« Ces salopes sont dangereuses, Véra... Je n’aime pas aller les voir.
- C’est pourtant grâce à elles que je suis ce que je suis, non ?
- J’ai dû m’endetter auprès d’elles pour faire de toi une démone, Véra. On ne transforme pas un humain en démon si facilement. »
Les séjours de sa captivité en Enfer étaient encore un peu flous pour Véra. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle préférait volontiers gérer son marquisat à Ashnard loin de son mari. Néhéhim (https://i.pinimg.com/originals/50/71/3e/50713ee244520be6d6ac61bd5fa7fbe3.jpg) était un redoutable démon, terrible au lit, qui laissait à Véra la gestion du marquisat ashnardien, mais lui imposait régulièrement de revenir, quand lui-même ne venait pas juste pour la saillir. Pour Véra, il était difficile de dire ce qui dominait le plus quand elle songeait à Néhéhim. Haine ou amour ? Le démon avait fait d’elle une redoutable démone en brisant son corps, en remodelant son esprit, mais aussi en se rapprochant de redoutables démones, des espèces de sorcières reconnues pour leur dangerosité dans le Royaume des Démons. Trois Princesses infernales ayant fondé leur propre clan, et qui étaient toutes les trois originaires de trois Cercles différents : Orgueil, Luxure, et Gourmandise. Faute de leur trouver un nom précis, on appelait ces femmes Les Maîtresses (https://orig00.deviantart.net/4553/f/2013/292/a/4/a4a3f61f35424fb938b87c4b9942d799-d6r0x8x.jpg).
Pour transformer Véra en démone, et pour rendre son âme réceptive à la magie, Néhéhim avait fait appel à elles. Elles avaient récupéré le corps brisé de la femme, et avaient insufflé en elle un fragment d’énergie démoniaque. Bien qu’elles ne disposaient d’aucun Cercle, les Maîtresses étaient craintes même par les Grands-Princes en personne. Elles disposaient d’une solide forteresse accessible par plusieurs ponts métalliques suspendus, de longs ponts surplombant un ravin abyssal, un vide sans fin. Au centre de ce ravin gargantuesque, il y avait l’énorme forteresse des Maîtresses.
Le chariot de Véra et de Néhéhim avaient quitté le domaine de son époux pour y aller, s’avançant le long de longues grottes rougeâtres.
« Je ne leur suis redevable de rien, Néhéhim, je n’ai pas contracté avec elles... »
Un ricanement s’échappa des lèvres de Néhéhim, dont la longue langue violette se mit à claquer dans le vide, comme pour se moquer d’elle. Le chariot s’arrêta brusquement. Véra fronça les sourcils en entendant du bruit, et sortit du chariot. Les gardes parlaient entre eux, et elle s’approcha des cavaliers de tête.
« Qu’est-ce qui se passe ?
- Nous avons repéré quelque chose, Maîtresse ! »
Véra regarda devant elle, et aperçut alors, couchée sur le sol, une étrange femme blonde avec des cornes sur la tête.
« Qu’est-ce que... ?! »
Intriguée, elle se rapprocha, tandis que les gardes, méfiants, se tenaient sur leur garde.
Qui était donc cette femme ? Curieuse, Véra se rapprocha d’elle, bien décidée à en savoir plus...
Cette créature était... Très étrange. Très particulière. Véra l’observa silencieusement, sentant en elle des gènes démoniaques, mais... Pas uniquement. Quand la créature émergea, elle comprit vite avoir affaire à une créature hybride, une mutante, ce qui était plutôt rare. Généralement, les gènes démoniaques avaient tendance à gommer toutes les autres gènes, mais la génétique était une science encore très méconnue, réservant bien des surprises... Comme cette surprenante créature épuisée qui avait croisé la route du convoi de Véra. Les gardes de la Marquise froncèrent lentement les sourcils en apercevant la créature, mais comprirent, eux aussi, assez rapidement, qu’elle n’était pas dangereuse.
Quand elle demanda de l’eau, Véra se retourna vers un démon, qui attrapa lentement sa gourde, et l’approcha de sa supérieure.
« L’eau est une denrée rare par ici, jeune femme... » fit observer Véra en récupérant l’objet.
Très rare, même. Il y avait bien longtemps que l’eau ne s’écoulait plus depuis l’Enfer, si ce n’est l’eau de certains fleuves infernaux comme le Styx ou l’Achéron, mais il n’était guère conseillé d’y boire, vu la toxicité et la nocivité de ces fleuves. Cette eau-ci venait tout droit des réserves de la Marquise, des gourdes et des tonneaux qu’elle ramenait en Enfer. L’eau était un bien indispensable pour tout le monde, y compris les démons, mais ce devait être encore plus vrai pour une démone ayant des gènes inférieures en elle.
Véra lui tendit donc sa précieuse gourde, ce qui, en soi, était le signe qu’elle lui vouait une certaine sympathie.
« Qui es-tu exactement, ma belle ? Qu’est-ce qu’une... Euh... Qu’est-ce qu’une femme comme toi fabrique ici ? Ce n’est pas vraiment un endroit pour faire la sieste... »
Somme toute, Véra ignorait encore comment qualifier cette femme...