http://www.youtube.com/watch?v=UH7S7MTVVQU ( Jippu )
ou
http://www.youtube.com/watch?v=3EloEMyAWXA ( Within Temptation )
Ce qui prenait au tripes était sa tristesse. On pouvait la sentir, de prés comme de loin. On devinait son coeur qui se dégradait, son corps qui tombait en lambeaux, ses yeux qui se vidaient de leur éclat. Je l'avais connue joyeuse, souriante, insouciante. Cette période de la vie où elle ne pleurait que parce qu'une grosse araignée lui avait fait peur. Et aujourd'hui, je la voyais sur cette chaise, face à cette fenêtre, son visage inerte teintée par la lumiére du soleil. Elle n'avait pas levée les yeux en me voyant arriver. Elle ne m'avait pas reprochée mon retard. Elle n'avait rien fait qui puisse me faire sourire ou m'énerver, non, rien. Elle restait dans son fauteuil, regardant la fenêtre.
Elle était belle. Sa peau lisse était pâle et je le devinai froide. Je sentai à nouveau le contact de sa peau contre mes mains, quand j'effaçai ses larmes le soir où elle avait du chagrin. Ses cheveux noirs tombaient autour d'elle, comme une cascade qui avait interrompue sa chute. Son seul maquillage était ses lèvres rouges, que j'avais envie de toucher, encore une fois, d'embrasser. Mais je me retenais.
Un long moment de silence passa. Moi, devant la porte, ma valise à la main, immobile. Elle, prés de la fenêtre que la pluie cinglait, les mains sur ses cuisses, immobile autant que moi. Elle clignait à peine des yeux.
- C'était moi qui t'avais offert ce fauteuil, tu te souviens ? finis-je par prononcer.
Elle ne répondit pas. C'était comme si je n'existais plus pour elle. Je la voyais s'éloigner, malgré qu'elle soit à quelques métres de moi. Je n'osai pas l'approcher. Je baissai la tête, ravalant ma gêne et mes souvenirs. Je la voyais sourire, dans mes souvenirs. Je la voyais courant dans les longues herbes, se retournant, le visage fouetté et caché par sa criniére noir, me hurlant de la rejoindre. Je me voyai lui tomber dessus en riant.
- Je suis contente que tu sois venue.
Elle avait prononcé ces mots doucement, sans cesser de fixer le dehors. Un instant, je pensai avoir rêvée. Il m'était impossible d'imaginer qu'elle puisse prononcer ces mots. Qu'elle puisse parler. Je me contentai de me mordre plus violemment la lèvre, grimaçante de tristesse.
- Je ne veux pas voir ton visage avec tes larmes, continua t'elle d'une voix douce. Tu sais que je détestes ça.
- Je le sais, oui, répondis-je.
Elle cligna longuement des paupiéres, et se tourna légérement vers moi, plongeant ses yeux azurs dans les miens. Avant, je m'y baignais avec plaisir, dans ses yeux qui invitaient à venir jouer, parler. Désormais, ils n'étaient plus rien pour moi. Juste deux orbites bleues, qui ne signifiaient plus rien pour moi. Je n'y lisais plus l'insouciance, j'y lisais la détresse. Elle avait conservée son accent dont je n'avais connue la provenance. Elle me fit signe d'avancer vers elle, ce que je fis avec méfiance et inquiétude. Elle m'invita à m'asseoir sur son lit, en face du fauteuil.
Un moment durant, elle ne prononça plus un seul mot. Puis elle poussa un long soupir, soulevant sa poitrine.
- Je suis contente que tu sois venue, répéta t'elle. Mais tu sais trés bien que c'est sans espoir.
Je baissai les yeux.
- Je sais que tu ne voulais pas entendre ça, ma belle. Je sais que tu t'y accrochais, que tu y croyais. Moi même, j'y ai cru, continua t'elle.
Je sentis les larmes venir au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche. Je voulais réfréner mes sanglots, mais je savais qu'elle venait de détourner le regard, pour ne pas me voir dans cet état.
- Je ne t'oublierais jamais, lâcha t'elle dans un soupir. Et je sais que tu oublieras, toi.
Une larme coula sur ma joue. Elle se contenta d'ignorer ma tristesse et mon desespoir. Je me levai, sans un mot de plus. J'attrapai ma valise de mes mains tremblantes. Je me dirigeai vers la porte. Au dernier moment, je me retournai, pour voir son visage inerte.
- Je ne me sens pas capable de t'oublier, répondis-je d'une voix trempée de sanglots.
- Peut-être, répondit-elle sans me regarder.
- Bonne chance pour ... ton mariage. Pour ta famille. Bonne chance.
Pas de réponse. Je sortis doucement, refermant délicatement la porte sur celle que j'aimais plus que tout, avec délicatesse, sans oser briser mes souvenirs. J'entendis le rire d'une enfant, je la vis arriver vers celle que j'aimais plus que tout, et ses yeux vides se remplirent de bonheur.
Je n'étais même plus capable de lui offrir de quoi ranimer son regard.
Je partis sans rien dire. Ne pas briser mes souvenirs ...