’avait vraiment pas imaginée que cela allait durer aussi longtemps, suffisamment pour que la nuit soit tombée à l’extérieur du bâtiment. Monsieur Takenoshi, son référent de scolarité, ne semblait pas lui avoir imaginé autre chose : Après tout elle n’avait aucun diplôme élémentaire, ni même de preuve tangible d’un enseignement dans un autre pays, si bien qu’elle avait eut tout le mal du monde à lui offrir les éléments suffisants pour lui assurer qu’elle avait le niveau suffisant pour poursuivre son apprentissage en lycée. Elle savait d’ailleurs que cela allait bientôt être laborieux, à la fois à cause de la barrière du langage, mais surtout parce qu’elle allait devoir y mettre deux fois plus de coeur à l’ouvrage pour compenser ses lacunes. Mais ça ne lui faisait pas peur. Après tout, maintenant qu’elle avait enfin le droit à une éducation digne de ce nom, elle n’allait pas s’en priver. Elle était même impatiente, encore plus après les deux premières semaines d’enseignements. En tout cas elle rendait enfin le précieux document qui allait lui permettre d’acquérir toutes les connaissances dont elle avait rêvée, et c’est après un petit hochement de tête que son référent vint le ranger avec les autres, dans un classeur dont l’épaisseur laissait entendre de l’ensemble des démarches administratives qu’elle avait enchaînée depuis son arrivée à Seïkusu. L’homme se levant de sa chaise, elle en fit de même, comprenant qu’elle allait pouvoir enfin rentrer chez elle, non sans un dernier propos de son interlocuteur :
« Oh permettez moi mais je sais que vous ne connaissez que peu la ville, alors permettez moi de vous informer à ce propos. Les élèves n’ont bien sûr pas de limitation à recevoir de la part de notre établissement quant à leurs activités extérieures, mais si vous ne voulez pas d’ennui à Seïkusu, évitez certains quartiers, comme celui de la Toussaint, ou la zone industrielle. Ce ne sont pas des lieux sains pour une jeune femme. Sur ce, au plaisir de vous revoir la semaine prochaine dans nos cours.
- Merci M.Takenoshi. Passez donc une bonne soirée, au revoir. »
Ne demandant pas son reste, elle quitta le bureau, et descendit les escaliers avant de quitter le bâtiment dans les lumières de la nuit. Seïkusu était une belle ville, dont l’activité le soir était toute aussi importante qu’en journée, parfois même plus en considérant tout ce qu’il était possible de faire une fois les bureaucrates endormis. Si on devait parler de dépaysement, Enothis en découvrait l’essence à chaque fois qu’elle traînait un peu tard dans les rues de la cité nippone. Les couples innocents qui se baladent en se susurrant des mots doux, les groupes de jeunes adultes buvant des cannettes d’alcool sur les marches d’un escalier, et les joueurs de pachinkos qui perdent deux dixième d’audition dès que l’un deux touche le jackpot… Un véritable monde à part pour celle qui a toujours vécue dans les sables ondulants et silencieux d’un désert sans vie. Ça ne lui était pas désagréable, au contraire même, elle y trouvait une forme de paix, comme si elle se trouvait enfin en un lieu débarrassé des obscurantismes et des mensonges qu’elle a si longtemps dû perpétuer dans son culte. Elle s’y plaisait, et sa nouvelle liberté n’était pas seule à lui offrir ce divin contentement.
Après s’être accordé une courte marche de découvertes, visitant deux ou trois rues de plus que le jour précédent, elle abandonna ses errances pour enfin se diriger vers ses pénates. A droite toute, direction les transports en commun et le divin service de métro de Seïkusu, dont la ponctualité est digne de la réputation nippone. Le bâtiment est visible de loin, et elle en connaît désormais la structure comme sa poche ! Une grande volée d’escaliers pour atteindre le hall d’entrée, puis tout au fond à droite pour se diriger vers le quai n°5, celui qui va s’enfoncer dans les quartiers résidentiels pour atteindre les quelques hautes tours du quartier de l’Amant, où elle avait acquis un petit appartement fort intéressant en terme de place et de prix. Peu de lycéens ou d’étudiants prenaient la ligne à cette heure tardive, si bien qu’Enothis se retrouvait au milieux des mines grises d’employés lessivés, et de cet étrange macrocosme de jeunesse de la nuit nippone, haute en couleur et en activité. Rien qui ne puisse l’inquiéter, ni même la mettre en alerte tandis qu’elle passe les guichets, puis qu’elle valide son ticket auprès de l’énorme portique d’entrée, avant de s’enfoncer plus en avant en direction des quais. Ce n’est qu’une fois dans le couloir parfaitement entretenu qui mène à ces derniers qu’une pique lui vrille le crâne, quelque chose qu’elle connaît très bien, et qui l’amène à tendre l’oreille pour entendre les propos alertes de sa colocataire spirituelle :
« C’est pas le moment Emaneth…
- Chut. Ouvre les yeux au lieu de grommeler. Derrière ce groupe de minettes colorées que tu viens de passer il y a quelqu’un qui semble te suivre du regard.
- Qu’est-ce que ça peut me f…
- Regarde par toi-même. Et discrètement de préférence ! »
Un coup d’oeil par-dessus l’épaule suffit effectivement à lui coller un long frisson le long de l’échine. L’observateur en lui-même ne paye pas de mine, un jeune homme aux cheveux courts, le tout associé d’une petite queue de rat qui était déjà ringarde avant sa naissance. En revanche son accoutrement, à savoir ces pantalons amples et épais en toile, ainsi que le haut à manches longues brodé de fil d’or ne lui laisse qu’un très mauvais souvenir. Elle ne lui voit pas le moindre signe distinctif, mais le simple fait que sa tenue lui rappelle ceux de son culte ne la laisse pas indifférente… Et quand il se lève de son banc pour entamer de poursuivre le même chemin qu’elle, elle se met à presser le pas. Mince, triple merde et quadruple fais chier, depuis quand il y aurait un membre de son ancienne communauté dans cette ville ? Elle l’avait choisie spécifiquement parce qu’elle ne connaissait personne parmi ses anciens fidèles qui pourrait y avoir vécu ou y vivre ! Un autre coup d’oeil : Saloperie, il est toujours derrière elle, et semble lui aussi avoir pressé le pas. Oh non. Oh non non non elle n’avait pas fait autant d’efforts pour finalement se faire repérer après deux semaines de liberté ! Pas le choix, malgré toute forme de respect et de cordialité, elle s’élance, pousse une personne, puis deux, et essaye d’atteindre le plus rapidement le quai tout en espérant que la foule lui permettra de se dissimuler. Est-ce que ça marche ? Visiblement non, tout ce qu’elle entends au mieux derrière elle est un lot de jurons, envers elle d’abord, puis envers celui qui la poursuit et qui semble avoir décidé de ne pas la laisser prendre de la distance !
« Pitié dis moi que tu peux faire quelque chose Emaneth !
- Devant tout ce monde ? Non, laisse tomber ! A moins que tu veuilles définitivement tout foutre en l’air ?
- Même pas une illusion ou je ne sais quoi ?
- Court et tais-toi. Si je dois agir pour nous sauver toutes les deux je le ferai. »
Si Enothis parlait dans sa langue natale pour ne pas être comprise des gens alentours, la voix d’Emaneth qu’elle entendait au creux de son crâne manquait elle de clarté. Loin des sables du désert, la Djinn qu’elle abritait en son corps était extrêmement diminuée, elle le savait, et même un simple jeune homme était suffisamment dangereux pour que les deux cherchent à rapidement s’enfuir sans demander leur reste. Arrivant sur le quai, enfin, Enothis manque jurer en voyant que les voitures du métro sont déjà à quai, et que nombre de personnes y sont déjà rentrées. Merde, allait-elle avoir le temps ? Juste derrière elle, une voix masculine et colérique commence à l’appeler, par dessus le brouhaha, et d’ailleurs avec un florilège d’insultes qui laissent entendre qu’il n’est pas forcément heureux de la voir s’enfuir. Paniquée désormais, elle en oublie toutes formes de manières, pousse la personne qui se trouve devant elle, bondit pour foncer vers les portes automatiques les plus proches, manque s’affaler sur le sol et se rattrape comme elle peut pour s’élancer de plus belle. On lui hurle dessus, elle n’en a cure, elle a trop peur pour y accorder de l’intérêt ! Elle entend la sonnerie délicate annonçant le départ des wagons, désespère, commence à voir les portes se fermer doucement…
… Puis une main attraper le coin de la porte pour la bloquer, avant qu’une autre ne lui soit tendue. Elle n’hésite pas plus longtemps, attrape cette bénédiction tendue avec bonté, s’élance et se laisse tirer dans la voiture juste avant que les portes ne claquent, dans son dos, la séparant de son poursuivant. Essoufflée, elle tombe au sol, cherchant à reprendre son souffle tandis que quelques perles de sueurs roulent depuis son front jusqu’au bords de ses joues, laissant de légères traces humides sur sa peau mate.
« Je… M-merci je… je vous en dois une... »
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Elle avait vu une vidéo sur youTube concernant Takehiko Inoue : un mangaka célèbre. C’était l’homme derrière le manga qui avait apporté le basketball au Japon : Slam Dunk. C’était aussi l’homme qui avait repris l’histoire célèbre du samurai nommé Musashi Miyamoto : dans le manga nommé Vagabond. Ce qui avait intéressé Lissandre, au-delà des œuvres et des histoires du mangaka, avait été la façon dont il travaillait. Le mangaka avait plusieurs cafés favoris dans lesquels il se rendait pour travailler. Il tournait de l’un à l’autre pour changer d’environnement, pour renouveler son inspiration ou alors pour écrire avec un certain état d’esprit.
Lissandre avait donc testé plusieurs cafés dans la journée. Elle s’était assise à des tables, commander des cafés et avait observé son environnement. Les couples qui parlaient à voix basse. Les décorations qui étaient parfois recherchées, parfois trop standards. Mais aussi le va et vient du dehors. Lissandre sortait alors son ordinateur portable à coque rose et commençait à écrire. Elle avait essayé plusieurs ébauches de scénario. Elle avait noté plusieurs idées. Puis elle s’était rendue compte qu’il commençait à se faire tard. L’heure était venue de rentrer chez elle. Ses scénarios révolutionnaires attendraient demain maintenant !
Elle se retrouve donc sur les quais du métro. A attendre. Avec sa personnalité et son trop-plein de café, Lissandre déborde d’énergie. Elle décide de la canaliser en observant le monde qui l’entoure. Son esprit rentre à nouveau en mode professionnel. Elle se demande ce que cette innocente mamie pourrait bien porter comme lingerie sulfureuse en-dessous ses vêtements dépassés de mode. Elle se demande ce que cet homme d’affaires peut bien écrire sur son téléphone portable : une conversation avec une maîtresse ? Peut-être une conversation passant dans un portail dimensionnel et arrivant dans un autre monde ? L’imagination de Lissandre est prolifique. Trop pour certains qui n’arrivent pas à suivre et l’abandonne…
Et il y a cet homme. Un homme assez standard dans ses proportions et son visage. Mis à part cette petite queue de rat ridicule. Sauf que ses vêtements attirent l’œil de celle qui cherche les personnages atypiques pour ces créations de porno-fantasy. Pantalon ample et épais en toile. Haut à manche longue. Et surtout, le tout brodé de fil d’or.
*Qui es-tu toi ? *
Son attention n’est plus centrée que sur cette personne. Elle essaie de regarder ailleurs. Mais elle revient toujours à cet homme qui se met maintenant à observer cette lycéenne. Probablement une qui suit des cours du soir. L’éducation des japonaises étant bien différente des françaises. Pays d’où elle vient.
*Une course-poursuite ? *
Lissandre ne réfléchit pas plus et tend sa main salvatrice pour attirer la lycéenne dans le wagon. Elle tombe au sol et Lissandre observe cet homme énervé d’avoir perdu sa proie. Un pervers obsessionnel ? Elle n’y croit pas. Une fois qu’elle ne peut plus le voir, Lissandre s’intéresse à la victime.
« Ne t’inquiète plus, les ennuis sont derrière toi. »
Elle tend une nouvelle fois sa main. Cette fois pour l’aider à se relever. Cette main est accompagnée d’un sourire chaleureux. Ce sourire est fiché sur un corps engoncée dans une combinaison intégrale de latex rose. Elle porte également une veste couleur or.
« Qui était cet homme ? Tu as besoin d’un endroit où te réfugier pour la nuit ? »
*J’ai quelques questions à te poser. Et mon instinct me dit que tes réponses vont donner création à d’autres questions ! *
-
Enothis avait les jambes coupées, à la fois par la peur et l'effort soudain qu'elle avait dût fournir pour pouvoir échapper à son poursuivant. Honnêtement, elle n'était pas des plus athlétiques, elle avait passé bien trop de temps dans sa vie à se reposer sur les capacités d'Emaneth pour pouvoir avoir développée une quelconque forme de musculature décente. Ce faisant, maintenant que la Djinn ne pouvait plus la soutenir de ses pouvoirs surnaturels, elle se retrouvait bien pauvre physiquement, ce qui avait manqué lui jouer un sacré tour, étant donné que le fanatique n'était pas passé loin de la rattraper, voir-même de l'attraper. Enfin, il était de l'autre côté de la porte close désormais, et elle entendait le grincement chuintant et mécanique des wagons qui se mettent en marche, ce qui lui permit de définitivement perdre toute contenance, s'affalant à moitié contre le plastique froid de la coque intérieure pour mieux récupérer. Elle n'avait qu'à peine prit le temps de remercier sa sauveuse de fortune entre deux inspirations hâtives, ne l'ayant même pas regardée dans les yeux pour le faire, mais le soulagement et la fatigue l'avaient agonie avant que les bonnes manières ne prennent le dessus. Désormais, au sol, sûrement ridicule pour bon nombre de ceux qui étaient dans la rame à l'observer, elle se reprenait lentement, et c'est quant elle voulue reprendre la parole afin d'avoir enfin un propos un peu plus intelligible qu'un remerciement automatique, qu'elle entendit son alliée de providence engager la conversation :
« Ne t’inquiète plus, les ennuis sont derrière toi.
- C'est gentil, merci. J'aurais été dans une situation difficile sans ton ai... »
La stupéfaction coupa court son propos. Elle avait prit le temps d'enfin relever la tête pour observer son alliée imprévue, et le choc de sa tenue ne manqua pas de la laisser pantoise. C'était quoi ce bonbon criard en face d'elle ? Non mais franchement, du rose, plein de rose, trop de rose. Et puis pas seulement du rose, mais surtout du rose moulant et brillant, le genre de rose qui t'en met plein la figure en soulignant les courbes envoûtantes d'une jeune femme que la décence n'a sut ni convaincre ni proscrire. Que de rose, alourdit par un jaune doré d'une veste jeté sur des épaules minces, formes larges contrastant avec le serré d'une tenue qu'Enothis osa imaginer sur sa propre personne avant de rejeter l'idée d'un mouvement de tête qui avait pour vocation de la ramener à la réalité. Cette accoutrement était tel qu'il avait même réussit à occulter le plus important, à savoir que l'étrangère n'avait même pas put prendre le temps d'observer les traits de sa sauveuse avant que le choc ne vienne court-circuiter l'ensemble de sa réflexion. En fait, ce fut à peine si elle comprit les prochains mots que la jeune femme à l'emballage chimique lui adressa alors, et l'égyptienne eut sûrement l'air bien sotte pendant les deux secondes qui suivirent, bouche-bée, à remettre en forme les propos de cette demoiselle en sa pensée confuse. Mais quand elle parvint à un résultat convenable, elle ne manqua pas de s'exprimer rapidement, dans un japonais approximatif mais probant :
« Qui était cet homme ? Tu as besoin d’un endroit où te réfugier pour la nuit ?
- Eh bien je... C'était un... un méchant ? Je crois que « méchant » marche ? Un type d'un groupe que je veux fuir. Mais je... Je crois que je vais essayer de pas rentrer chez moi. Si il m'a vu c'est... Dangereux ? »
Son japonais était hasardeux. Faut dire qu'elle n'avait pas vraiment l'habitude de parler dans cette langue, plus habituée normalement à l'arabe ou l'anglais, alors considérant en plus sa confusion de l'instant, elle cherchait d'autant plus ses mots. Mais bon, elle avait trouvée quelqu'un qui semblait lui vouloir du bien, alors elle se décida à offrir un meilleur tableau de sa personne ! Se redressant donc enfin après avoir passé quelques temps vautrée au sol, elle tendit une main encore un peu tremblante à cette jeune femme, comme pour lui offrir une poignée de main pleine de bons sentiments, avant de chercher à se présenter. Après tout, n'y avait-il pas meilleur moyen pour engager un échange plus cordial que par une rapide présentation, et bien sûr... De demander à celle qui l'avait si gentiment sauvée de lui donner son prénom ?
« Je m'appelle Enothis. Je suis au Japon depuis quelques semaines, à peine. Désolé pour mon manque d'habitude avec ce langage, je vais essayer d'être plus claire. Et toi comment t'appelles-tu ? »
Au dehors, il faisait déjà nuit, et seuls les éclairages urbains ainsi que la lumière du tram permettait d'y voir quoi que ce soit, mais elles étaient en train de s'éloigner du centre de Seïkusu, en direction des quartiers résidentiels. La population globale du wagon ne semblait pas plus inquiétante que cela, quelques jeunes, quelques vieux, beaucoup d'hommes d'ailleurs mais Enothis s'étaient habituées à cet étrange manque de mixité à l'intérieur des transports en commun de la cité, sans trop comprendre pour quelles raisons cela était ainsi dans les métropoles nippones. Elle glissa un coup d'oeil à l'extérieur, au travers les vitres, mais difficile d'y voir grand chose, à-part que le système de transports en commun filait à toute allure, en compétition perpétuelle avec le temps qui passe, cherchant à ne jamais perdre la moindre seconde afin de respecter leur sacro-sainte ponctualité. Ce n'est qu'en se retournant vers la jeune femme qu'elle remarqua enfin qu'elle portait, avec grandes différences, des traits tout aussi étrangers que les siens. Une européenne peut-être ? Disont que pour les quelques fois où elle avait vu des traits américains, ils étaient généralement plus grossier que ceux de la population du Vieux Continent, d'où ce questionnement, mais de là à ce qu'elle puisse se tromper, il n'y avait qu'un pas. Cela devait être un drôle de spectacle d'ailleurs pour les résidents de cette contrée, deux étrangères qui échangeaient après que l'une se soit jetée dans le wagon sans la moindre once de retenue ! Mais elle préféra ne pas trop y penser, avant d'enchaîner avec un anglais simple pour tenter de confirmer ses suppositions :
« Peut-être suis-je un peu audacieuse, mais tu n'es pas d'ici je me trompe ? Je suis égyptienne, et cherche à me faire une vie tranquille ici, loin de mon passé. Et il a manqué me rattraper ce soir, d'où ma fuite. »
Enothis se sentait enfin un peu mieux, et même si elle ne sentait plus la présence d'Emaneth, elle ne pouvait pas non plus cacher le fait qu'elle avait tout de même une impression globale de sécurité. Bon par contre il restait une question, qui d'ailleurs lui avait été posée un peu auparavant par sa jeune sauveuse : Est-ce qu'elle avait besoin d'un abri pour la nuit ? En toute honnêteté, la question n'était pas facile. Emaneth était vigilante, et quand elles se trouvaient chez elle, les précautions de la Djinn étaient normalement suffisante pour qu'elles s'évitent des problèmes, comme la fois un peu ridicule où celle-ci s'était soudainement préparée à une attaque lorsque un livreur de pizza était entré dans le bâtiment pour faire son travail. Pour autant, si un membre du culte se trouvait à Seïkusu, et pire encore l'avait reconnue, il était tout à fait possible qu'il prévienne le siège de la secte de sa découverte, et qu'ils se décident à fouiller la ville au peigne fin à sa recherche. Et ça, cela rendait son retour chez elle particulièrement complexe. Car ils finiraient par en trouver l'adresse.
Se tournant vers les portes automatiques alors que les wagons se permettaient leur premier arrêt, et laisser quelques usagers sortir ou rentrer, l'égyptienne pesa le pour et le contre. Dans le fond, si encore elle avait bien compris les propos de la jeune femme à ses côtés, elle lui proposait éventuellement un refuge. De son point de vue, la question se tournait autrement : Est-ce qu'elle privilégiait sa sécurité, quitte à risquer de porter préjudice à une personne qui avait eut la bonté de la tenir hors de portée des ennuis, non sans parler de lui faire une telle offre de charité ? Peut-être que le comportement le plus louable était de lui faire part de l'ensemble de ces questionnements d'ailleurs. Elle lui fit signe de la suivre un peu plus loin des portes, de manières à ne plus être aussi visibles, et fit quelques pas en direction du fond du wagon, où elle avait put observer quelques sièges vides. Ce n'est qu'une fois toutes deux assises qu'elle se permit de prendre une grande inspiration, puis de s'exprimer à voix basse, avec un petit soupçon de honte d'ailleurs qui ne manqua pas de poindre dans son élocution :
« Si je peux me permettre, je crois bien que j'aurais besoin d'un refuge pour la nuit, au moins. Ce type qui m'a suivit... Eh bien il pourrait continuer de me chercher, maintenant qu'il pense m'avoir trouvé. Et il n'est pas seul. Mais... Je ne voudrais pas te créer de problèmes. Tu as été déjà bien gentille de m'aider, et si il venait que ma présence te mette en danger, je ne saurais survivre à la culpabilité qui me submergerait. »
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[en anglais] : « Je te comprends, ne t’inquiètes pas. Si tu préfères qu’on conserve cette langue, aucun problème pour moi ! Je maîtrise le français, l’anglais et le japonais. »
Usant d’un geste stéréotypé, Lissandre montra le « V » de ses deux doigts dressés, accompagné d’un sourire charmant. Elle était contente d’avoir rencontré celle qui se présentait avec le prénom d’Enothis. Contente car elle sentait que cette rencontre allait stimuler son imagination !
« Moi, c’est Lissandre. Je suis contente d’être venue à ton secours. Enfin, je ne veux pas dire que je suis contente que tu sois pourchassée. C’est juste que je vois toujours la vie du bon côté. Et sans cet homme chelou à ta poursuite, on ne se serait surement jamais adressé la parole. »
Lissandre gratifia Enothis d’un nouveau sourire. L’égyptienne allait vite comprendre que la femme en latex rose était un concentré d’énergie débordant. En attendant, elles se rendaient toutes les deux vers des sièges disponibles dans le fond du wagon. Lissandre s’assit, le dos droit. Elle plia une jambe par-dessus l’autre. Malgré son air de gamine hyperactive, elle avait des manières qui témoignait de son éducation de bourgeoise.
« Ne t’inquiète pas pour moi. Bien sûr que je vais te prêter une des chambres de ma maison. De toute façon, je suis généralement toute seule. Donc un peu de compagnie me fera plaisir. Par contre, je te préviens, chez moi, c’est assez spécial. »
Son sourire chaleureux se transforma en sourire malicieux. Ce n’était pas le moment de parler de ses prétentions professionnelles. Aujourd’hui, la fantasy-porno serait mis en sommeil. Ce qui comptait, c’était aider cette lycéenne, la rassurer et passer du bon temps. Donc, probablement un bon repas. Peut-être du karaoke. Beaucoup de bonbons ! Et surement se perdre sur internet avec des vidéos drôles contenant des chats et des shows WTF japonais.
Des idées en tête, Lissandre avait déjà allumé son téléphone portable. Bien entendu, un modèle à coque rose qu’elle avait sorti de la poche de son blouson doré. Elle multipliait les recherches, sélectionnait des musiques, assemblait déjà une playlist pour passer la soirée. Elle disparut donc quelques instants de la vie IRL et manqua peut-être une question ou deux d’Enothis.
Elle manqua également l’arrivée de plusieurs jeunes hommes annonciateur de problèmes…
Voix masculine : « C’est mignon tout plein, ça. Vous avez vu les gars ? »
Lissandre avait l’habitude qu’on lui fasse des remarques au sujet de ses courbes moulées de rose. Elle ne releva pas la tête de suite. Car, bien souvent, l’indifférence minait le moral des petits harceleurs. Elle continua donc de faire ses recherches internet, pensant soudainement à passer une commande pour recevoir un lot surprise de confiseries directement chez elle !
« Des bonbons surprises ! Tu vas voir, ça va être marrant. »
C’est en faisant cette remarque à Enothis qu’elle découvrit le visage du « petite harceleur ». Une tête de racaille aux cheveux courts et teints en vert. Une taille pas très grande mais un torse fin mis en valeur d’un débardeur blanc collant à son corps. Mettant en évidence ses épaules tatouées à la mode yakuza. Les mains bien enfoncées dans les poches de son large pantalon noir, Lissandre suspectait un poing américain traînant au-dedans.
Voix masculine : « Ah bah enfin ! Je croyais que le bonbon était sourde. Et que la copine était muette. D’ailleurs, elle parle la copine de bonbon rose ? »
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Même si ce n’était pas en arabe, le fait de pouvoir parler anglais avec une personne permettait à Enothis de se détendre un peu. C’était un peu difficile à avouer, mais elle n’avait effectivement pas le meilleur japonais du monde, elle passait le plus clair de ses phrases à utiliser des mots généraux pour essayer de combler son manque de précision, et c’était sans parler de son accent à couper au couteau ! Donc oui, le fait d’utiliser une langue qu’elle maîtrisait, peut-être pas sa langue maternelle, mais au moins qui lui permettait d’échanger sans avoir à subir quelques mines amusées ou regards réprobateurs avait ce don de la faire se sentir en sécurité, et à plus forte raison, proche de celle avec qui elle discutait. Elle s’appelait donc Lissandre ? Pour être tout à fait honnête, ce prénom ne lui rappelait rien de commun, même si l’accent avec lequel elle le prononçait ressemblait pas mal à celui fort savoureux de la France. Et fort savoureux était, dans son esprit, un moyen de parler du ton plein d’assurance et de miel avec lequel les français avaient le don de se monter la tête et l’âme, avec un orgueil toujours aussi peu acceptable pour tout ceux qui avaient connu un jour leur joug. Cela n’allait pas entacher sa vision de la providentielle sauveuse en tenue rose, mais elle ne pouvait pas non plus cacher sa désapprobation quant aux politiques historiques de ce pays… Sûrement quelques restes de son éducation purement égyptienne, et des quelques bribes d’histoires colonialistes qu’on lui avait servie durant tant d’années, afin d’en faire une bonne jeune femme prête à tout pour pointer du doigt les grands et forts pays qui ont perdus la Foi.
Mais bon, elle laissa ses vieilles habitudes disparaître rapidement, comme autant de petits fantômes qui lui tourneraient autour en permanence : C’est un peu là, parfois ça fait un peu de bruit, mais dans le fond on finit par pouvoir l’ignorer sans trop d’efforts, et de ne se fier finalement qu’à ce que l’on observe, ou découvre, loin de tout les préjugés. En ce sens, Lissandre avait ce beau sourire des gens heureux et positif, si bien qu’elle lui offrait, par une certaine forme de mimétisme, cette bonne humeur et cette douce chaleur de se trouver en belle et agréable compagnie. En considérant son habituelle moue boudeuse ou son air chagriné, Enothis pouvait se douter que ses expressions faciales devaient être bien moins invitante que la rayonnante demoiselle en face d’elle. Et honnêtement, l’égyptienne ne pouvait que se demander quelle bonne étoile avait sut mettre sur sa route une rencontre aussi précieuse, en un instant aussi crucial que celui qu’elle vivait.
C’est ainsi perdue dans ses pensées qu’elle discutait cordialement avec Lissandre, ou l’observait fouiller dans son téléphone quelques adresses et autres boutiques avec la volonté de préparer un moment mémorable pour sa nouvelle amie. Fatiguée de sa journée, elle se laissait désormais un peu portée par le comportement vif de la française, sans se soucier plus longuement de l’existence de celui qui l’avait poursuivie un peu plus tôt. Au pire, elle resterait un peu plus longtemps chez Lissandre et lui proposerait de payer un loyer. Enfin si tout se passe bien entre elles ? Est-ce qu’il était seulement possible de ne pas s’entendre avec cette … forme de vie pleine d’excentricité et de bonne humeur ? Autant de questions dont elle aura les réponses au fur et à mesure n’est-ce-pas ? En tout cas, elle s’apprêtait à lui reparler de manière plus gaie, moins craintive, quand quelques choses à la forme indéfinie firent irruption au milieu de leur rencontre :
« C’est mignon tout plein, ça. Vous avez vu les gars ? »
Quatre lurons. Quatre charmantes incarnations de stupidité masculine qui venaient de s’installer cordialement dans l’allée centrale de la rame, entre les deux sièges qu’elles occupaient et les portes automatiques. L’un deux, dont la coupe de cheveux méritait d’obtenir la métaphore de « pelouse », fit quelques pas en avant, et ne manqua pas de s’approcher dangereusement d’Enothis, dans une position qui mettait son entre-jambe en avant, et bien trop prêt du visage de l’égyptienne. Elle cherchait à ne pas réagir, à ne pas se laisser aller à la réaction la plus naturelle mais aussi la plus attendue de la part de ces quatre voyous, à savoir du rejet et quelques mots tranchants. Pour autant, savoir que si elle relevait la tête elle finirait nez-à-nez avec la bosse misérable du pantalon de ce malappris n’était pas vraiment confortable, ni même agréable. Et si elle n’entendait que mal les propos de ses camarades un peu en retrait, elle comprenait très bien qu’ils n’étaient clairement pas là pour glisser un compliment avant de s’en aller bien sagement. Elle adressa un regard dérouté à Lissandre, dans l’espoir que celle-ci ait une réponse adéquate… A la place, elle vit la réconfortante damoiselle se tirer de son écran avec un air radieux, avant de lui présenter un lot de confiseries nippones « surprise ». Air désespéré pour Enothis, mine radieuse pour Lissandre, et petit air satisfait du gros lourd à côté d’elles :
« Ah bah enfin ! Je croyais que le bonbon était sourde. Et que la copine était muette. D’ailleurs, elle parle la copine de bonbon rose ? »
Ne pas être désagréable, ne pas être désagréable, ne pas être désagréable :
« Pas très bien, je ne suis pas très douée, désolé. »
Et pitié, lâche nous la grappe ! Elle cherchait rapidement de l’oeil si il se trouvait dans la rame quelques personnes capable de les soutenir face à ces idiots un brin trop excité, mais bien au contraire, le wagon semblait s’être drastiquement vidé depuis leur départ. Et les quelques autres têtes qui restaient étaient actuellement honteusement tournées dans la direction opposée, soulignant quelques lâchetés au cas où la situation devenait tendue. C’était bien leur veine. Est-ce qu’elle était maudite en fait ? Que finalement ce qu’elle avait prit pour une bonne étoile était au contraire un quelconque sortilège dans lequel elle était en train d’embarquer sa nouvelle amie ? Sincèrement elle n’avait vraiment pas envie de lui créer des problèmes. Au contraire, elle préférait l’en tirer, et peut-être que cette pensée allait lui créer quelques soucis d’ici peu. Parce que le jeune homme à la tenue bien légère et au parler bien grossier commençait à revenir à la charge, non sans avoir gagné encore quelques centimètres en direction d’Enothis :
« C’pas grave ma mignonne ! C’est pas comme si ça allait poser problème. On s’disait qu’on étaient bien seuls les gars et moi. Vous vous joindrez bien à nous ? »
L’égyptienne tourna un instant son visage, et se mordit la lèvre, avant de parler dans une langue bien étrange pour chercher une autre aide que celle de Lissandre, qui devait être aussi désemparée qu’elle. C’est donc dans un égyptien antique et plus que surprenant pour ceux qui l’entendraient qu’elle appela une nouvelle fois la djinn sommeillant en elle, cherchant à lui demander si elle pouvait faire quoi que ce soit. Et pendant ce temps là, plus ou moins invités par les propos de leur chef de bande, les trois autres lourdauds avaient déjà rejoint le duo prudent d’étrangères, tandis que leur chef, semblant prendre assez mal qu’Enothis l’ignore, commença à se montrer plus direct :
« Qu’est-ce qu’il y a ? On est pas digne d’intérêt pour la copine de bonbon rose c’est ça ? Dis donc, pour une salope de gaïjin t’es bien hautaine, tu sais ? »
L’égyptienne aurait voulue pouvoir se concentrer pour entendre et bien comprendre la voix mentale d’Emaneth, mais à la place elle sentit la main du jeune homme venir lui attraper bien sèchement la mâchoire afin de lui tourner le visage en sa direction. Cela coupa court sa concentration… mais aussi son calme. Elle n’eut pas vraiment le temps de faire attention au comportement de Lissandre, tout au plus fit-elle voler un de ses pieds pour frapper le plus violemment possible son agresseur à peine adulte, et ne manqua pas son coup : Droit dans les valseuses, son talon vint écraser ce qui se trouvait en dessous de la toile lâche du pantalon, et colora le visage de ce blaireau d’un fantastique ton cramoisi. Elles n’allaient avoir qu’un instant pour agir et… S’éloigner encore une fois à grand pas de ce danger, si bien que cette fois-ci ce fut à la demoiselle à la peau bronzée d’attraper la main de sa camarade et de l’attirer avec elle, ponctuant son action d’un anglais impeccable :
« Désolé, j’ai merdé, filons ! »
-
Un pseudo-yakuza les agressait. Trois autres se tenaient derrière, augmentant le charisme, tout du moins le niveau de menace de leur leader aux cheveux verts. Résultat ? Personne dans le wagon ne les aiderait. Lissandre ne s’attendait pas à autre chose de toute façon. L’espèce humaine n’était pas courageuse. Chaque individu pensait que l’autre agirait. Tout le monde pensait de la même façon et jamais personne n’intervenait…
*Chier ! Comment se sortir de là ? Réfléchis, Lissandre. Réfléchis ! *
Mais sa réflexion fut perturbée par la réaction de sa récente amie. Elle baragouinait quelque chose. Les yeux pleins de surprise, ils allèrent d’Enothis au pseudo-yakuza. Ce dernier ne comprenant rien non plus. Il ne s’attendait pas à une telle réaction et essuya un retard… qui fut douloureux pour sa masculinité !
« Hein ? Quoi ?! »
Arrêt en station. Ouverture des portes. Et Lissandre qui se faisait tirer par Enothis pour fuir.
*On va passer notre soirée à courir ou quoi ?! *
Derrière les portes coulissantes déjà franchies, Lissandre entendait les trois acolytes demander des nouvelles. Mais le pseudo-yakuza aux cheveux verts leur gueulait déjà de rattraper « ces petites putes et surtout cette salope de gaijin ! ». Entendre ces insultes puis l’accélération des trois acolytes se mettant à leur poursuite donna un coup d’accélération au palpitant de Lissandre. Cette dernière accélérant pour se sortir de cette foutue situation.
« Là-bas ! Des policiers ! »
Lissandre pointa du doigt un couple de deux hommes habillés de la tenue des forces de l’ordre. Un gilet pare-balle. Un képi. Un talkie-walkie au niveau de la poitrine. Et ce qui ressemble à un tazer, ou peut-être une arme à feu, au niveau de la ceinture.
« HEY ! HEY ! On a besoin d’aide !!! »
Le plus vieux et le plus petit des deux policiers se tourna vers Lissandre et eut pour première réaction de froncer les sourcils. Le deuxième, plus grand et plus jeune, réagit au quart de tour et courut dans la direction des deux demoiselles dans le besoin d’un chevalier servant.
« Il y a des hommes qui nous ont menacé ! Ils nous poursuivent ! Ils sont juste derrière nous ! »
La vue du premier policier rapidement rejoint du premier provoqua une réaction vive pour les trois acolytes. Ils firent demi-tour sans demander leur reste et disparurent dans la foule des japonais rentrant de leur longue journée de travail.
« Merci beaucoup. Vraiment ! »
Lissandre reprenait son souffle. En relevant la tête, elle découvrit que le plus jeune des policiers avait une belle carrure athlétique et une peau parfaitement rasée. Le plus vieux des polciers avait un petit ventre attestant de son âge et une moustache grise sous le nez.
Les deux policiers indiquèrent aux deux demoiselles de le suivre. Il était question de les rassurer, de prendre leur déposition et d’assurer leur sécurité jusqu’à être sûr que les quatre agresseurs étaient véritablement partis. Les quatre entrèrent donc dans une petite pièce non loin du terminus. Une table au milieu. Quatre chaises. Une machine automatique contenant des boissons chaudes telles que du café. Il y avait également une armoire dans laquelle devait se trouver un ordinateur portable et diverses affaires de bureaux.
(bruit de la porte qui se referme à clé)
*Euh… Pourquoi ils nous enferment ? Je le sens pas bien ce coup… *
« Dites, pourquoi vous avez fermé à clé ? »
Le plus vieux des deux policiers sourit d’une façon perverse. Le plus jeune déboutonnait avait déjà retiré son gilet pare-balle et récupérait une caméra dans le meuble…
-
Enothis n’était pas un exemple de sang-froid, son comportement actuel le prouvait. Après tout, elle aurait put avoir bien d’autres manières de s’en sortir, mais elle avait préféré agresser directement la source de sa panique par un coup de pied que personne ne saurait accepter. Encore moins le jeune homme en face d’elle et de sa nouvelle amie, dont l’affront venait d’atteindre quelques sommets insondables. Alors que la chance avait voulue que les wagons s’arrêtent au prochain arrêt à l’instant même où elles entamaient leur fuite, Enothis ne se fit guère attendre et s’élança par les portes entrouvertes tout en gardant bien fermement le poignet de son alliée du soir dans sa paume. Pas question de l’abandonner avec ces sauvages, ils seraient foutus de lui tomber dessus sans même savoir qu’elles ne venaient qu’à peine de se rencontrer, et qu’elle était donc parfaitement innocente. Pire d’ailleurs, l’égyptienne était certaine qu’il s’en serait pris à elle, et vu la teneur de leur propos et jurons actuels, il était clair qu’elle n’aurait pas connue la plus grande des amabilité de leur part.
C’est donc une nouvelle séquence de fuite désorganisée qui s’entama pour l’étrangère, dont elle se serait bien passée d’ailleurs, et une découverte du jeu de jambe passablement moyen d’Enothis pour Lissandre. Au moins, elles quittèrent le quai prestement, mais c’est une fois le hall atteint qu’elle purent remarquer que les lieux étaient passablement ouverts et vides à cette heure de la soirée. Aucune chance de s’échapper sans se faire remarquer, et avec les trois loustics aux talons, elles n’allaient pas faire long-feu. Et dire qu’elles auraient put avoir une belle soirée, mais non, il fallait que quatre lourdauds se ramènent et se décident à leur faire quelques avances bien mal dissimulées dans l’espoir de leur chopper le cul. Et merde, elle en devenait grossière de frustration, c’était honteux ! Elles dévalèrent les escaliers qui menaient à la sortie, espérant tant bien que mal trouver un lieu où elle pourrait se terrer le temps que leurs poursuivants se trompent de sens et abandonnent, mais à la place, ce fut Lissandre qui s’arrêta net, manquant de faire tomber l’égyptienne suite au soudain refus d’obtempérer de sa camarade. Manquant jurer, la petite demoiselle à la peau foncée se retourna vers la française, s’apprêtant à lui demander pourquoi elle s’arrêtait, avant de finalement remarquer exactement ce qu’avait perçue son alliée :
« Là-bas ! Des policiers ! »
Ni une, ni deux, nos fugitives s’élançaient droit vers le duo qu’elles avaient aperçues, ces deux membres des forces de l’ordre qui semblaient tout simplement être en train de faire une ronde mollassonne à la recherche de quelques voyous. Lissandre, très clairement plus à l’aise que sa camarade en japonais, ne manqua pas de les héler avec ce petit air désespéré qui sembla tout particulièrement fonctionner sur le plus jeune, ce dernier s’élançant vers elle pour les rejoindre, semblant demander hâtivement ce qu’il se passait. Il eut sa réponse quand le trio apparut en haut des escaliers, et jura une bonne demi-douzaine de grossièretés avant de repartir dans le sens inverse ! Pour le coup, le jeunôt des deux policiers sembla vouloir les suivre, avant que son collègue ne l’en dissuade, et se tourne vers les deux fuyardes qui reprenaient leur souffle :
« Eh bien mes petites dames, vous avez dût vous taper une sacrée frousse, je me trompe ? Venez, on va vous filez un café et prendre votre déposition. Vous n’êtes pas les premières à avoir des soucis dans le coin, alors faut bien qu’on garde trace de tout ça ! Suivez moi je vous prie ! »
Toujours un peu mal à l’aise, Enothis se lova un peu plus près de sa bienfaitrice de la soirée avec la boule au ventre. Encore une fois c’est elle qui venait de la tirer du mauvais pas, parce que bien honnêtement, l’égyptienne aurait continuée de courir en ligne droite sans même remarquer les deux membres des forces de l’ordre. Au moins elle était en train de se promettre de ne plus désormais juger de la situation par elle-même, et de laisser la main à son amie, parce que visiblement, dès lors qu’elle cherchait à régler les événements d’elle-même, cela virait au drame. Plus ou moins agrippée au bras de la française tandis que les deux femmes entraient dans une salle de repos visiblement peu utilisée au vu de la vétusté des lieux, elles furent invitée à s’asseoir avant d’entendre le cliquetis si particulier des clés dans la serrure. Il… Il fermait la porte ?
« Dites, pourquoi vous avez fermé à clé ?
- Oh ça ? Pour pas que vos petits camarades ne s’essayent à nous tomber dessus une fois qu’on a le dos tourné, ça a failli nous arriver le mois dernier. Détendez-vous. »
Comment dire que cette justification était peu rassurante, et que l’invitation à la détente avait plus don de les mettre en alerte qu’autre chose ! Enothis glissa un regard inquiet à son amie de la soirée tandis que les deux policiers semblaient se laisser un regard équivoque, presque assez évocateur pour laisser un frisson naître le long de l’échine de l’égyptienne. Quand le plus jeune sortit une caméra, l’utilité de celle-ci ne manqua pas de rajouter une dose supplémentaire à leurs craintes, mais rapidement le plus vieux enquilla sur l’action de son camarade par quelques propos pleins de confiance :
« Nous nous permettons d’enregistrer les dépositions, afin de recueillir un maximum d’informations, vous n’avez rien contre j’imagine ? Voilà, pose la ici Iro, je vais entamer les questions. »
Apparemment, la partie « on vous offre un café » avait été complètement abandonnée par les deux hommes. Le plus jeune, dénommée Iro, vint placer sa caméra sur un bord de table avant de s’y appuyer nonchalamment, et son chef s’écrasa contre le dossier de sa chaise avant de croiser les bras en observant les deux jeunes filles. Soudainement, cette situation devenait bien malaisante. Enothis y voyait bien plus un stéréotype d’interrogatoire plutôt qu’une prise de déposition, et c’est avec un sentiment d’alerte constant qu’elle se tourna à nouveau vers Lissandre, qui ne semblait pas en meilleur état qu’elle face à l’enchaînement d’étrangetés qui était survenu :
« Donc mesdemoiselles, comment vous appelez vous ? J’aimerais aussi que vous m’expliquiez pour quelles raisons ces messieurs vous courraient après. »
Enothis prit la parole dans un japonais imparfait mais sérieux :
« Je m’appelle Enothis Anekthotem. Je suis étudiante au lycée Mishima. Ces hommes nous ont parlés… non c’est pas ça… draguer ? Je crois draguer, puis quand ils sont devenus agressifs nous avons choisie de fuir. C’est à peu près ça ?
- Je vois. Il étaient très en colère pour des personnes dont vous avez juste « fui ». Vous ne les auriez pas aguicher tout de même ?
- Que ? Non ! Bien sûr que non !
- En même temps quand je vois la tenue de mademoiselle je me pose des questions. Puis on sait bien que les étrangères sont … Eh bien moins vertueuses. »
Enothis n’avait pas comprit la fin de la phrase, mais vu la réaction de Lissandre à celle-ci, il était évident qu’il s’agissait d’une sévère insulte qui devait les viser toutes les deux. Visiblement le plus vieux des deux continua avec sa part d’accusation, non sans jamais cesser de passer de l’une à l’autre avec plus ou moins d’insistance. La jeune femme à la peau bronzée n’aimait pas du tout ce regard qu’il lui adressait, avec ses paupières tombantes et son air satisfait. Dans quoi était-elle encore tombée ? Enfin, elle paniquait peut-être ? Après tout elle avait manquée par deux fois de se retrouver dans une mauvaise situation, peut-être qu’elle était juste un peu trop sur ses gardes, non ? Il s’agissait de membres de la police, elle devrait leur faire confiance plutôt que de commencer à douter de leur comportement ! Oui, sûrement était-elle en tort dans cette histoire, alors autant qu’elle soit la plus claire possible et qu’elle ne cherche pas à se méfier de ceux qui semblaient être là justement pour éviter à tous quelques problèmes et autres incongruités ?
« Donc si je résume, la petite dame ci-présente avait des soucis avec les voyous que nous avons vu… Enfin, des soucis, tout au plus vous ont-ils parler, et après que vous ayez choisi de partir ils vous ont poursuivis ?
- Eh bien je … l’un s’était rapproché de moi et je … Je lui ai mis un coup de pied. J’ai eu peur et je ne me suis pas retenue. »
Elle avait voulut dire qu’elle ne s’était pas contrôlée, mais le mot retenue était sortit à la place. Un aveu qui ne manqua pas de faire sourire le policier sous sa moustache grisonnante, avant qu’il ne se permette finalement de se planter un peu plus en avant et de s’exprimer durement, avec un ton plein d’un jugement terrible :
« Oh, donc … Vous avez attaqué et blessé quelqu’un sans autre raisons que le fait qu’il « était proche ». Dites moi, j’ai affaire à des victimes ou à deux petites délinquantes en fait ?
- Quoi ? Mais non je vous jure je n’ai pas…
- Hey, tais-toi. Iro menottes-moi celle-là à la table ! »
L’égyptienne n’eut pas le temps de réagir qu’elle sentit le second policier lui attraper le bras et lui placer une menotte au poignet, puis l’autre menotte au pied de la table. Perdue, elle se mit à regarder autour d’elle avec un brin de surprise, mais surtout une vive incompréhension, qui ne manqua pas d’empirer quand le plus vieux se redressa de sa chaise, avec un grand sourire, l’homme ayant enfin sa victoire à portée de main :
« Donc l’une aguiche les passagers en étant vêtue comme une traînée, et l’autre les frappes ensuite. On dirait bien une méthode pour vider les poches des quelques idiots qui se feraient avoir par vos petits corps de salopes d’étrangères, je me trompe ?
- Vous vous trompez, on …
- Oh ça va hein ? Ferme-la ! Dis Iro, tu penses qu’on devrait faire quoi avec ces deux petites putes, histoire qu’elles ne remettent pas la pagaille dans le coin ?
- J’dirais qu’elle mérite une petite punition ? Quoique, peut-être plutôt quelques … travaux d’intérêt généraux ? »
Le plus jeune observa les deux demoiselles, puis s’approcha de Lissandre avec un écœurant sourire. Visiblement, les masques venaient de tomber.
« Écoutes ma mignonne, tu vois ta petite pote ? Si tu n’es pas prête à gentiment montrer que tu peux être docile, je crois qu’on va devoir lui donner une petite leçon. Alors… Sois mignonne et fous toi à genoux ! »
-
Son cerveau avait refusé de comprendre. Ce jeu de regards entre les deux policiers. L’état des lieux. La porte fermée à clé. Il y avait des signes. TROP de signes pour ne pas comprendre ce qui allait se passer. Son esprit refusait de comprendre, ce qui se traduisait par une mise au silence de son corps. Pas un mot. Pas un geste. Enothis avait donc pris le contrôle de cette conversation. Elle s’était présentée. Elle avait souffert de sa non-maîtrise du japonais. Son innocence avait été abusé par les dons de manipulations des deux policiers.
*Il l’a menotté. Mais pourquoi ?... *
Son esprit de créatrice avait déjà tout compris depuis longtemps. Pire, étant donné qu’elle écrivait des scénarios pornos et qu’elle se voulait visionnaire dans le domaine : elle était satisfaite de la tournure des événements. La course-poursuite des pseudo-yakuzas. L’aide inespéré des forces de l’ordre. Qui se trouvait en fait être des pourritures qui allait abuser de deux jeunes demoiselles.
*C’est un beau scénario avec de bons rebondissements. Je devrais les applaudir. *
Mais Lissandre serrait les dents. La colère montait en elle : vague après vague. Une marée montante.
Jeune policier : « Écoutes ma mignonne, tu vois ta petite pote ? Si tu n’es pas prête à gentiment montrer que tu peux être docile, je crois qu’on va devoir lui donner une petite leçon. Alors… Sois mignonne et fous toi à genoux ! »
« Me mettre à genoux ? JAMAIS ! »
Elle savait qu’elle commettait une erreur. Mais elle était un esprit libre. Elle s’était déjà rebellée tellement de fois contre le système. Elle avait pris tellement de coups. Physiques ou morales. Elle n’allait pas plier devant le premier petit flic corrompu.
Alors elle se leva vivement et fit appel aux cours d’auto-défense qu’elle avait pris !
Ses mains bondirent vers les yeux du jeune policier à la carrure athlétique. Lissandre allait l’aveugler. Un adversaire avec un sens de moins et une dose de douleur était un adversaire diminué ! Ca allait fonctionner !
Le vieux policier à la moustache grise rit. Lissandre ne comprit pas jusqu’au moment où elle ne comprit pas non plus pourquoi une vague de douleur explosait dans son visage.
Vieux policier : « Tu pensais vraiment faire du mal à Iro ? Ah ah ! Les jeunes d’aujourd’hui ont bien trop d’énergie à revendre. »
Jeune policier : « Qu’est-ce qu’elle peut m’exciter celle-là avec son cosplay rose ! »
Lissandre avait le visage collé contre la table froide. Elle sentait le goût du sang dans la bouche. Elle essayait de se débattre mais le jeune policier la maintenant par une clé de bras. Le bougre avait de la force dans les bras ! Lissandre se trouvait donc pliée en deux, à la merci des envies montante d’un jeune policier.
(toc toc)
Vieux policier : « Ah ! Ce doit être ces voyous de malheur. »
Un bruit de clé résonna dans la serrure. Mais ce n’était ni par l’action du jeune policier qui maintenait Lissandre, ni du vieux policier qui gardait un œil pervers sur la jolie égyptienne. C’était… quelqu’un d’autre.
Et ce quelqu’un d’autre se révéla être le bandit aux cheveux verts… suivi de ces trois acolytes !
Vieux policier : « Comment va mon neveu préféré ? »
Cheveux « pelouse » : « Je suis énervé ! Cette salle pute m’a donné un coup dans les couilles ! Je vais en faire mon affaire ! »
Vieux policier : « Tu parles de laquelle mon petit Kenjirô ? »
Kenjirô « pelouse » : « Celle a la peau marron. Je me la garde cette pouffiasse. »
Derrière, les trois acolytes riaient. L’un d’eux prit en charge la caméra pour l’avoir dans sa main. Un deuxième refermait la porte à clé. Le troisième prenait la position d’Iro qui, à l’aide de colliers serflex, immobilisait les mains de Lissandre. Iro pouvait désormais retirer sa chemise. Pendant ce temps, le vieux policier, toujours assis, avait défait la ceinture de son pantalon et commençait tranquillement à se branler.
-
Enothis était … complètement perdue. Menottée comme une criminelle, incapable de riposter face aux insinuations du policier, elle avait bien du mal à trouver ce qu’elle avait mal fait, ou mal dit, pour se retrouver dans une telle situation. Elle cherchait plusieurs fois du regard son alliée de la soirée, Lissandre, mais celle-ci semblait avoir quittée ce monde, semblant observer les événements sans même faire attention à ce qu’il se disait, ce qui finalement était un véritable problème étant donné qu’elle était la seule des deux à réellement bien parler la langue. Aussi, la pauvre Enothis s’était enfoncée dans ses erreurs, avait servie sur un plateau d’argent sa culpabilité, et se retrouvait bloquée, avant de finalement comprendre que si elle se trouvait mal à l’aise et sur la défensive… C’était pour une bonne raison !
Le plus jeune des deux policiers venaient de se permettre ce propos inacceptable auprès de Lissandre, et comme une révélation, les deux jeunes femmes eurent la même réaction à l’unisson, mélange de rejet et de dégoût, comme si elles venaient de tomber de Charybde en Scylla et n’avaient jamais eut la présence d’esprit de le remarquer. Putain, comment elles avaient fait, franchement, pour que dans leur fuite face à un groupe de petits pourceaux sans classes, elles soient tombées sur deux plus gros porcs qui n’attendaient que leur venue pour se payer une bonne tranche ? Elle ne savait pas, pour l’instant, mais en tout cas elle avait quelque chose de plus vif, de plus impétueux, de plus impérieux en elle, et ce sentiment était en train de prendre le dessus sur tout le reste. Elle ne voulait pas que Lissandre se sacrifie pour elle ! Sérieusement, elle préférait encore en subir deux ou trois fois plus si cela pouvait éviter à son amie de se retrouver mêlée à ces ennuis. Ce sentiment, même si il allait dans un sens un peu défaitiste, lui donnait ce soupçon de rage qui allait suffire à la secouer, à la tirer de sa précédente torpeur pour ne pas se laisser aller à quelque forme de passivité. Elle se retrouvait dans cette situation malgré elle ? Eh bien tant pis, elle allait montrer les crocs !
Quand elle vit Lissandre chercher à se défendre, elle ne put qu’avouer être fière d’au moins s’être retrouvée dans cette situation avec une personne aussi exceptionnelle qu’elle, mais elle comprit bien vite qu’elles n’avaient aucune chance face à cet homme entraîné. Alors elle fit rapidement le choix de s’exprimer, peut-être pour tenter de diriger l’intention sur elle et non plus sur la demoiselle en rose, qui en plus venait de prendre un sévère coup à la tête !
« Arrêtez ! Bande de porcs ! Elle a rien fait, j’suis seule coupable, alors ne la touchez pas ! Putain de petites bites, couilles molles sans honneur ! C’est ça la police i... »
Les coups à la portes la bloquèrent dans ses protestations, et quand la porte s’ouvrit d’elle-même pour accueillir tête de pelouse, ce ne fut pas pour plaire à la jeune égyptienne. Alors elles avaient été prise au piège hein ? Bloquée dans un tram, leur seule fuite avait été pour s’offrir quasiment d’elles-même à ces petits pourceaux plein d’orgueil ? Ça lui collait la honte de sa vie, et en même temps elle n’en avait que plus envie de se foutre encore un peu plus de leur gueule. Une manière de signifier qu’elle ne serait pas vaincue par ces enfoirés ? Sûrement ! Est-ce que ça allait l’aider de quelques manières ? Sûrement pas, mais ce n’était pas pour autant qu’elle allait baisser la tête et se laisser faire. Ça, ce serait une défaite !
« Je suis énervé ! Cette salle pute m’a donné un coup dans les couilles ! Je vais en faire mon affaire !
- Tu parles de laquelle mon petit Kenjirô ?
- Celle a la peau marron. Je me la garde cette pouffiasse.
- C’est ça, demande bien à tonton de t’aider, pauvre con. Tu chouines, mais dans le fond j’ai pas dût te faire bien mal, vu le peu de couille que tu as ! »
C’est à peine si elle eut une réponse, en même temps elle devait avoir l’air d’un chien déjà muselé à leur yeux, une petite chose qui aboie pour ne pas montrer qu’elle avait peur. C’était vrai dans le fond, mais il s’agissait surtout de fierté, une fierté qu’elle avait plus ou moins regagnée au moment où Lissandre avait voulut mettre un grand taquet dans le visage du policier. Elle ne pouvait pas lui faire honte, de un, et de deux elle ne voulait pas se montrer défaitiste devant elle, c’était juste impossible après ce qu’elle avait fait ! En revanche, de les voir se préparer, prendre la caméra pour commencer à les filmer, non sans parler du petit couinement que poussa son amie quand elle se retrouva menottée les mains dans le dos , eh bien… Cela lui sapa un peu le moral, assez pour qu’elle regarde autour d’elle en toute hâte, comme pour prévoir d’où allait venir le danger ! C’est à ce moment là qu’elle l’entendit :
Un bruit de déchirement. Long, presque forcé, elle ne put que tourner la tête en tout hâte vers son amie pour voir que de son extraordinaire combinaison rose, il ne restait plus grand-chose à l’arrière, laissant apparaître le fessier rebondi de la française, et sûrement une partie de son entre-jambe. Pire encore, le fameux Iro et l’un des voyous s’amusèrent à la tirer du sol pour la mettre sur la table, sur le dos, et semblaient désormais s’amuser à chercher d’éviter les coups de pied qu’elle tentait de leur mettre tout en agrandissant l’ouverture qu’ils avaient déjà faite, sûrement pour avoir un accès à sa poitrine. Rageuse, Enothis se redressa de sa chaise pour tenter d’en pousser un d’un coup d’épaule bien placé, n’ayant rien à perdre à leur faire encore un peu plus mal. Malheureusement, il restait un voyou avec les mains libres, non sans parler du fameux Kenjirô. Aussi n’eut-elle même pas finit son geste qu’elle se sentit arrêtée, bloquée par une paire de main, tandis qu’une autre attrapa l’avant de sa tenue écolière… Et vint tirer dessus avec force, arrachant les boutons et libérant sa poitrine à la vue de tous, même si le soutien-gorge lui permettait de garder un peu d’honneur.
« Qu’est-ce que t’as pouffiasse ? Tu veux te battre ? On le sait que les gaïjins sont des sauvages, mais tu bas tout les records p’tite pute. Maintenant, j’vais t’avouer un p’tit truc... »
Tête de gazon sortit un petit couteau et vint le placer juste sous le nez d’Enothis, qui n’eut d’autre choix que de tendre son cou en arrière, de peur de voir la pointe de la lame se glisser dans sa chair.
« Mes petits gars là, ils peuvent se montrer gentils, mais pas moi. Alors si tu veux pas qu’on fasse sa fête à ta collègue à côté, pendant que je m’occupe de toi, voilà ce que tu vas faire : Gentiment te déshabiller avec ta main libre, et me tendre ton joli petit cul de salope étrangère !
- Espèce de… de ... »
Les mots restaient coincés dans sa gorge. Elle voyait bien que la situation de Lissandre était en train d’empirer, en même temps à deux contre elle alors qu’elle avait les mains liées, elle ne pouvait guère se défendre. Putain de salopards, c’était quoi ce chantage immonde! Elle se mordit la lèvre tout en contemplant ce connard à pelouse avec haine, puis… se retint comme elle put de l’insulter plus que de mesure, avant de répondre :
« Ok ! Ok ! J’ai compris… Demande à tes connards de cesser leurs conneries et ... »
Elle se prit, en cet instant, sûrement la gifle la plus violente qu’elle n’aurait jamais crû prendre de sa vie. Assez pour lui retourner la tête et lui faire se demander, pendant un temps, ce qu’elle faisait là, avant de sentir les doigt de cette raclure lui attraper le menton et le lui relever :
« Bouge-toi le cul si tu veux avoir droit à quoi que ce soit sale pute ! »
Le message était passé, et même si elle le fit maladroitement, elle chercha à ôter ce qu’elle pouvait, faisant d’abord tomber sa jupe, puis cherchant à enlever son soutien-gorge, même si la position ne s’y prêtait que difficilement. Elle le fit vite, mais elle glissa un regard vers Lissandre, se demandant si elle faillissait à sa fierté en acceptant ce genre d’échange. Mais elle remarqua qu’effectivement, le policier tout comme le voyou avaient cessé de s’attaquer à elle, ce qui … Ce qui finalement l’enjoignit encore un peu plus à ce sacrifice, amenant la petit égyptienne à finir de d’éclipser son soutien-gorge, libérant son opulente poitrine, ce qui lui valut quelques sifflements graveleux, et un long plan de caméra de la part de ces abrutis ! Ils y allaient de commentaires plus horrible les uns que les autres, mais ils respectaient la parole de leur chef, n’était-ce pas tout ce qui compte ? Alors elle finit par ôter son dessous, une culotte finalement bien légère, qui vint choir à ses pieds. Elle avait froid, avec pour seule tenue une chemise ouverte et des baskets…
« Putain qu’elles sont bonnes quand même ! Et je suis sur qu’il doit rien y avoir de meilleur que leur petite chatte !
- T’en fais pas Iro… Kiffe la tienne mon pote, je me farcis cette pute !
- QUOI !? Mais c’est...AH ! »
Elle n’eut pas le temps de protester qu’elle sentit tête de gazon la chopper par le coup et lui coller le visage contre la table avec force. Enfin, elle avait eut le temps de placer son bras pour amortir le choc, mais du coup elle se retrouvait dans une position terrible, encore plus qu’il l’attrapa par une hanche pour la forcer à ouvrir les jambes dans une tentative désespérée de ne pas s’écrouler pitoyablement. Et pendant ce temps là, cette enfoirée de flic tombait à nouveau sur Lissandre ! Merde merde merde !
-
Elle ne comprend plus rien. Lissandre est en état de choc.
Son esprit était toujours vif malgré les provocations des bandits et des policiers. Le coup au visage avait fait naître des doutes. Comme si la réalité venait de la percuter violemment. Mais son esprit tournait encore. Elle était encore alerte à sa situation. A leur situation, à elle et Enothis. Son esprit cherchait encore des moyens de se défendre, des stratégies à mettre en place.
Puis était venue le couteau. La vue de cette lame si proche de son visage. Le froid appuyé contre sa gorge. Quelle fine membrane entre la mort et la vie, avait-elle pensé.
Et elle n’avait plus rien compris ensuite. Quand le couteau avait commencé à dévorer son latex rose. Sa peau d’adoption découpée de toute part. Lissandre l’avait pris comme une véritable torture. Jamais personne ne l’avait blessé comme ça.
Son esprit s’était détaché de la réalité. Amorphe.
Son corps n’abandonnait pas la lutte. Tirée du sol et jetée sur la table, elle sentait le froid de l’acier dans son dos. Là où la lame du couteau avait éviscéré la tenue moulante. Ses pieds cherchèrent des cibles. Il fallait se défendre ! Même si l’esprit embrassait déjà le désespoir, le corps devait survivre ! Mais Iro et l’autre voyou semblaient posséder de l’expérience. Ils parvinrent à éviter et à maîtriser rapidement leur rose victime.
Voyou : « Sérieux ! Vous avez vu ça ? Elle porte pas de culotte ! »
C’était vrai. Lissandre ne portait pas de sous-vêtements. Elle les avait bannis depuis longtemps, considérant que ça faisait des marques affreuses sur sa peau d’adoption. Sans culotte, ses traits et ses fesses étaient bien plus beaux !
Iro : « Totalement rasée comme une gamine en plus ! C’est appétissant. Je crois que je vais vite croquer dans son petit abricot. Ah ah ah ! »
Les coups de pied de Lissandre avaient diminué en fréquence. S’ensuivit une période où son corps rejoignit son esprit : ayant déposé les armes, Lissandre ne bougeait plus. Le voyou et Iro relâchèrent leur prise. Une occasion à ne pas rater pour tenter une nouvelle manœuvre ! Pour fuir ! A tout prix ! Mais Lissandre ne fit rien. Elle était en état de choc.
Voyou : « Dis dis, je peux me la taper ? »
Iro : « Va chier. On a beau s’être associé, on sait tous les deux la longueur de ton casier. Donc elle est pour moi. »
Voyou : « Mais. Je peux au moins lui mettre des doigts ? »
Iro : « Vas-y. Mais dépêche. J’ai envie de goûter à sa petite chatte toute lisse ! »
Un cri aigu. Lissandre ne supporta pas les doigts du voyou. Elle vivait un cauchemar.
Iro : « Bon allez, dégage. »
Son sexe en main, le jeune policier glissa plusieurs fois sur le sexe apparent de Lissandre. Il n’eut pas le temps d’une pénétration que Lissandre reprenait vie et implorait.
« S’il vous plaît s’il vous plaît. J’ai beaucoup d’argent. Mon papa et ma maman ont beaucoup d’argent. Je vous en donne et vous nous laissez partir. Hein hein hein ?! »
-
Un foutoir sans nom. Un piège immonde dans lequel elles s’étaient toutes les deux jetées comme des idiotes, et qui finalement les avait placées dans une posture monstrueusement indélicate. Et il s’agissait là d’un euphémisme. Enothis, tête contre la table, mise à nue par ses propres soins pour tenter de sauver Lissandre, tandis que cette dernière se retrouvait de nouveau agresser par cette flicaille ignoble et son manque total d’intégrité ! Ne tiendrait qu’à l’égyptienne de leur envoyer une volée d’insulte mais elle était prise par une sorte de culpabilité : Si elle se permettait pareils mots, peut-être allait-il simplement le lui faire payer ? Elle se foutait foncièrement de son propre état désormais, il s’agissait de lâches, et sa vertu personnelle ne saurait se laisser entacher par les actions de ces raclures, aussi viles soient-elles ! Mais Lissandre ? Non, elle ne voulait pas que son amie et sauveuse de plus tôt subisse plus qu’elle ne vit déjà à cause de ses objections fort peu courtoises. Elle voulait la protéger, tout ce qui comptait c’était cela, à tel point qu’encore une fois elle voulut appeler à l’aide, demander à sa consœur de chair de faire quelque chose pour les tirer de l’embarras… Mais Emaneth, que pourrait-elle faire ? Loin du désert, l’entité avait besoin d’un minimum de forces pour agir, et plus les spectateurs étaient nombreux, plus elle risquait de s’exténuer, son influence ayant à s’étendre sur l’ensemble des personnes en présence. Enothis était perdue, confuse, et en essayant de mettre de l’ordre dans sa tête, elle ne put s’empêcher d’ouïr en même temps les supplications de Lissandre, plaintives et paniquées.
« S’il vous plaît s’il vous plaît. J’ai beaucoup d’argent. Mon papa et ma maman ont beaucoup d’argent. Je vous en donne et vous nous laissez partir. Hein hein hein ?!
- J’m’en fous des thunes, petiote. »
Fort content de sa position, il glissait encore et encore son membre contre les lèvres intimes de Lissandre, tout en la regardant avec ce regard dépravé. Elle était sa proie après tout, il allait pouvoir se la faire comme il le souhaitait, alors il faisait durer le plaisir, ne serait-ce qu’un peu ! Il se permit même de poursuivre, apparemment inébranlable face aux petites larmes qui semblaient naître au coin des mirettes de son dîner charnel.
« Tu crois quoi ? Que j’vais être mignon et te laisser partir juste pour un pot-de-vin ? T’as une idée d’à quel point c’est kiffant de se taper des petites salopes suppliantes ? Non, bien sûr que non ! Eh bien écoutes ma belle petite salope : J’compte te baiser jusqu’à ce que tu sois remplie de mon jus ! »
Il s’apprêtait à rentrer. Du côté d’Enothis, le scénario était sensiblement le même, tête de gazon semblant enfin avoir décidé d’ouvrir ses braies pour en sortir son outil de torture et l’adresser à son antre rose. Et dans le chaos de cette situation, l’égyptienne voyant parfaitement, malgré sa position le visage en larme de son amie, elle n’eut pas plus de force morale pour tenir, et accepta qu’elle ne pouvait rien y faire, qu’elle ne pouvait les sauver par elle-même… Qu’elle n’avait d’autre choix que de faire la demande à cette entité supérieure en elle de les aider, de leur offrir une porte de sortie. Peut-être était-ce la pire idée, mais au vu de sa posture, de sa position … elle parvint à lui parler :
« Emaneth, pitié, aide-nous.
- Ils sont trop nombreux ma puce. Je ne peux ni les étourdir, ni les confondre.
- Quoi que ce soit, je t’en prie. On ne peux juste pas rester comme ça.
- Je… Je peux agir mais je ne crois pas que ça te plaise. Et je serais sûrement hors combat juste après tu es sûre ?
- Oui, fais vite ! »
La djinn avait bien des pouvoirs. Des capacités terribles dont elle n’avait plus l’accès depuis qu’elle avait quittée le désert, mais aussi des bienfaits moins importants, même mineurs. Ce dont elle usa n’avait pas vraiment d’ampleur et ne fonctionnerait que sur les deux jeunes femmes, mais c’est bien là tout ce qu’elle avait pour les soutenir. Un don, une « bénédiction ». Tout du moins, c’est comme ça que l’on pouvait appeler ce genre de bienfaits, mais dans le fond Emaneth n’était pas assez sotte pour se dire que ça allait fondamentalement les aider : Tout au plus, cela allait leur permettre d’accepter. Parce que ce qu’elle leur attribua, ce don que certains appelaient « le don des héros », n’était finalement qu’une disparition de la douleur. Et du calme, du sang-froid, comme si il y avait une forme de résilience qui s’installait chez les deux jeunes femmes. Enothis le sentit immédiatement, cet apaisement, mais elle n’aurait sut dire si il s’agissait là de l’unique aide de sa chère Djinn. Si c’était cela, elle allait l’entendre râler la prochaine fois qu’elles pourront échanger. Mais non, elle en comprit la deuxième partie uniquement quand l’horrible punk à verdure commença à presser son bâton de chair en elle, et qu’il traversa l’ensemble de son intimité avec difficulté. Elle aurait dût avoir mal. A la place, seule les premières onces de plaisir charnel apparurent, la faisant frissonner de manière incontrôlable. Elle se sentit immédiatement bien idiote d’avoir insisté auprès d’Emaneth… Car si la simple entrée de ce misérable venait de la tendre, l’obligeant à se mordiller la lèvre pour ne pas avouer un soupçon de plaisir, elle comprenait que la suite allait être odieusement délectable.
« Eh bien, ça dit plus rien ? C’est sage désormais cette petite pute de gaïjin ? »
Elle aurait bien aimée répondre, surtout quand elle sentait cette forme large et chaude au creux de ses reins, mais le rouge de la honte lui montait au joue. A moins que ça ne soit le plaisir ? Elle ne voulait pas y penser. Elle avait été complètement stupide de ne pas demander ce que prévoyait Emaneth dans l’urgence de la situation, c’était un véritable cadeau empoisonné ! Elles n’allaient pas avoir mal certes mais … Mais dans quel état allait-elle finir ? Pire encore, comment devait se sentir Lissandre qui n’avait aucunement l’information qu’une Djinn venait de jouer avec ses sens et donc de la priver de toutes formes de douleurs ? Enothis voulut tourner la tête pour l’apercevoir, mais à la place, elle sentit les mains de l’homme lui empoigner les hanches avec une fermeté qui n’appelait qu’à plus de manque de respect de sa part… Avant qu’il ne se mette à battre les tréfonds de son antre à grands coup de hanches, sans aucune forme de retenue. L’effet fut immédiat, ce long morceau de chair qui venait écraser son intimité, qui faisait vibrer ses chairs sensibles, c’était une lance qui commençait lentement à réduire en charpie son amour propre. Frissons sur frissons, elle commençait lentement à s’échauffer, à se montrer … bien malgré elle accueillante ! Et à ce salopard d’en rajouter une couche :
« Bah alors, madame n’a plus la langue aussi pendue ? T’as plus envie de nous insulter tout à coup ? Allez réponds sale pute !
- Va… Va te fai...heeeeeey ! »
Elle devrait apprendre à la fermer. Tombant les deux pieds dans le plats, menée droit dans un piège par une simple provocation de messire « j’ai frotté mes cheveux dans le premier parc du coin », elle avait ouvert la bouche, et lui en avait profité pour en attraper le bord et tirer en arrière afin qu’elle ne puisse la fermer à nouveau. Alors non seulement elle se retrouvait à se cambrer, sa poitrine pendant désormais élégamment devant la caméra du connard qui filmait leur humiliation, mais en sus … Elle ne pouvait plus cacher ses états. Quand il se remit à faire glisser son manche entre ses cuisses lustrées de plaisir, ce fut pour lui faire tirer un gémissement qu’elle ne put contenir. Et aux idiots tout autour de se marrer, de ricaner tout en se paluchant allégrement. Le roi de la pelouse quant à lui n’en sembla que plus émoustiller, si sa perversité naturelle ne suffisait pas déjà. Alors il se mit à bouger longuement, rien que pour l’entendre gémir encore et encore, en long soupirs de bonheur et en petit couinement malheureux quand il se pressait soudainement, afin de la faire craquer.
« Comme tu aimes ça petite chienne. Décidément j’savais bien que les étrangères étaient de vrais salopes. J’savais qu’on allait kiffer ça tout les deux !
- Ha de fai’ fout’e !
- Oh mais de suite ! »
Enfer et … Et elle ne savait plus quoi sortir. Incapable de se défendre, ou même de lutter, son corps ne répondait que par le plaisir alors que ce salopard ramonait son intimité de sa putain de queue. Et à cause de sa propre panique, c’était juste… Exquis. Alors si moralement elle avait toujours envie de leur hurler dessus, son bassin lui en revanche était en train de devenir le plus accueillant du monde, et c’est avec grande peine qu’elle se retenait de le bouger d’elle-même pour venir se planter un peu plus profondément sur ce barreau de chair qui lui tirait de si profus et expressifs couinements de plaisir. Elle devait avoir l’air d’une folle dépravée, et dans le fond elle se demandait comment Lissandre devait la voir, ainsi suante et tremblotante, beauté étrangère en train de se faire violer avec sur le visage un air de bonheur. En son coeur, elle ne savait pas pour quoi elle priait… Que son amie arrive à garder la face ? Qu’elle puisse simplement se focaliser sur le plaisir et ainsi effacer l’instant de traumatisme ? Impossible à dire, elle n’avait même pas la possibilité de tourner la tête pour la voir. Tout ce qu’elle savait, c’était que le policier s’était lui aussi peu privé pour s’attaquer à sa proie, et qu’il ne cherchait pas à faire dans la dentelle !
-
Le bruit des doigts qui pilonnaient sa chatte –comme le disait le voyou- était ignoble à ses oreilles. Elle qui travaillait dans le porno savait qu’on pouvait ajouter des effets spéciaux en post-production pour ajouter des bruits qui étaient en réalité silencieux dans la réalité. Comme dans tout grand film hollywoodien, par exemple. Mais ces doigts qui la ravageaient sans chercher son plaisir à elle était… du viol. Il n’y avait pas d’autres mots. Le voyou lui violait l’intimité.
*Pourquoi est-ce que ça me parait si douloureux ?! Ça fait tout de même bien longtemps que je ne suis plus vierge. Alors pourquoi ?! *
Lissandre ne disait plus rien. Le choc l’avait fait taire aussi bien qu’un bâillon-boule. Cela n’empêchait que les larmes coulaient à grands flots. Ce n’était pas tant son corps qui souffrait : mais principalement son esprit. L’esprit étant puissant, -c’était lui qui provoquait le désir et les orgasmes après tout- il avait son incidence directe sur le corps. Et Lissandre se sentait absolument comme un déchet qu’on ne respecte pas. Comme un objet jetable. Elle ne se sentait plus humaine.
*Faites que ça s’arrête. Faites que ça s’arrête, s’il vous plaît ! *
Iro : « TA GUEULE ! Prends ça ! »
D’un seul coup, le policier la violait de son sexe en érection. Elle hurla de surprise plus que de douleur.
*Je ne veux pas. Je ne veux pas… Papa, où es-tu ? Maman… Faustine, grande sœur, aide-moi !... *
La coïncidence était fortuite. Les conséquences plus importantes. La magie du djinn s’instillait dans le corps de Lissandre. Un sang-froid la gagnait peu à peu : comme au rythme des coups de rein d’Iro. Plus il la baisait : plus elle sentait revenir une certaine sérénité.
*Ça va aller. J’ai survécu seule quand j’ai annoncé que j’allais travailler dans le porno. J’ai réussi à faire ma place dans un métier principalement masculin. J’ai bâti ma réputation à la force de ma volonté. Je peux bien encaisser ce policier véreux. Lissandre, concentre-toi. Dis-toi que ce n’est que la scène d’un film. Une petite scénette de rien du tout. Ça va aller. Ça va aller, ma grande. Courage. *
Avec cette sorte de « sérénité » qui l’avait gagné, Lissandre envoya son esprit « ailleurs ». Elle avait un jour lu un cycle de fantasy nommé L’Epée de Vérité. Dedans, le héros, pour survivre à une séance épouvantable de torture, avait scindé son esprit. Pour ne pas sombrer dans la folie, il avait réduit sa personnalité à une petite chose qu’il avait caché dans une pièce loin au-dedans de son esprit. Il appelait ça « compartimenter ». Lissandre essaya de faire la même chose tandis qu’Iro continuait à la bourrer avec sauvagerie. Pendant que le voyou lui triturait les seins et les tétons comme si ce n’était pas une zone érogène. Il y avait tout un tas de nerfs dans sa poitrine. Et ce que ce voyou lui infligeait : c’était de la douleur.
(tousse)
Le voyou, en ayant marre de jouer avec les seins de Lissandre, avait forcé le passage pour baiser avec la bouche de Lissandre.
Iro : « T’es vraiment con, toi, bordel ! Tu t’es pas dit qu’elle pouvait te la bouffer d’un coup de dents ? »
Voyou : « Oh putain, ouais ! »
Retirant sa bite de la bouche de Lissandre en vitesse, il enchaîna d’une claque violente sur le visage de la petite bourgeoise innofenssive.
Voyou : « Ça t’apprendra, salope ! Putain ! »
Elle n’y était pour rien. C’était sa stupidité à lui, et c’était elle qui en payait le prix.
(râle de jouissance !)
Le jeune flic venait de jouir à l’intérieur de Lissandre. Elle ressentait la chaleur du sperme. Mais elle se forçait à ne pas réfléchir aux conséquences. A la possibilité d’un bâtard se nourrissant dans ses entrailles. D’un futur enchaîné par la responsabilité de s’occuper d’un petit être humain.
Iro : « Oh putain que c’est bon, ouais ! »
Et juste pour affirmer son pouvoir, il rentra à nouveau brutalement dans les lèvres intimes.
Voyou : « Dis, je peux en profiter ? »
Iro : « Bah si tu veux mettre ta queue dans ton sperme, libre à toi mon gars. »
(râle de jouissance)
Il n’avait même pas fallu dix secondes pour que le voyou se vide à son tour dans Lissandre…
Iro : « Bon, vous avez bientôt terminés avec la vôtre ? Parce que moi je suis prêt à me barrer. »
Caméraman : « Ouaip ! J’ai tout là-dedans. Ça va être sensass’ sur internet ! Ah ah ah ! »
Lissandre n’avait pas bougé de sa table froide. Elle tourna la tête pour découvrir sa nouvelle copine. Elle avait une tête de quelqu’un qui prenait son pied. Possiblement même la tête de quelqu’un qui avait joui et connu un orgasme. Mais la « sérénité » qui l’habitait l’empêchait de correctement analyser la scène. Elle était comme à l’intérieur d’un cocon. En quelque sorte doux et protecteur.
Mais tout cocon doit un jour être déchiré depuis l’intérieur. Une destruction pour revoir la lumière du soleil et battre des ailes avec l’énergie du désespoir pour ne pas tomber et mourir dans le choc de la chute…
Caméraman : « Tiens. Tu pourras trouver la vidéo de ta performance avec ça. Ciao, les filles ! »
Une petite carte en carton plastifié s’était logé dans la combinaison de latex rose en lambeaux.
Caméraman : « Tiens, je t’en donne une deuxième. Au cas où tu perdrais la deuxième. »
Il glissa la même carte plastifiée, à moitié enfoncée entre ses lèvres intimes. Sur cette carte, Lissandre pourrait découvrir plus tard l’adresse d’un site internet. Ainsi que les instructions pour retrouver la vidéo filmée. SA vidéo…
Le calme revint dans la petite pièce. Les flics véreux et les voyoux pourris n’avaient même pas pris la peine de les foutre dehors. Probablement un autre acte de leur petit jeu de pouvoir. Leur donner un abri temporaire. Leur donner l’illusion d’une sécurité alors qu’elles devraient sortir pour retourner chez elles. En sécurité…
De nouvelles larmes coulèrent. Lissandre reprenait petit à petit ses esprits.
« Enothis ?... Tu es là ?... »
Sa voix était pour le moment froide et lente.
« Tu vas bien ? »
Elle n’arriva pas à parler plus. L’émotion revenait habiter son petit corps dévasté. Un sanglot douloureux venait se bloquer dans sa gorge.
« Je suis désolé. Je t’avais promis de t’aider. J’étais sûre de pouvoir t’emmener en sécurité en courant dans cette direction… Vers ces deux flics… Et… »
Les larmes prirent la domination sur les mots. Mais sa tête était toujours tournée vers Enothis. Les larmes coulaient à chaudes larmes. Sa vision était brouillée. Mais elle ne voulait pas quitter des yeux sa complice d’infortune.
Elle ne voulait pas être seule.
Pas pour vivre… Non. Pas pour SURVIVRE à cette expérience.
-
Le chaos de la situation ne trouva guère de temps de repos. Les deux pauvres jeunes femmes, seules, au milieux de ces salopards qui s’en donnaient à coeur joie pour les observer alors qu’elles se faisaient bousculer, malmener, violenter et violer, étaient en train de vivre un calvaire. Physique ? Plus vraiment, et pour cela la pauvre Enothis en subissait une dose supplémentaire de culpabilité, car son propre souhait s’était retourné contre elle, et elle se trouvait ainsi à apprécier chacun des coups de reins de son tortionnaire avec honte. Mais mental, psychologique ? Bien assurément. Se faire ainsi traiter, pour des conneries monumentales, pour l’orgueil et la satisfaction de petits salopards bouffis de prétentions qui avaient besoin de s’en prendre à des lycéennes pour se sentir puissant, c’était une charge psychologique difficile à supporter. Mais elle était fière, et l’égyptienne, même alors qu’elle sentait sa poitrine se balancer au dessus de la table, même si elle ne pouvait mordre les doigts qui lui maintenaient la bouche ouverte, même si elle voyait la moitié de ces connards se palucher en l’observant se faire ramoner encore et encore, ne les laisserait pas gagner le point final sur son honneur. Elle ne les laisserait pas aller plus loin que son corps, ils ne toucheront ni son esprit ni son âme, et tant pis si cette soirée sera synonyme de cauchemar pour elle, dans le futur, elle aura au moins le pansement de ne pas les avoir laissé remporter l’ultime bataille.
Et pourtant cela allait être dur…
Car tête de gazon s’amusait, devait même être doué en cette matière. Elle commençait à vriller, et ne pouvant tout simplement taire ses gémissements répétés, elle avait la honte de s’exprimer librement face à ses agresseurs. Bouche ouverte, langue légèrement pendante à cause des doigts de l’homme qui occupaient sa bouche, chaque fois que ce dernier rentrait sa queue en elle était une horrible sensation qui traversait son corps et manquait de lui scier les jambes. Mais elle ne voulait pas paraître faible, elle ne voulait pas à un seul moment montrer un signe d’infériorité. Elle avait diriger l’ensemble d’un culte à sa seule présence, comment pouvait-elle même concevoir que quelques voyous dans un métro auraient assez de pouvoir pour la faire plier, encore plus en usant de son corps comme d’un jouet pour leur bon plaisir !? Jamais ! Alors tant pis si elle tremblait, tant pis si elle criait de plaisir, tant pis si tout son corps était saturé de plaisir à cause de son propre vœu de plus tôt, qu’elle avait exprimée avec bien trop de hâte pour son propre bien ! Mais jamais elle ne viendrait plier les jambes, jamais elle ne leur donnerait cette ultime satisfaction. Et peut-être que la pelouse humaine l’avait comprit, car il cessa de s’amuser, il cessa de jouer avec son morceau de viande du soir. Il l’attrapa brusquement, la ramena contre la table en s’écrasant sous son poids, et ce qui arriva ensuite n’était rien d’autre que pure bestialité de la part du malfrat :
Elle manqua défaillir. Ce salopard la pilonnant avec une rage qu’elle n’aurait sut quantifier, Enothis n’avait presque plus d’air pour gémir tant les assauts du jeune homme étaient répétés, vifs, et ininterrompus. Il labourait ses chairs intimes avec outrage, peut-être même essayait-il d’y laisser sa marque avant de l’abandonner à son triste sort de lycéenne à la tenue détruite et l’honneur bafoué. Et elle ne pouvait que ressentir cette saturation de plaisir charnel, ces chocs et ces vibrations qui tendaient ses muscles, qui piquaient sa cervelle, qui lui chuchotaient à l’oreille de s’abandonner au tout de cette humiliation. Il lui fallut un moral d’acier pour maintenir son code d’honneur jusqu’au moment fatidique où elle le sentit plonger au plus profond de son antre intime, où elle sut qu’il avait finit de s’en prendre à sa chair alors qu’elle ressentait cet effet si étrange d’être remplit de la matière chaude et collante que cette tête de navet n’aurait sûrement jamais voulut relâcher autre part que dans son utérus. Ses ongles griffèrent la table avec rage, mais elle ne dit rien de plus… Le moindre assaut supplémentaire l’achèverait sûrement et elle ne voulait pas en mener large alors qu’elle était aussi désavantagée, aussi affaiblie. Tout au plus couina-t-elle quand elle sentit le barreau de chair être ôté d’entre ses cuisses, et le flot épais et gluant lui couler entre les cuisses. Quelle bande d’immondes ordures. Elle saura trouver le moyen de se venger… Elle le trouvera…
« Allez, ciao mesdames, merci pour votre bon coeur, ravi de vous avoir baisée ! »
Tous partirent. Les voyous et les flics, main dans la main, tandis que les deux demoiselles étaient laissées là, dans cette petite pièce abjecte, où l’odeur du viol restait présente sous l’aspect de la sueur et des fluides odorants. Haletante, les joues rouges et le regard fiévreux, Enothis chercha tant bien que mal à reprendre le contrôle de son corps. Elle serra les dents, pour ne plus respirer ainsi, comme elle l’avait fait pendant ces longues minutes d’humiliations, et prit un instant la force de relever le tête pour venir cogner son front sur la table. Aucune douleur… Merde, elle aurait aimée avoir mal, elle aurait aimée se réveiller. Elle chercha à redresser son corps de la table, poussa sur ses bras avec maintes difficultés, et souffla longuement face à ce soudain changement de position. Son corps ne lui répondait que très mal…
« Enothis ?... Tu es là ?... Tu vas bien ? »
La voix de Lissandre eut plus d’effet que son coup de tête dans le mobilier immonde qu’elle avait tâchée de sa salive. Elle tourna le regard vers la demoiselle à la tenue en lambeaux, et ne put s’empêcher de ressentir un frisson de honte la parcourir. Elle n’avait rien fait pour l’aider. Pire même, sa seule tentative pour la soutenir s’était soldé par un échec cuisant, et elle espérait sincèrement ne pas lui avoir fait plus de mal qu’autre chose… Puis l’égyptienne vit les larmes de la demoiselle, alors qu’elle commençait à s’excuser pour tout ce qu’il s’était passé. Non, non Lissandre non… Ne dis pas ça… Non seulement tu n’es pas coupable mais en plus c’était Enothis qui avait principalement amenée les problèmes. Elle était la première responsable, et le bon coeur de la jeune femme en tenue rose n’était pas prétexte à la moindre perfidie de sa part. L’égyptienne était pleine responsable de ces événements, et jamais elle ne pouvait accepter que sa sauveuse du début de la soirée puisse se tenir comme fautive de cette situation. Et ces larmes qui roulaient sur les joues de Lissandre, grand dieu, chacune était un coup de couteau dans le coeur de la jeune femme à la peau bronzée. Et rien qu’en cela, elle ne put vraiment contenir ses propres émotions, quelques gouttes timides perlant aux coin de ses paupières tandis qu’elle se dirigea vivement vers sa compagne de mésaventure et l’attrapa dans un grand geste, l’amenant contre son corps, la serrant avec tout ce qu’elle pouvait offrir comme douceur et tendresse :
« Arrête … Lissandre arrête. Je… Je suis la première à les avoir frapper… je suis fautive. Tu n’as fait que m’aider, et je ne t’ai amenée que plus d’ennuis… pardon Lissandre. C’est ma faute. »
Combien de temps restèrent-elles ainsi ? Elles avaient toutes les deux besoins de digérer ce qu’il venait de se passer, elles avaient toutes les deux besoins de panser leurs blessures. Aussi ni l’une ni l’autre ne firent sûrement attention aux nombreuses minutes qui passèrent tandis qu’elles se tenaient, l’une contre l’autre, à passer l’horreur de l’événement. Avec délicatesse, et sachant bien qu’il était nécessaire qu’elle le fasse ne serait-ce que pour pouvoir quitter les lieux dignement, Enothis fit un minimum de toilette à sa camarade et elle-même. Son coeur saignait toujours, mais son esprit se consolidait autour de son orgueil naturel : elle ne pouvait pas s’avouer vaincu. Alors elle prit son haut, sa chemise déjà réduite en morceaux, et entama de nettoyer leurs chairs malmenées, prenant même soin d’appuyer légèrement sur le bas-ventre de Lissandre pour libérer le jus odieux que ce salopard de flic ripou avait osé laisser en elle. L’égyptienne fit de même avec son propre corps, puis chercha tout ce qu’elle pouvait encore utiliser pour se vêtir. Elle put remettre ses sous-vêtements, mais insista pour que Lissandre prenne sa jupe, étant donné que la tenue qu’elle affectionnait et portait normalement était dans un tel état qu’elle ne pourrait jamais couvrir de nouveau son intimité autrement. Puis elle chercha dans les casiers, mais rien, pas le moindre petit bout de tenue qu’elle aurait put voler pour se couvrir. Elles allaient devoir sortir comme ça. Il se faisait tard, elle pouvait sûrement éviter la honte d’être vu ainsi… Mais forcément, l’égyptienne craignait une nouvelle mauvaise rencontre. Encore plus que …
* BONG *
Elle mit un coup rageur dans l’un des casiers. Toujours aucune douleur. Autrement dit que la moindre rencontre était un risque monstrueux. Elle allait devoir trouver une solution, elle ne pouvait laisser Lissandre souffrir à nouveau. Comment pouvait-elle faire ?
« Je… Je suis désolée Lissandre, mais… Tu connais mieux Seïkusu que moi, je me doute… Tu sais où nous sommes descendues ? Il est plus de une heure du mat’, on ne devrait pas croiser grand monde mais … enfin … j’aimerais qu’on trouves rapidement un abri sûr ... »
-
Il n’y avait que les larmes. Lissandre avait essayé de parler. D’abord pour s’excuser à nouveau auprès d’Enothis. Mais aussi, égoïstement, pour crier sa douleur, expliquer ses souffrances. Elle ne pouvait pas contenir tout ça à l’intérieur d’elle. L’intérieur d’elle… Elle était remplie de poison. Et cette main normalement bienfaitrice qui appuyait sur son bas-ventre ne lui provoquait que des frissons et du dégoût. Mais elle se retenait de dire des méchancetés. De toute manière, tout ce qu’elle parvenait à sortir hors de son corps –mis à part cette chose blanche et gluante…- était des larmes. Un bouillon de larmes. Uniquement des larmes et des sanglots sonores –sans aucune beauté pour la caméra…-
« Je… »
C’est tout ce qu’elle avait pu sortir en voulant se défendre de laisser la jupe à sa compagne de terrible infortune. Mais elle n’avait plus de force. Même pas celle de l’aider alors qu’elle devait être brisée comme elle. Elle au moins était venu à son secours. Lissandre se sentait laide et vilaine. Un monstre sans cœur…
(cri aigu !!)
La violence d’Enothis avait effrayée Lissandre.
« Où on est descendues ? Je… »
Elle ne savait pas où elle se trouvait. Elle était bien trop chamboulée pour ça.
*Où est-ce qu’on peut bien être, bordel ?!! *
Les larmes coulaient toujours. Les sanglots étaient comme un caillot dans sa gorge. Le moindre mot réussissant à passer était douloureux.
*Elle compte sur toi… Tu ne peux pas la laisser tomber. Pas deux fois de suite… *
« Bien, bien sur. Je vais nous trouver un abri. »
Impossible d’ajouter « ne t’inquiète pas ». Elle n’avait pas la force mentale d’être hypocrite. Le mensonge était bien trop épuisant. Elle prit donc une grande inspiration et ferma les yeux !
…
Ce n’était pas suffisant. Elle en prit donc une deuxième. Elle sentait tellement de choses. Sa détresse. Son cœur affolé. La douleur physique et mentale. Mais elle serra les dents. Enothis comptait sur elle. Il fallait qu’elle soit forte. Il fallait qu’elle rembourse son erreur. Même si un tel drame serait à jamais gravé dans les chairs…
« On-on y va, E-Enothis. Suis-moi. »
Lui prenant la main, la serrant sans doute trop fort, Lissandre se lança vers la peur et l’inconnu. Elle sortit la première de cette salle cauchemar. Le couloir paraissait immense. Elle avait l’impression d’entendre les rouages minuscules tourné chacune des cent caméras en sa direction. Elle paniqua même pendant un instant en se disant qu’elle était tombée droit dans un nouveau piège et que leurs ravisseurs –leurs violeurs !!- les attendaient dehors. Mais non. Rien. Personne de chez personne. Le silence semblait tout d’un coup bien plus effrayant que la tête à pelouse de l’espèce de yakuza. Il faisait froid dans ce tunnel d’acier. Elle se sentait vulnérable dans cette combinaison SI moulante, SI rose. Elle se sentait soudainement stupide de vouloir changer le monde et le regard de tous.
« All-llons-y, Enothis. Par là. »
Elle se sentait comme dans un mauvais film d’espionnage. A s’arrêter au bout du couloir pour jeter un œil furtif au-delà. Courir pour se mettre à l’abri derrière le grand panneau éclairé vantant les mérites d’une bouteille d’alcool puis exposant une nouvelle ligne de lingerie. Comme si c’était le moment de parler de ça ! L’alcool était surement ce qui avait permis à ces véreux de flics et à ces faux yakuzas de trouver le courage d’attaquer deux jeunes demoiselles. Et que dire de cette lingerie ?! La Vie leur faisait-elle une blague d’humour noir ? C’était injuste…
« On continue. »
L’action redonnait un peu de vitalité dans ce corps malmené et blessé. L’action endormait la réflexion. Ce qui n’était pas une totale réussite. Car, maintenant que Lissandre se trouvait si proche de la sortie, la direction suivante ne lui était toujours pas connue. Elle était perdue ! Mais elle ne voulait pas le dire à sa compagne d’infortune. Alors elle regarda des deux côtés de la rue. D’un côté une voie qui semblait emmener vers le centre-ville avec tous ses panneaux éclairés. De l’autre un secteur où les immeubles s’étaient entassés pour accueillir une vie nombreuse sur une petite île.
« Par là ! »
Lissandre avait bien entendue choisie les ténèbres. Elle ne pouvait pas subir l’éclairage et se mettre à vue de tous. Pas aujourd’hui. Pas avec Enothis qui devait grelotter dans ses sous-vêtements. Donc les immeubles !
*Est-ce que je connais quelqu’un là-bas ? Réfléchis, Lissandre. Réfléchis ! *
Un couple de phare de voiture ! Un événement trivial qui se transformait soudainement en épreuve. Ce devait être ça que ressentait un animal traqué. Lissandre piqua une pointe de vitesse et se cacha derrière un petit box qui cachait les poubelles à la vue de tous. Elles étaient dissimulées parmi les détritus… La voiture semblait prendre son temps à passer. Elle… Elle s’arrêtait ? Merde ! Non, elle repartait. Ouf ! Sortant la tête du box, Lissandre vérifia qu’il n’y avait toujours pas personne. Tenant toujours la main d’Enothis, elle repartit au petit trot en direction des immeubles.
*Pour faire quoi ? Sonner et demander de l’aide à un inconnu ?! IMPOSSIBLE ! Pas après ce que j’ai vécue. Non, ce que NOUS avons vécues. *
« Là ! »
Au premier étage. Un balcon qui faisait sécher du linge. Lissandre ne faisait même pas attention à ce qui y était accroché en détails. Elle voyait seulement le petit muret de chaque côté de la porte principale. On pouvait facilement grimper dessus. Tout comme ce balcon se situant juste au premier étage était accessible. Il allait falloir faire un peu d’efforts mais ce n’était pas impossible. Le silence de la nuit serait leur allié dans ce cas. Pas un cauchemar pouvant cracher de nouvelles épreuves !
« Suis-moi. On grimpe ! »
Violer une loi ? Voler des vêtements ? Lissandre s’en fichait. La loi n’EXISTAIT PLUS ce soir ! Les muscles de Lissandre se réveillèrent. Elle qui s’exerçait régulièrement –sa dernière lubie étant d’apprendre la pole-dance- n’eut aucune difficulté à se retrouver sur le balcon. Une fois là-haut, elle tendit une main vers Enothis.
« Ne reste pas en bas. Rejoins-moi. »
Ce qu’elles ne savaient pas ? C’était que ce balcon était un piège. Il y avait des vêtements de femme qui séchaient. Pourtant, c’était un homme seul qui vivait derrière cette grande porte vitrée. Un vieil homme du style maigrelet et arborant un visage de gentil papy. Celui dont on disait que du bien. Celui qui n’hésitait pas à garder l’enfant de la voisine pour la dépanner, qui accueillait l’adolescent qui n’en pouvait plus d’entendre ses parents s’engueuler, celui qui allait en courses pour la vieille dame au fond du couloir.
Mais ce n’était que le masque que portait Katsuo OGA. Un vieux pervers qui reluquait dans le noir les deux inconnues apprenties-acrobates du soir. Il était assis dans son fauteuil, le peignoir ouvert et les lunettes à vision nocturne sur le nez. Il voyait tout. La blonde au tenue moulante et l’autre juste en sous-vêtements ! Cette vision improbable et de rêve lui avait provoqué une demi-érection ! Et c’était déjà énorme vu son âge et l’état d’usure de son corps. Avec un grand sourire, il se frottait d’un doigt sa moustache blanche. Ses crises d’insomnie et sa surveillance régulière allaient payer ce soir ! Ce soir, son esprit manipulateur et machiavélique allait jouer avec ces deux jeunes demoiselles. Tant pis pour elle pensa-t-il, il ne fallait pas entrer par effraction chez les gens. Ne leur avait-on jamais appris que tout crime doit être payé ?
-
Enothis était d’une inquiétude presque palpable pour sa compagne d’infortune. Finalement, cela avait ses bons et ses mauvais côtés : Cela l’aidait aussi à oublier ce qu’elle venait de subir, et à s’assurer de prendre le soin le plus absolu de Lissandre, mais elle y perdait sûrement en jugeote et en analyse de la situation. Ce qui comptait pour elle, ce n’était pas ces enfoirés qui leur avaient fait du mal, parce que ces salopards sans foi ni loi pouvait bien aller crever, elle ne se laisserait tout simplement pas humilier par leurs comportements. Ils n’auraient pas le fin mot de l’histoire, il ne la pousserait pas à se croire une chose faible et minable qui vivrait comme elle le pourrait dans le traumatisme qu’ils lui avaient fait subir. Non, elle serait plus forte que ça. Et son but final, aussi maladroit puisse-t-il être, c’était que Lissandre non plus ne le vive pas ainsi, qu’elle puisse se raccrocher à quelque chose qui lui permettrait de ne pas flancher, de ne pas voir en chaque homme, en chaque crétin, un risque potentiel, ou un danger qui n’aurait d’autres manières de la concevoir que comme un petit morceau de chair à portée masturbatoire. Cela n’était guère aisé, et surtout, cela n’allait pas dans le sens que le monde voyait les choses, mais… Mais elle ne pouvait se résoudre à abandonner sa camarade dans le doute et la détresse ! Alors même si elle n’avait pas encore la solution, elle comptait bien la chercher. Peut-être qu’une fois à l’abri, elle pourrait réellement y réfléchir, lui offrir un peu de baume pour calmer la chaleur ardente de ses plaies psychologiques. Pour l’instant, toutefois, l’objectif allait être de s’en sortir, avec toute la hargne du monde, et la première étape cruciale de cet objectif débutait maintenant : S’enfuir, dans les rues, le plus mal fardé possible, et ne pas se faire voir.
A cette occasion, elle avait demandé l’aide de la française. Elle semblait quand même bien plus capable qu’elle de se repérer dans la cité, y résidant depuis plus longtemps qu’elle, aussi il paraissait somme toute parfaitement logique qu’elle aille la chercher pour qu’elle prenne en main leur virée nocturne. Peut-être que l’égyptienne, en son for intérieur, espérait aussi que ce genre de prise en main de la situation lui permette de se ragaillardir, de trouver quelques forces et ressources inimaginables encore à ses yeux, et que celle-ci aurait le divin pouvoir de la placer dans les meilleurs dispositions possible pour qu’elle se sente à nouveau humaine, femme, et forte à la fois. Toutefois, la première réaction immédiate de Lissandre ne sembla guère être de cet ordre. La jeune femme qu’Enothis avait bien malheureusement emportée dans ses déboires habituels était encore bien perdue, et commença par regarder autour d’elle, comme si elle redécouvrait seulement maintenant les lieux où elles s’étaient retrouvées par malheur. C’était non seulement parfaitement compréhensible, mais surtout bien plus humain que la réaction de la demoiselle à la peau de bronze, qui drapée de son honneur et de son orgueil se rattachait bien plus à sa colère qu’à sa peine. Peine quasiment inexistante au vu du don d’Emaneth qui parcourait encore sa chair. Quant est-ce que ça allait se terminer d’ailleurs ? Rah cela l’énervait encore d’un cran supplémentaire. Elle chercha un temps à se refaire en tête la carte de Seïkusu, et de ses différents arrêts de métro pour pouvoir tenter de se repérer, mais tandis qu’elle appliquait cette gymnastique mentale, elle fut couper par son amie, qui semblait enfin avoir mis un peu d’ordre dans son esprit :
« Bien, bien sur. Je vais nous trouver un abri… On-on y va, E-Enothis. Suis-moi. »
Quand la française prit sa main dans la sienne, il ne fut pas difficile pour la lycéenne de voir que sa compagne de la soirée était encore extrêmement inquiète et nerveuse. L’inverse aurait été étonnant, mais du coup elle pouvait prendre la mesure de l’ensemble du courage que Lissandre devait accumuler pour se sortir de la torpeur induite par les événements qu’elles avaient vécues. Enothis ne voulant pas le moins du monde être un fardeau, ou se reposer sur la jeune femme qui était dans un plus triste état que le sien, elle se mit à marcher à ses côtés, voulant lui signifier par ce choix un peu maladroit qu’elle était présente, vive, et capable de la soutenir dans cette nuitée dramatique. Elles traversèrent le couloir à petits pas, l’une étant encore passablement en état d’alerte, l’autre en pleine crainte que le moindre lieu ne soit l’occasion d’un nouveau guet-apens de la part d’un abruti sans vergogne, ou du groupe de l’autre saloperie à tête de pelouse fraîchement tondue. Mais rien ne vint à leur rencontre. Ni les flics véreux, ni les voyous sans vergogne. Tout ce qu’elles eurent à faire, c’est de finir leur pénible périple dans la fraîcheur du bâtiment abandonné à une telle heure de la soirée, et de rejoindre la sortie, toute aussi sombre, qui menait vers les longues et inquiétantes rues de la ville endormie. Quelques cauchemars sous formes humaines s’y seraient faufiler qu’Enothis ne serait guère surprise, mais la jeune femme ôtait de son esprit la moindre forme de réflexion, et c’est à peine si elle surveillait les environs, ne se concentrant finalement que sur deux choses : Sa compagne, et son corps prêt à tout pour frapper le premier truc qui s’approcherait d’elles !
Sous l’impulsion de Lissandre, elles quittèrent les halls froids du métro pour s’élancer dans les ténèbres nocturnes et leurs lampadaires presque plus effroyables encore. Dans la situation qu’elles vivaient, ni l’une ni l’autre ne souhaitaient être remarquées, et même si la lumière pouvait donner une impression de zone chaleureuse, ce n’était guère au goût de l’égyptienne en cet instant, malgré le froid mordant qui s’attaquait à sa chair. En sous-vêtements, elle avait au moins le bonheur de ne pas s’être retrouvée pieds-nus, auquel cas elle se serait sûrement déjà figée sur place, la plante des pieds glacées par le bitume semblable à quelques glaciers. Et concentrée pour la première fois sur ses propres ressentis, l’étrangère n’eut même pas l’occasion de remarquer les phares de cette voiture qui se rapprochait à grande vitesse. Heureusement qu’elle n’était pas seule. La française douée d’une nouvelle mission avait été bien plus attentive, et même si elle prit Enothis de court avec sa soudaine pointe de vitesse, cette dernière emboîta le pas de la femme à la tenue déchirée le plus rapidement possible, se laissant emporter le plus vivement du monde entre quelques poubelles épaisses afin de conserver leur vertu à l’abri d’un énième regard inquisiteur. Pour la première fois, les ténèbres eurent un aspect amical. Dissimulées l’une contre l’autre, c’est presque si l’égyptienne n’y trouva pas une nouvelle fois un brin de réconfort. Auprès de Lissandre, dont le comportement était devenu des plus protecteurs, la demoiselle aux yeux d’ors se sentait revigorée. Elle pouvait le faire, la protéger elle aussi, la tenir éloigner du danger, et cette émotion gouverna rapidement l’entièreté de son esprit. Elle observa la mine décidée de son amie, à peine éclairée quand les phares de la voiture l’éclairèrent au ralenti : Oui, elle ferait ce qu’il faut pour la tirer du moindre mauvais pas. Elle pouvait l’assumer. Elle pourrait tenir le coup.
Libérée de la présence inquiétante de la lumière, elles reprirent toute deux leur cheminement, commençant à s’enfoncer au milieu des petits chemins qui parcouraient la zone résidentielle pour passer de couples d’immeubles aux pitoyables squares décoratifs. En toute honnêteté, les lieux étaient suffisamment fournis en obstacles divers pour qu’elles puissent se dissimuler à mesure qu’elles progressaient, ce qui était rassurant comme tout. En revanche, Enothis manqua sursauter quand elle entendit sa compagne d’infortune s’exclamer, même si tout bas, en pointant du doigt l’amas de linge suspendu à un balcon quelques mètres plus loin. Visiblement, la demoiselle européenne y voyait là une forme de bénédiction, tandis qu’Enothis n’en était pas aussi certaine : Elle craignait que leurs actions n’ait des conséquences, et même si elle avait extrêmement froid, elle se voyait mal se couvrir de quelques affaires sans formes pour courir ensuite se trouver un abri. Malheureusement son amie en avait déjà décidée autrement, et qui pouvait lui en vouloir, elle se sentait déjà suffisamment entachée dans son amour-propre pour que la simple idée de pouvoir dissimuler son corps lui offre une impression de paix morale. Aussi, l’égyptienne ne se sentit pas un instant la capacité de se dresser contre son choix. Elle l’accompagna, en regardant autour d’elle, de peur que qui que ce soit n’apparaisse et ne dénonce leur acte criminel. Mais à peine avait-elle fait cette menue vérification que Lissandre avait déjà atteint les hauteurs du balcon, et lui tendait une main salutaire pour l’inviter à la rejoindre. Enothis manqua encore une fois objecter qu’elle serait plus efficace à veiller que nul n’approcherait… Mais elle ne s’en sentit pas la force, face à cette Lissandre qui reprenait enfin un peu de forces.
« Ne reste pas en bas. Rejoins-moi.
- Je… Oui bien sûr, pardon j’ai la … la tête ailleurs. »
Elle prit la main de son amie et s’en aida pour grimper. Ce ne fut effectivement pas une situation complexe, mais une fois arrivée en haut, difficile de dire qu’Enothis se sentait bien à l’aise. Elle voyait bien les lieux pourtant, elle saurait remarquer si la moindre personne s’approchant, et plus encore, le linge étendu aurait tout le don de les dissimuler si elles s’accroupissaient, ce qui rendait leur présence sur le balcon parfaitement sûre. Pour autant, rien ne savait la calmer, elle avait l’impression de louper un détail. Pourtant elle n’eut guère plus de temps pour y réfléchir : Lissandre commençant à fouiller dans les affaires qui se trouvaient devant elle, l’égyptienne n’eut d’autre choix que de lui emboîter dignement le pas, commençant à fait l’inventaire de ce qui leur était « proposé ». Difficile de dire que tout cela était à son goût. Parmi les tenues qui étaient accessible, ce qui semblait le plus évident était la teneur « affriolante » de celles-ci. Une robe bustier courte par exemple, le genre qu’une dame vendant sa vertu sur les trottoirs pourrait parfaitement porter par une telle nuit pour aguicher la clientèle. Une autre encore des plus louches, dont le dos était ouvert par une large forme ovale, livrant pleine vision sur le haut du fessier. Des chaussettes et des bas plus ou moins haut, ou encore un petit chemisier occupant une place qu’il partageait avec une jupe dont la longueur était tout simplement… tendancieuse. C’était à peine si la demoiselle à la peau de bronze ne se demandait pas si il s’agissait de l’appartement d’un vieux pervers, ou d’une cosplayeuse professionnelle. Dans un cas comme dans l’autre, l’audace de présenter de telles tenues à la vue de tous était terriblement audacieux !
En tout cas, elles fouillèrent autant que possible, sans se douter les événements qui se déroulaient derrière la porte vitrée. Monsieur Oga n’était pas un saint homme, et même si il n’était plus capable d’accomplir ce qu’il avait fait lors de ses vertes années, il avait sut compenser son changement physique par un machiavélisme qui n’avait aucune mesure. En cet instant, les lunettes nocturnes sur le nez, il se délectait non seulement du spectacle, mais surtout, il pensait à son prochain mouvement. Ces deux jeunes filles qui se trouvaient actuellement sur son balcon étaient très clairement en train de vivre une situation bien compliquée, personne ne se baladant dans de telles tenues en pleine nuit, aussi il voyait bien deux possibilités se profiler. Celle du « gentil monsieur Oga » et du « juste monsieur Oga ». En sommes, soit s’affairer à les secourir pour mieux les piéger, soit profiter de leurs exactions pour jouer de leur culpabilité. Les deux se valaient, mais tandis que les deux jeunes femmes fouillaient son appât, il eut lentement le plaisir de sourire sous sa moustache blanche en imaginant combien il pourrait se délecter de les voir s’en sortir face à l’évidence même de leur méfait. Alors … il tendit lentement la main en direction de la belle télécommande qui se trouvait sur la table et activa la caméra de surveillance qu’il avait installé sous le balcon de l’étage supérieur. Il n’eut pas besoin de vérifier si elle filmait bien ce qu’il désirait. L’ayant installée et vérifiée il y a de cela plus de deux semaines, il avait même put en confirmer l’efficacité quand il avait prit un adolescent du voisinage grimper sur les balcons pour rentrer chez lui discrètement après une escapade nocturne.
Ne lui restait plus qu’à se préparer. Quittant son siège et son magnifique spectacle alors que les deux demoiselles s’habillaient, il se glissa dans sa chambre, à l’autre bout de l’appartement, et se vêtit rapidement. Juste après, il alla discrètement poser son attirail d’espionnage, puis s’approcha de sa commode, pour prendre deux petites gélules, ainsi qu’une autre d’un type différent qu’il goba immédiatement, afin de s’assurer que son cher compagnon de lubricité soit parfaitement fonctionnel d’ici peu ! Une lampe torche vint s’ajouter à son attirail, puis son vieux taser, outil de dissuasion dont il faisait l’usage uniquement quand la situation dégénérait. Alors, il quitta ses pénates, descendit lentement les escaliers en sachant très bien qu’elles étaient encore présentes, ayant dans sa main son téléphone avec cette magnifique application qui lui permettait de regarder sa caméra de surveillance, et alla… prendre la première sortie qui se présenta à lui. C’était maintenant que son jeu d’acteur commençait.
*
* *
N’ayant pas trop le choix, Enothis se passa ce qu’elle trouvait encore le moins gênant, laissant à Lissandre la tenue plus logique de femme de bureau si elle le souhaitait pour se couvrir de cette robe bustier qui lui donnait désormais l’air d’une gothic lolita avec bien trop de poitrine. C’était à peine si ses fesses n’étaient pas à l’air, et ses seins comprimés manquaient se libérer au moindre mouvement soudain, mais au moins elle avait un peu plus chaud. Elle eut le malheur d’ajouter à cette horreur les bas les plus haut dont elle pouvait se doter, ayant donc dut se déchausser par la même occasion afin de s’en couvrir, et elle avait désormais la véritable crainte de ressembler à ces lycéennes de vidéo pornos qui demandent à leur professeur de gonfler un peu leur note contre une baise rapide au sein même de la salle de classe. Elle était rouge de honte, mais au moins, elle était couverte ! C’est quand elle entama la descente avec Lissandre que son coeur bondit : Soudainement, une lampe torche vint l’éblouir, et sa camarade avec, alors qu’elle entendit quelques ronchonnements être proférés d’une voix rauque.
« Bande de petites délinquantes ! Ne bougez plus ! J’vous ai vu avec les caméras, si vous osez vous barrez j’appelle les flics ! »
Stupeur, panique même, l’égyptienne resta entre les deux étages tandis que Lissandre était encore à l’étage. Non, elle ne pouvait pas fuir, tout retomberait sur Lissandre encore une fois, et au vu de la situation, ça n’allait pas être joli. Surtout que … les flics ? Jamais ! Non seulement ils n’écouteraient pas ce qu’elles avaient à dire, mais si en plus elles osaient dénoncées un de leur collègue, ça promettait la pire des emmerdes ! Alors, en partie sur le muret qui leur avait servit de trépieds, elle se figea, montrant ses mains pour signifier qu’elle obéissait, espérant offrir une voie de sortie pour sa camarade en accaparant l’attention du vieil homme qui s’était approché sans qu’elles ne le remarquent.
« Attendez, pitié… Nous ne… Enfin… S’il vous plaît n’appelez pas les flics, je vous en prie.
- Rien à foutre les voleuses ! Ça fait quinze ans que je surveille le quartier pour les résidents, z’allez pas me dire que deux petites putes de voleuses méritent de se barrer ! Toi, là sur le muret. Tu descends en première, puis ta copine. Et pas de gestes brusques ou j’hésiterai pas à filer la vidéo-surveillance aux poulets ! »
-
Lissandre n’avait pas pu se résoudre à changer de vêtements. Même si on avait découpé sa peau d’adoption, que les cicatrices étaient béantes et que l’air nocturne la rafraichissait d’une façon malaisante : elle n’avait pas pu abandonner son latex rose. Tout comme elle n’avait pas pu échanger la jupe que portait Enothis avant… enfin, avant « ça ». Comment s’apprêtait-elle donc à descendre ? Plus ou moins de la même façon si ce n’était qu’elle avait enfilé une culotte par-dessus la combinaison moulante.
*Je me la joue Superman ! *
Une pensée qui lui avait tiré un sourire. Rapidement il avait disparu. Il fallait déjà repartir. Affronter les ténèbres. Craindre les agresseurs. Retrouver le chemin de la maison et espérer que les verrous suffiraient à ramener de la sécurité dans sa tête. Ce qui n’était pas sur du tout…
Une lampe torche ! Des menaces ! Une envie de se rebeller mais vite étouffée par la découverte d’un pantalon militaire. Dans quoi s’étaient-elles encore fourrées ?!
« On descend on descend. Calmez-vous s’il vous plaît. Vas-y, Enothis. Fais attention de ne pas tomber. »
Elle devait reprendre son rôle. Elle avait promis de la protéger. Et… c’était elle qui l’avait amené dans cet endroit. C’était elle qui l’avait amené à ce balcon en particulier. Encore une fois, c’était elle qui les avaient emmenés dans les ennuis… Lissandre s’en voulait à mort. Elle sentait une rage enflammer ses entrailles. Mais la peur restait plus forte. Il n’y avait pas assez de haine pour oser mettre la vie d’Enothis en péril.
*Elle va finir par croire que c’est moi qui l’emmène dans ses pièges. Mais il ne faut pas ! Ce n’est pas vrai ! *
Monsieur OGA : « Voilà. On descend. Et on fait attention. La première qui fait une connerie, je la tase ! »
Rien que démontrer sa toute-puissance sur les événements en cours, il sortit le taser de sa poche et appuya sur le bouton. Des éclairs bleus crépitèrent d’un bout à l’autre de l’arme. Un léger bruit de grésillement dans l’air. Mais en cette nuit noire et calme ? La lumière paraissait vouloir les attirer et les dévorer. Les grésillements semblaient comme une horde de petites créatures affamées. Lissandre avait déjà peur du contact de cette chose électrique sur sa peau…
Monsieur OGA : « Les voleuses ont perdu leur voix ? Parfait ! Ça me fera moins de conneries à écouter. Bon, écoutez. On peut peut-être trouver un arrangement entre grandes personnes, hein ? Après tout, j’ai « très bien » regardé la vidéo qui vous a filmé et j’ai « très bien » remarqué à quel point tu étais en « sous-vêtements ». »
Le vieux à la moustache blanche appuyait sur les « très bien » et « sous-vêtements ». Sa main tapota son entrejambe. La pilule commençait à faire effet. C’était dingue comme ça lui donnait une impression de jeunesse ! Il avait l’impression de perdre vingt ans à chaque fois. Enfin, c’était surtout ce petit jeu de manipulation qui l’excitait. Le médicament était là en renfort.
Monsieur OGA : « Venez avec moi dans mon garage. Je l’ai aménagé depuis que je suis trop vieux pour conduire. »
Ce n’était pas une invitation. C’était un ordre. La main du vieux à la moustache blanche appuya sur le bouton d’un petit boitier noir qui se trouvait dans une autre poche. Très proche d’eux, la porte d’un garage se relevait. L’endroit était plutôt petit. Quelque chose n’allait pas avec les dimensions. Mais dans le noir et dans cette situation stressante, Lissandre ne poussa pas la réflexion plus loin. Elle se concentra donc sur ce qu’elle voyait tandis qu’elle s’en rapprochait. Sa main se trouvait dans celle d’Enothis. Toujours avec cette idée de lui montrer qu’elle était là, qu’elle l’aidait et qu’elle ne l’abandonnait pas. Elle devait tirer des forces d’elle : même si elle-même était terrorisée !
Monsieur OGA : « En été, les enfants passent et profitent des boissons fraîches dans le frigo. Les personnes âgées profitent des quelques chaises. On discute. On joue aux cartes. On radote sur le temps qui a passé. Sur nos beaux jours, tout ça. »
En entrant dans le garage, la partie gauche contenant une bibliothèque de livres et de CDs de musique. Il y avait aussi un appareil pour écouter la radio et les CDs. De l’autre côté se trouvait un frigo rempli de boissons et un autre meuble remplis de gâteaux secs notamment. Au milieu de tout ça, sur un épais tapis aux nombreux motifs colorés : quelques chaises autour d’une petite table de bois. L’endroit semblait être une oasis en plein milieu d’une zone urbaine. Alors… Qu’est-ce qui n’allait pas ? Lissandre le réalisa quand elle sentit la main de monsieur OGA la pousser alors qu’elle s’était arrêtée. Les dimensions ! Le mur nu ! Le garage était plus grand. Il y avait un espace caché derrière. Lissandre essaya de se retourner mais découvrit un visage tout sauf jovial. C’était une expression de malveillance. Le temps de cligner les yeux et de se remettre de la bousculade, les deux demoiselles se trouvaient dans un garage que monsieur OGA venait de refermer d’un nouvel appui sur son petit boitier électronique.
Monsieur OGA : « Voilà. Ici nous serons tranquilles. La lumière n’attirera pas les voisins trop curieux. Vous pouvez respirer, mesdemoiselles. Ici, c’est un endroit où l’on se sent bien. Où on peut parler de tout. Et surtout des ennuis. Car vous en avez eu, des ennuis je veux dire, n’est-ce pas ? »
Il s’en alla au frigo. Il avait le pas tranquille. La démarche était même maladroite. Au vu de la courbure de son dos, c’était tout à fait normal. Pourtant, malgré cette sensation de faiblesse dû à son âge : c’était bien lui le prédateur dans cette petite pièce. Monsieur OGA ouvrit le frigo et en sortit deux canettes de soda gazeux. Un « pshh » permit d’apprendre aux deux demoiselles qu’il les ouvrait. Galanterie ? Non, bien sûr que non. Machiavélisme ? Oui. Car il versa habilement dedans les deux pilules qui rendraient ses victimes malléables.
Monsieur OGA : « Asseyez-vous asseyez-vous. Et buvez ça, vous avez l’air d’en avoir bien besoin. »
« Je- Merci beaucoup. Mais, c’est-à-dire qu’on ne voudrait pas vous embêter plus longtemps. Alors- »
Monsieur OGA : « Mais non, mais non. Ça me fait plaisir, à un vieil comme moi d’avoir un peu de compagnie. Faites-ça pour moi, s’il vous plaît ? »
Tout comme le Chat Potté faisait les grands yeux pour attendrir son public avant d’attaquer, monsieur OGA sortit son plus beau visage de petit vieux bienveillant. Lissandre, ne voulant pas paraître impolie, but une longue gorgée de son soda. Et elle dut avouer que ça faisait du bien là où ça passait. Après toutes ces épreuves, ces courses… Elle invita même Enothis a faire de même, accompagnant son invitation d’un sourire qu’elle espérait chaleureux et réconfortant.
« Je vous rembourserais. Pour les vêtements. Et même plus, si vous voulez ! Mais par pitié, s’il vous plaît, n’appelez pas les policiers. S’il vous plaît, monsieur ! »
Le vieux à la moustache blanche acquiesçait gentiment de la tête. Il comptait déjà le temps dans sa tête. Un compte à rebours avant que la pilule dans le soda fasse effet. En même temps, il pensait à la tromperie de son garage. Ce mur vide qui était en fait une porte coulissante. Derrière se trouvait son QG technologique. De multiples écrans permettant de surveiller une large partie du voisinage. Mais également un siège tout confort où il pourrait s’installer : où il pourrait profiter de la « générosité » et de la « tendresse » de ses hôtes. Et le meilleur dans tout ça ? Tout serait filmé pour qu’il puisse de nouveau profiter de son machiavélisme en plaisir solitaire !
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Enothis était plus que mal à l’aise. Voler avait déjà été, dès le départ, quelque chose qui la questionnait moralement, et ce malgré la situation d’urgence qu’elles rencontraient, mais là, de le faire et en plus d’être prise sur le fait accompli, c’était passablement difficile. Il voulait qu’elle ne fuit pas ? Honnêtement, elle n’en aurait pas eut le coeur, elle se savait en son tort, et il était sincèrement compliqué pour elle de digérer le fait que son acte puisse rester impuni. Elle aurait aimé que ce soit plus tard, elle aurait aimé qu’elle ne soit pas prise la main dans le sac, mais visiblement le monde avait d’autres projets pour elle ce soir là, et désormais rien ne saurait lui éviter de connaître autre chose qu’une triste fortune. Peut-être, en tout cas cela commençait à lui apparaître au creux de son esprit fatigué, exténué même par les événements, qu’elle s’était mal comporté, qu’elle avait mal agit, et que quelques divinités dont elle avait offensé le nom avait choisis de la mettre à l’épreuve en retour, assurant ainsi à la jeune femme de ne plus faire cette erreur ? Pourtant, elle n’avait pas la connaissance de tel comportement de sa part, ce qui mettait la petite égyptienne dans le plus grand des mals. Alors non, effectivement, quand elle avait entendue la voix rauque du vieil homme, elle s’était pétrifiée, par devoir envers Lissandre, mais aussi par pur châtiment moral. Elle obéit donc avec la plus grande des prudences, tandis que son alliée d’infortune se permit de répondre au gardien des lieux avec un empressement qui laissait entendre que la jeune femme était tout aussi mal à l’aise que son amie du soir :
« On descend on descend. Calmez-vous s’il vous plaît. Vas-y, Enothis. Fais attention de ne pas tomber. »
Effectivement, la jeune femme à la peau de bronze vint à finir son retour à la terre ferme lentement, puis s’approche un peu en se voilant les yeux pour ne pas être éblouie par la lampe-torche. Difficile de toutes façons de remarquer les traits de la personne en face d’elle, mais la voix et l’attitude laissait entendre qu’elles avaient trouvés là le cas typique du petit vieux qui, n’ayant plus rien à faire de ses journées, s’occupait désormais dans ses journées et ses nuitées à faire attention à ce que le voisinage reste sain et protégé. Le pantalon militaire, seule chose à peu près pratique à distinguer dans l’obscurité globale, était en soi un élément qui corroborait cette supposition de sa part. En tout cas, tandis que la deuxième des voleuses en herbe avait elle-même rejoint les lieux, et qu’elle était désormais en train de regarder la même lumière aveuglante avec bien des problèmes, le vieux aux airs de guérillero du samedi soir reprit son speech, avec toujours autant d’agressivité. Il fit même la sortie relativement intimidante d’un taser, et l’outil crépitant d’énergie bleutée ne fut qu’une raison de plus pour les deux femmes de ne pas chercher à énerver plus conséquemment le riverain, de peur qu’il ne perde un peu la main et finisse par les électrocuter malencontreusement. Et même si le ressenti de l’électrocution n’était pas vraiment une chose que l’égyptienne avait déjà connue, ce n’était pas ce soir, tout juste habillée d’une tenue frivole et tape-à-l’oeil, qu’elle voulait en faire l’expérience. Tout au plus resta-t-elle aussi muette que sa camarade tandis que leur vigilant compagnon indésirable reprit son propos avec une certaine clarté, semblant apprécier qu’elle n’ai pas jouées les idiotes :
« Les voleuses ont perdu leur voix ? Parfait ! Ça me fera moins de conneries à écouter. Bon, écoutez. On peut peut-être trouver un arrangement entre grandes personnes, hein ? Après tout, j’ai « très bien » regardé la vidéo qui vous a filmé et j’ai « très bien » remarqué à quel point tu étais en « sous-vêtements ».
- Je… C’tait pas volontaire... »
La remarque fut des plus désagréable pour elle. Si effectivement Lissandre avait encore eut suffisamment de quoi se couvrir juste ici pour ne pas faire remarquer son manque de pudeur vestimentaire, cela n’avait pas du tout été le cas de la jeune étrangère, qui avait alors à l’idée le fait qu’une caméra avait captée l’ensemble de son désarroi nocturne. Encore un truc qui allait finir sur le net, comme la vidéo des salopards qui s’en étaient prise à elle plus tôt. Connard de nippons et leur manie de tout filmer, dans le seul but de soi-disant les protéger de tout problèmes, cela avait clairement déteint sur leurs habitudes et avait laissé comme trace cette horreur d’instinct voyeuriste et salace. En tout cas il fut rapidement très clair pour les deux jeunes femmes qu’elles n’allaient pas s’en sortir aussi rapidement qu’elle le pensait, à devoir fuir de manière expéditive une fois l’appel à la police fait, parce que ce petit vieux ne fit guère l’effort d’assouplir ses propos et les somma, au vu du ton, de se diriger avec lui dans un petit garage qui se trouvait à peine plus loin, quelques mètres à leur gauche. C’était lui obéir, ou risquer le taser, et visiblement son alliée de la soirée, à peine plus vêtue que plus tôt, ne se fit guère attendre quant à son choix. Elle prit la main d’Enothis dans un geste qui laissait entendre qu’elle cherchait à la rassurer, chose qui effectivement fit du bien à la lycéenne sans pour autant diminuer son état d’alerte, et elles se retrouvèrent à rapidement faire les quelques pas qui les menèrent à cette pièce à peine éclairée maintenant que le vigilant vieillard en avait ouvert le seuil grâce à une télécommande. De certains jureraient au traquenard, Enothis et Lissandre en faisaient partie sans pour autant pouvoir refuser « l’invitation ».
Elle durent prendre les devants, entendant derrière elles les pas lourds de l’homme toujours fièrement équipé de son taser. Enothis n’en menait pas large, ni son amie, mais visiblement, le fait que les deux vivent une nuit infernale les rapprochait, et surtout les motivaient à se protéger l’une et l’autre de toutes les manières possibles. Très honnêtement, si elles venaient à rencontrer un éventuel problème, Enothis était prête à faire tout ce qu’elle pourrait pour assurer à sa camarade de soirée de s’éviter d’autres tourments. Surtout que chez les deux jeunes femmes, elle avait bien compris que le don d’Emaneth n’avait pas eut le même résultat, la même fonction. Certes elles avaient toutes les deux gagnée en calme, en apaisement, mais dans son propre cas le tout s’était accompagné d’une insensibilité à la douleur, le genre de chose qui, foncièrement, lui créait encore de gros problèmes alors que son corps était toujours saturé du plaisir qu’elle avait connue auparavant. Mais elle cherchait à l’oublier, à l’ignorer. Tout ce qui comptait actuellement, c’est qu’elle se trouvait désormais dans le petit garage de ce vieux aux airs de john rambo du balcon, et que tandis qu’il blablatait sur ses aspects de mignon grand-père pour la populace des immeubles, ni l’une ni l’autre des deux jeunes femmes présente ne se sentait à l’abri des événements tragiques à venir. Pourtant, Enothis fit mine de s’enfoncer un peu plus, comme si cette preuve de zèle allait lui permettre de montrer qu’elle était de bonne foi malgré ses actes, tandis que Lissandre, plus prêt de la porte rétractable du garage, manqua sursauter alors que l’homme s’était glissé dans son dos, l’obligeant par la même à avancer :
« Voilà. Ici nous serons tranquilles. La lumière n’attirera pas les voisins trop curieux. Vous pouvez respirer, mesdemoiselles. Ici, c’est un endroit où l’on se sent bien. Où on peut parler de tout. Et surtout des ennuis. Car vous en avez eu, des ennuis je veux dire, n’est-ce pas ?
- Eh bien … oui… de gros ennuis... »
Au moins la sénilité ne lui avait pas ôté son brin de jugeote, et avait-il au moins conclu du fait que deux femmes en petites tenues qui se retrouvaient à voler sur un balcon n’étaient pas foncièrement d’horribles délinquantes, mais peut-être et avant tout les victimes d’une histoire sordide. Cela avait le don de montrer qu’elles n’allaient pas juste avoir à faire à un vieux fou, mais plutôt à un type qui avait encore toute sa tête. Cela avait ses avantages, comme le fait qu’elle pourrait sûrement lui faire entendre raison sur leur état de la soirée, et donc de lui prouver qu’elle n’agissait pas par une malheureuse forme de vilenie quelconque. En revanche, cela laissait aussi entendre que son comportement était parfaitement rationnel, pas mû par quelques stupides afflictions de la mémoire ou de la logique, et que si il avait sortit un taser pour les foudroyer en cas de fuite, il l’aurait effectivement fait. Autant de choses auxquelles réfléchissaient l’égyptienne tandis qu’elle fut conviée à s’asseoir avec Lissandre. Autant dire qu’elle commença d’abord par glisser un regard un peu dubitatif à son alliée du soir, comme pour lui signifier un peu mieux ses craintes maintenant qu’elles se trouvaient en pleine lumière. Elle eut un retour de la part de son amie assez équivoque, celle-ci n’étant pas plus rassurée qu’elle, mais de manière à ne pas froisser cette hôte qui mêlait autant les vociférations agressives que les belles intentions, elle s’assirent toutes les deux à l’unisson, tout en observant les alentours. L’égyptienne remarqua d’ailleurs que Lissandre portait par moment un regard intrigué et craintif envers le mur du fond, mais pour l’instant elle n’avait guère sut dire pourquoi, se contentant de réagir aux propos de l’hôte :
« Asseyez-vous asseyez-vous. Et buvez ça, vous avez l’air d’en avoir bien besoin.
- Je- Merci beaucoup. Mais, c’est-à-dire qu’on ne voudrait pas vous embêter plus longtemps. Alors-
- Mais non, mais non. Ça me fait plaisir, à un vieil comme moi d’avoir un peu de compagnie. Faites-ça pour moi, s’il vous plaît ?
- C’est que … Enfin … nous savons que … »
Elle ne put pas vraiment le repousser tandis que le vieillard lui colla entre les mains cette cannette de soda pleine et froide. Honnêtement, elle aurait voulut lui dire que tout ce qu’elle voulait, c’était de pouvoir rentrer le plus rapidement chez son amie afin qu’elles soient toutes les deux en sécurité, qu’elle n’avait pas envie de boire quoi que ce soit même si elle avait la gorge sèche d’avoir tant gémit plus tôt. Comment aurait-elle put le dire quand l’homme en face d’elle semblait encore prêt à sortir son taser comme le cow-boy tire son flingue dès qu’il en a la possibilité ? Bon peut-être qu’elle fabulait en cet instant, car désormais l’homme semblait autrement plus agréable. Peut-être avait-il été aussi véhément et grossier plus tôt pour faire bonne figure devant les caméras de la zone résidentielle ? Un moyen de montrer qu’il faisait bien son travail aux riverains, avant de pouvoir s’assurer que les deux jeunes filles et leurs tristes mines n’étaient pas foncièrement mauvaises, mais simplement des victimes qui avaient déjà tant le dos au mur qu’elles avaient préférées grimper au lieu d’atteindre de se faire faucher à nouveau par quelques salopards en plein délire. Oui, ça lui tiquait à l’esprit, elle ne voulait pas donner aussi vite sa confiance à quelqu’un, mais elle avait aussi besoin, comme pour son alliée de la soirée, de se dire qu’il existait en ce monde des personnes capables de bonnes actions, de bons comportements, sans que des situations sordides n’y soient rattachées ! Enfin, alors qu’elle se prenait la tête en silence, elle vit la réaction de son ami, plus ou moins réconfortante, et finit par se laisser aller à une gorgée. Ça lui fit tant de bien qu’elle manqua siffler la canette d’un trait, reprenant par petite lapée un peu plus du soda pour ensuite le boire tout doucement, ce qui lui assouplissait le coup. Au moins elle pourrait le remercier pour cela.
« Je vous rembourserais. Pour les vêtements. Et même plus, si vous voulez ! Mais par pitié, s’il vous plaît, n’appelez pas les policiers. S’il vous plaît, monsieur !
- Oh vous en faites pas, ces vêtements ne sont pas à moi, je suis pas celui à qui vous devrez les rendre. Et pour la police, entre nous, ils mettraient tant de temps à venir que j’aurais pût appeler il y a une heure qu’ils ne seraient pas parties du commissariat. »
Il se mit à blablater devant les deux jeunes femmes. Enothis, dans sa tenue, remarqua même que le haut de sa jupe se soulevait vers l’avant tandis que le vieil homme tourna les yeux vers elle, tant et si bien qu’elle se précipita pour appuyer dessus et se couvrir de nouveau. Dieu que c’était gênant, elle espérait que ce vieillard ne l’avait pas remarquée. Elle avait assez longtemps bouffée du « les étrangères sont des putes qui veulent chauffer les mecs » avec tête de gazon pour ne pas finalement montrer l’origine du monde à un vieux japonais à la retraite. Et le fait que son entre-jambe était couverte de son dessous ne changeait en rien la honte de ne pas avoir été assez vigilante, étant donnée qu’elle savait très bien que les mœurs de cette société étaient autrement plus prudes et rigoureuses que dans bon nombre de pays. Manquerait plus qu’elle soit la provocatrice les mettant dans de beaux draps avec de biens maladroites actions ! En tout cas elle termina sa canette sans le moindre souci, et continua à garder une oreille attentive aux propos de l’ancien :
« En revanche mesdemoiselles, je ne veux pas dire mais vous êtes certaines de ce que vous faites. Votre dégaine j’veux dire. Et à deux pas du quartier de la Toussaint, rendez-vous compte. Si vous avez déjà eut des soucis c’est clairement pas la direction à prendre, vous allez finir dans les pires recoins de la ville. Mon fiston a eut un souci un soir, dans ce foutu quartier, et je vais être parfaitement honnête avec vous ... »
L’homme ne cessait de déblatérer ses histoires. Enothis ou Lissandre, plus ou moins prise en otage par leur propre moral d’abord, et le fait que leur interlocuteur restait dangereux ensuite, ne cherchèrent visiblement pas à l’interrompre pour le moment, même si l’une et l’autre avait sûrement bien d’autres sujets à aborder. L’égyptienne, par exemple, aurait bien aimée apprendre du vieil homme si il comptait faire disparaître l’enregistrement la montrant en lingerie au milieu de la nuit, ou si il savait comment ils pouvaient rejoindre le plus rapidement possible l’adresse de Lissandre maintenant qu’elles étaient plus ou moins vêtues. Le problème d’ailleurs étant qu’elle n’avait tout simplement pas la moindre idée de l’endroit où se trouvait l’appartement de sa camarade, si bien qu’elle manquerait de précisions si elle amenait le sujet sur le tapis. Quant à Oga, il profitait de leur confusion pour les assommer d’informations, pour gagner du temps, et laisser tranquillement la drogue dans leur canettes faire effet une fois qu’elles les auraient entièrement consommés. Et si la petite demoiselle à la peau de bronze semblait avoir but tellement vite qu’il s’était un temps demandé combien elle pouvait être assoiffée, ce fut plutôt la miss en tenue latex déchirée qui sembla mettre bien trop de temps à son goût. Si la petite égyptienne commençait à montrer des effets avant que l’autre n’ait tout bu, son plan allait rapidement devenir plus compliqué, et malgré son entraînement militaire, son vieil âge pouvait devenir très gênant si elles n’étaient pas bien sages et obéissantes.
Alors il prit lui même une canette, et vint l’ouvrir pour faire mine de trinquer avec celle qui prenait son temps.
« Kanpaï jeune fille. Allez buvez, vous allez voir, c’est p’t’être froid mais le sucre va vous aider à réchauffer vos muscles. Vous savez, si vous avez vraiment besoin de quelqu’un pour vous déplacer jusqu’à chez vous, je peux toujours tenter d’appeler mon fils. Pas vu qu’il soit réveillé à cette heure, mais qui ne tente rien n’a rien. Et puis il a toujours eut le meilleur des comportements, après tout je l’ai bien élevé. C’est un charmant jeune homme mais il est toujours si sérieux, il n’a même pas encore trouvé de fiancée. Me voilà pauvre vieux avec quasiment deux pieds dans la tombe, et je ne suis même pas encore grand-père, quelle tristesse. Enfin, être grand-père à Seïkusu n’est pas une sinécure vous me direz, dans le fond je... »
Et il continuait sans qu’elle n’ait le temps d’en placer une. Quelques fois elles parvenaient à associé une question ou un petit mouvement d’approbation à l’une des réflexions du grand-père, puis l enchaînait tout de go sans même qu’il n’ai semblé faire attention à ce qu’elles venaient de dire. A croire qu’effectivement ce pauvre bonhomme insomniaque et solitaire avait grand besoin d’échanger, mais cela devenait plus que gênant, compte tenu de la situation et des tenues qu’elles portaient… Mais ce ne fut pas tout. Au bout d’une vingtaine de minutes après la consommation de la canette, Enothis commença à se sentir extrêmement réchauffée. Bon dieu qu’elle avait chaud, elle en était presque à haleter pour trouver un peu d’air frais, mais elle se retint comme elle put, ne voulant guère sembler étrange. Le pire ? Les mots de l’homme lui semblait désormais désordonnés et confus, comme si il parlait de très loin, ou trop vite pour elle. La fatigue ? C’était étrange, elle se sentait pourtant énergique, mais tandis que son corps frissonnait, que son esprit s’embrumait, elle ne put que s’empêcher de remarquer qu’elle n’était pas dans son état normal. Et ce qui l’aida à s’en rendre compte, ce fut quand elle tenta de se rasseoir comme elle le pouvait pour ne pas avoir l’air trop étrange, et que son entre-jambe frotta contre la surface plane de la chaise. C’était si peu, mais elle le ressentit, le plaisir, et le fait qu’indubitablement… elle s’était mise à mouillée, même à être passablement trempée.
Était-ce la faute d’Emaneth ? Cela semblait peu probable, mais elle voulu lui demander… sans trouver le courage de chuchoter, taisant simplement son état second et le dissimulant à sa belle et délicieuse amie, si charmante et attirante. Bon dieu qu’est-ce… qu’est-ce qui lui arrivait… À quoi pensait-elle ?
-
La cannette était encore très pleine dans les mains de Lissandre. Elle ne parvenait pas à boire. Il y avait bien trop de raisons pour. D’abord parce que c’était froid et que la nuit l’était aussi. Ensuite, parce qu’elle ne voulait pas se poser. Elle voulait accompagner Enothis jusqu’à un endroit sur où elle pourrait lui proposer du thé chaud. Enfin et surtout, il y avait ce vieil homme. Surtout ce mur du vieil homme. L’instinct de Lissandre était en alerte. Sa conscience était sur le qui-vive bien qu’elle ressentait une certaine modification. Mais elle ne comprenait pas d’où cela venait…
« Excu… »
Il était décidément impossible de couper monsieur OGA quand il parlait. Une vraie pipelette qui ne devait pas parler à beaucoup de monde pendant la journée. Voire la semaine. Ce qui résultat par des monologues bien trop long. Les yeux de Lissandre regardèrent à nouveau le mur. Non, décidément, il y avait quelque chose de louche avec ce mur. Le vieil homme capta le regard. Puis il vit dans quel état se trouvait Enothis. Bien que passablement énervé de ne pas voir son plan fonctionner comme prévu, il ne put s’empêcher d’étirer un rictus. Il eut le temps de le faire disparaitre. Laissant tout de même à Lissandre une impression de fugace de quelque chose d’inquiétant…
« Je suis vraiment désolé, monsieur OGA, mais il va falloir que je raccompagne Enothis. Je… »
Monsieur OGA : « Ta gueule ! »
Tant d’agressivité soudaine paralyse Lissandre. Une opportunité unique qui lui aurait permis de renverser le rapport de pouvoir. Mais c’était maintenant trop tard. Monsieur OGA avait récupéré son taser et le courant électrique avait mordu la peau de la main de la française. La douleur fut vive. La peur s’installa d’un seul coup. Le corps de Lissandre était désormais en guerre : la guerre VS le désespoir.
Monsieur OGA : « Tu aurais pas pu boire ta foutue cannette comme une gentille petite fille ? Tu me forces à utiliser la violence. Et je n’aime pas ça. C’est de ta faute. »
Faire culpabiliser la victime. Une sinistre manipulation machiavélique…
Lissandre observa Enothis. Elle était dans un état autre.
« Il faut vraiment que vous nous laissiez partir ! Je dois emmener Enothis aux urgences. Vous avez vu comment elle est en nage ? Elle doit souffrir ! »
Monsieur OGA : « Ah ah ah ! Il y a encore de jeunes femmes si innocentes ? Ah ah ah ! Et ça alors, tu crois que c’est parce que j’utilise mon slip comme une poche de pantalon ? Ah ah ah ! »
A chaque fois qu’il riait, le vieux à la moustache blanche redonnait un petit coup de taser dans la main maintenant engourdie de Lissandre. Et entre eux coups de crépitements bleutés, son autre main lui tenait le poignet. Elle n’avait pas intérêt à montrer des signes de rébellion. Sinon quoi : nouvel électro-choc !
Monsieur OGA : « Vu que je ne suis pas une mauvaise personne, je vais t’offrir deux cadeaux. Le premier, ça va être de mieux installé ta copine. Et le deuxième, ça va être de te montrer ce qu’il y a derrière le mur. »
Derrière le mur ? Ca y est, la guerre au sein de Lissandre avait élu son vainqueur. Ce n’était pas la colère mais le désespoir. C’était le manque d’espoir qui allait lui faire imaginer et subir de nouvelles humiliations en cette soirée. Mais qu’est-ce qu’elle avait fait ? Et à qui pour subir pareilles dégradations ?!
Le vieux à la moustache blanche se releva. Son pantalon militaire était étiré par les effets de la pilule médicale. Sa main plongea dans une des nombreuses petites poches de son gilet et il en retira une petite télécommande. Il appuya sur le bouton et une fissure bien trop nette et trop droite se dessina en plein milieu du mur. Des panneaux commencèrent alors à coulisser : révélant une sorte de base de geek. Dans le fond : plusieurs grands écrans qui filmaient en continus. Lissandre pouvait ainsi voir le balcon de monsieur OGA mais également le parc où jouait les enfants ou encore un coin sombre dans le sous-sol de l’immeuble.
Monsieur OGA : « Bienvenue chez moi. Tire donc cette « chaleureuse » jeune femme sur le siège là-bas. »
Lissandre aida tant bien que mal Enothis à s’asseoir sur un confortable fauteuil. Un fauteuil qui semblait tout droit sorti d’un cabinet de gynécologie avec ses deux armatures métalliques pour y coincer les pieds… Ça ne disait rien qui vaille. Sans compter qu’il semblait que le moindre attouchement sur la peau d’Enothis lui provoquait des frissonnements. Et la française était prête à parier que ce n’était pas dû au froid…
Monsieur OGA : « Pas besoin d’utiliser les attaches. Elle n’ira pas bien loin dans son état. »
Grand sourire machiavélique. Le vieux à la moustache blanche ne se cachait même plus de se caresser l’entrejambe. Gardant un œil sur Lissandre, il alla vérifier que sa caméra sur trépied fonctionnait. Une fois fait, il brandit le pouce aux deux jeunes femmes : tout était OK. Les actrices étaient en place. Le matérial était « opé’ ». Silence. Moteur. Et action !
Monsieur OGA : « Voilà ce que je vous propose. Chacun fait plaisir à un autre. Je filme tout. Parce que, vous savez, à mon âge, la mémoire ce n’est plus trop ça, hein ! »
Nouveau sourire de manipulateur. Lissandre se doutait bien que le vieux à la moustache blanche était loin d’être sénile. Preuve en était de sa jolie armoire vitrée qui contenait masse de disques durs externes. L’étiquetage et les quelques photos encadrés à l’intérieur de la vitrine témoignait de jours et de jours de contenus vidéos. Et pas simplement de jolies promenades au parc… Plutôt la série en 27 épisodes des infidélités de Madame HIKARU.
Monsieur OGA : « Tu n’as plus l’air de savoir comment t’exprimer. Probablement l’admiration de ma vitrine. A moins que ça la peur de quelques électrochocs de plus ? Donc, voilà un plan possible. Tu t’occupes de ta copine en éteignant son feu intime de ta langue. Elle, elle s’occupe de la raideur douloureuse dans mon slip. Et moi, moi, je viens tremper ma belle moustache dans ton jus de demoiselle. C’est un bon plan, non ? »
Le désespoir. L’énergie de Lissandre ne pouvait rien face au sourire de ce vieil homme. Le désespoir allait mettre fin à ses jours à ce rythme-là. Comment pouvait-elle envisager une seule seconde le suicide comme une option acceptable ? Suffisait-il de deux drames en une soirée pour mettre aux rêves et à la jeunesse ? Quelle triste société de merde…
-
L’air lentement de plus en plus absente, elle eut même lors d’un instant le plus grand des mal à se rappeler ce qu’elle faisait ici. Lissandre, sa chère ami, et elle-même, se trouvait actuellement dans un garage, c’était un fait, mais pour quelles raisons, elle commençait à avoir du mal à s’en rappeler, les choses se mélangeant dans sa petite tête avec de plus en plus de perfidie. Elle se souvenait qu’elle avait rencontrée la belle étrangère plus tôt, mais ne comprenait plus non plus pourquoi elle s’entendait si bien avec elle, pourquoi elle était devenue si vite si précieuse à ses yeux. Un véritable fouillis qui ne manqua pas de se complexifier quand elle tourna son regard flou en direction du visage de l’homme qui blablatait à leur côté. Ce vieux bonhomme était tant et tant affable que c’était même à se demander si il était capable de cesser de parler, cette pensée seule manquant donner envie à la demoiselle de rire sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle était juste dans un état second, et son état physique déplorable n’était même plus suffisamment important pour qu’elle y perde quelques instant à s’en enquérir. Le pire ? Quand elle se sentait gênée, dérangée par l’excitation que sa chair exprimait de la plus honnête des manières, elle avait tendance à bouger un peu son corps, à le frotter presque sur le fauteuil comme pour tenter de satisfaire ce besoin, ayant juste alors le malheur de le rendre plus vif, plus insidieux, plus invitant encore. Elle ne maîtrisait plus rien, vivait ces événements de manière si lointaine qu’elle ne parvenait plus à en attraper la substance… Tout au plus observait-elle son amie, tout en essayait de comprendre un peu ce qu’il se jouait.
Elle avait l’impression qu’elle avait peur. Il ne faut pas avoir peur Lissandre, les choses se passent … étrangement c’est vrai, mais Enothis était là, et elle était prête à faire ce qu’il faut pour s’assurer que tout se passe bien, non ? D’ailleurs pourquoi les choses se passeraient mal, hein ? Est-ce que quelque chose s’était déjà mal passé ? Elle tentait de se souvenir mais ne parvenait pas à se remettre en tête le début de la soirée, comme si soudainement tout ce qu’il s’était précédemment passé était tombé dans un gouffre profond. Mais visiblement, les choses se passaient pas encore comme il faut ici, son amie à la tenue rose étant en train de … de se battre avec le vieux monsieur ? Non ce n’était pas vraiment ça, est-ce qu’ils étaient en train de s’engueuler ? Rah, elle ne comprenait pas, mais elle avait chaud, et ne parvenait pas à faire autre chose que haleter, comme si tout son corps avait besoin d’un peu de fraîcheur, d’un peu de calme, d’un peu moins de bruit et de confusion. C’est d’ailleurs à ce moment que la jeune femme entendit le vrombissement étrange du mur du fond, et qu’elle tourna un œil perdu, fiévreux et hagard en direction de l’ouverture qui se fit dans les profondeurs du garage. Est-ce qu’elle le rêvait ? Est-ce qu’elle hallucinait ? L’égyptienne regarda autour d’elle pour finalement remarquer que Lissandre observait aussi les lieux avec un air fort dégoûté, suffisamment pour que la lycéenne se tourne à nouveau en direction de cette zone secrète en cherchant ce qui pouvait rendre son amie aussi craintive. Sûrement la grosse chaise molletonnée d’un cuir marron vieillot au milieu de la pièce. Qu’il était laid ce fauteuil, franchement, une horreur ! On aurait dit la dernière assise d’un condamné à mort, le genre de chose sur lequel l’on ne veux jamais avoir à poser ses fesses.
Pourtant, elle sentit sa chère amie la prendre contre elle, et l’aider à se déplacer en direction de la-dite assise. Boarf, comme si ce gros morceau de cuir dégueu méritait qu’elle s’y attarde, tout ce qui comptait dans le cas présent était Lissandre. Elle était fraîche, elle était douce, elle sentait bon dans le fond, même si elle semblait trembler un peu. Est-ce que sa chère amie avait froid ? Elle aimerait sincèrement la réchauffer, la tenir contre elle, peut-être même que… L’égyptienne leva son regard sur les lèvres fines et roses de son amie de la soirée, et ne manqua pas d’en souligner la ligne charnel de son regard. En fait elle en avait envie oui, de l’embrasser. Elle ne savait pas pourquoi Lissandre la portait, ni même comment elle avait devinée qu’elle avait les jambes trop faibles là de suite pour se déplacer d’elle-même, mais tout ce qui occupait son esprit était le visage délicat mais blessé de sa compagne. Enothis n’avait plus d’yeux que pour elle dans le fond, elle oubliait quasiment la présence du vieil homme, qui continuait pourtant d’énumérer des saloperies tandis que la belle française déposait sa compagne de la soirée dans le vilain fauteuil. Autant être assise lui plaisait, autant elle n’était toujours pas bien fan de cette horrible support sur lequel Lissandre venait de l’installer, si bien qu’elle se mit à hésiter. Est-ce qu’elle refusait de rester sagement assise ? Après tout elle avait le droit de dire non, même si celle qui l’avait installée était sa précieuse camarade. Mais en même temps elle n’avait pas vraiment envie de blesser la demoiselle à la tenue rose, cette demoiselle qu’elle appréciait tant dans sa présence et sa volonté de prendre soin d’elle, de l’aider. Puis étrangement, elle comprit enfin quelques mots au milieu du bourbier absolu de bruit que sa petite tête créait, imaginait, mélangeait :
« Voilà ce que je vous propose. Chacun fait plaisir à un autre. Je filme tout. Parce que, vous savez, à mon âge, la mémoire ce n’est plus trop ça, hein ! »
Hein ? Faire plaisir ? Filmer ? Cela éveillait quelques chose chez elle mais …. mais rien qu’elle ne parvenait à expliciter avec quelque chose de clair, de continu. Sa mémoire lui provoquait quelques flashs de situation qui lui semblaient étrangères, lointaines, et elle commença à avoir…. Sacrément mal au crâne. Ouille sa tête ! Non, ce n’était pas agréable du tout, elle en avait marre et elle voulait, elle voulait …. Elle voulait reprendre les choses en main ! Qu’est-ce qu’elle désirait, qu’est-ce qu’elle avait envie de faire dans la situation actuelle ? Ne pas être sur ce putain de fauteuil déjà ! Elle était une ancienne prêtresse louée de tous, ce n’était pas pour se retrouver sur un cuir rêche et désagréable ! Et puis elle voulait embrasser Lissandre bon sang, elle voulait qu’elle soit heureuse, qu’elle puisse être bien, pas qu’elle ait l’air apeurée ou triste. Comme ce qu’elle était maintenant quoi ! Parce qu’elle voyait bien que son amie n’allait pas bien ! Se mettre debout ? Ça allait être une première étape nécessaire franchement, mais l’égyptienne savait bien qu’elle allait avoir le plus grand mal à le faire ! Tant pis, elle s’en sortira avec détermination et désir ! Désir pour sa belle Lissandre qui méritait du réconfort. Un réconfort qu’elle seule pourrait lui apporter, elle en était certaine, ce n’était pas comme si elle ne pouvait pas lui … lui … lui faire du bien non ? Après tout elle en avait tellement envie, tellement envie, elle en avait marre d’avoir si chaud en elle, elle n’en pouvait juste plus, Enothis avait besoin de sauter sur l’occasion. Cela demandait juste un peu d’honnêteté, un peu d’assurance. Alors elle se releva d’un coup, tellement sec qu’elle tituba un court instant, alors même que leur hôte finissait de parler :
« Tu n’as plus l’air de savoir comment t’exprimer. Probablement l’admiration de ma vitrine. A moins que ça la peur de quelques électrochocs de plus ? Donc, voilà un plan possible. Tu t’occupes de ta copine en éteignant son feu intime de ta langue. Elle, elle s’occupe de la raideur douloureuse dans mon slip. Et moi, moi, je viens tremper ma belle moustache dans ton jus de demoiselle. C’est un bon plan, non ?
- Oooooooooh ta gueule le vieux hein !? Tu saoûles ! J’te jure tu saoûles. Bla bla bla bla bla tu dis que des bêtises. Trop de bêtises. »
Elle regarda les deux occupants de la pièce, bouches-bée, incapable de réagir à ce soudain éclat de la jeune fille qui était encore un instant plus tôt tellement perdue dans ses pensées qu’elle semblait quasiment éteinte, sans la moindre réaction. Maintenant, elle campait debout au milieu de la pièce, quasiment drapée dans sa fierté, et vu qu’elle avait obtenue le silence de la part du vieil homme, elle ne manqua pas d’acquiescer du chef comme pour signaler qu’elle était contente avec ce résultat. Bon cela n’ôtait en rien l’air perdu d’Enothis, ni même ses joues écarlates des effets de la drogue. En revanche, elle semblait avoir tant regagné du poil de la bête qu’on pouvait presque lui accorder autre chose que le statut de poupée de chiffon, celui-là même qu’elle avait gagnée avec les effets de la canette trafiquée. Alors, toujours sans qu’elle ne soit capable de raccorder un fil de sa pensée à un autre, elle se tourna vers le vieil homme abasourdi, puis vers Lissandre, de laquelle elle s’approcha alors vivement pour la prendre dans ses bras avec grande tendresse.
« Oh Lissandre, pardonnes moi ! Je suis désolé de t’avoir fait peur. Hé hé je comprends pas grand-chose mais je vais bien, regardes. Ne sois pas triste ma belle Lissandre, là, là, regarde-moi. »
Elle parlait instinctivement d’abord, mais surtout, elle parvint assis à amener son amie à baisser un peu le menton vers elle, qui se trouvait un brin plus petite que sa camarade de la soirée. Et quand elle amena son visage à bon niveau, c’est sans la moindre forme de honte et de gêne qu’Enothis se mit sur la pointe des pieds, embrassant alors son amie sans la plus petite once de doute. Elle l’embrassa longuement, amoureusement même si l’on puis estimer d’un point de vue extérieur ce qu’il se passait. Car une main derrière la tête de l’anglaise, et l’autre dans le creux de son dos, c’est avec un désir qui ne demandait qu’à être assouvi que la jeune femme se permit ce baiser fou qu’elle offrait à son amie, comme pour lui communiquer l’ensemble de son bien-être, et peut-être un brin de sa confusion. Elle voulut aller chercher sa langue un instant, comme pour l’emporter dans ce fougueux instant, puis soudain se décrocha du souffle de la belle demoiselle entre ses bras, l’observant avec ce ton de malice étrangement perturbant dans le regard. Était-ce là la fin de cet assaut soudain ? Sûrement pas, la petite égyptienne rougissant de toute son âme juste après, malgré un sourire béat, et comme si elle ne pouvait soudainement plus faire face à l’acte qu’elle venait d’accomplir, elle s’écrasa entre les seins de son amie, comme pour se cacher, tout en riant bêtement :
« Aaaaaaaaaaah j’ai embrassée Lissandre, j’ai embrassée Lissandre. Mouuuuuh au secours, que la honte me submeeeeerge j’ai été vilaine. Hé hé hé hé hé ! »
D’une joie à toute épreuve, elle se redressa doucement, encore nichée tout contre le torse de son amie, et l’observa de cet air doux et perdu, terriblement à l’ouest dans le fond mais aussi particulièrement déterminée envers les quelques sursauts de logiques qui pouvaient atteindre son esprit embrumé :
« J’ai chaud tu sais ? Si chaud que j’ai des envies … aaaah terribles. Je peux pas te dire, c’est siiiiii… Oh mon dieu si dépravéééé, comme j’ai honte ! Aaaaah… aaaaah je peux peut-être le chuchoter ? »
Elle reprit alors, tout bas :
« J’ai envie de t’avoir, touuuuute à moi, rieeeeeeen qu’à moi, ma belle Lissandre »
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La stupeur ! D’où est-ce qu’Enothis sortait une pareille assurance et autant d’insultes ? Enfin, ça ressemblait plutôt à une crise de gamin qu’à une vraie colère d’adulte. Mais l’effet était tout de même efficace. Ni Lissandre, ni le vieux à la moustache ne surent quoi dire ou quoi faire. C’était eux deux qui venaient de subir des « électrochocs ». Et voilà maintenant qu’Enothis lui faisait un gros câlin et la rassurait. Toute cette soudaine chaleur humaine avait au moins le bénéfice de faire changer de point de vue la situation aux yeux de Lissandre. Ce garage de l’horreur devenait soudain ridicule. Le petit délire d’un vieil homme qui se donnait des grands airs mais qui n’avait clairement plus le corps pour aller au bout de ses désirs sans passer par de vils manipulations mentales.
Le bisou. Un choc. Un nouveau choc après le « réveil » soudain d’Enothis ! Un nouvel électrochoc qui lui permettait de voir la situation sous un nouvel angle. Non, pas la situation. Elle avait déjà corrigé le tir avec le garage et le vieux. Cette fois-ci, c’était Enothis qu’elle voyait différemment. Ses quelques centimètres en moins qu’elle. Ses joues rouges. Son joli minois. Enothis était… belle. Lissandre ne sut que répondre sur l’instant. Elle ne put que porter ses doigts à ses lèvres qui venaient d’être embrassées. Un baiser plein de passion.
Ses mains se posèrent sur les deux côtés du visage d’Enothis.
*Mais qu’est-ce que je suis en train de faire, moi ? *
Les yeux de Lissandre observaient cette petite bouille toute excitée. Autant d’une énergie que de désirs.
*Il y a l’autre vieux derrière qui est en train de tout filmer. Ce n’est pas le moment de délirer, Lissandre ! *
C’était plus fort qu’elle. Il y avait comme un vide sur son visage. Comme si ses lèvres avaient séché. Qu’il fallait les humidifier d’un… nouveau baiser.
*Elle est surement mineure, Lissandre ! Déconne pas ! Imagine si le vieux publie sur internet la vidéo et que ses copines d’école tombent là-dessus. Elle ne s’en remettra pas ! Toi tu as choisi ce délire de porno. Pas elle ! *
Pourtant, pourtant ses lèvres se rapprochaient de l’égyptienne.
*Sa peau est si belle. Si… exotique. *
Ses lèvres étaient posées sur les siennes. Lissandre ferma les yeux et fit taire ses pensées. Elle se laissa aller à ce baiser. Il était délicieux. Les yeux fermés, ce triste endroit n’existait plus. Elle pouvait s’imaginer chez elle, en sécurité. Elle pouvait imaginer qu’elle était sur un lieu de tournage d’une de ses productions. Tout allait bien. La situation n’avait jamais dégénérée. La scène des mauvais flics et des petites raclures de bandits était dans la corbeille de son bureau. Il faudrait juste penser à supprimer définitivement. Mais pour l’instant… pour l’instant elle profitait de ce baiser.
Sa main glissa sur sa poitrine à elle. Elle était bien plus volumineuse que la poitrine plate de Lissandre. Non, on disait plutôt « poitrine de sportive ».
*Va falloir que tu arrêtes ton délire, Lissandre. Ça va lui donner de mauvaises idées. A elle et au vieux. Mais… *
Mais impossible de s’arrêter. Enothis lui avait témoigné tellement de bravoure et de mignonnerie que le cerveau de Lissandre avait voulu se concentrer là-dessus. Se créer de formidables souvenirs pour détruire le
(viol)
le… le… Pour détuire les souvenirs douloureux. Alors sa main commença à masser le sein d’Enothis. A vouloir deviner ce qu’il y avait en-dessous. A essayer de deviner si son téton était dur à travers les vêtements qu’elle avait volé. Il y avait décidément bien trop de textile entre sa main et ce doux plaisir qui la narguait.
Son autre main décida également de partir à l’aventure. Lissandre était pour le moment incapable de se détacher des lèvres de sa compagne d’infortune malgré les alertes que sa tête lui donnait à répétition. Enfin, entre deux râles de plaisir coupable. Son autre main partit donc en exploration. Elle glissa sur le flanc de l’égyptienne. Encore et encore. Lentement. Prenant son temps. Pour prolonger au maximum ce beau moment. Pour faire durer le suspense et s’exciter également. La main glissa sous la jupe. Glissa sous la culotte et-
« NON ! »
Elle fit un bond en arrière.
« Je ne dois pas faire ça. Je ne peux pas te faire ça ! »
Sentir l’humidité sur ses doigts. L’idée de savoir qu’Enothis était excitée…
« Ce n’est pas bien. C’est- On ne peut- »
Mais son geste montrait ce que son corps demandait. Elle porta les doigts de sa main gauche, ces doigts qui avaient joué le rôle d’unité d’exploration, à sa bouche. D’abord pour renifler. Apprécier la senteur du désir. Puis une langue timide, une langue coupable lécha le bout des doigts.
« Ce n’est pas bien… »
-
Enothis vivait dans son propre monde en cet instant. La drogue qu’elle avait consommée bien malgré elle, puissante, terrible, avait pour but de la désinhiber et bon dieu que cela avait eut de l’effet. La jeune femme ne ressentait plus que cela, de la lubricité, du désir, du besoin, mais ce n’était pas vraiment ce qui avait prit le plus de place en son esprit. Effectivement, elle avait autre chose en tête, un autre besoin qui s’exprimait en cette soirée pourrie pour laquelle elle avait déjà bien trop subie : Celui de reprendre le contrôle des événements ! Elle était excitée ? Eh bien oui elle l’était, de toutes façons à cause d’Emaneth et de sa propre stupidité, elle ne ressentait plus la douleur, si bien qu’elle avait le corps en feu depuis que l’autre saloperie à tête verte lui avait rempli son intimité de son jus de petit con sans honneur ! Sans parler de la drogue encore une fois ! Mais franchement, toutes ces méthodes lui passait au dessus. Maintenant elle n’avait que ça, le droit de choisir, de reprendre sa destinée en main, et si elle devait pour cela se plonger dans toutes les dépravations possibles parce qu’elle était déjà au comble de la lubricité et que ce monde semblait vouloir lui en mettre encore un peu plus à chaque pas, alors au moins elle le fera volontairement, avec le sourire, et selon SA façon de voir les choses ! Et là, dans l’instant présent, alors qu’elle reprenait à ses yeux la main mise sur ce qu’elle aurait toujours dû posséder, à savoir le droit de son corps et de SES envies, il n’y avait qu’une seule personne qui l’intéressait, qu’elle convoitait avec les plus sombres des émotions : Lissandre.
Elle ne s’était guère laissée allée à quelques simulacres. Plus elle était directe, et plus elle prouvait par son honnêteté qu’elle n’avait rien à cacher dans ses actions, dans les mesures drastiques qu’elle prenait contre ce putain d’univers qui voulait lui retourner la tête et la faire se sentir coupable. Elle s’était dirigée vers son amie du soir, l’esprit embrumé, et elle avait prit ce qu’elle souhaitait, à savoir les lèvres de la française. Ce n’avait absolument aucune autre vertu que celle d’étancher, un tant soit peu, la soif sexuelle qui s’était emparée d’elle, et qui continuait de grimper en intensité à mesure que les secondes passaient, mais il y avait aussi, dans le fond, cette volonté d’apaiser la peine et les craintes de sa compagne d’infortune. Alors, malgré le fait que ses pensées étaient embrumées, elle pouvait imaginer un peu ce qu’il se passait dans l’esprit plus sain de Lissandre : Le doute, la peur de la vision des autres, la confusion face à ces événements, la tentation qu’elle lui apportait sur un plateau d’argent, avec ses fantasmes… Tant de choses qui pouvaient sûrement paralyser une personne qui n’était pas foncièrement bien dans sa carafe, à moins que tout cela n’ait plutôt l’effet d’un éléctro-choc, court-circuit soudain qui permettait, d’ici peu, de gagner le coeur et l’esprit de la belle, la lavait de la mélasse sordide dans laquelle elle s’était empêtrée à cause du comportement ignoble de la gente masculine. Mais ce genre de choses, aussi importantes pouvaient-elles être, ne parvenaient pas à rester longtemps dans l’esprit de la lycéenne en plein trip d’excitants pour éléphants. Non, elle ne voyait pas plus loin que ses désirs… et les réponses qu’elle obtenait de son amie.
Des réponses aussi charnelles que la question implicite qu’elle lui avait posée par son baiser, et exprimé de ses termes confus, presque enfantins. Ce n’était pas sa faute, elle aurait voulue être plus claire, moins maladroite, plus… Aguichante dans ses termes ? Mais le fait était que ses mots étaient aussi confus et instantanés que son esprit, et en ce sens elle ne parvenait pas à construire un propos complet sans même avoir la maladresse de se perdre en chemin. En revanche, elle pouvait répondre aux gestes de sa compagne : Elle lui plaça ses mains sur ses joues avec tendresse, alors elle lui enserra la taille de ses bras, aussi légers qu’ils étaient, aussi faibles aussi ils pouvaient être. Quand elle s’approcha à nouveau de ses lèvres, alors elle vint à clore ses mirettes, se laissant emporter dans le geste délicat de son aîné, venant alors accueillir le souffle de la belle étrangère, et y répondre d’un soupir d’aise. Et si les mains de Lissandre partirent en balade légère, prude, curieuse sur son corps à la peau délicatement halée, ce ne fut point pour y connaître un mouvement de recul ou un refus, Enothis tendant sa chair à sa compagne pour qu’elle puisse s’abandonner à ce traitement qu’elle lui intimait par ses avances. Confuses, elles l’étaient toutes les deux, et pas de la même manière, mais la situation était suffisamment complexe pour que chacune puisse malgré tout voir, dans l’action de l’autre, quelques aveux secrets, quelques besoins de reprendre le contrôle de la situation. Et tant pis pour le grand-père qui devait avoir tellement mal au manche d’observer ce spectacle qu’il serait sûrement capable de se la couper pour abréger ses souffrances. Enothis n’avait d’yeux que pour une personne, et c’était la jeune femme dont elle souhaitait voir et retrouver le radieux sourire, celui avec lequel elle l’avait tiré de l’embarras quand elles s’étaient rencontrées !
Mais peut-être qu’il y avait encore bien des choses à régler, des choses que l’esprit confus et frissonnant de l’égyptienne n’avait sut concevoir ? Car les caresses, les baisers, les douceurs qu’elles s’offraient chacune semblèrent trouver soudainement une limite aux yeux de Lissandre. Pourtant sa main était déjà allée si bas, elle avait chercher à cueillir ce qu’il y avait de si précieux chez la jeune femme… Du moins jusqu’au soudain mouvement de recul de la française, ce regain de conscience aussi soudain qu’imprévisible aux yeux d’Enothis. Elle ne put comprendre en l’instant. Incohérence absolue, manque total de logique à ses yeux, elle se retrouva à constater la brutale séparation opérée par sa camarade du soir accompagné de son soudain refus, si grave à ses yeux ! Pourquoi ? La question occupa immédiatement l’ensemble de sa pensée, le tout lui semblait tellement improbable, tellement inacceptable, surtout alors qu’elle avait enfin le droit de posséder et de contrôler ses choix et ses désirs ! Puis elle ramena son regard embrumé en direction de celle qui éveillait en elle une telle flamme, celle qui mêlait désarroi et colère, besoin et passion. La colère ne dura pas longtemps, surtout quand elle remarqua la culpabilité sourde qui était né sur les traits de son amie. Quelque soit ses raisons, elles n’étaient pas de malheureuses natures, ou de tristes origines. La justesse morale, la droiture, quelques concepts avaient prit d’assaut la pensée de Lissandre et l’éloignaient d’elle. Et aussi compréhensible cela pouvait-il être de la part de quiconque avec un peu de jugeote, Enothis n’avait tout simplement pas la possibilité d’y réfléchir pour l’instant. En revanche, elle avait assez d’affection et de bons sentiments pour pouvoir y réagir sainement, avec … ce qu’elle avait de tendresse et de passions honnêtes :
« Je ne dois pas faire ça. Je ne peux pas te faire ça ! Ce n’est pas bien. C’est- On ne peut- Ce n’est pas bien…
- Lissandre … Ma belle Lissandre … »
Elle s’approcha doucement. De petits pas nus sur le sol de béton froid. Suffisant dans le silence pour être entendu, et interrompus par un râle désagréable de la part du vieil homme qui se trouvait à l’autre bout de la pièce. Ce qui fut d’ailleurs amplement suffisant pour que l’égyptienne se détourne un instant de sa merveilleuse compagne pour lui apporter un regard plein de haine. Un de ces regards noirs et impérieux qu’elle avait longtemps dû arborés devant ses sujets, capable de foudroyer sur place la moindre forme de réaction, des plus justes aux moins valables. Elle l’intimait au silence, et au vu de la situation, sans parler de ce qu’il s’était passé plus tôt, le vieil homme perçu sûrement une certaine forme de menace qui l’amena … à obtempérer. Ceci fait Enothis se retourna devant la forme confuse de sa camarade. Un peu repliée sur elle-même, ses doigts aux abords de ses lèvres roses et un brin tremblantes, comme si une peine ou un doute étaient en train de les animer en une moue craintive … Sûrement la jeune femme avait-elle peur de ce qu’elle pouvait désirer, de ce qu’elle pouvait faire maintenant qu’elle avait été attirée sur le chemin dangereux de cette lubricité volontaire et assumée. Avait-elle peur de se comparer avec ceux qui, plus tôt s’en était prit à elle, avec les plus horribles actions, mais étrangement les même motifs ? Encore une fois, Enothis n’avait pas les capacités pour réfléchir à cela plus longtemps qu’une demi-seconde. Tout ce qu’elle possédait était son naturel, un naturel aussi instinctif qu’empli de bonne volonté… Et c’est ainsi qu’elle vint lentement raccourcir la distance que Lissandre avait mit entre elle, en parlant doucement :
« Lissandre, je… Pardon je t’ai fais peur. Mais je te veux et … tu me veux, non ? »
Enothis était dans un état second, mais elle n’était pas non plus insensible, et la soudaine réaction de son amie du soir lui avait jeté un sacré froid. Pas assez pour la bloquer dans ses besoins, mais largement suffisant pour qu’elle se retrouve à ne plus se laisser porter par l’euphorie qui l’avait caractérisée un peu plus tôt. Alors elle approchait doucement, mesurait ses gestes quand elle observait Lissandre avoir un mouvement de recul, s’assurait de paraître aussi inoffensive que possible, de peur de la voir fuir, en panique. Et cela, elle n’aurait sut s’en remettre. En revanche, elle fut à portée bien vite, et c’est alors que sa réaction fut simple : elle prit doucement la main tremblante de son amie et la tira délicatement à elle, suffisamment pour que les deux s’écrasent l’une contre l’autre avec la chaleur de deux demoiselles aussi perdues que désireuse d’un tel contact. Du réconfort, de la quiétude, et une paix durable, dans une prison à la peau bronzée qui pouvait la relâcher à la moindre demande qu’elle lui aurait exprimée. Alors seulement elle reprit la parole avec ce ton si délicat, si mesuré, et ce malgré l’air absent qu’elle pouvait avoir, ce regard presque vide, mais qui restait éclairé de cette lueur de désir dévorant, cet appel au plaisir qu’elle souhaitait, encore et toujours, lui communiquer :
« Je n’en peux plus Lissandre. Ces connards, ces salauds, ils font bien ce qu’ils veulent, alors pourquoi n’aurions nous pas le droiiiiit ? Tu as le droit, j’ai le droit, nous avons le droit de le vouloir. Qu’est-ce qui t’arrêtes ma belle et si importante amie ? Fais moi gémir, fais moi trembler. Je veux jouir de tes attentions, je veux te faire sourire. On leur dit merde et on profite. Toi, moi, ensemble. Jusqu’au bout de la nuit même, si je dois rester dans cet état malgré moi. Je m’en fous tant que je suis avec toi. Je m’en fous tant qu’on peux se donner le droit de le faire. »
Et elle l’embrassa. Férocement et amoureusement, avide de ses lèvres.
« A partir d’ici, tant pis si il nous arrive encore je ne sais quelle merde. Que je sois obligée de sucer un clochard en pleine rue, je passerais outre mais … mais avant je veux être à toi Lissandre. Alors prends moi je t’en prie. »
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*Oui… Oui, j’ai envie de toi, Enothis. Mais je ne peux pas. Ce n’est pas bien. Je ne dois pas dire ces mots à voix haute… *
Cette attraction des corps. Cette chaleur qu’elle expérimentait. Lissandre était passive entre les gestes d’Enothis. Elle n’arrivait plus à décider de quoi que ce soit. Son corps voulait quelque chose. Et son esprit se rebellait contre. Résultat ? Lissandre se laissait attirer. Voilà qu’Enothis lui parlait avec ses yeux… ses yeux si pleins de désirs humides. Lissandre aurait pu craquer rien que par ce regard.
Son discours était… parfait. Un mélange de rébellion et de douceur. Un discours qu’elle aurait aimé écrire pour un de ses films.
*Arrête. Arrête, Enothis… Je ne vais plus pouvoir résister si tu continues comme ça. Arrête. S’il te plaît… *
Le baiser. Un électrochoc qui paralysa ses pensées. Elle s’y abandonna avec passion. Elle répondit avec toute l’intensité qu’elle essayait de conserver. Toute l’intensité des drames de la nuit passés et intériorisés.
Puis le réveil. Probablement parce qu’elle avait dit qu’elle sucerait un clochard. L’image mentale fonctionna très vite pour l’esprit créatif de la future pionnière du porno. Un nouvel électrochoc. Un opposé à celui du désir. Une manière de reprendre le contrôle.
*Même si l’idée que tu sois mienne me tente toujours… *
Les mains de Lissandre agrippèrent les épaules d’Enothis et la força à quitter l’emprise avec son corps.
« Enothis. Tu es très belle et tu sais très bien choisir tes mots. »
Elle se retourna pour voir le vieux à la moustache blanche. Ce connard de manipulateur était toujours présent. Il était excité par le spectacle dont il se croyait le chef d’orchestre. Lissandre était en train de réfléchir à une idée tandis qu’elle voyait le vieux à la moustache blanche avec son pantalon sur les chevilles et la main sur sa verge. Elle devait admettre que sa taille était loin d’être ridicule. Rien de hard pour les normes du porno. Pas très long mais une bonne épaisseur.
*Et voilà, réflexe professionnel. Pff… Je devrais mettre toute mon énergie à le haïr au lieu de juger de son CV de chairs. *
Son attention revint à Enothis. Il fallait qu’elle lui dise pourquoi elle repoussait ses attentes. Pourquoi elle réfrénait ses pulsions roses…
« Enothis. Pardon d’être crue et directe mais nous sortons toutes les deux d’un viol. Et je ne veux pas te violer à mon tour sous couvert de pédophilie. »
Voilà. C’était dit. Elle espérait que ça ne la choquerait pas trop.
Maintenant, elle allait passer à la réalisation de son idée. Elle fit volte-face sans prévenir et brisa la courte distance qui la séparait du vieux manipulateur. (Pardon à tous les hommes qui liront ce qui suit…) Lissandre arma sa jambe et donna un méchant coup dans les testicules et la verge en érection. Bonus du coup de pied ? Elle blessa également la main masturbatrice.
*L’effet de surprise a fonctionné ! Il faut maintenant que j’aille jusqu’au bout de mon idée ! *
Plié en deux, incapable de jurer de façon clairement audible : Lissandre fit le tour du vieux à la moustache blanche et sauta sur son dos. Le rodéo débutait ! Ses bras autour du cou serraient de toutes leur force. Elle allait l’étouffer !
Elle allait les sortir de cette situation de merde !
« Enothis !! Récupère la télécommande pour sortir d’ici ! »
Malgré son grand âge, le vieux à la moustache blanche résistait bien. Des sueurs froides coulant dans son dos, Lissandre connut le doute. Elle allait échouer… Elle allait s’en prendre plein la gueule… Elle allait se faire violer. Une deuxième fois cette nuit… Cette main aux gros dos et aux tâches cherchait à attaquer son visage. Elle ne trouva que sa bouche qui mordit dedans ! C’était suffisant pour lui redonne de l’ardeur à la tâche. Avec une sorte de second souffle, elle réaffermit sa prise autour de son cou. Son corps « sauta », jouant le rôle d’un ressort qui se compresse et se libère. Et voilà que le vieux à la moustache blanche tombait par terre ! Lissandre bandait toujours les muscles de ses bras pour le faire tomber dans l’inconscience.
*Faites que ça fonctionne. S’il vous plaît ! Je commence à fatiguer ! Mes bras s’ankylosent !... *
-
Toutes les plus belles paroles du monde auraient-elles pu convaincre la fantastique jeune femme qu’Enothis avait devant elle ? Elle ne le savait guère, mais le baiser qu’elles venaient de partager, ce soupçon d’amour et de plaisir qu’elles s’offraient mutuellement, avait eut un goût de paradis. Et ce délicat parfum de satisfaction mutuelle s’était lentement prolongé à mesure qu’elles étaient collées, l’une à l’autre, dans cet instant sauvage où tout le chaos et la vilenie du monde ne sauraient les déranger. L’égyptienne pouvait, par là, gagner un court instant ce bonheur qu’elle cherchait à faire sien, celui de s’assurer que la femme lui appartienne, à elle, pas à ces connards, et de lier par cette action son devoir de prendre soin d’elle et de subir avec elle la moindre situation qui saurait encore leur tomber dessus. Bien sûr, tout cela venait d’un esprit tellement embrumé, par le plaisir, par les drogues, par les « bénédictions » traîtresse d’Emaneth, qu’on ne pouvait pas vraiment y percevoir une logique saine, mais c’était celle qu’elle avait put mettre en place afin de ne pas se faire submerger par les émotions les plus basses et les plus terribles pour sa santé mentale. Elle se défendait, comme elle le pouvait, en prenant de force ce qu’elle désirait, ce qui dans l’instant présent revenait à sa liberté, sa sexualité, son corps et ses règles. Elle espérait simplement que sa compagne de la nuit ne la repousse pas, ne vienne pas lui ôter ce moyen gracieux de gagner à nouveau les droits sur son être. Elle ne semblait pas vouloir la pousser loin d’elle, la déshériter de son droit au bonheur… Surtout qu’en levant ses yeux, en les plongeant dans ceux de Lissandre, la demoiselle à la peau bronzée ne pouvait qu’y voir l’écho de ses désirs. Pourtant …
« Enothis. Pardon d’être crue et directe mais nous sortons toutes les deux d’un viol. Et je ne veux pas te violer à mon tour sous couvert de pédophilie.
- Lissandre, allons, je … Pourquoi ? Pour... »
Elle n’eut ni le temps de protester, ni le temps de faire la moindre nouvelle action auprès de sa partenaire si précieuse à ses yeux. Cette dernière, comme soudainement enragée par la situation qu’elle vivait avec sa petite compagne, venait de quitter ses bras, de s’échapper de l’emprise d’Enothis pour se ruer comme une furie sur celui qui, depuis tout à l’heure, se délectait du spectacle qui se déroulait sous ses yeux. L’égyptienne eut à peine le temps de se tourner afin d’observer la situation qu’elle vit le balancement furieux, et sûrement horriblement douloureux, de la jambe de son alliée de la nuit, celle-ci appliquant une pression percutante entre les cuisses du vieil homme. Le bruit qui en provint fut un mélange flasque de chair broyée et d’un claquement sec, accompagné par la déformation inhumaine du visage du vieux pervers, comme si soudainement l’ensemble de ses traits venaient à se sur-exprimer. L’ensemble était une forme aussi curieuse que repoussante d’expression de douleur pure, et l’espace d’une courte seconde, Enothis eut l’impression de pouvoir comprendre l’ensemble de la souffrance de l’homme, même si elle fut rapidement ramenée à la réalité de cet instant crucial. Observant sa comparse, elle la vit continuer sa ruée pour se glisser dans le dos de l’homme, puis lui sauter à la gorge, pour commencer à l’étrangler par derrière. La scène était tout simplement … incompréhensible pour la demoiselle encore en pleine prise avec la drogue qu’on lui avait fait consommer en cachette, mais elle se mit tout de même à se gratter compulsivement le crâne, comme pour y déterrer la marche à suivre pour elle.
« Enothis !! Récupère la télécommande pour sortir d’ici ! »
La télécommande ? Ouais elle …. Elle était au sol, pas loin des pieds de ce vieil homme qui essayait, malgré la douleur, de se libérer de son fardeau humain, de la jolie jeune femme qu’il avait tenté de faire chanter un peu plus tôt avec le plus terrible des irrespects. C’est vrai qu’il existait lui, il était là depuis le début, c’est aussi lui qui avait tenté de la droguer pour pouvoir faire quelques horribles proposition à la belle demoiselle en tenue rose. Mais c’est qu’il avait tenté de mettre son horrible engin dans SA Lissandre quand elle y pensait ! C’était inacceptable. Proprement inacceptable, tu m’étonnes que la belle française n’avait pas put se sentir à l’aise avec elle si ce salopard était encore dans les environs pour les observer de son œil torve ! En fait si elle se refusait à Enothis, c’est bien parce qu’elle se trouvait encore en présence de cette immondice, ce tas de vieux débris qui ne pense qu’avec son outil de masculinité ! Oui, tout cela faisait enfin sens dans sa petite tête, suffisamment d’ailleurs pour qu’elle arrive enfin à se lâcher la tête et à prendre un peu plus conscience de ce qui était en train de se jouer : L’homme s’écroulait au sol, tandis que la sauvage guerrière qui avait voulut la protéger se trouvait au-dessus, la sueur perlant sur son front alors qu’elle raffermissait sa prise comme elle le pouvait afin de s’assurer d’amener le vieil Oga à s’endormir. La belle jeune fille à la peau sombre fronça les sourcils, fit quelques pas en direction de ce duo, observant avec haine la forme encolérée du vieil homme qui commençait à desserrer les bras de Lissandre de son cou. Non, elle n’allait pas permettre ce genre de retournement de situation :
Elle prit un peu d’élan, appliqua la bonne distance pour ne pas toucher malencontreusement sa précieuse alliée… Et vint frapper de toutes ses forces le visage au sol de monsieur Oga, son talon venant percuter le crâne du vieil homme dans un claquement singulier. Déséquilibrée, la demoiselle eut tôt fait de finir son mouvement en chutant en arrière, sur ses fesses, mais eut pour la première fois le bonheur de sentir la couche de vêtements gothiques amortir sa chute. Quant au vieil homme, il perdit instantanément le reste de ses forces, Lissandre pouvait sentir le corps sous elle se détendre d’un coup, tandis que la tête du vieil homme s’écroula au sol net. La jeune fille n’avait sûrement pas assez de force pour tuer un homme d’un coup de pied, mais visiblement, elle avait frappée au bon endroit : Assommé, ce vieux pervers était en train de baver au sol, les yeux légèrement révulsés, encore un nouveau tableau qui ne laissait pas entrevoir les meilleurs aspects de ce salopard manipulateur ! Mais il était dans les pommes, même complètement out, ce qui permit sûrement à l’aînée des deux demoiselles de souffler un peu. Elles étaient sauvées de sa triste influence après tout ! Enothis ne manqua pas d’offrir l’un des plus grand sourire possible à sa précieuse amie, comme pour la gratifier de ce superbe résultat, puis elles purent récupérer la petite télécommande qui allait leur servir à fuir, non sans avoir le coeur bien plus léger. L’égyptienne se sentait fière en cet instant, même si elle avait bien conscience que l’ensemble de sa petite tête ne marchait pas du tout normalement à cause des produits qu’elle avait ingéré… Elle eut en revanche une bonne idée, alors qu’elles ouvraient tout juste le portail de ce garage maudit.
« Attends juste une seconde, je reviens ! »
Elles avaient toutes les deux envie de partir, c’était un fait, mais pour le coup l’esprit embrumé de la jeune femme avait eut l’intelligence de lui donner envie de se permettre une ultime vengeance sur le vieux actuellement dans les vapes. Alors elle se glissa à nouveau dans le fond du garage, sans attendre que son amie lui dise quoi que ce soit qui pourrait aller à l’encontre de ce rapide désir de nuire, et elle alla se camper auprès de la large armoire où l’homme semblait avoir eut le désir d’afficher l’ensemble de ses tristes conquêtes. Ce qu’elle allait en faire ? Rien dans l’immédiat, mais elle chercha autour d’elle, et finit par attraper un gros sac en toile se trouvant dans le garage, dont elle vida le contenu au sol (des pièces mécaniques et autres conneries s’y trouvant), pour enfin retourna face aux étagères dont elle vida une grande partie dans sa nouvelle trouvaille. Elle traîna alors son bagage avec elle jusqu’à retrouver son amie, la gratifiant d’un nouveau sourire, et d’un roucoulement amoureux en se frottant contre son bras, pour ensuite se mettre en chemin avec elle. Elle ne savait pas où, mais Lissandre semblait avoir trouvée, à quelques occasions inconnues, le temps de choisir une destination proche, et de pouvoir s’être assurée y aller sans qu’elle ne risque grand-chose de plus, ce qui paraissait donc une excellente idée. Tout ce qu’elle fit, avec le plus grand des amusements, c’est suivre la demoiselle si précieuse à ses yeux, et se mit à allègrement jeter les cassettes enregistrées du vieil homme à mesure qu’elles progressaient, les laissant traîner sur la route et les trottoirs. Bien sûr, ce n’était pas un comportement très écolo, n’importe qui la huerait pour cela… Mais voilà, elles étaient seules dans la rue et personne n’irait contre une juste revanche envers un connard qui profitait des pauvres femmes du coin, n’est-ce-pas ?
En tout cas, elle se laissait aller à ce simple et doux plaisir que de pouvoir naviguer dans la ville, inconsciente du moindre problème environnant tant elle était à l’ouest, car après tout, au vu de ces états mentaux et moraux, elle n’avait pas la possibilité de se sentir à nouveau en danger. Lissandre était ses côtés, le danger était derrière elle, sous la forme d’un vieux croûlant qui était en train de baver sur le sol, assommé par son puissant coup de pied, et surtout, elle avait accepté que cette nuit pourri, elle lui survivrait avec la force d’une déchaînée, quitte à abandonner toute vertu. Peut-être que c’était juste son esprit embrumé qui cherchait à la conforter dans sa capacité à garder le contrôle sur la situation, mais les faits étaient là, elle ne saurait pas se laisser vaincre par ce genre d’horribles événements sans sens autre que celui de mettre encore plus d’embûches sur le chemin de deux simples jeunes femmes voulant profiter d’une bonne soirée, toutes les deux ensembles. L’égyptienne restait d’ailleurs captivée par son amie, lui parlait de tout et de rien, glissait une caresse sur sa joue, un regard provocant, comme si elle tentait de s’assurer qu’elle était bien au coeur des pensées de son amie. Elle ne fit d’ailleurs même pas attention quand les deux s’engouffrèrent sous la lumière rouge d’un joli petit établissement, ne se faisant comme seule réflexion que les reflets ardents de l’éclairage offrait l’air les plus ravissant de gêne et de manque d’assurance palpable sur les traits de sa divine compagne de la nuit. Elle se colla d’ailleurs à elle, maintenant qu’elles avaient ralentie le pas, s’accrochant avec amusement au bras de Lissandre.
« Alors, où donc m’as-tu emmenée ma belle et chère ? »
-
Voir Enothis toute fière d’avoir terminé le vieux manipulateur à coup de violence avait été… bizarrement satisfaisant ! Lissandre ne comprenait pas. Ce n’était pas juste du soulagement à l’idée qu’il ne pouvait plus rien leur faire. Il y avait une forme de joie. Est-ce que c’était de ça dont s’abreuvait les mâles qui se foutaient sur la gueule ? Si c’était le cas, Lissandre allait bientôt fréquenter des salles d’arts martiaux à foison !
*De toute façon, ça va être obligatoire. Impossible de retourner dans la rue sans savoir me défendre après cette soirée de merde… *
Est-ce que c’était d’avoir survécu à ces deux épreuves horribles ? Peut-être. Peut-être pas. Peu importait au final car Lissandre savait où se rendre. Elle connaissait un endroit tout près d’ici ! Et elle était tellement concentrée à ne pas perdre l’itinéraire claire dans sa tête qu’elle ne remarquait pas la destruction de la collection du vieux à la moustache blanche. De toute façon, fuck la conscience écolo cette nuit !
« Où est-ce que je t’ai emmené ? Mais dans un endroit de dépravation, ma chère ! »
Retrouver un endroit familier et s’éloigner des endroits dangereux : ça faisait revenir la vraie Lissandre. Du moins, elle pouvait se permettre de remettre son masque de celle qui luttait dans ce monde pour révolutionner le genre du X. Et remettre ce masque était également essentiel pour ne pas sombrer. Elle ne pouvait pas subir une crise d’angoisse ou autre… Pas maintenant… Elle devait être forte parce que…
*Parce que quoi ? Parce que je suis une femme indépendante dans un monde où je ne peux pas compter sur les autres ? *
Ses yeux se posèrent dans ceux d’Enothis.
*Cette bouille. C’est pour cette mignonne petite bouille que je ne peux pas défaillir. Je dois au moins être forte à ses yeux. Je m’écroulerais plus tard. Quand je serais seule… *
« Un love hotel pour tout te dire. Je connais des gens ici. Je t’expliquerais peut-être ce que j’y ai fait un autre jour. »
Elle lui fit un clin d’œil complice. Il fallait qu’elle voit le jeu, les confidences et l’amusement dans ce geste qui paraissait si anodin.
« Tu me laisses quelques minutes. Je vais voir Hana et je reviens avec les clés d’une chambre. »
Lissandre toqua à une petite porte non loin d’un comptoir. Pas trois coups d’affilés. Mais un code secret qui déclencha un petit bruit d’ouverture automatique. En même temps, il pouvait se passer des choses inquiétantes dans ce genre d’établissement. Du style à être cotoyé par des voyous à tête de pelouse… La porte se referma sur une Enothis esseulée. Mais Lissandre n’avait pas le choix. Hana avait sa… personnalité, dirons-nous. Très vite la porte s’ouvrit de nouveau pour laisser voir une Lissandre avec un grand sourire et une carte magnétique.
« Si mademoiselle veut bien me suivre. »
Elle lui montra la direction du bras puis se rapprocha d’elle en l’invitant à y aller bras dessus bras dessous. Un petit escalier où les marches étaient recouverts d’une moquette noire pour permettre d’aller dans les chambres. Mais également de repartir discrètement suivant les émotions des jeunes énamourachés. Lissandre conduisit Enothis quelques portes plus loin et passa la carte magnétique dans la fente à côté d’un clavier numérique. Toujours pratique un clavier avec des boutons en cas d’urgence.
« Si mademoiselle veut bien rentrer. C’est ici que la nuit s’achèvera. Fini les mésaventures. Bonsoir le cocon douillet pour toi et moi ! »
La chambre était plongée dans le noir. Lissandre appuya sur un bouton et des lumières bleues s’allumèrent. Elles étaient habilement dissimulées au niveau du sol contre les murs. Ca donnait une douce lumière tamisée. La main de Lissandre emmena Enothis à l’intérieur et elle referma derrières elles deux. D’un côté de la pièce il y avait un grand lit. De l’autre un canapé qui faisait face à une belle armoire fermée. Lissandre s’écroula dans le lit. Elle tendit le bras et trouva le bouton. Elle appuya sur un premier et le plafond s’illumina comme si elles passaient la nuit à la belle étoile. Puis elle alluma un autre bouton. De la lumière se fit dans le mur et fit apparaitre un aquarium géant imbriqué dans un mur.
« J’espère que tu aimes cette chambre, Enothis. »
-
Enothis n’avait pas la moindre forme de défiance envers les comportements et les choix de Lissandre. Pourquoi ? Peut-être que certaines personnes, après les longues et difficiles turpitudes qu’elles avaient put connaître durant leur petite escapade nocturne, auraient facilement trouvées dans le doute et la suspicion le petit grain de réconfort permettant de rejeter la faute sur autrui, c’est vrai. Pour Enothis ? Eh bien plusieurs petits éléments faisaient qu’il était tout simplement impossible qu’elle soit dans cet état d’esprit. Tout d’abord, dès le début de cette aventure involontaire, Lissandre avait été une personne qui l’avait aidée, sans la connaître ni d’Eve, ni d’Adam, afin qu’elle échappe à la présence tout simplement terrifiante d’un des membres de son ancien culte. Ensuite, et ce malgré la tournure finale des événements, elle avait bien plus remarquée les efforts produit par la jeune femme pour tenter par monts et par vaux de les éloigner du danger. Le fait que quelques connards en profitent n’était pas du fait de la française, et ainsi elle ne pouvait pas en vouloir à sa compagne d’infortune, mais bien plus à tout ces enfoirés qui s’en prenaient à elles en rejetant toute forme de moralité. Enfin, et ce n’était pas là la moindre des raisons, mais elle était encore et toujours dans un tel état d’étourdissement, de confusion, et d’enivrement à coup de drogues et d’effets magiques qu’elle n’avait pas la possibilité de produire une pensée suffisamment solide pour pouvoir chercher à se perdre dans la vilenie humaine la plus basique. Au contraire, cet état la poussait vers un autre domaine, plus commun, plus instinctif, le sentiment d’appartenance. Que cela soit d’une meute, d’un couple, ou d’un rapprochement entre semblable : Lissandre était celle à qui elle se raccrochait, et elle était un pilier pour que Lissandre puisse s’y tenir aussi de plein gré. Rien de plus, rien de moins.
Quand Lissandre parle d’un endroit de dépravation, l’étrangère confuse ne peut pas vraiment y voir une forme de malignité, mais d’autres auraient put s’attendre à quelques pièges terribles si leurs esprits avaient déjà cédés à la peur et au doute. Non, elle fit confiance à son amie, et se retrouva surtout à observer les lieux avec une certaine forme de curiosité. Les couloirs d’un rouge délicat, les lieux autrement plus luxueux d’apparence qu’ils ne doivent réellement l’être. L’ensemble de l’établissement faisait faux à ses yeux, comme si quelque chose clochait, mais elle n’avait pas vraiment la tête à refuser à la demoiselle de la suivre dans quelques endroits que ce soit, tant qu’elle avait la confiance de s’y trouver, c’est que les événements ne pouvaient que bien se dérouler. Enothis donc se laissa simplement balader au bras de la demoiselle, amusée par cette proximité qui s’était installée entre elles avec la délicatesse de deux femmes blessées par un bourbier tout simplement incompréhensible et à la moralité discutable en tout point. Et oui, elle avait conscience de l’étrangeté de ces éléments mais c’était le cas. Quelque chose dans l’instant où elle s’était lovée contre elle, où elle avait cherchée à rassurer la femme à la belle tenue rose, où elle lui avait appliqué avec mesure un baiser qui n’avait rien d’anodin, avait suffit pour les amener finalement à cet instant de grâce, là où la confiance et le soutien régnait. Elle sourit délicatement en l’entendant parler de love hotel, connaissant de réputation ces lieux mais n’ayant, en l’instant, aucune raison d’y voir plus de débauche qu’elle n’en avait subit durant les dernières heures, et acquiesça légèrement lorsque son amie évoqua le fait de lui parler de son passé en ces lieux. Elle aurait été ravie de le savoir dès maintenant, mais semblait devoir attendre :
« Tu me laisses quelques minutes. Je vais voir Hana et je reviens avec les clés d’une chambre.
- Points de souci, je ne vais pas non plus disparaître n’ai crainte. Je t’attends Lissandre. »
Elle mettait, malgré elle, l’emphase sur le prénom de son amie. Il y avait quelque chose d’important pour elle dans le fait de l’appeler par son prénom d’abord, puis de s’adresser directement à elle ensuite, comme pour la rassurer. Aussi, prononcer ce mot était un véritable plaisir, et elle y avait appuyée le ton qui y convenait… du moins pour elle. Elle attendit dans le hall avec confiance, ne fit même pas mine de devoir bouger, ou changer de place, de peur que quelques hurluberlus s’y glissent et la prenne pour l’une des travailleuses de l’établissement. Ce qui aurait put être le cas au vu de sa tenue, tenant plus du costume érotique pour vieux pervers que du véritable habit capable de protéger sa nature et ses mœurs. Clairement, elle n’allait pas sortir de cette soirée indemne, une fois qu’elle aura reprit ses esprits, mais il y avait tant de choses mélangées, dans le pire comme dans le bon, qu’il était aussi difficile pour la jeune femme de ne pas accepter simplement ces événements comme une accumulation étrange de défis, d’épreuves incongrues provoquées par quelques divinités saugrenues, tant et si bien que sa foi naturelle la protégeait presque de l’horreur totale, la gardait … positive. Et quand finalement, elle vit son amie ressortir avec le pass électrique tout en lui tendant le bras, elle ne se fit pas prier, se glissa de nouveau auprès d’elle avec un mouvement vif et agile, captant le membre tendu entre les siens pour la suivre gaiement, comme si nul histoire ne saurait endommager son bonheur présent. Et de temps en temps, elle levait les yeux, observait chez sa compagne de la soirée les marques naissantes de la tranquillité, de la sûreté, du bonheur.
C’est ainsi qu’elles se perdirent dans les couloirs. Enfin, qu’Enothis s’y perdit, ne comprenant que mal les environs, et ayant clairement du mal à ce que ses yeux s’habituent à la lumière un peu plus conséquente de l’établissement, étant donné que les produits qu’elle avait consommée malgré elle avaient dilatés ses pupilles à leur maximum. Soyons honnête, cela allait malheureusement aussi très bien dans le sens de son aspect gothic lolita du moment. Seule jurait sa peau qui n’avait pas vraiment la bonne couleur pour ce genre d’accoutrements, du moins selon les trois-quart des pervers de ce monde, chose qui finalement ne la touchait pas trop quand elle s’en permit la réflexion. Enfin, elle put suivre sa dame d’un mur à un autre, s’amusant de la voir prendre soudainement une posture bien plus stricte, bien plus droite qu’elle ne l’avait jamais montrée jusqu’ici, comme si elle avait un rôle à tenir en ces lieux. Puis elles finirent leur rapide marche jusqu’à une porte solide, protégée par une serrure automatique répondant au pass de Lissandre. Le genre de système qu’il fait bon de voir après avoir subit plusieurs embrouilles d’affilée. Elle se glissèrent toutes deux dans la pièce qui se trouvait par delà cette ultime limite, et tandis que la française s’assurait que l’ensemble des lieux soit bien verrouillé, Enothis se laissa aller à faire quelques pas dans cette majestueuse chambrée. La lumière, bien moins vive, lui fit du bien. La légère teinte bleutée qui s’y couplait l’apaisait aussi. Elle se laissait plus ou moins bercée par les environs, et quand elle entendit sa douce amie s’écrouler sur le lit, elle fut invitée d’en faire de même… Mais elle attendit, encore un peu.
« J’espère que tu aimes cette chambre, Enothis.
- C’est très agréable Lissandre, ne t’en fais pas. Tout ce que tu as fais jusqu’ici, toujours, a été des plus agréable. »
Elle ne sut vraiment pourquoi, mais l’ambiance globale des lieux, l’aquarium paisible où quelques poissons de chatoyantes couleurs se baladaient, le plafond faussement étoilé, la petite porte un peu plus loin menant sûrement à une douche, tout cela la ramena à une réalité bien plus simple, bien plus modeste. Et cela l’apaisait, l’aidait aussi à lutter un peu plus contre le produit qui mettait son esprit sans dessus dessous. Aussi, elle se sentit le besoin de respirer. Elle inspira profondément, expira longuement. Son coeur battait vite, autant par les effets de la drogue que par le surplus d’activité et d’émotions qu’elle avait connue jusqu’ici. Il était peut-être temps qu’elle mette un minimum d’ordre, après tout elle était désormais en sécurité avec la française, aussi avait-elle le temps de se concentrer sur elle-même, mais aussi de déconstruire un peu la barrière d’illogisme complet que son esprit avait construit pour lui permettre d’agir malgré le chaos total qui était né en son esprit. Les lieux appelait à bien des choses, elle allait devoir… comprendre, être honnête, et expliciter l’ensemble de son état à la miss qui l’accompagnait. Cela n’allait pas être simple, mais elle se sentait capable d’en faire l’effort.
Elle se tourna vers le lit, visiblement aux couettes épaisses et moelleuses au vu de l’enfoncement du corps de Lissandre en elles, puis s’approcha doucement, à pas léger. Alors, elle s’installa auprès de sa compagne de la soirée, préférant s’agenouiller au sol, au bord du lit, et s’y accouder pour observer le visage clairement apaisé de la française. Difficile de dire ce qui dominait en cet instant, en son coeur. Autant dans celui de Lissandre que le sien, tant et si bien que l’égyptienne voyait mal comment reprendre la discussion, comment s’engager sur les quelques points dont elle avait l’envie, le besoin, et sûrement la nécessité de lui exprimer. Préférant alors se référer à son instinct plutôt que son esprit toujours aussi maladroit au vu de l’ensemble des effets qu’il subissait encore, elle tendit la main délicatement pour aller la passer sur la joue de sa compagne d’infortune, y apportant quelques douces caresses avant d’éloigner une mèche de cheveux, libérant plus ou moins le regard de la française pour qu’elle puisse, toute deux, s’adresser leurs regards, et ainsi y trouver confiance et honnêteté chez l’autre. Puis, doucement, Enothis s’exprima :
« C’est assez étrange tu sais ? Je veux dire, on va honnêtement pas dire que cette soirée était fort agréable. Mais une si belle rencontre au milieux de toute cette merde, c’est quand même une sacrée chance. Y’a pas mal de choses que je devrais t’avouer, je crois, rien que … eh bien parce que tu mérites que j’ai cette confiance envers toi Lissandre. »
Elle soupira un peu, détournant le regard. La douce lumière bleutée n’était pas suffisante pour maquiller la légère rougeur qui gagnait ses joues, laissant deux belles tâches pourpres naître à la vue de la française. Puis elle reprit avec un air un peu grommelant, un peu boudeur, qui allait parfaitement avec sa tenue :
« Normalement je… Je ne me mets pas dans ce genre de situation. En fait, ça fait genre … longtemps, très longtemps, que quelqu’un veille sur moi, et m’évite ce genre de problèmes. D’ailleurs, l’existence de cette protectrice est la raison pour laquelle je fuyais, à l’arrêt de métro. J’ai … pas baignée dans les meilleurs milieux et… J’ai encore une foule d’idiots qui pensent devoir me trouver et me récupérer pour que je… Eh bien que je sois l’idole d’un culte dirigé par un sombre connard avide de pouvoir. Donc en gros je ... »
Elle s’embrouillait, ça faisait beaucoup d’un coup, elle ne trouvait pas comment être plus ou moins claire, et surtout elle se doutait que Lissandre pouvait tout aussi bien ne rien en avoir à faire, encore plus maintenant qu’elle avait trouvée un lieu où pouvoir se reposer sans crainte. Mais non… Elle se devait de finir, elle ne pouvait pas rester au milieu de son explication. Qu’est-ce qu’elle voulait lui dire ? Qu’est-ce qui, en cet instant, était le plus important, le plus nécessaire à mettre en avant ? Dans le fond, où est-ce qu’elle voulait aller avec cet ensemble de propos plus ou moins maîtrisés ? Elle faisait la moue en regardant sa précieuse amie, puis se laissa tomber un peu en arrière pour s’asseoir sur le sol, ramenant ses jambes vers elle pour s’accouder sur ses genoux. Elle soupira encore, en se traitant intérieurement d’idiote, puis reprit avec un ton un peu plus hâtif, sûrement bien maladroit, mais autrement plus honnête et direct, peut-être …. peut-être que c’était ça qu’il lui fallait tout simplement. De la spontanéité et de la fraîcheur :
« En gros… J’ai vu des merdes, j’en ai vécu aussi. Et franchement, tout les connards du monde pourraient se trouver actuellement dans les rues que je n’aurais jamais abandonné. Mais être avec toi, devoir… Te faire subir cela… Je te demandes pardon, Lissandre. Parce que te rencontrer m’a été juste … extrêmement précieux. Et je te dois beaucoup. « Nous » te devons beaucoup, moi et celle qui normalement me protège. Et je tiens à toi… Alors j’aimerais faire ce que je peux pour… pour … Rah, pour t’aider à te sentir mieux. Voilà, je… Désolé, j’essaye d’être claire mais franchement, ma tête est un bordel sans nom et j’arrive à peine à rester logique. »
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Enothis était mignonne à rester à côté du lit et lui donner de douces caresses. Et que dire de ces petites rosées sur ses joues ? C’était à craquer !
Puis elle commença à lui donner un début d’explication. Lissandre fronça donc les sourcils et dut se reprendre, reconnecter les fils dans son cerveau pour que le flux de pensées circule à nouveau librement. Elle avait parlé d’une protectrice et d’un culte. Mais où était-elle ? Elle ne se souvenait pas avoir vu une femme à l’allure sévère, une sorte de guerrière en costume-cravate ou encore une femme dans des habits d’Egypte ancien. Non, vraiment, il n’y avait personne. Mais… c’était surement ça le problème pour Enothis. Elle n’avait pas été là. Elle avait été laissée toute seule. Il ne fallait pas chercher des gardes du corps digne d’un bon film de modern-fantasy.
A la toute fin de son explication, Lissandre ne put rester allongée à écouter Enothis. Elle se releva à son tour et s’assit en tailleur sur le matelas moelleux. La concentration était son regard. Le sérieux était son attitude. Elle comprenait parfaitement qu’Enothis tentait de lui dire quelque chose. Elle luttait contre… Lissandre ne savait pas quoi. Mais elle luttait. Les événements de la soirée, sans nulle doute… Cette histoire de protectrice. Il y avait quand même quelque chose d’étrange dans cette histoire. Lissandre était incapable de dire quoi. Mais son instinct d’artiste lui soufflait qu’il y avait une bonne histoire à en tirer !
« Enothis. »
Ça avait bien commencé et… quoi ajouter. D’habitude, Lissandre avait de l’énergie et des mots à revendre. En trop, même ! Mais devant cette petite bouille en-dessous d’elle ? Devant cette jeune femme qui ne trouvait pas ses mots et luttait à s’ouvrir pour elle ? Lissandre avait la gorge nouée. Elle voulait l’aider. La réconforter ! Mais comment ?
« Enothis. C’est normal que ce soit le bordel dans ta tête. Comme tu l’as dit, il nous est tombé une pluie de merde dessus. On va mettre du temps à s’en laver. D’ailleurs… »
*Est-ce que c’est vraiment une bonne idée, Lissandre ? *
Lissandre quitta le lit et se leva pour se retrouver à côté d’Enothis. Ça la dérangeait d’être aussi supérieure. Et, en même temps, ça renforçait cette idée qu’elle était la « grande sœur » qui devait s’occuper d’elle. Elle lui tendit donc la main pour l’aider à se relever. Si elle était trop groggy, ses mains s’appuieraient sur ses épaules pour lui donner l’impulsion à se mettre debout.
« Je pense qu’on devrait retirer ces vêtements. On va les jeter et les oublier. Ce sont de mauvais souvenirs et on va jeter ses souvenirs en même temps. »
Lentement, Lissandre cherchait à déshabiller Enothis. Pas d’une façon sexuelle à la voir nue le plus vite possible pour se jeter sur son corps en pâture. Non. Pas non d’une façon sensuelle pour faire monter la température. Les couleurs et l’atmosphère de la chambre étaient aux antipodes, de toute façon. Non. Lissandre voulait simplement déshabiller Enothis pour l’emmener dans la pièce à côté.
« Ensuite, je vais t’aider à prendre une douche. Ou un bain chaud si tu préfères. »
Elle se sentait bien ridicule avec sa combinaison moulante de latex rose. Enfin, c’était surtout ce qu’elle avait mis par-dessus et qui lui donnait l’impression d’être un Superman avec un slip par-dessus le legging. Mais… Lissandre baissa la tête et arrêta ses mouvements alors qu’elle pensait au super-héros. D’une voix moins assurée et avec un regard de contact entre les regards, elle avoua :
« Je ne peux pas me déshabiller… Ma peau de naissance est moins jolie que ma peau d’adoption… Et… »
Un sanglot. Des premières larmes coulent. Pourquoi ce déclic de la combinaison et pas autre chose la fait craquer ? Pourquoi maintenant ? Probablement parce qu’elle se sent en sécurité. Elle peut se reposer. Elle peut laisser son esprit abandonner les armes et se rouler en PLS. Alors les larmes coulent en silence tandis qu’elle continue à parler d’une voix de plus en plus basse.
« En plus, ma peau de naissance n’a jamais été aussi vilaine… Ils l’ont souillé… Je suis… … sale… »
Ses mains tremblaient alors qu’elle essayait d’aider Enothis à finir de se déshabiller pour se rendre dans la salle de bains.
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Ses explications oscillait entre eux éléments contraires. Enothis voulait être claire auprès de Lissandre, ne pas se voiler derrière sa méfiance naturelle, sa conscience aussi qu’elle n’était pas du tout une personne normale dans ce monde où le mysticisme est absent, mais elle ne voulait pas non plus trop en dire, devenir une étrangeté aux yeux de celle qui l’avait tant soutenue en ces dernières heures. La galerie des horreurs qu’elles venaient toutes deux de traverser ne les avait pas laisser sans blessures, et de sortir de but en blanc qu’elle était l’abri d’une entité extra-naturelle comme Emaneth pouvait aussi être la pire des choses à faire. Lui avouer que la dite entité avait déjà produit un effet sur elle, et que cet effet avait été, dans son cas, de la privé du ressenti de la douleur, pouvait encore plus créer un gouffre entre les deux femmes. Et la simple idée que Lissandre puisse ainsi lui en vouloir, ou la jalouser, parce qu’elle avait été en mesure de « profiter » des mauvais traitements qu’elle avait subie… Eh bien, était suffisamment effrayante pour influer sur la volonté de transparence de l’égyptienne. Elle ne savait pas comment Lissandre réagirait, comment elle pourrait l’entendre, le comprendre, le traduire. Il paraît que les mots changent de sens d’une bouche à une oreille, et Enothis en prenait conscience. Rajoutons la drogue et l’état de sa psyché, il était clair qu’elle ne saurait clairement pas s’exprimer avec la rigueur qu’elle souhaitait. Mais ce n’était pas grave, elle essayait. Et la réponse de Lissandre, soulignée de douceur et de considération, alla pour calmer ses peurs :
« Enothis. C’est normal que ce soit le bordel dans ta tête. Comme tu l’as dit, il nous est tombé une pluie de merde dessus. On va mettre du temps à s’en laver. D’ailleurs… »
Suivant le mouvement de son amie, de sa compagne d’infortune, l’égyptienne déplaça lentement son visage de manière à ne pas la quitter des yeux. Point besoin de l’imaginer se tordre la nuque quand la française se redressa, Enothis ne fit que la regarder au niveau du ventre, ne parvenant pas à redresser son faciès plus haut sans avoir une impression de vertige, sûrement la faute de ce qui coulait dans ses veines. En revanche, elle comprenait assez aisément les paroles réconfortantes de son amies, et pourrait encore la remercier mille fois pour cela. L’évocation de quelques formes de lavage ne fut pas non plus obscure aux yeux de la jeune femme, même si elle se demandait vraiment si ça avait encore de l’importance, avant de se rappeler combien … Les salopiauds et tête de gazon s’était permit de tristes comportements auparavant. Oui, effectivement, elle savait déjà ce dont allait parler Lissandre, et elle n’allait guère lutter contre :
« Je pense qu’on devrait retirer ces vêtements. On va les jeter et les oublier. Ce sont de mauvais souvenirs et on va jeter ses souvenirs en même temps. »
La demoiselle à la peau halée ne se fit pas vraiment attendre, et même si elle ne répondit pas à ses propos, elle alla quérir la main de son amie dans la sienne, s’en aidant sans trop forcer pour se redresser. Elle aurait put le faire seule, ses jambes étant encore largement assez solide pour le lui permettre, mais le simple fait de tenir cette main, de sentir qu’il y avait entre elles ce contact, aussi bienveillant que délicat, était en soi une bénédiction qu’elle ne se sentait pas du tout capable de refuser. Alors, quand ensuite son amie rompit cette approche pour finalement commencer à chercher, sur sa tenue, les quelques moyens d’en ôter les attaches, de la priver de cette protection aussi malsaine que nécessaire pourtant quelques instants plus tôt, elle n’eut aucune forme de rejet. Enothis se laissa faire, lui présenta même comme elle le pouvait les différents points de cette étrange affublement par lesquels la française saurait lui ôter ce fardeau ridicule. Et elle l’écoutait parler sans mot dire. Calme et silencieuse, timide demoiselle mais confiante, baignée par la lumière bleutée qui prenait de plus en plus de place sur sa peau.
« Ensuite, je vais t’aider à prendre une douche. Ou un bain chaud si tu préfères.
- Je … n’ai pas de préférences Lissandre. »
Elle voulu ajouter quelque chose, mais une sensation l’arrêta. Sa compagne de la soirée s’était mise à trembler. Elle le sentit tandis que le corset attaché à sa tenue s’était défait, délivrant alors le haut de son corps à la pénombre légère des lieux. Par quelques raisons, quelques procédés d’esprit dont elle ne pouvait être au courant, une pensée terrible venait d’affecter cette précieuse personne à ses côtés, et l’empêchait désormais de poursuivre son action, comme atteinte en plein coeur par une terrible vérité. Enothis se trouvait actuellement dos à la française, ayant dû se laisser faire, mais surtout présenter les failles de son costume aux yeux de la demoiselle pour qu’elle l’aide, l’accompagne dans ce lent et méticuleux effeuillage. Et en cet instant, elle ne savait comment réagir. Les doigts de Lissandre étaient imprécis, maladroits, faillibles. Ils résumaient à eux seuls l’état de son amie. Et sa voix, qui plongeait lentement sous les flots de l’émotion, sous les larmes qui elles provenaient du coeur, cherchant à passer au dessus de la contenance de son aînée pour emplir sa gorge et envahir son regard… Elle n’en voyait rien, mais elle l’entendit, distinctement, pinçant son coeur durement :
« Je ne peux pas me déshabiller… Ma peau de naissance est moins jolie que ma peau d’adoption… Et… En plus, ma peau de naissance n’a jamais été aussi vilaine… Ils l’ont souillé… Je suis… … sale… »
Les mots de sa belle amie à la tenue rose ne manquèrent pas de résonner aux oreilles de l’étrangère. Foncièrement, les deux avaient connus la même situation, mais ni l’une ni l’autre n’avait la même nature, les mêmes faiblesses, les mêmes… réactions. Beaucoup de choses avaient amenées Enothis à prendre le dessus sur ses blessures du soir : L’orgueil, l’inconscience, la colère. Finalement, et avec grande honte, la drogue qu’on lui avait forcée à ingérer avait eut aussi une action particulière sur sa psyché, l’amenant à prendre le dessus sur ce qu’elle vivait, à accepter l’horreur, quitte à s’y baigner entièrement. Une course tête baissée que Lissandre n’avait pas pu connaître, n’avait pas pu partager. Enothis ne découvrait que maintenant le degré d’importance de cette seconde peau qu’elle portait, et à quel point cette première atteinte qu’elle avait subie était sûrement la plus grave qu’on avait pu lui infliger. L’égyptienne entendait les larmes de sa précieuse alliée, s’en mordilla cruellement la lèvre, percée en plein coeur par un sentiment honteux de culpabilité : Elle n’avait pas déceler, même au plus clair de son esprit, même au moment où elle l’avait prise dans ses bras, quelques heures plus tôt, combien il s’était joué quelque chose de crucial aux yeux de Lissandre… Alors en cet instant, elle eut la volonté d’agir, d’avoir le bon mot, la bonne réaction. Mais rien ne lui venait. L’ambiance aussi bleutée que ne l’est la tristesse, le calme aussi pesant que les sanglots de sa chère camarade étaient audibles, l’impuissance aussi insupportable que la peine que devait ressentir la française. En ce court instant de flottement, Enothis se sentit parfaitement inutile.
Puis le coup de fouet. Peut-être un trop plein ? Peut-être que les effets des drogues s’estompaient ? Une lucidité nouvelle en tout cas reprenait place dans l’esprit de l’égyptienne, comme si la logique venait enfin recoller les morceaux disparates et confus de son être pour leur offrir un semblant de sens. Les événements lui parurent bien plus clairs. Ce qu’elle se devait de faire aussi.
« Lissandre, je… Peut-être que je vais être … incorrecte, alors… ne m’en veux pas, s’il-te-plaît. »
Son amie ayant déjà fait tout le travail, il ne resta plus à Enothis qu’à tirer sur l’un des rubans de sa tenue qui enserrait sa taille, et ainsi, faire tomber le reste de son maudit costume. En un instant, elle se trouvait ainsi entièrement nue, livrée finalement à l’observation éventuelle de quiconque aurait le malheur de se trouver dans la pièce, ou de les espionner, mais cette idée ne frôla pas un instant son esprit. Non, au lieu de cela, elle se retourna, faisant face alors à la française en proie au plus terrible des chagrins, à la plus douloureuse des peines. La distance entre elles était infime. Pourtant, après un infime instant, la lycéenne fit un pas en direction de son aînée, se posa contre elle, sa poitrine appuyant légèrement sur celle de Lissandre, tandis que ses bras vinrent se passer de part et d’autres de ses flancs, l’enlaçant dans une étreinte aussi délicate que possible. Il y avait de l’amour dans ses gestes. Difficile de parler de se sentiments sans y apporter mille détails, toutes les formes d’amour ayant leur part de particularités. Ici, il y avait de l’attirance, de la bienveillance, de la bonté, de l’écoute, quelque chose de triste aussi dans la lenteur mesurée qu’appliquait Enothis à cette approche. Comme si son amie pouvait, d’un simple geste, lui signifier de cesser, couper court à cette action. Mais la jeune femme l’amena à terme, attira à elle la détresse personnifiée, vint la quérir dans une étreinte où la demoiselle avait une posture que l’égyptienne aurait, normalement, détester avoir, tant on la lui avait forcer à prendre : celle d’une sauveuse, celle d’une rayonnante et intouchable entité divine. Un ange gardien. Elle n’était rien de cela dans le fond… mais elle voulait soulager sa précieuse amie, sa précieuse camarade :
« Lissandre, c’est… terrible. Combien t’entendre souffrir me peine, me déchire le coeur, c’est insoutenable. Alors, je me doute que mes mots n’ont pas vraiment de poids face à l’outrage que tu as subit… Mais tu es merveilleuse à mes yeux, et j’aimerais avoir le pouvoir d’être, si ce n’est l’origine du moindre soulagement, au moins l’âme qui te soutiendra en toute instant. Mes mots de plus tôt étaient sincères, malgré mon état. Si je dois m’écrouler cette nuit dans la pire des lubricités, je veux au moins avoir le droit de désirer que ce soit avec toi… ainsi seulement serais-je capable de le subir. J’aurais déjà perdue la tête sans toi. J’aurais perdu, tout simplement. »
Elle savait que c’était déplacé… mais elle approcha ses lèvres des siennes, les y apposa avec chasteté, caressant seulement celles de Lissandre comme pour venir y apposer le sceau de ses aveux, de ses promesses. Le baiser suivant, elle l’offrit à cette peau que Lissandre semblait tant haïr, celle de sa naissance. Un baiser simple, encore une fois, une simple marque d’attention.
« Je t’apprécies Lissandre. Sincèrement. Dans ta peau d’adoption, ou avec cette peau qui semble te faire craindre les pires apparences. Tu peux me rétorquer que je ne sais pas de quoi je parle, et c’est sûrement vrai… Mais alors, permets moi de laver mes affronts en prenant soin de toi, comme tu souhaites prendre soin de moi. Tu… Tu n’as pas de rôles à prendre envers moi, tu sais ? Cette nuit nous… Nous avançons ensemble, et je souhaite, juste, juste… être présente pour toi. Pour te laver quant tu me laveras, pour t’accompagner quand tu te déplaceras, pour te tenir contre moi quand tu dormiras. Tombons ensemble, redressons nous ensemble, tenons bon ensemble. »
-
Des pleurs en silence. Malgré le déclic qui avait amené toute cette douleur dans son cœur, Lissandre continuait à vouloir jouer l’adulte chez qui tout allait bien. Elle ne pouvait pas se permettre de craquer davantage. Elle voulait protéger Enothis et… Enothis aussi voulait protéger Lissandre. Alors pourquoi continuer à jouer la comédie alors que toute cette putain de soirée était une tragédie ? Les deux filles étaient dans un câlin. C’était le moment parfait pour masquer ses sentiments et se laisser aller.
*Je jure qu’ils paieront. Je ne sais pas comment mais ils paieront ! Tête de gazon et Papy voyeur deviendront les pires personnages de mes histoires. Ils prendront tellement chers que ce sera ma revanche. Oui, pas de revanche dans la vraie vie. Dans mes histoires. Et je ferai en sorte de les exposer publiquement ! *
Avant le premier baiser, Enothis réitéra sa demande de sexe. Lissandre était incapable de savoir si elle le voulait vraiment, si c’était la drogue ou encore les événements. Elle ne savait pas. Mais l’intensité dans ses mots la touchaient. Elle-même ne savait plus ce qu’elle désirait. Elle était partagée. Il y avait la revanche contre les « méchants ». Il y avait la mise au repos et l’ambiance de cette chambre dans un love hôtel semblait la câliner. Mais… elle devait se l’avouer, la petite bouille d’Enothis, sa poitrine généreuse et ses jolis mots la réchauffaient de l’intérieur. De la chaleur humaine en partie, mais aussi un début de feu dans son bas-ventre.
Puis le premier baiser. Elle se sentit comme une princesse dans un film Disney. Ce premier baiser stoppa net ses pensées. Elle regarda Enothis sans comprendre ce qu’il se passait. Ce n’était plus elle qui détenait le rôle de protectrice. De par ce baiser, c’était maintenant Enothis la « grande ». Elle pouvait se laisser aller aux douceurs et aux attentions de la « petite sœur ».
Ce baiser sur sa peau nue… Un frisson parcourut tout son corps. Les lèvres d’Enothis étaient douces et… elle voulait que ses lèvres posent d’autres bisous un peu partout sur son corps. Sur sa… peau de naissance.
« Enothis… »
Il y avait toujours des barrières qui s’imposaient, qui se mettaient sur son passage pour atteindre Enothis.
« Je ne sais pas… Peut-être que… Je… »
Elle se mit à trembler. Pas de plaisir. Elle-même ne savait pas trop pourquoi. La peur ? Probablement un début d’explication. Lissandre ressentait que ce qui allait suivre serait le franchissement d’un point de non-retour. Ce qui allait suivre allait changer des choses. Les conséquences dans le futur étaient impossibles à prédire.
Lissandre s’en alla brusquement dans la salle de bains !
Si elle se retournait maintenant pour donner une explication, si elle prenait le temps de dire quelques mots : non… elle ne pouvait pas. Elle savait que son geste soulevait des questions. De l’incompréhension. Probablement même de la douleur. Mais Lissandre devait être égoïste pour pouvoir donner. Elle devait d’abord penser à elle avant de pouvoir prendre soin d’Enothis. Alors, dans la salle de bains, elle fouilla dans les tiroirs des meubles. Il y a des jouets sexuels, il y avait des préservatifs : il y avait forcément des tas de choses pour faire du sexe. Mais ce n’est pas ça qu’elle cherchait. Sa main tira un nouveau tiroir et : « bingo ! ». Une paire de ciseaux. Sans prendre le temps de réfléchir, sans se donner un instant d’hésitation : les lames d’acier froides glissèrent entre sa peau de naissance et sa peau d’adoption.
Sa précieuse combinaison moulante de latex rose : éventrée.
Lissandre en souffrait. Elle savait que c’était dans sa tête. Mais son pouvoir d’imagination qu’elle travaillait et améliorait depuis des années lui donnait des images à voir derrière ses rétines : celle d’une lame qui tranchait son corps. C’était un vêtement, elle le savait. Mais c’était comme se suicider. Comme ses samouraïs qui se tranchaient le ventre pour faire le seppuku. C’était douloureux et de nouvelles larmes coulaient sur son visage.
Ses genoux tombèrent contre le sol. Agenouillée, Lissandre ne pouvait plus bouger. Sa main rebondit sur le sol, la paire de ciseaux toujours coincée dans ses doigts. Elle tourna le visage vers Enothis :
« Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à aller jusqu’au bout. Ça me fait trop mal. Vois comme je saigne tant… »
Elle ne saignait pas. C’était le pouvoir de son imagination et les séquelles de la soirée qui lui donnait cette impression de s’être vraiment coupée la peau. Ce n’était que le latex qu’elle avait coupé. Quant à la combinaison, les lames froides d’acier avaient coupé depuis le cou jusqu’au niveau du nombril. Mais il restait encore quelques centimètres de latex avant de rejoindre la fermeture éclair au niveau de l’entrejambe. Quelques centimètres pour finir de saccager cette peau d’adoption. Quelques centimètres pour « se mettre à nue »…
-
« Enothis… »
Il y avait du trouble dans cette voix. Du doute et de la crainte. De l’incompréhension et de la confusion. Il y avait l’aveu honnête de Lissandre, qu’elle n’exprimait pas par des mots, mais par l’ensemble de son être, de sa posture à ce tremblement qu’elle ne semblait pas comprendre dans ses mots. En un sens, un court instant, Enothis ne put s’empêcher de se féliciter d’avoir en grande partie dégrisée. Elle savait que ce n’était pas que de son fait, que les lieux, délicats et à l’ambiance ouaté, lui avait permit de reprendre ses esprits, au moins suffisamment pour qu’elle ne soit plus une jeune femme en pleine crise de contradiction, mais une femme qui en avait souvent bien assez vu pour savoir que l’horreur d’un moment pouvait mener aux plus complexes des blessures. Ce que la belle aînée en face d’elle traversait n’était pas un cas impossible à comprendre, ni même un mystère de l’âme humaine. Il s’agissait, et elle l’analysait de plus en plus finement, de la balance entre la force morale et la force mentale d’une personne. Lissandre, comme tout autre, s’était construite sur des points que l’égyptienne ne pouvait pas connaître, ayant fait la rencontre de la française il n’y a que quelques heures. En revanche, elle avait actuellement la capacité de remarquer que ces points cruciaux s’étaient effondrés. Qu’ainsi, la belle femme aux deux peaux se trouvait perturbée, instable, perdue, et n’ayant plus la capacité de se raccrocher à ses valeurs ou ses croyances, elle était en train de perdre pied. De ce genre de situation, il existait deux finalités : la dépendance ou la renaissance.
Du moins, ce blabla, elle le connaissait bien pour l’avoir entendu bien trop souvent des lèvres d’un hommes aux mœurs autrement plus vile que tout les salopards qu’elles avaient croisées cette nuit. L’actuel chef du culte dont elle avait fait partie. Le type qu’elle fuyait comme la peste. Et si elle n’aimerait jamais avoir à lui accorder un brin de raison, elle savait qu’il se cachait derrière ces mots une part de vérité : Une personne affaiblie dans ses fondations, dans son être, pouvait être suffisamment fragile pour trouver dans la présence d’une personne confiante son ultime moyen de ne pas s’effondrer. Sauf qu’elle ne voulait pas faire subir cela à Lissandre. Elle ne voulait pas être le pilier de sa raison. Elle voulait l’aider à dépasser cette horreur par elle-même. Elle voulait être une amie, pas un mentor ou un gourou. Et cela allait se jouer sur une corde très, peut-être trop, fine.
« Je ne sais pas… Peut-être que… Je… »
S’apprêtant à lui répondre, la jeune femme à la peau de cuivre n’eut pas le temps d’entre-ouvrir ses lèvres que son amie quitta définitivement son contact, s’éloignant précipitamment pour aller chercher quelques objets à l’intérieur de la proche salle de bain. Si Enothis ne pouvait pas vraiment se permettre de l’en empêcher, elle fit toutefois le choix de la suivre, de se mouvoir en direction de la porte, et de venir se placer curieusement dans l’encadrement, observant de cette place respectueuse de l’intimité de Lissandre ce qu’elle était en train de faire. Peu à l’aise avec les affaires du sexe, ou tout du moins trop peu versée dans ce monde pour s’en trouver impassible, la vision des sex-toy ne manqua pas de la surprendre, la perturbant suffisamment pour qu’elle en vienne à rougir un peu, détournant le regard prudement en premier lieu. Puis le retour de sa curiosité. Envers Lissandre, envers ces objets aussi, comme une jeune fille qui se retrouvait à voir pour la première fois quelques interdits que ses parents lui aurait sommé de ne pas franchir. Et si ce fut d’abord ces outils de plaisir qu’elle contempla avec les yeux d’une jeune vierge un peu effarouchée, ce qu’elle n’était pourtant plus depuis quelques temps maintenant, elle fut finalement attirée par le comportement de cette précieuse compagne au coeur de la salle de bain, dont les tremblements, les soubresauts et les gémissements craintifs laissaient entendre une toute autre forme d’urgence. L’égyptienne fit un pas en sa direction, puis deux, avant de sursauter quand elle vit soudainement son amie s’effondrer, tombant à genoux, dos à elle. Elle ne voyait pas ce qu’il se passait, mais ne pouvait ignorer la gravité qui s’était installé dans l’air. Quelque chose de crucial se produisait, et la corde fine à laquelle elle pensait plus tôt venait de se tendre encore un peu plus, s’apprêtant à rompre.
Quand le regard de Lissandre se tourna vers elle. Quand son visage bordé de larmes se révéla à ses yeux. Quand elle vit le brillant des ciseaux scintiller entre les doigts de la française, elle comprit.
« Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à aller jusqu’au bout. Ça me fait trop mal. Vois comme je saigne tant…
- Attends moi Lissandre, d’accord ? »
Elle le lui dit instinctivement. Et ce ne fut pas pour s’éloigner, non, mais pour lui intimer de ne pas en faire plus tant qu’elle ne s’était pas encore trouvée à ses côtés. Sans un mot de plus, elle parcourut en un rien de temps la distance qui les séparait, et avec grand calme vint s’agenouiller derrière son aînée, plaçant ses mains délicatement sur les bras de la française. Un contact léger, un contact qu’elle souhaitait apaisant. Elle avait deux choix devant elle, et ne savait pas lequel favoriser. Car elle savait que si elle prenait les devant, si elle agissait au détriment des peines et des difficultés de Lissandre, elle ne lui permettrait pas d’avancer, elle l’enfermerait dans ses problèmes, la rendrait … Dépendante de sa présence pour lutter contre ses maux. Mais si elle cherchait à enjoindre Lissandre de finir elle-même son action, de venir lutter contre ses troubles, contre les illusions et les créations de sa psyché, elle pouvait aussi provoquer autre chose, une blessure infinie, une forme de destruction que personne ne pourrait réparer. Un choix draconien. Elle fit glisser ses mains le long des bras de sa compagne d’infortune, amenant ses doigts à effleurer seulement son corps, sans jamais n’y apposer la moindre pression. Être une amie, une forme de réconfort, ne pas appliquer la moindre forme de force, ne pas apporter le moindre signe de prise de pouvoir, de supériorité. C’était déjà un premier objectif qu’elle pouvait se fixer, tandis qu’elle approchait des poignets de son amie, qu’elle était déjà en partie contre elle, le nez dans ses cheveux, le souffle sur sa nuque. Peut-être… Peut-être qu’elle pouvait faire quelque chose. Sans être lâche et sans être tyrannique :
« J’ai confiance en toi Lissandre, tout comme… Tout comme je crois que tu me fais confiance. Et tu sais que je ne te ferais pas de mal, n’est-ce-pas ? Alors concentre toi sur cela. Que je ne te ferais pas de mal. Que je ne peux te faire du mal. Que si mon geste accompagnes le tien, nous arriverons à accomplir cela. Parce qu’avec cette confiance, nous pouvons nous assurer que tu ne souffriras pas. Je tairais les tremblements de ta main afin de te permettre d’aller au bout. »
Des mots, les plus rassurants qu’elle pouvait avoir. Un peu de suggestion aussi, celle que sa présence, dans l’instant, serait à même de l’amener à en pas souffrir. Honnêtement, Enothis n’appréciait pas vraiment d’agir ainsi, de contrer l’illusion par une autre. Mais dans ses évocations, elle cherchait à assurer la place centrale de Lissandre dans cette action. C’était elle qui faisait ce choix, c’était elle qui ferait le mouvement finale. De cette manière, l’égyptienne souhaitait lui faire passer ce message : « Elle, Lissandre, était la personne qui pouvait faire cela, en son âme et conscience, car elle en était capable sans souffrir ». C’était… tordu ? Maladroit ? Au moins espérait-elle que ce ne sois pas mauvais de sa part. Elle ne voulait pas ressembler au connard qui l’avait manipulé, qui avait manipulé Emaneth, et l’ensemble des membres du Choeur. Elle cherchait par son action à ce que Lissandre reste indépendante. Bien sûr, Enothis se rendait bien compte que ce n’était sûrement pas aussi simple et aussi tranché que son esprit le concevait actuellement, mais elle ne pouvait pas faire mieux que de se raccrocher à cette volonté pour assurer à la belle française de ressortir de cette épreuve sans en porter une éternelle blessure. En tout cas, après avoir laissée ses mots glisser dans l’oreille de son aîné avec toute la tendresse qu’elle pouvait y allouer, l’égyptienne acheva son mouvement, et plaça ses doigts sur le dos de la main ‘‘armée’’ de sa compagne. Un toucher timide mais présent, un contact léger mais tangible. Un accompagnement délicat qu’elle souhaitait lui offrir, en prouvant aussi qu’elle-même ne tremblait pas, qu’elle avait de la force à revendre, et qu’elle la lui confiait volontiers.
« Respire doucement Lissandre. Je t’accompagne, du début à la fin. Du moment le plus doux au moment le plus dur. Je suis avec toi pour t’aider à faire le pas, et te suivrais jusqu’au bout. Je n’attends que ton signal pour m’assurer que tout se passe au mieux. Et si tu souhaites que je fasse le premier geste, dis le moi. Mais je respecterai ton choix. »
-
Les doigts dans la paire de ciseaux ne tremblaient plus. Le geste était toujours retenu par des forces invisibles. Mais Lissandre avait trouvé une oasis de sérénité. Elle se tenait dans son dos. Elle ressentait sa chaleur humaine, ce qui lui permit de fermer les yeux. Une grande fatigue lui tomba dessus. C’était comme si elle était arrivée au bout de ces peines, comme si elle arrivait à la fin d’une course à pied et que le mental lâchait : faisant réaliser au corps à quel point critique il se trouvait. Alors Lissandre soupira/expira avec bruit.
« Merci, Enothis. Merci beaucoup d’être avec moi maintenant. »
Tout aurait été plus simple si Enothis avait pris le contrôle de sa main. Ou mieux ! Du ciseau pour couper les quelques centimètres de latex rose qui maintenant encore le tout dans une forme encore reconnaissable de vêtements. Mais non, Enothis avait déployé des trésors de manipulations pour lui laisser pleinement le contrôle du reste de sa vie. Sa destinée était entre ses mains. Lissandre devait prendre cette décision seule. Mais déjà elle ne souffrait plus d’hallucinations. Encore hésitante sur la suite, elle se savait en sécurité et en relative sérénité.
« Mais je n’ai pas encore la force d’aller jusqu’au bout de mon action. Je ne sais pas si j’aurai la force mais je ne veux pas que tu fasses ce geste à ma place. Dans l’immédiat, j’adorerais. J’ai presque envie de crier et de te supplier de le faire pour moi. Mais je me sentirais à tout jamais endettée. Et… ce serait un supplice pour l’esprit imaginatif et hyperactif que je suis. Alors merci de ne rien faire. Merci. »
La paire de ciseaux paraissait lourde. Comme si elle voulait finir de dévorer cette matière rose et étrange. Mais Lissandre ne pouvait permettre à cette créature d’acier d’agir à sa guise. Et… Mais… Pourquoi en fait ? Ce serait si simple de laisser le bras de la gravité l’aider à finir le travail. Pourquoi résister dans ce cas ? Lissandre était une belle femme. Forcément qu’elle avait dû retirer cette combinaison de latex de temps à autre. Evidemment que des hommes et des femmes l’avaient vu complètement nue. Et elle avait reçu beaucoup de compliments. Alors pourquoi faire un tel blocage ?
Soudaine, la révélation.
*Pour ne pas être comme tout le monde ! *
Un début de sourire. La paire de ciseaux n’était plus aussi lourde. Maintenant qu’elle comprenait pourquoi, elle commençait à accepter. Très bientôt, elle passerait à l’acte. Elle finirait le mouvement qu’elle avait initié. Il fallait simplement répondre à cette question : comment ne pas être comme tout le monde ?
*Je vais couper la combinaison. Je le sais maintenant. *
« Je vais renaître. »
Des mots prononcés à voix basse.
« Je vais me réinventer, Enothis. Oui ! C’est le moment où je vais sortir de ma chrysalide et devenir le papillon que j’étais destinée à devenir ! »
Avec l’arrivée de l’excitation, le geste avait été finalisé. Ça avait été comme les séances de piqure chez le médecin. On dit qu’on va piquer à trois. On fait le compte et on pique avant. Lissandre venait de faire exactement la même chose.
« Je suis libre, Enothis ! Libre : ah ah ah ! »
Elle se releva d’un bond. Elle se sentait légère. Des frissons parcoururent son corps. Certains d’excitation, d’autres de froid à ne plus être vêtue de rien.
« Je vais me faire tatouer. Oui, c’est ça. Je vais transformer mon corps en œuvre d’art vivant ! Quelque chose de géant. Quelque chose de magnifique. Un full tattoo en rose ? Mmm… Oui, pourquoi pas ! Ah ah ah ! »